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[traduction française officielle]

97-3073(IT)I

ENTRE :

JAMES W. B. MALCOLM,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 11 février 1999 à Winnipeg (Manitoba) par

l'honorable juge Louise Lamarre Proulx

Comparutions

Représentant de l'appelant :                           Marcel Blais

Avocate de l'intimée :                                    Me Brenda Johnston

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1994 est rejeté selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de mars 1999.

« Louise Lamarre Proulx »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 13e jour de novembre 2002.

Philippe Ducharme, réviseur


[traduction française officielle]

Date: 19990317

Dossier: 97-3073(IT)I

ENTRE :

JAMES W. B. MALCOLM,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1]      Il s'agit d'un appel, formé sous le régime de la procédure informelle, concernant le crédit d'impôt pour déficience physique ou mentale prévu à l'article 118.3 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ). L'appelant réclame, en vertu de l'article 118.8 de la Loi, le crédit d'impôt inutilisé par son épouse, Maureen Fay Malcolm.

[2]      Les faits sur lesquels le ministre du Revenu national (le « ministre » ) s'est fondé pour refuser à l'appelant le crédit d'impôt pour déficience physique ou mentale inutilisé par son épouse sont énoncés au paragraphe 10 de la réponse à l'avis d'appel (la « réponse » ), qui se lit comme suit :

[TRADUCTION]

a)          l'épouse de l'appelant s'est fracturé la hanche gauche, la cheville gauche et la rotule droite, et souffre par conséquent d'arthrite post-traumatique;

b)          le Questionnaire pour le crédit d'impôt pour personnes handicapées, tel qu'il a été rempli et signé par le médecin de l'épouse de l'appelant en date du 28 septembre 1995, indique que l'épouse de l'appelant peut marcher, à l'aide d'un appareil si nécessaire;

c)          l'épouse de l'appelant n'avait pas une déficience mentale ou physique grave et prolongée dont les effets étaient tels que sa capacité d'accomplir une activité courante de la vie quotidienne au cours de l'année d'imposition 1994 était limitée de façon marquée;

d)          l'épouse de l'appelant n'était pas admissible au crédit d'impôt pour déficience physique ou mentale pour l'année d'imposition 1994 et, par conséquent, aucun crédit inutilisé ne pouvait être transféré de l'épouse à l'appelant aux fins du calcul de ses crédits d'impôt non remboursables et de l'impôt payable pour l'année d'imposition 1994.

[3]      L'appelant et son épouse ont témoigné.

[4]      Les alinéas 10a) et b) de la réponse ont été admis. Le questionnaire dont il est fait mention à l'alinéa 10b) de la réponse a été déposé en preuve sous la cote A-1. Dans le deuxième encadré, qui concerne la marche, la question est ainsi formulée : [TRADUCTION] « Votre patient peut-il marcher, à l'aide d'un appareil si nécessaire? (Par exemple, au moins 50 mètres sur un terrain plat.) » Le médecin a répondu à cette question par l'affirmative. En ce qui concerne l'encadré no 9, la question est ainsi formulée : [TRADUCTION] « La déficience est-elle suffisamment grave pour limiter, en tout temps ou presque, la capacité d'accomplir l'activité courante de la vie quotidienne susmentionnée, même avec des soins thérapeutiques et l'aide des appareils et des médicaments indiqués? » Le médecin y a également répondu par l'affirmative. Le questionnaire est daté du 28 septembre 1995.

[5]      Une lettre adressée à l'épouse de l'appelant et signée par ce même médecin est jointe au questionnaire (pièce A-1). Cette lettre est datée du 15 novembre 1995, et le deuxième paragraphe est ainsi rédigé :

[TRADUCTION]

Je constate que la question numéro 2 vous cause de l'inquiétude; la réponse appropriée à cette question, telle qu'elle est formulée, est oui. Je reconnais que vous avez une déficience et que celle-ci est permanente; cette question est visée par les encadrés numéros 8 et 9, où il est indiqué que votre déficience est assez grave pour limiter, en tout temps ou presque, votre capacité d'accomplir les activités courantes de la vie quotidienne, même à l'aide des appareils indiqués, soit dans votre cas une canne, et de médicaments. Par conséquent, j'attirerai l'attention des autorités sur les encadrés numéros 8 et 9 au lieu d'adapter le questionnaire en vue de remplir leurs critères. À mon avis, en répondant par l'affirmative à la question formulée dans l'encadré numéro 2, je n'annule pas les réponses fournies aux questions formulées dans les encadrés numéros 8 et 9, qui indiquent clairement votre degré d'invalidité.

[6]      Les témoins ont expliqué que Mme Malcolm avait été victime, en 1988, d'un accident d'automobile dans lequel sa jambe gauche était venue frapper l'os iliaque, fracturant celui-ci. Elle a été mise sous traction pendant une période de trois mois. Les articulations n'ont par la suite jamais réellement bien fonctionné, mais ont plutôt laissé des cicatrices. Un remplacement de la hanche aurait apparemment été utile, mais un médecin lui aurait conseillé d'attendre jusqu'à ce qu'elle soit plus âgée.

[7]      Mme Malcolm occupait un emploi d'enseignante à temps partiel. Au trimestre précédant son accident, elle avait obtenu un poste de durée déterminée à titre de professeure d'éducation physique. Elle donne maintenant, le soir, des cours particuliers à des enfants.

[8]      Les conjoints sont agriculteurs. Ils possèdent une maison de deux étages, et il est difficile pour l'épouse de l'appelant de monter les escaliers. Il arrive qu'elle soit en mesure de monter les escaliers par elle-même, mais il arrive également qu'elle nécessite l'aide d'une autre personne. La chambre à coucher des conjoints est située au deuxième étage. Quelquefois, la douleur est telle que Mme Malcolm doit se reposer toute la journée. Elle est mère de quatre enfants. Elle prépare le déjeuner, et l'appelant prépare le dîner.

[9]      Avant l'accident, Mme Malcolm avait l'habitude de conduire. Après l'accident, elle n'a plus conduit sur les voies publiques. Elle conduit encore de temps à autre dans les champs. Les conjoints font leurs courses ensemble. Elle peut marcher dans les allées en s'appuyant sur le chariot qu'elle pousse. Elle ne peut ni soulever ni transporter d'objets lourds.

[10]     La pièce A-2 est un Questionnaire pour le crédit d'impôt pour personnes handicapées que le médecin de Mme Malcolm a rempli en 1991. Il y est notamment indiqué ceci :

[TRADUCTION]

Arthrite post-traumatique au niveau de l'articulation de la hanche gauche en raison d'une fracture ventrale résultant d'une dislocation de la hanche gauche. Douleurs permanentes qui restreignent tous les mouvements de l'articulation de la hanche gauche. La jambe gauche de la patiente sera en permanence plus courte que sa jambe droite, et elle doit marcher à l'aide d'une canne.

[11]     Est jointe au questionnaire une description, rédigée à la main par Mme Malcolm, des symptômes que cette dernière présente :

[TRADUCTION]

Je ne suis en mesure de maintenir une position du corps (c.-à-d. assise ou debout) que pendant une brève période avant qu'un grave malaise m'oblige à changer de position.

Pour pouvoir marcher, je dois utiliser une canne ou des béquilles. Je dois restreindre les distances à parcourir, et toute activité à laquelle je me livre accroît mon malaise.

Ma capacité à soulever des objets est extrêmement restreinte en raison du fait que je suis incapable d'adopter une position convenable pour soulever des objets (c.-à-d. de me pencher en utilisant des techniques corporelles appropriées).

Il m'est maintenant difficile de transporter des objets puisque je dois utiliser des accessoires fonctionnels pour pouvoir marcher.

Depuis mon accident, je souffre fréquemment de maux de tête graves qui durent un ou deux jours et qui m'empêchent de faire quelque activité. Ces maux de tête surviennent au moins une fois par semaine.

[12]     L'appelant a produit en preuve, sous la cote A-3, une lettre rédigée par un agent de la division des appels; il a fait référence aux deux paragraphes suivants, qui figurent à la page deux :

[TRADUCTION]

Vous avez demandé des précisions relativement à divers types de situations, par exemple lorsqu'une personne est incapable de se tenir debout ou de marcher plus de 50 mètres ou sur un terrain inégal.

Bien que chaque cas soit un cas d'espèce, on considère qu'une personne qui est en mesure de marcher au moins 50 mètres sur un terrain plat, même si elle utilise un accessoire tel qu'une canne, des béquilles ou un appareil de marche, ne répond normalement pas aux exigences de la Loi de l'impôt sur le revenu. De même, une personne qui nécessite une aide quelconque pour se tenir debout n'est pas nécessairement admissible. Cependant, la personne qui prend un temps excessif pour parcourir une distance de 50 mètres en marchant et qui tombe ou dont les mouvements sont entravés est normalement admissible à ce crédit. De la même façon, on pourrait également soutenir qu'une personne qui souffre de douleurs importantes après avoir marché est, de fait, incapable de marcher.

[13]     Le paragraphe 118.4(1) de la Loi est ainsi libellé :

Pour l'application du paragraphe 6(16), des articles 118.2 et 118.3 et du présent paragraphe :

a)          une déficience est prolongée si elle dure au moins 12 mois d'affilée ou s'il est raisonnable de s'attendre à ce qu'elle dure au moins 12 mois d'affilée;

b)          la capacité d'un particulier d'accomplir une activité courante de la vie quotidienne est limitée de façon marquée seulement si, même avec des soins thérapeutiques et l'aide des appareils et des médicaments indiqués, il est toujours ou presque toujours aveugle ou incapable d'accomplir une activité courante de la vie quotidienne sans y consacrer un temps excessif;

c)          sont des activités courantes de la vie quotidienne pour un particulier :

            (i)          la perception, la réflexion et la mémoire,

            (ii)         le fait de s'alimenter et de s'habiller,

(iii)        le fait de parler de façon à se faire comprendre, dans un endroit calme, par une personne de sa connaissance,

(iv)        le fait d'entendre de façon à comprendre, dans un endroit calme, une personne de sa connaissance,

            (v)         les fonctions d'évacuation intestinale ou vésicale,

            (vi)        le fait de marcher;

d)          il est entendu qu'aucune autre activité, y compris le travail, les travaux ménagers et les activités sociales ou récréatives, n'est considérée comme une activité courante de la vie quotidienne.

                                                                                                [Je souligne.]

[14]     Selon l'alinéa 118.4(1)d) de la Loi, le travail et les travaux ménagers ne sont pas considérés comme des activités courantes de la vie quotidienne aux fins du crédit d'impôt en cause. Une personne peut, par exemple, toucher une pension d'invalidité au titre de son travail et ne pas avoir droit au crédit d'impôt pour personnes handicapées prévu au paragraphe 118.3(1) de la Loi.

[15]     Il faut bien comprendre que le crédit d'impôt prévu au paragraphe 118.3(1) de la Loi n'est pas accordé à toute personne qui a une déficience physique. La Loi stipule que la déficience doit être d'une gravité telle qu'elle freine ou limite de façon marquée la capacité d'un particulier d'accomplir une activité courante de la vie quotidienne, et ce, même si celui-ci utilise les appareils, suit la thérapie ou prend les médicaments indiqués.

[16]     Dans l'arrêt Johnston c. La Reine, [1998] A.C.F. no 169 (Q.L.) (C.A.F.), la Cour d'appel fédérale a examiné ce à quoi correspondait un temps excessif à accomplir une activité courante de la vie quotidienne. Je citerai les paragraphes 16 à 18 de cet arrêt :

[16]        Pour avoir droit au crédit d'impôt prévu à l'art. 118.3, le contribuable atteint d'une déficience physique grave et prolongée doit établir que sa capacité d'accomplir une activité courante de la vie quotidienne est limitée de façon marquée.

[17]        Il a déjà été défini que l'expression « limitée de façon marquée » renvoyait à l'incapacité d'une personne, en tout temps ou presque, même avec des soins thérapeutiques et l'aide des appareils et des médicaments indiqués, d'accomplir une activité courante de la vie quotidienne.    En outre, on considère que la capacité d'une personne est limitée de façon marquée si cette dernière doit consacrer un temps excessif pour accomplir une telle activité.

[18] On n'a pas défini ce qui constitue un temps excessif pour accomplir les activités courantes de la vie quotidienne.    À mon avis, l'expression « temps excessif » renvoie à un temps beaucoup plus long que celui que doivent normalement consacrer à ces activités des personnes en santé. Il implique une différence marquée d'avec ce que l'on considère normal.

[17]     En me reportant à la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Johnston c. La Reine, je peux constater que le critère objectif qu'on doit appliquer pour trancher les affaires semblables consiste à déterminer si la déficience du particulier est d'une gravité telle qu'il nécessite normalement soit l'aide d'une autre personne soit un temps excessif pour accomplir les activités courantes de la vie quotidienne par rapport à une autre personne qui n'a pas la même déficience.

[18]     Compte tenu de la preuve, je suis d'avis que Mme Malcolm, bien qu'elle soit gênée par sa déficience physique, ce qui est très regrettable, a conservé un degré d'autonomie élevé et une capacité physique suffisante pour lui permettre d'accomplir les activités courantes de la vie quotidienne.

[19]     En conséquence, l'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de mars 1999.

« Louise Lamarre Proulx »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 13e jour de novembre 2002.

Philippe Ducharme, réviseur

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