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2000-2981(IT)I

ENTRE :

MARIO MARTEL,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 4 mai 2001 à Chicoutimi (Québec) par

l'honorable juge Alain Tardif

Comparutions

Pour l'appelant :                                  L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :                          Me Stéphanie Côté

JUGEMENT

          L'appel des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1997 et 1998 est rejeté, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour de juillet 2001.

   « Alain Tardif »

J.C.C.I.


Date: 20010727

Dossier: 2000-2981(IT)I

ENTRE :

MARIO MARTEL,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Tardif, C.C.I.

[1]      Il s'agit d'un appel pour les années d'imposition 1997 et 1998. La question en litige est de déterminer si l'appelant avait un espoir raisonnable de profit dans un premier temps et, conséquemment, décider si les pertes locatives réclamées étaient recevables ou non. Pour les deux années concernées, l'appelant a respectivement réclamé des pertes locatives de 3 236,91 $ et de 2 846,78 $.

[2]      L'intimée a refusé les pertes et cotisé l'appelant en conséquence, en prenant pour acquis les faits suivants :

a)          l'appelant réside au 802, rue du Chanoine-Gaudreault à La Baie et considère le sous-sol de sa résidence personnelle comme bien locatif;

b)          l'appelant a acheté cette maison, construite en 1980, le 31 mai 1988 pour la somme de 62 000 $;

c)          depuis l'acquisition de cet immeuble, l'appelant n'a fait aucune amélioration ou réparation importante dans l'unité locative;

d)          le logement n'est pas loué depuis 1996 et n'était probablement pas loué pour la majeure partie de 1995 puisque le revenu brut de location déclaré par l'appelant n'était que de 200 $ pour l'année d'imposition 1995;

e)          depuis 1989, l'appelant déclare les revenus (pertes) de location, comme suit :

ANNÉE           REVENU BRUT         REVENU (PERTE) NET(TE)

1998                              Nil                                             ( 2 846 $ )

1997                              Nil                                             ( 3 236 $ )

1996                              Nil                                             ( 3 559 $ )

1995                            200 $                                          ( 4 193 $ )

1994                         2 400 $                                          ( 2 633 $ )

1993                         2 400 $                                          ( 2 744 $ )

1992                         2 400 $                                          ( 6 191 $ )

1991                         1 200 $                                          ( 5 927 $ )

1990                         2 400 $                                          ( 1 702 $ )

1989                         1 890 $                                          ( 1 996 $ )

f)           en tout temps pertinent, l'appelant était policier et occupait cet emploi à temps plein;

g)          l'appelant n'avait aucun plan de rentabilisation durant les années en litige;

h)          l'intention première de l'appelant était de payer son prêt hypothécaire le plus rapidement possible et la location de son logement l'aidait à atteindre ce but;

i)           pour l'année d'imposition 1997, l'appelant n'a déclaré aucun revenu de location mais a cependant réclamé les dépenses locatives suivantes :

DÉPENSES                 TOTALES       PERSONNELLES      LOCATIVES

publicité                               61 50 $                             0 $                   61 50 $

assurances                         549,36 $                    274,68 $                 274,68 $

intérêts                           2 373,83 $                 1 186,92 $              1 186,91 $

réparations/entretien           333,05 $                             0 $                 333,05 $

impôts fonciers               1 898,10 $                    949,05 $                 949,05 $

services publics                   431,72 $                              0 $                  431,72 $

Total des dépenses         5 674,56 $                 2 410,65 $              3 236,91 $

j)           pour l'année d'imposition 1998, l'appelant n'a déclaré aucun revenu de location mais a réclamé les dépenses locatives suivantes :

DÉPENSES                 TOTALES       PERSONNELLES      LOCATIVES

publicité                               75,00 $                             0 $                   75,00 $

assurances                         225,00 $                    112,50 $                 112,50 $

intérêts                           1 303,74 $                    651,87 $                 651,87 $

réparations/entretien           580,00 $                             0 $                 580,00 $

impôts fonciers               1 990,82 $                    995,41 $                 995,41 $

Total                              4 174,56 $                 1 759,78 $              2 414,78 $

Total selon                     4 606,56 $                 1 759,78 $              2 846,78 $

l'appelant

(l'appelant a commis une erreur de calcul de 432 $)

k)          d'après l'appelant, ce dernier passait environ dix (10) minutes par semaine soit environ une (1) heure par mois à l'entretien général de l'unité locative durant les années en litige;

l)           l'appelant n'a réclamé aucune dépense d'amortissement pour cette unité locative puisqu'il a toujours subi une perte locative;

m)         depuis le mois de janvier 1999, l'unité locative n'est plus disponible puisque l'espace occupé par ce logement est maintenant utilisé à des fins personnelles;

n)          l'appelant n'a pas démontré que les dépenses réclamées pour les années en litige relativement à l'unité locative située dans son sous-sol, ont été engagées par ce dernier en vue d'en tirer un profit ou avec un espoir raisonnable d'en tirer un profit;

[3]      Parmi les faits pris pour acquis, l'appelant a admis les paragraphes 6 a), b), d), e), f), i), j), l) et m) après avoir été assermenté.

[4]      Au soutien de son appel, l'appelant a fait entendre plusieurs témoins; il a lui-même témoigné. Il a repris essentiellement les informations et renseignements soumis au soutien de son dossier lors de la révision, en y ajoutant quelques détails et ajouts, dont notamment le temps consacré pour l'entretien et l'administration du logement situé au sous-sol de sa résidence. L'appelant a soumis une preuve importante, voire même imposante, quant aux efforts et initiatives pris pour louer le logement à l'origine de la cotisation.

[5]      La preuve a établi que l'appelant avait fait l'acquisition d'une résidence dont le principal objectif était de loger sa famille. La résidence en question comprenait un logement au sous-sol, lequel était loué au moment de l'acquisition.

[6]      L'appelant n'a rien changé quant au logement du sous-sol; il a d'ailleurs expliqué qu'il avait pris plusieurs initiatives et fait beaucoup de démarches pour s'assurer que ce logement soit toujours occupé et/ou loué, le locataire ayant quitté les lieux quelque temps après l'acquisition.

[7]      Malgré tous les efforts, il appert que le logement a été vacant à plusieurs reprises et que, durant une assez longue période, il a été occupé par son frère.

[8]      Le logement a été décrit comme étant mal insonorisé, affecté en outre par un bruit répétitif et désagréable causé par le moteur activant un système de pompe requis par le bas niveau de la résidence.

[9]      Bénéficiant d'une entrée indépendante, le logement avait des fenêtres peu attrayantes en ce qu'il s'agissait de fenêtres communément appelées « châssis de cave » ; les fenêtres étaient de petites dimensions laissant passer peu de lumière du fait d'être situées au surcroît dans la partie supérieure des fondations de l'immeuble.

[10]     Outre tous les inconvénients physiques majeurs précédemment décrits, l'appelant, policier de carrière, a indiqué que son travail et le fait d'avoir des enfants pouvaient aussi avoir nuit ou tout au moins, réduit l'intérêt de certains éventuels locataires pour le logement qu'il désirait louer.

[11]     Je ne doute aucunement que l'appelant ait fait de nombreuses démarches et tentatives pour louer son logement, d'autant plus que les revenus lui permettaient de réduire les dépenses inhérentes à l'occupation des lieux. Cette preuve fut d'ailleurs l'objet principal du témoignage de l'appelant et de ses nombreux témoins qui ont d'ailleurs largement démontré cette réalité.

[12]     L'immeuble où était situé le logement à l'origine du litige était d'abord et avant tout la résidence familiale privée de la famille de l'appelant; la vocation première et fondamentale était donc de loger sa famille.

[13]     Le logement à l'étage inférieur bénéficiait d'un accès indépendant. Bien que les dimensions étaient à peu près comparables à la surface du rez-de-chaussée, la qualité des lieux et la qualité d'habitation ne pouvaient carrément pas être comparées aux lieux occupés par l'appelant et sa famille.

[14]     Cette différence considérable entre la qualité des lieux du sous-sol versus le rez-de-chaussée, est d'ailleurs très clairement ressortie de l'abondante preuve que l'appelant a lui-même soumise. Je fais notamment référence à l'insonorisation, à l'éclairage et au bruit.

[15]     Conséquemment à cet écart appréciable dans la qualité des lieux, il est étonnant de constater que l'appelant ait cru qu'il pouvait imputer la moitié des dépenses, telles que l'assurance, les intérêts, l'entretien, les taxes foncières et les services publics, à l'exploitation du logement du sous-sol. Accepter le raisonnement et les chiffres de l'appelant aurait pour effet de prétendre que la valeur locative de l'espace occupé par lui et sa famille au rez-de-chaussée était le même que le sous-sol, peu insonorisé, peu éclairé et affecté de bruits nombreux et répétitifs.

[16]     Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de disserter longuement sur cet aspect pour conclure qu'un tel partage était tout à fait inapproprié, inacceptable et injustifiable, puisqu'il ressort, d'une manière non équivoque, que la qualité des lieux du sous-sol n'était absolument pas comparable avec les lieux occupés par l'appelant et sa famille. Il s'agit là de commentaires relatifs à la pertinence des dépenses réclamées. Avant d'évaluer ou apprécier ce que pouvait représenter la valeur des lieux locatifs du sous-sol par rapport au logement occupé par la famille de l'appelant, il y a lieu d'analyser d'abord s'il s'agissait d'une entreprise.

[17]     Pour avoir gain de cause, l'appelant devait démontrer, au moyen d'une prépondérance de la preuve qu'il avait, lors des années, une expectative raisonnable de profit.

[18]     Qu'en est-il de la preuve sur cet aspect fondamental? La preuve a certes établi que l'appelant avait fait des démarches et pris plusieurs initiatives pour louer le sous-sol de la résidence familiale. Cette seule réalité, bien que très bien démontrée, peut-elle à elle seule suffire à établir que l'appelant avait ou devait avoir un espoir raisonnable de profit?

[19]     Je ne crois pas. Pour avoir un espoir raisonnable de profit de l'exploitation d'un bien, il est nécessaire d'avoir un plan, une structure et surtout la présence d'éléments appropriés susceptibles de générer un espoir raisonnable de profit, mais aussi réaliste.

[20]     Il ne suffit pas de devenir propriétaire d'un bien dont une partie génère un certain revenu pour considérer et conclure qu'il y a là un espoir de revenu. Il est essentiel d'isoler le bien, ou la partie du bien qui procure un revenu de manière à pouvoir identifier, d'une manière précise, les dépenses d'exploitation attribuables ou rattachables à ce bien ou à la partie du bien concerné de manière à être en mesure d'en apprécier tous les intrants qui lui sont propres.

[21]     Dans un second temps, il est tout aussi important d'évaluer de manière appropriée la valeur réelle du bien devant produire des revenus potentiels. Les revenus et les dépenses doivent être réalistement estimés et relatifs exclusivement au bien susceptible de produire un revenu. Le propriétaire du bien ou de la partie de bien devant possiblement produire un profit doit être en mesure de démontrer que tout a été mis en place pour minimiser les dépenses et maximiser les revenus, seule recette ou formule susceptible de produire des profits.

[22]     Qu'en est-il en l'espèce? L'appelant a fait l'acquisition d'une résidence dont le propriétaire vendeur avait aménagé un sous-sol qu'il louait, qui de ce fait, produisait un revenu. Dès lors, l'appelant a pris pour acquis que la présence de ce loyer était avantageuse, puisque cela permettait d'imputer une partie des dépenses contre les revenus. L'aventure était sans risque puisque dans l'hypothèse de pertes, ces dernières seraient imputables à ses revenus d'autres sources.

[23]     Le seul avantage était et a été non pas les revenus ou surplus potentiels, qui suivant la preuve étaient irréalistes, mais plutôt les pertes. En d'autres termes, l'appelant a bel et bien obtenu et atteint ses objectifs en faisant assumer les pertes, obtenant ainsi un avantage majeur.

[24]     Évaluer si un espoir raisonnable de profit existe ou a existé, est un exercice qui doit tenir compte essentiellement du bien ou de la partie de bien générant des revenus. Il est important que l'analyse prenne en considération les seuls éléments ayant trait à ce bien ou partie de bien. En l'espèce, la preuve n'a aucunement démontré que l'acquisition de la résidence avait un objectif d'affaire ou commercial. Le but premier et fondamental de l'appelant était de loger sa famille.

[25]     La réalisation du projet familial personnel fut bonifiée voire même facilitée par la présence d'une source de revenu soit le logement du sous-sol. Est-ce en soi suffisant pour conclure à l'existence d'une entreprise susceptible de produire un profit au sens exclusivement administratif et comptable? Je ne le crois pas.

[26]     En effet, la description des lieux, la possibilité réelle de location et finalement les revenus possibles versus les dépenses réelles n'auraient quant à moi jamais pu produire de profit.

[27]     Par contre, si l'on tient compte du revenu si petit soit-il, de la possibilité de changer la vocation du sous-sol en tout temps pour accommoder ou faire face aux nouveaux besoins de la famille et finalement à la possibilité d'imputer des pertes contre ses revenus d'une autre source, il s'agissait là d'avantages et bénéfices largement suffisants pour expliquer ou justifier l'aventure.

[28]     Il s'agissait toutefois pas d'une activité commerciale distincte, mais plutôt d'une entreprise familiale personnelle, dont une partie des coûts serait assumée par les bénéfices fiscaux découlant des pertes beaucoup plus probables que les profits.

[29]     Bien que la preuve ait été silencieuse à cet égard, je ne suis pas convaincu que l'appelant aurait accepter de priver sa famille de l'espace disponible au sous-sol quand les besoins d'espace ont grandi et cela, même si le sous-sol avait été loué au moment où les besoins d'espace sont devenus nécessaires.

[30]     Or, de tels besoins d'espace étaient normaux, prévisibles et incontournables et cela, au moment même de l'acquisition de la résidence ce qui m'amène à conclure qu'il n'y a jamais eu d'espoir raisonnable de profit au sens comptable. Il y avait espoir de profit, mais il s'agissait d'un profit essentiellement personnel ou familial.

[31]     Pour toutes ces raisons, l'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour de juillet 2001.

« Alain Tardif »   

J.C.C.I.


No DU DOSSIER DE LA COUR :       2000-2981(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :               Mario Martel et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Chicoutimi (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                  le 4 mai 2001

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :        l'honorable juge Alain Tardif

DATE DU JUGEMENT :                    le 27 juillet 2001

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :                         L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :                 Me Stéphanie Côté

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

                   Nom :          

Pour l'intimée :                          Morris Rosenberg

                                                Sous-procureur général du Canada

                                                Ottawa, Canada

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