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2000-588(EI)

ENTRE :

CONRAD L'ESPÉRANCE,

OPÉRANT CONRAD L'ESPÉRANCE ET FILS ENR.,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Appel entendu le 31 janvier 2001 à Montréal (Québec), par

l'honorable juge suppléant J.F. Somers

Comparutions

Pour l'appelant :               L'appelant lui-même

Avocate de l'intimé :         Me Annick Provencher

JUGEMENT

          L'appel est rejeté et la décision rendue par le Ministre est confirmée selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour de février 2001.

J.F. Somers

J.S.C.C.I.


Date: 20010227

Dossier: 2000-588(EI)

ENTRE :

CONRAD L'ESPÉRANCE,

OPÉRANT CONRAD L'ESPÉRANCE ET FILS ENR.,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge suppléant Somers, C.C.I.

[1]      Cet appel a été entendu à Montréal (Québec) le 31 janvier 2001.

[2]      L'appelant interjette appel de la décision du ministre du Revenu national (le « Ministre » ), selon laquelle l'emploi exercé par Martin L'Espérance, le travailleur, au cours de la période en cause, soit du 15 avril 1997 au 15 janvier 1999, auprès de Conrad L'Espérance, opérant Conrad L'Espérance et Fils Enr., le payeur, n'était pas assurable au motif qu'il n'y avait pas de relation employeur-employé entre le travailleur et le payeur durant la période en litige.

[3]      Le paragraphe 5(1) de la Loi sur l'assurance-emploi se lit en partie comme suit :

            5.(1) Sous réserve du paragraphe (2), est un emploi assurable :

a)     un emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, aux termes d'un contrat de louage de services ou d'apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l'employé reçoive sa rémunération de l'employeur ou d'une autre personne et que la rémunération soit calculée soit au temps ou aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces, soit de toute autre manière;

[...]

[4]      Le fardeau de la preuve incombe à l'appelant. Ce dernier se doit d'établir, selon la prépondérance de la preuve, que la décision du Ministre est mal fondée en fait et en droit. Chaque cas est un cas d'espèce.

[5]      Le Ministre s'est fondé, pour rendre sa décision, sur les faits suivants lesquels ont été admis ou niés :

« a)        Le payeur a enregistré une déclaration d'immatriculation en nom collectif le 15 avril 1997 indiquant que : « Conrad L'Espérance et Martin L'Espérance sont deux associés de l'entreprise » . (admis)

b)          Les deux associés sont inscrits au « capital des propriétaires » de l'entreprise « Conrad L'Espérance et Fils S.E.N.C. » . (admis)

c)          Les deux associés n'ont pas signé de convention écrite entre eux. (nié)

d)          L'entreprise du payeur offrait des services de tireurs de joints. (admis)

e)          Conrad L'Espérance était entrepreneur et détenait une carte de compétence alors que le travailleur, fils de Conrad, ne possédait pas de carte de compétence et s'est associé à son père dans le but d'obtenir sa carte de compétence. (admis)

f)           Durant la période en litige, le travailleur travaillait comme tireur de joints avec son père. (admis)

g)          Le travailleur retirait de l'entreprise entre 12 $ et 16 $ par heure prétendument travaillée. (admis)

h)          Durant la période en litige, les deux associés ont cumulé leurs heures et les inscrivaient au nom du travailleur pour lui permettre d'obtenir plus rapidement sa carte de compétence. (nié)

i)           Durant la période en litige, le travailleur exploitait sa propre entreprise. » (nié)

[6]      Les seuls témoins dans cette affaire furent Conrad L'Espérance et son épouse. Le travailleur Martin L'Espérance n'était pas présent à la Cour.

[7]      La preuve a dévoilé que le payeur a enregistré une déclaration d'immatriculation en nom collectif le 15 avril 1997, indiquant que : « Conrad L'Espérance et Martin L'Espérance sont deux associés de l'entreprise. » Cette déclaration fut déposée en Cour sous la cote A-1. Les deux associés sont inscrits au « Capital des propriétaires » de l'entreprise « Conrad L'Espérance et Fils S.E.N.C. » .

[8]      Les deux associés n'ont pas signé de convention écrite entre eux. Selon Conrad L'Espérance, il a accordé 1 % des intérêts dans la Société afin de satisfaire aux exigences de la Commission de construction du Québec. Cet arrangement permettait au travailleur Martin L'Espérance d'obtenir sa carte de compétence, comme tireur de joints. Finalement le travailleur a obtenu sa carte de compétence.

[9]      Le fils recevait un salaire horaire, pendant la période en litige, de 14 $ en 1998 et 16 $ en 1999, travaillait 30 heures par semaine et était payé par chèque.

[10]     Conrad L'Espérance et son épouse étaient les seules personnes à signer les chèques. Selon Conrad L'Espérance, il affirme que son fils ne participait pas aux bénéfices et aux pertes de la Société. Le fils n'a pas contribué financièrement aux opérations de la Société. Le rapport comptable pour l'année 1998 mentionne à la nature des activités, les mots suivants : « Conrad L'Espérance et Fils S.E.N.C. exploite une entreprise de tireur de joints. L'entreprise n'est pas constituée en société par actions et les propriétaires sont Messieurs Conrad L'Espérance et Martin L'Espérance » .

[11]     Il s'agit de décider si le travailleur est un associé, avec son père Conrad L'Espérance selon la Loi sur l'assurance-emploi. La déclaration d'immatriculation déposée en preuve, le bilan préparé par le comptable et le témoignage de Conrad L'Espérance confirment que Martin L'Espérance fait partie de la Société.

[12]     Dans la cause Parent c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [1999] A.C.I. no 83, le 3 février 1999, le juge Archambault de cette Cour a fait une revue de la jurisprudence et de la Loi, des aspects déterminants et des responsabilités légales d'un associé dans une entreprise.

[13]     Les articles 2200, 2201, 2202 et 2203 du Code Civil du Québec sont pertinents pour les fins de cette cause et se lisent comme suit :

« 2200. L'apport de connaissances ou d'activités est dû de façon continue, tant que l'associé qui s'est engagé à fournir un tel apport est membre de la société; l'associé est tenu envers cette dernière des bénéfices qu'il réalise par cet apport.

2201.    La participation aux bénéfices d'une société emporte l'obligation de partager les pertes.

2202.    La part de chaque associé dans l'actif, dans les bénéfices et dans la contribution aux pertes est égale si elle n'est pas déterminée par le contrat.

2203.    La stipulation qui exclut un associé de la participation aux bénéfices de la société est sans effet. »

[14]     À la page 6 de la décision Parent (supra), le juge Archambault dit ceci :

« [26]     Le fait que monsieur Parent n'ait pas participé aux décisions de la société n'indique pas nécessairement qu'il n'était pas un associé. L'article 2216 du C.c.Q. [...] prévoit que tout associé a le droit de participer aux décisions collectives et que le contrat de société ne peut empêcher l'exercice de ce droit. Rien dans la preuve ne révèle que monsieur François Parent ne pouvait pas participer aux décisions de la société. Le fait de ne pas y participer ne signifie pas nécessairement qu'il n'avait pas le droit de le faire. On doit distinguer entre le droit de pouvoir participer aux décisions et le fait de ne pas exercer ce droit. De plus, un associé peut déléguer la gestion de la société à un de ses coassociés. ... »

[15]     Dans l'affaire Carpentier c. M.R.N., 95-1684(UI), madame la juge Lamarre s'exprime ainsi :

            « Compte tenu des caractéristiques rattachées à un contrat de société tant sous le C.c.B.C. que sou le C.c.Q. et les critères retenus par la jurisprudence pour établir l'existence d'un contrat de louage de services, il m'apparaît évident qu'un associé ne peut être l'employé de sa propre société. Puisque en tant qu'associé, il participe aux prises de décision de la société dans la poursuite de l'objectif commun de la société, qu'il en partage les profits et les pertes, il en est automatiquement le maître et ne peut donc agir en même temps à titre de subalterne pour lui-même et ce, même s'il y a plusieurs associés. »

[16]     D'après cette jurisprudence soumise, il y a lieu de conclure que le travailleur exploitait avec son père sa propre entreprise. Même si sa participation financière était minime, il était un associé participant selon la Loi. En retenant les principes énoncés dans Wiebe Door Services Ltd., c. M.R.N., [1986] 3 C.F. 553, le travailleur rendait des services au sein de sa propre entreprise et non en vertu d'un contrat de louage de services.

[17]     L'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour de février 2001.

« J.F. Somers »

J.S.C.C.I.


No DU DOSSIER DE LA COUR :       2000-588(EI)

INTITULÉ DE LA CAUSE :               Conrad L'Espérance, opérant Conrad L'Espérance                                                           et Fils Enr. et M.R.N.

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                  le 31 janvier 2001

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :        l'honorable juge suppléant J.F. Somers

DATE DU JUGEMENT :                    le 27 février 2001

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :                        L'appelant lui-même

Avocate de l'intimé :                  Me Annick Provencher

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

                   Nom :          

                   Étude :                  

Pour l'intimé :                            Morris Rosenberg

                                                Sous-procureur général du Canada

                                                Ottawa, Canada

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