Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Date : 20030402

Dossier : 2001-55(IT)I

ENTRE :

KWADWO BONNAH,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

Pour l'appelant : L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée : Me James Rhodes

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

(Rendus oralement à l'audience à

Toronto (Ontario), le 23 juillet 2001.)

 

Le juge Sarchuk, C.C.I.

 

[1]     Dans sa déclaration de revenus de 1995, l'appelant a déduit des frais de publicité et de promotion de 16 264 $ relativement à 100 000 sacs en polyéthylène et à un article décrit comme une « plaque découpée renforcée pour impression en hexachromie ». Le ministre du Revenu national a refusé ces frais, surtout parce que, en premier lieu, ils constituaient des dépenses à titre de capital et non des dépenses courantes, et, en deuxième lieu, ils n'ont pas été engagés par l'appelant aux fins de tirer un revenu d'une entreprise. En ce qui concerne la deuxième partie de l'argument de l'intimée, elle traduit la position du ministre selon laquelle l'appelant n'avait, cette année‑là, aucune attente raisonnable de tirer un profit de l'entreprise pouvant constituer une source de revenu.

 

[2]     Les appels mettant en cause des écrivains, des artistes, des auteurs de manuels, et ainsi de suite, sont généralement très différents de ceux des propriétaires d'immeubles locatifs ou de chenils et autres de ce genre. D'autre part, même si l'on peut dans une certaine mesure se fonder sur les principes concernant les biens locatifs qui ont été établis par la Cour d'appel fédérale, on peut établir une distinction à leur égard puisqu'ils concernent des entreprises très différentes. Plus une entreprise a un caractère « artistique », plus il est possible d'établir une distinction. Il faut donc, d'après moi, adopter une démarche à la fois fidèle à ce qui constitue une « entreprise » et adaptée aux faits en l'espèce.

 

[3]     L'appelant a déclaré qu'il est compositeur et interprète depuis plusieurs années. En 1993 ou vers cette année, il a commencé à composer à l'intention d'autres musiciens, puis, à un moment donné, il a décidé d'enregistrer et de produire son propre disque. À la fin de l'année 1995, ce projet avait été mené à bien, et il voulait alors trouver des façons de promouvoir le disque et de se faire connaître. Après avoir examiné la question, il a décidé de fabriquer des sacs en plastique portant son nom et le titre de son disque. Il les a ensuite distribués à différents magasins et dans divers lieux situés dans les endroits appropriés. Les frais en question ont été engagés à cette fin.

 

[4]     Dans ce cas-ci, l'appelant s'est lancé dans l'enregistrement d'un disque avec une bonne dose de confiance en son talent, et vu la réputation qu'il dit avoir en tant qu'auteur-compositeur dans sa collectivité (je fais notamment allusion ici à l'invitation qu'il a reçue de participer au festival Carribana), il croyait que son projet pouvait être rentable. L'un dans l'autre, j'ai conclu que l'appelant avait, comme la Cour d'appel fédérale l'a dit à plusieurs reprises, « confiance que son entreprise réussirait ». Bien que je n'aie entendu aucun de ses enregistrements, je suis convaincu du fait qu'il œuvrait dans un domaine qu'il connaissait bien et depuis longtemps, et d'après son témoignage, que j'accepte, je pense qu'il est compétent dans ce domaine au sens technique aussi bien que musical. Je dois noter l'issue favorable de certains appels interjetés par des contribuables qui ont acheté un logement en vue de le louer et ayant, à titre d'exemple, défrayé un coût d'achat de 400 000 $ dont 395 000 $ était financé par le biais d'une hypothèque. J'ai du mal à voir quelle différence peut exister entre ce genre d'« attente raisonnable de profit » et le degré de planification et d'effort que l'appelant a consacré à l'entreprise dans laquelle il s'est lancé. Cela étant dit, je suis porté à conclure, et j'ai conclu, que l'appelant exploitait, pendant l'année visée par l'appel, une entreprise dont il avait une attente raisonnable de profit.

 

[5]     En ce qui concerne les dépenses en question, je suis convaincu que les frais publicitaires engagés dans la phase de démarrage d'une entreprise en vue d'acquérir une clientèle constituent des dépenses courantes. Ce contribuable voulait s'y prendre tôt pour lancer son produit dans ce marché particulier, dans l'espoir que si un grand nombre de personnes écoutaient son disque, il susciterait l'intérêt nécessaire. Il s'agissait de frais engagés dans le cadre de la mise en œuvre de ses plans d'inciter le public à acheter ses disques pour faire aboutir son entreprise. Le fait que ses sources d'argent se soient taries et qu'il se soit rendu compte que son entreprise n'aboutirait pas sans une grande infusion de capital ne change rien à son intention ou au caractère raisonnable de son intention à ce moment‑là.

 

[6]     En somme, j'ai conclu que les frais engagés sont déductibles, mais non le montant total de ceux-ci. Le montant correspondant à la plaque découpée semble constituer une dépense en capital — ce n'est pas évident dans ce cas-ci, car la ligne de démarcation entre les « dépenses en capital » et les « frais » n'est pas évidente, mais, somme toute, il s'agit plutôt d'une dépense en capital et elle doit donc être traitée comme telle. Monsieur Bonnah, j'admets votre appel dans la mesure de 10 200 $ pour l'année d'imposition 1995. Je n'ai aucune autre observation à faire, sauf qu'il s'agit d'un cas unique en son genre. Dans mes 18 années de carrière, je n'ai jamais eu à traiter une cause qui lui ressemble le moindrement. Je vous souhaite de mieux réussir la prochaine fois.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour d'avril 2003.

 

 

« A. A Sarchuk »

J.C.C.I.

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 10e jour de mars 2005.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 

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