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Date: 20021206

Dossier: 2000-4691-GST-G

ENTRE :

ALAIN DÉZIEL,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Tardif, C.C.I.

[1]            Il s'agit d'un appel relatif à une cotisation émise le 16 juillet 1999 établie en vertu du paragraphe 191(3) de la Loi sur la taxe d'accise (la « Loi » ). Suite à l'opposition, la cotisation portant le numéro 02405434 a été émise le 27 septembre 2000, ratifiant en substance la première cotisation établie le 16 juillet 1999. La cotisation couvrait la période du 1er avril 1994 au 30 juin 1996.

[2]            Les faits pris pour acquis à l'origine de la cotisation sont les suivants :

a)              l'appelant n'était pas un inscrit aux fins de l'application de la taxe sur les produits et services ( « TPS » );

b)             de 1993 à 1996, l'appelant a construit dix (10) immeubles à logement, dont six (6) de dix (10) logements sur la rue Audet et quatre (4) de huit (8) logements sur la rue Marion à Trois Rivières Ouest;

c)              sur la rue Audet, la construction des immeubles fut achevée en grande partie et la première location avait débutée au :

                - 4900 :     le 1er juin 1994;

                - 4700 :     le 1er juillet 1994;

                - 4800 :     le 1er juillet 1994;

                - 4805 :     le 1er juillet 1994;

                - 4905 :     le 1er juillet 1994;

                - 4705 :     le 1er avril 1995;

d)             sur la rue Marion, la construction des immeubles fut achevée en grande partie et la première location avait débutée au :

                - 5485 :     le 1er juillet 1995;

                - 5495 :     le 1er décembre 1995;

                - 5505 :     le 1er mai 1996;

                - 5515 :     le 1er juin 1996;

e)              ce faisant, l'appelant se fournissait à lui-même un immeuble d'habitation à logements multiples et devait à ce moment s'autocotiser en se basant sur la juste valeur marchande des immeubles, ce qu'il fit défaut de faire, et ce tout en déduisant les montants de CTI;

f)              c'est suite à des vérifications effectuées par l'intimée qu'il découvrit la construction des immeubles et conséquemment, cotisa l'appelant sur la juste valeur marchande en lui accordant les montants de CTI;

g)             les montants de CTI étaient inadmissibles pour les raisons suivantes :

i)               pour partie des dépenses, il y a absence de factures;

ii)              certaines factures d'achats et de dépenses ont été raturées et modifiées, ce qui empêche de déterminer les montants de fournitures et de taxe initialement indiqués ainsi que la nature des biens et des services obtenus;

iii)             des documents ne correspondent pas aux factures d'achat émises par le fournisseur tels que : soumission, bon de commande, mémoire de livraison, ...;

iv)            des achats faits sont non reliés à la construction des immeubles;

v)             des notes de crédit ont été émises par des fournisseurs qui n'ont pas été fournis lors de la vérification;

vi)            des factures de « présumés fournisseurs » présentent des irrégularités tant au niveau du taux de taxation qu'au niveau des calculs, créant un doute sérieux quant à la validité de ces factures;

vii)           des montants de TPS ont été inscrits sur des factures fournies par l'appelant et provenant de fournisseurs non inscrits en TPS même si la facture ne contenait pas de mention de taxes perçues par ces fournisseurs;

[3]            Les questions en litige sont les suivantes :

·          Quelle était la juste valeur marchande ( « JVM » ) des immeubles au moment où l'appelant devait s'autocotiser ?

·          Quel était le montant des crédits sur intrants ( « CTIs » ) que pouvait réclamer l'appelant ?

·          Les pénalités ajoutées à la cotisation étaient-elles justifiées ?

·          La cotisation était-elle prescrite ?

[4]            En vertu de l'article 123 et des paragraphes 191(3), 238(2) et 286(1) de la Loi, l'appelant avait l'obligation de s'autocotiser sur la JVM des immeubles qu'il a construits au cours des années 1994 et 1995.

[5]            L'appelant au cours de la période allant de 1993 à 1996 a construit dix (10) immeubles regroupant 108 logements à Trois-Rivières. Compte tenu des obligations prévues par la Loi, il devait s'autocotiser sur la JVM de ces immeubles dans les délais et suivant les conditions définies par la Loi. Pour assumer correctement la responsabilité, il devait tenir et conserver, pour une période de six (6) ans, des registres permettant d'établir ses droits, obligations et responsabilités.

[6]            Entre le 25 février 1994 et le 6 novembre 1995, l'appelant a demandé et obtenu dix (10) permis de construction auprès de la municipalité responsable du territoire où se situaient les immeubles.

[7]            Les immeubles furent complétés et disponibles pour la location à compter de juin 1994 pour ceux construits sur la rue Audet et à compter de juillet 1994 pour ceux de la rue Marion.

[8]            Le processus de l'autocotisation aurait donc dû débuter en juin 1994. Rien ne fut fait.

[9]            Des suites d'une enquête et vérification, l'appelant fut cotisé.

[10]          L'appelant conteste la cotisation, réclame des crédits et n'accepte pas les pénalités; finalement, il soutient que la cotisation était prescrite. Je traiterai, en premier lieu, de la question de l'évaluation des immeubles.

[11]          Les parties ont toutes deux eu recours à un expert pour déterminer ce qui leur apparaissait être la JVM des immeubles.

[12]          Tous deux connaissaient les différentes approches ou méthodes disponibles pour déterminer la JVM des immeubles.

[13]          Chaque expert a fait état de son expérience et qualifications pour justifier son choix respectif quant à l'approche retenue.

[14]          L'expert de l'appelant a priorisé la méthode des revenus en soutenant que des immeubles locatifs à logements multiples ont une JVM exclusivement et essentiellement en fonction de l'importance des revenus qu'ils génèrent.

[15]          Il s'est donc attardé à faire la démonstration du bien-fondé de ses prétentions quant à la valeur à partir de cette approche. Il a sommairement traité des autres méthodes, soit la parité et le coût de remplacement, mais ajouté que ni l'une ni l'autre de ces méthodes n'étaient appropriées dans les circonstances eu égard à la vocation des immeubles. Il a insisté et répété qu'un immeuble locatif ne devait être évalué qu'en fonction des revenus qu'il générait.

[16]          Il a ainsi déterminé la JVM à partir de la méthode des revenus.

[17]          Dans le cadre de son approche, il a fait une description très sombre du marché locatif pour la région où les immeubles furent construits. Les logements furent d'abord décrits comme communs et ordinaires, localisés en plein champ et peu accessibles. Aux dires de l'expert Leblanc, l'offre pour des logements comparables dépassait largement la demande d'où l'appelant avait dû faire face à de grandes difficultés pour louer ses logements; il avait dû offrir toute une série d'incitatifs tels réductions de loyers, mois gratuits, etc.

[18]          Dans un premier temps, il a pris en considération les revenus de location que pour une seule année et a conclu à un pourcentage de vacance de 25 p. 100 dans un cas et de 18 p. 100 dans l'autre cas.

[19]          Il a soutenu les taux élevés de vacance par des affirmations et commentaires n'ayant aucune assise documentaire. Il a fait des distinctions entre différents secteurs en concluant qu'il s'agissait de taux de vacance semblables ou comparables aux autres immeubles de la région pertinente.

[20]          Il a aussi mentionné que des immeubles à densité très forte, regroupant quarante logements et plus, avaient connu des taux de vacance allant jusqu'à 60 p. 100. Il a soutenu que les taux d'inoccupation retenus n'avaient fait l'objet d'aucune variation majeure sur une base de quelques années, le justifiant d'avoir recours à une seule année.

[21]          Monsieur Leblanc a également mentionné que l'importance du montant d'hypothèques obtenu s'expliquait par les excellentes garanties fournies par l'appelant. Selon l'expert, le montant des hypothèques n'était pas un indice pertinent pour l'évaluation. Il en a été ainsi au niveau du taux d'intérêt payé sur les hypothèques.

[22]          L'expert Leblanc a basé son analyse sur des taux de location des immeubles en litige pour la première année d'exploitation. Au lieu et place de prendre en considération certaines statistiques fournies par des organismes crédibles oeuvrant dans le domaine du financement hypothécaire, il a privilégié sa propre perception intuitive du marché locatif.

[23]          Il a écarté de son analyse la considération obtenue, soit 377 000 $, pour l'un des immeubles vendu dans les mois suivant la fin des travaux. En effet l'appelant a mis en vente l'immeuble situé au 4800 rue Audet dans les mois suivant la fin des travaux; il en demandait 400,000 $ et a obtenu 377,000 $ (pièce I-5).

[24]          Pour justifier ses choix, il a soutenu que les statistiques disponibles n'étaient pas applicables à sa région spécifique; quant au financement, il a affirmé que l'appelant bénéficiait d'un statut hautement privilégié auprès des bailleurs de fonds. Pour ce qui est de la transaction, il a prétendu qu'il s'agissait d'un cas particulier et l'a écarté du revers de la main.

[25]          La présentation de l'expert de l'appelant a été sommaire et peu documentée. Plusieurs des composantes pourtant stratégiques n'étaient pas documentées et les assises étaient plutôt intuitives et justifiées, selon lui, par sa vaste et longue expérience de la région. Je fais notamment référence au choix des comparables, aux taux de vacance du marché locatif, aux sites recherchés par les locataires, aux conditions et exigences de financement, à la qualité ordinaire des lieux.

[26]          Le travail exécuté par l'expert Leblanc a été un travail bâclé, superficiel et non documenté qui a manifestement été réalisé de manière à justifier une JVM préalablement déterminée.

[27]          Les conclusions obtenues ne concordent aucunement avec les standards habituels ou même avec une élémentaire logique.

[28]          L'expert Leblanc a privilégié une approche très particulière et surprenante quant au taux de vacance. Au lieu de prendre en considération des données comparables et objectives, disponibles auprès des divers intervenants qui tiennent des statistiques à cet égard, il s'en est remis à la situation des lieux dans les mois suivant la construction. Il a décrit le marché locatif comme étant difficile. Il a fait un tableau très sombre de l'ensemble du marché. Si la situation avait été aussi sombre et difficile, comment et pourquoi l'appelant a-t-il réussi à obtenir un financement et au surplus à des conditions aussi avantageuses et pour un montant supérieur aux standards habituels ?

[29]          À la lumière de l'approche retenue par l'expert et des commentaires et observations fournis par l'appelant lui-même, à savoir qu'il avait dû consentir à plusieurs mois de locations gratuites pour intéresser les éventuels locataires, il y a lieu de croire que les revenus pris en considération par l'expert Leblanc étaient tout à fait inadéquats puisque les lieux étaient occupés, mais ne rapportaient rien à cause de la gratuité offerte par le propriétaire. Si le marché locatif avait été aussi lamentable, il est fort à parier que l'appelant n'aurait pu obtenir le financement requis. Bien plus, ce dernier a soutenu que les bailleurs de fonds l'avaient encouragé à accélérer son projet.

[30]          La preuve de l'appelant n'a jamais, non plus, démontré les caractéristiques justifiant sa crédibilité exceptionnelle pour obtenir des montants d'hypothèques supérieurs à la valeur des immeubles et des taux d'intérêt inférieurs. La preuve n'a jamais démontré que l'appelant avait une crédibilité financière à toute épreuve. Au contraire, la compagnie qu'il contrôlait dans un domaine connexe avait fait cession de ses biens quelques années auparavant.

[31]          Le fait d'habiter, de travailler et de bien connaître la région où sont situés des immeubles qui doivent faire l'objet d'une évaluation, ne libère pas un évaluateur de l'obligation de consulter et tenir compte des données disponibles et répertoriées. L'intuition, l'expérience et la connaissance des lieux sont certes des qualités, mais certainement pas suffisantes pour constituer les assises d'une évaluation.

[32]          De son côté, l'experte de l'intimée a eu recours à ses connaissances du milieu; elle a aussi et surtout utilisé des données objectives. Je fais notamment référence à diverses données qui ont guidé le travail de madame Bélanger :

·          choix des comparables;

·          guide Marshall

·          montant des prêts hypothécaires obtenus

·          analyse sérieuse et valable des revenus

·          statistiques répertoriées par la Société canadienne d'hypothèques et de logement ( « S.C.H.L. » )

[33]          Elle a fait une analyse exhaustive des approches disponibles pour conclure que la meilleure formule, quant à elle, était celle du coût étant donné qu'il s'agissait d'immeubles neufs. Elle a donc privilégié cette approche.

[34]          Pour ce faire, elle a pris en considération les manuels permettant de déterminer les coûts les plus couramment utilisés, soit : Boeckh Building Cost Modifier, Marshall Valuation Service (Marshall and Swift), (le logiciel d'évaluation des coûts de la compagnie Boeckh) et le manuel d'évaluation foncière du ministère des Affaires municipales du Québec, Jean-Guy Desjardins, Traité de l'évaluation foncière, Wilson & Lafleur, pp. 188 et 522.

[35]          Elle a aussi fait l'analyse des données ayant trait au pourcentage de vacance du marché locatif, au taux d'intérêt et au pourcentage de financement. Madame Bélanger a eu recours à des données statistiques disponibles soutenant qu'il s'agissait là de données fiables, puisqu'elles étaient actualisées à raison de plusieurs fois par année et particularisées en fonction des régions.

[36]          L'analyse et les conclusions retenues par l'experte de l'intimée me sont apparues plus vraisemblables d'autant plus que les composantes ont été puisées à partir de données, de statistiques et registres pertinents reconnus dans le domaine.

[37]          Contrairement au travail exécuté par l'expert Leblanc, l'intimée a priorisé diverses données corrigées, colligées par des organismes indépendants et laissant ainsi moins d'espace à une interprétation subjective.

[38]          Le seul grief susceptible d'affecter le travail de madame Bélanger est le fait qu'elle était à l'emploi de l'intimée tout au long du processus ayant conduit aux cotisations; cette situation risquait d'entacher les règles fondamentales d'indépendance que tout expert doit s'assurer d'avoir lors d'un mandat d'évaluation.

[39]          Certes un expert dont les services sont retenus devient une sorte de préposé de celui qui le paie, mais il s'agit d'une relation ponctuelle sans passé ni lendemain. Cette relation est totalement différente de l'employé qui a comme fonction première et continue le travail d'évaluation pour son employeur.

[40]          Dans ce genre de dossier l'évaluateur est souvent appelé à collaborer à l'analyse d'un dossier en sa qualité d'expert; il émet alors un avis, une opinion quant à la valeur. Il s'agit le plus souvent d'une analyse sommaire peu documentée où l'expérience constitue un aspect important. Lorsque le dossier ne fait pas l'objet d'un règlement, la même personne est appelée à réviser son propre dossier et demeure commise par sa première évaluation. L'exercice qui est éventuellement refait pour les fins d'une audition devant ce Tribunal est de ce fait, entaché d'une partialité tout au moins apparente, susceptible d'en affecter la qualité.

[41]          En l'espèce, malgré cette faiblesse apparente, je crois que les conclusions de madame Bélanger ne peuvent être écartées pour ce seul motif. Elle a démontré par son témoignage qu'elle ne visait pas à conforter ou confirmer sa première évaluation, mais essentiellement identifier la valeur par le recours à des données objectivement vraisemblables, crédibles, laissant peu d'espace à l'arbitraire.

[42]          Les conclusions obtenues par l'intimée ont l'avantage de s'avérer cohérentes avec un certain nombre de réalités, telle l'évaluation municipale, la considération obtenue lors de la vente d'un des immeubles, le pourcentage de financement obtenu impliquant deux organismes ayant des connaissances non négligeables du marché concerné; je fais notamment référence à la S.C.H.L. et aux bailleurs de fonds.

[43]          Quant à la méthode d'évaluation qui devait être retenue, je souscris sans réserve aux références identifiées par l'intimée :

En effet, dans l'Évaluation municipale et la valeur réelle, Jacques Forgues Les éditions Yvon Blais inc., Cowansville, 1995, pp. 158, 159, et 167 :

L'utilisation de cette technique est toujours possible contrairement aux deux autres, parité et revenu, qui sont parfois inutilisables soit (...) Il est donc en principe souhaitable de toujours utiliser cette technique, ne serait-ce que comme moyen de corroboration du résultat obtenu par d'autres.

Il existe des immeubles qui se prêtent bien à une évaluation par l'application de la technique du coût de remplacement déprécié. Ce sont, par exemple, les immeubles neufs comme l'exprime le Bureau de révision dans l'affaire Hilton Place Québec inc c. Ville de Québec, confirmé sur ce point par la Cour provinciale. De même, s'appuyant, sur la doctrine, le Bureau conclut, avec Paul F. Wendt, que s'agissant d'un motel neuf, la technique du coût doit être utilisée et son résultat retenu. (pp. 158-159)

...

En somme, la technique du coût de remplacement déprécié peut toujours être utilisée. Elle est particulièrement fiable pour des bâtiments neufs. (p. 167)

[44]          L'auteur Jean-Guy Desjardins écrit dans son volume concernant les champs d'application de la méthode du coût « qu'on ne devrait utiliser la méthode du coût que dans les cas suivants : ... les bâtiments relativement neufs » parce que « lorsque les bâtiments sont neufs ou relativement neufs et qu'ils représentent l'usage optimal, les possibilités d'erreur dans le calcul de la dépréciation sont diminuées d'autant. » (p. 170)

[45]          Également, dans Principes et concepts généraux en évaluation foncière, ministère des Affaires municipales, 1974, vol. 1 (p. 14/3) les experts en évaluation en arrivent aux mêmes conclusions. En conclusion, comme il s'agit d'un immeuble neuf, la méthode du coût devrait être privilégiée telle que démontrée précédemment.

[46]          Également, dans Sira Enterprises Ltd. c. Canada, [2000] A.C.I. no 804 (Q.L.), à la page 12, le juge Margeson reprend les propos du juge Taylor et écrit :

... Bien sûr, il serait peu ou pas utile de restructurer un montant afin d'obtenir des « coûts de remplacement ou de reproduction » , et cela ne serait d'aucune utilité. Toutefois, le fait d'éliminer, d'ignorer ou de dénigrer l'utilité, pour les besoins d'une évaluation, du coût réel total qui s'était accumulé au cours de la construction et qui avait atteint son point culminant ce jour-là fait que je suis profondément en désaccord avec le résultat obtenu.

... À mon avis, en l'absence de toute différence directe et incontestable dans le montant du coût, celui-ci devrait aussi servir de valeur et, en fait, de juste valeur marchande.

[47]          Il se réfère également à l'affaire Charleswood Legion Non-profit Housing Inc. c. Canada, [1998] A.C.I. no 503 (Q.L.) et reprend les propos du juge Archambault :

Je pense que les deux experts n'auraient pas dû laisser de côté la méthode du coût. Dans des circonstances comme celles en l'espèce, la juste valeur marchande devrait être très proche du coût payé par les appelantes parce que les deux immeubles étaient tout à fait neufs à la date d'évaluation pertinente. C'est la méthode qu'a suivie mon collègue le juge Taylor dans Timber Lodge Limited v. The Queen, [1994] G.S.T.C. 73.

[48]          L'appelant a reproché à l'experte de l'intimée d'avoir pris pour acquis des données relatives au taux de vacance publiées par la S.C.H.L. sans avoir fait l'analyse préalable de la pertinence desdites données.

[49]          Il a aussi reproché à l'intimée d'avoir fait les calculs de la valeur économique à partir d'un taux d'intérêt non conforme, de ne pas avoir visité l'intérieur des logements et d'avoir conclu intuitivement quant à la qualité des logements de l'appelant.

[50]          Il lui a aussi reproché de ne pas avoir tenu compte de la situation des immeubles au moment de leur évaluation, c'est-à-dire leur emplacement dans un nouveau développement en plein champ.

[51]          Tous ces reproches sont sans fondement et particulièrement surprenants de la part d'une partie qui a soumis un dossier peu documenté et regroupant plusieurs faiblesses importantes. Je fais notamment référence aux éléments suivants :

·          Comment expliquer que des bailleurs de fonds sérieux aient pu accorder le financement nécessaire pour construire 108 logements alors que des logements semblables étaient disponibles et vacants dans une proportion de 20 à 60 p. 100.

·          Comment conclure au sérieux d'une évaluation basée sur des revenus qui ne tiennent compte que de la première année et soutenir en même temps que des mois de loyer gratuits étaient accordés.

·          Comment expliquer que l'appelant ait pu obtenir un financement supérieur aux normes à un taux privilégié et ce, dans une région où la qualité des locataires, aux dires de l'expert et de l'appelant, était discutable et surtout dans un marché où l'offre était substantiellement supérieure à la demande.

·          Comment expliquer que l'appelant expert et passionné de construction ait indiqué sur les demandes de permis un coût de construction substantiellement plus élevé que le coût réel.

·          Comment expliquer qu'un tiers ait accepté de payer une considération aussi élevée pour un immeuble qui valait beaucoup moins.

·          Pourquoi avoir demandé une considération aussi élevée (400 000 $) pour un immeuble qui avait une valeur de beaucoup inférieure.

·          Comment expliquer une différence aussi élevée entre le montant de l'évaluation municipale et la JVM pour des logements flambant neufs.

·          Comment comprendre qu'un projet regroupant plus de 100 logements neufs se voit attribuer une désuétude économique de 20 p. 100 dès la première année.

·         

[52]          Globalement tous ces éléments convergent vers une conclusion. L'évaluation retenue par l'expert Leblanc n'a aucun sens, aucune logique, elle choque même l'intelligence.

[53]          L'appelant a essentiellement retenu la méthode des revenus parce que cette méthode lui permettait d'affirmer n'importe quoi sous prétexte de sa connaissance des lieux et de son intuition.

[54]          Pour souscrire à la qualité du travail exécuté par l'expert de l'appelant, il faudrait donner foi d'une manière absolue, à son intuition et occulter de l'analyse des données fondamentales et incontournables pour la production d'un travail irréprochable.

[55]          En contrepartie, tous les éléments qui disqualifient le travail de l'expert de l'appelant, confirment et bonifient celui de l'experte de l'intimée. En effet, les conclusions retenues par madame Bélanger sont cohérentes et surtout beaucoup plus vraisemblables.

[56]          Conséquemment, les valeurs marchandes des immeubles de la rue Audet à 250 000 $ et ceux de la rue Marion à 210 000 $ ne correspondent aucunement à la JVM.

[57]          Je souscris plutôt aux JMVs de 370 000 $ et de 295 000 $ établies par l'experte de l'intimée (pièce I-5) et détermine qu'il s'agissait là des valeurs qui devaient être prises en considération lors de l'autocotisation.

[58]          Je traiterai, en second lieu, de la question des CTIs. En principe, il s'agirait d'un exercice relativement facile. Pour qu'il en soit ainsi, cela suppose que tous les documents pertinents sont disponibles, accessibles et compréhensibles quant au contenu.

[59]          Sous prétexte qu'il ne connaissait pas les dispositions de la Loi en vertu desquelles il devait s'autocotiser, l'appelant, au moment de réclamer les CTIs a soumis un dossier plutôt confus où tout était pèle-mêle. Il a soumis des explications confuses et incohérentes. Il aurait fait affaire avec un comptable qui ne connaissait pas les règles de l'autocotisation et manifestement pas les règles élémentaires quant à la tenue d'une comptabilité acceptable.

[60]          La preuve soumise a principalement résulté du travail de monsieur Ronald Gagnon. Ce dernier a fait son possible, mais l'absence totale de comptabilité adéquate et de la plupart des pièces justificatives appropriées n'a pas permis de produire un travail très convaincant.

[61]          En effet, la preuve soumise a tout au plus réussi à soulever certains doutes non déterminants et surtout pas suffisants pour justifier le bien-fondé des prétentions de l'appelant. Monsieur Gagnon a travaillé dans le cadre d'un mandat spécial à partir d'informations, de documents et de factures incomplètes et déficientes. Le résultat produit a donc été largement façonné par la piètre qualité de ses fondements.

[62]          Ronald Gagnon a témoigné, ès-qualité de personne responsable du dossier, ayant travaillé pour l'appelant au niveau de ses rapports d'impôt. J'ai compris de son témoignage qu'il possédait un diplôme C.M.A. et exécutait, à partir de sa résidence, la tenue de livres pour différents clients. Il complétait annuellement environ 1 500 déclarations de revenus.

[63]          À un certain moment, il aurait agi comme responsable de la tenue des livres pour l'appelant. Son travail était exécuté à partir de la résidence de l'appelant là où se trouvaient les documents pour ce faire.

[64]          À un moment donné, il a perdu son mandat. Ses services ont été à nouveau mis à contribution lorsque le Tribunal a émis une ordonnance en date du 13 février 2002 permettant à l'appelant de produire de nouveaux documents. Il a alors fait une compilation et transmis au vérificateur le résultat de son travail et tous les documents utilisés (pièce A-14).

[65]          Ignorant sans doute l'envergure et la complexité du mandat qu'il avait accepté, il a dû travailler avec un dossier où tout était mêlé et incomplet. Il a produit un travail démontrant qu'il avait fait son possible pour améliorer la qualité du dossier de l'appelant. Tout ce travail aurait cependant pu être évité si l'appelant avait manifesté une élémentaire collaboration et un souci minimal de transparence.

[66]          N'ayant manifestement pas tous les outils, informations et documents pour faire un travail impeccable, il a reconnu que l'appelant avait un système comptable inadéquat. Il a aussi avoué qu'il ne savait pas qu'un contribuable qui construisait pour lui-même devait s'autocotiser.

[67]          Monsieur Lachance, ferblantier de formation, a témoigné à l'effet qu'il avait été à l'emploi de l'appelant lors de la construction des immeubles et ce, à titre de surveillant des travaux. En cette qualité, il surveillait l'arrivée des matériaux pour s'assurer que tout était conforme; il contrôlait la qualité des travaux et à l'occasion, payait les livraisons ou les sous-contracteurs.

[68]          À cet égard, il a mentionné avoir payé comptant, à quelques reprises, certains entrepreneurs. Lors du contre-interrogatoire, il a majoré le nombre de paiements en espèces.

[69]          Si le but de l'intervention de monsieur Lachance était de démontrer que les us et coutumes en matière de construction étaient de payer comptant, son témoignage n'a certainement pas été suffisant ni déterminant pour faire cette preuve. Je ne retiens donc pas le témoignage de monsieur Lachance comme élément utile à la décision que je dois rendre.

[70]          L'appelant a expliqué avoir beaucoup d'expérience dans la construction au point qu'il s'agissait pour lui d'une véritable passion. Au début des années 1990, il contrôlait une compagnie qui oeuvrait dans ce domaine. Cette compagnie avait dû faire cession de ses biens, étant donné que le marché immobilier était dans un état lamentable.

[71]          Selon son témoignage, il a d'abord voulu construire un seul immeuble sur un immense terrain qu'il avait acquis, lequel était non accessible par des rues carrossables bien que situé dans l'environnement immédiat d'un nouveau complexe commercial de Trois-Rivières, soit un COSTCO.

[72]          Malgré le contexte difficile et tous les problèmes d'accessibilité, l'appelant a affirmé que ses bailleurs de fonds l'encourageaient et l'incitaient à construire d'autres immeubles en le soutenant financièrement. Ce qui l'avait amené à réaliser l'entièreté de son projet, soit six (6) immeubles de dix (10) logements et quatre (4) immeubles de huit (8) logements.

[73]          Il a décrit la situation comme étant très difficile en ce qu'il était pénible de trouver des preneurs pour ses logements. Pour réussir à les louer, il devait offrir des mois de loyer gratuits et souvent, après avoir consommé la gratuité et occupé les lieux quelques mois additionnels, les nouveaux locataires quittaient les lieux sans payer ou devaient être expulsés pour défaut de paiement. Comme il s'agissait d'immeubles financés par des institutions financières, il a indiqué qu'il devait rapidement produire des baux d'où les mesures incitatives précédemment décrites.

[74]          Quant à sa crédibilité financière, il a essentiellement mentionné que lui et sa famille étaient connus des milieux financiers; il n'a pas insisté sur la qualité de son patrimoine financier si ce n'est avoir mentionné que les choses étaient pénibles comme le démontraient ses déclarations de revenus; les loyers étaient à peine suffisants pour rencontrer les paiements hypothécaires.

[75]          Victime d'un accident survenu le 14 août 1995, l'appelant a affirmé avoir alors subi un très grave préjudice et être toujours traité en psychiatrie. À cause de ce préjudice, il a dû et doit prendre une quantité importante de médicaments.

[76]          Sur la question des blessures et des séquelles ultérieures, le contre-interrogatoire a permis d'apprendre que l'appelant était demeuré sous observation durant 24 heures. Quant à la période de l'incapacité totale, la preuve a révélé qu'il avait lui-même signé une multitude de chèques postérieurement à l'accident. D'autre part, il n'y a eu aucune preuve à l'effet qu'un ou des tiers aurait pris la relève pour la gestion d'administration des projets.

[77]          L'appelant a soutenu avoir subi des blessures très graves ayant entraîné des séquelles physiques et intellectuelles sévères permanentes, qui l'ont empêché de travailler manuellement, mais aussi et surtout au niveau de l'administration. Il a soutenu avoir perdu une quantité phénoménale de pièces justificatives lors de l'accident et n'avoir jamais récupéré les pièces nécessaires pour soumettre un dossier complet.

[78]          Aux termes de son témoignage, je n'ai rien remarqué qui soit de nature à conclure que monsieur Déziel était affligé d'une incapacité intellectuelle partielle permanente.

[79]          Je comprends que je n'ai ni la compétence ni les connaissances pour faire un tel diagnostic. Par contre, j'ai pu constater que l'appelant, présent dans la salle d'audition lors des témoignages qui ont précédé le sien et au moment où j'ai fait certaines observations, a identifié les faiblesses de son dossier. Lors de son témoignage, il a très subtilement essayé de corriger la situation en utilisant d'habiles formules.

[80]          Lorsqu'il devenait difficile pour ne pas dire impossible d'apporter les correctifs ou que la cohérence des explications devenait douteuse, il se repliait derrière les séquelles de son accident.

[81]          L'appelant a tenté de faire la preuve de sa bonne foi, de son ignorance et de son incapacité tant physique qu'intellectuelle. L'audition a plutôt établi d'une manière déterminante que l'appelant a délibérément choisi la confusion et refusé de collaborer dans le but évident de se soustraire à ses obligations.

[82]          Madame Langlois, responsable de la vérification au niveau des CTIs, a d'abord décrit sa formation et son expérience en matière de vérification. Elle a longuement témoigné sur les nombreuses étapes ayant précédé la vérification pour finalement expliquer avec détails le cheminement de son travail. Elle a fourni des détails d'une grande précision; elle a donné une multitude d'exemples concrets démontrant d'une manière non équivoque la qualité de son travail. Son témoignage a fait ressortir les éléments suivants :

-                la mauvaise foi manifeste de l'appelant et de ses représentants lors des nombreuses demandes visant à obtenir les pièces justificatives nécessaires à la vérification;

-                l'absence de comptabilité cohérente et appropriée;

-                l'embauche d'une personne responsable des relations avec la vérificatrice et qui n'avait ni les informations ni la collaboration de l'appelant qui avait lui-même retenu ses services;

-                plusieurs factures altérées;

-                nombreuses factures où les calculs incorrects de taxes dues ont été exécutés par une personne autre que celle qui avait préparé la facture, la différence d'encre ou d'écriture étant manifeste;

-                multiples ajouts manuscrits sur les factures;

-                utilisation de factures universelles sans aucune mention quant au fournisseur de service ou marchandise ni quant au numéro de taxe servant à l'identifier éventuellement;

-                utilisation de factures identiques avec des numéros consécutifs décrivant des fournitures provenant de fournisseurs différents;

-                désordre et fouillis total au niveau du peu de pièces disponibles;

-                un très grand nombre de paiements comptant censément faits à des fournisseurs de marchandises dont les montants étaient ronds, rendant le tout suspect quant au paiement des taxes;

-                l'appelant avait fait, sans doute, une comptabilité informatique secrète puisque la vérificatrice a vu des indices le laissant croire;

-                l'appelant n'avait ni système comptable ni de comptabilité adéquate disponible, constat confirmé par monsieur Gagnon dont les services ont été retenus par l'appelant lui-même;

-                refus systématique et répétitif de collaborer;

-                tentative de produire plus d'une fois les mêmes pièces;

-                utilisation d'un numéro de taxe d'une entité complètement étrangère;

-                transactions démontrant une connaissance des incidences du numéro de taxe;

-                calcul de taxe avec un taux non conforme à la période en vigueur.

[83]          Le témoignage de madame Langlois a été d'une clarté exemplaire avec des précisions d'une exceptionnelle qualité. Ce témoignage a établi d'une manière déterminante que plusieurs factures ont été altérées, maquillées, falsifiées d'une manière même grossière. Plusieurs pièces concernaient des montants substantiels. Plusieurs factures ont fait l'objet de mauvais calculs des taxes avec les mauvais taux.

[84]          Le fardeau de la preuve incombait à l'appelant. Pour le relever et justifier le bien-fondé de ses prétentions quant aux CTIs, l'appelant a non seulement soumis une preuve déficiente à plusieurs égards, mais incomplète et surtout invraisemblable sur des aspects fondamentaux.

[85]          Tous ces éléments ont été introduits en preuve par le biais de simples affirmations, elles n'ont été ni soutenues ni confirmées.

[86]          Un nombre appréciable de questions sont demeurées sans réponse. L'appelant aurait pu soumettre une preuve plus vraisemblable en faisant témoigner différents intervenants tels les banquiers. Je comprends cependant pourquoi une telle preuve n'a pas été soumise, puisque ceux et celles qui auraient été en mesure de la faire auraient, de toute évidence, fait la démonstration de l'aberration totale de la majorité des prétentions de l'appelant. Je n'ai carrément pas cru l'appelant quant à la gravité des séquelles des suites de son accident.

[87]          L'appelant a essentiellement eu recours à cet accident pour occulter certains aspects ou éléments agaçants de son dossier et pour expliquer certaines incohérences et ses nombreux blancs de mémoire.

[88]          Le fardeau de la preuve incombait à l'appelant. Pour avoir droit à des CTIs, il ne suffit pas de créer des présomptions ou d'affirmer y avoir droit, il est essentiel de faire la démonstration du bien-fondé par une preuve convaincante et déterminante. La preuve soumise par l'appelant a été tout à fait déficiente et je n'ai aucune raison valable pour attribuer un montant de CTIs supérieur à celui que l'intimée lui accorde.

Pénalités

[89]          L'appelant était un homme d'affaires avisé, possédant manifestement des connaissances exceptionnelles en matière de construction, mais aussi dans les domaines connexes que sont les coûts de construction, les conditions et possibilités de financement et aussi et surtout en ce qui concerne le marché de la location tel l'intérêt des locataires, le pourcentage de vacance, le coût des loyers, etc.

[90]          Il avait mis sur pied une compagnie de gestion. Il possédait des immeubles et avait plusieurs comptes bancaires. Pour convaincre les bailleurs de fonds de s'associer à la réalisation d'un projet d'une telle envergure, il faut présumer que l'appelant avait les compétences, l'expérience et la crédibilité morale pour ce faire.

[91]          Réaliser un projet de 10 immeubles regroupant plus de 100 logements à un endroit où il a fallu faire des rues et obtenir le financement hypothécaire nécessaire prouve que l'appelant n'était pas le petit artisan du coin avec des connaissances limitées, démuni devant les démarches à faire pour se renseigner adéquatement.

[92]          Est-il possible qu'un tel homme d'affaires ne connaisse pas les règles relatives à l'autocotisation et ses droits quant aux CTIs ? Est-il possible qu'un tel homme d'affaires n'ait pas mis sur pied une structure lui permettant d'avoir la collaboration et le soutien d'un personnel clérical responsable de suivre le dossier ? Est-il possible qu'un homme d'affaires de cette trempe confie des mandats à des inconnus sur des questions pourtant essentielles ? Je ne le crois pas.

[93]          Quant à la gérance et administration des divers chantiers à l'origine du litige, l'appelant a fourni très peu de détails. Il n'a fait référence à aucune comptabilité. Quant à un quelconque système comptable il a été peu loquace si ce n'est indiqué avoir embauché des personnes en difficultés, subventionnées pour s'occuper de la tenue de ses livres. Il a insisté sur son incapacité à s'occuper lui-même de ses affaires. Il a, en outre, utilisé le fait d'avoir été impliqué dans un accident pour prétendre avoir subi des séquelles importantes et avoir perdu une grande quantité de pièces justificatives quant aux CTIs.

[94]          La preuve soumise par l'appelant à l'égard de toutes les questions en litige a été sommaire, incomplète et surtout déficiente pour ne pas dire médiocre. Les explications étaient souvent invraisemblables et incohérentes et, à l'occasion, contradictoires.

[95]          L'appelant a toujours été en parfait contrôle de la situation. Il a tout fait pour éviter de se conformer aux exigences de la Loi. Il a, de plus, manifestement refusé de collaborer en utilisant tout une kérielle de faux-fuyants dans le but évident de se soustraire de ses obligations.

[96]          L'appelant n'était pas un néophyte dans le domaine des affaires; il avait oeuvré dans le domaine de la construction bien avant le début de la construction des immeubles en litige. Il avait dirigé une compagnie dont la vocation était la construction d'immeubles, laquelle a fait cession de ses biens en février 1995 après avoir cessé d'opérer en 1993.

[97]          L'appelant ne peut invoquer sa négligence et son incurie pour excuser son comportement tout à fait inapproprié. Il a choisi de plaider l'ignorance des règles qui, en l'espèce, étaient ou devaient être élémentaires, soit celles de tenir des registres, une comptabilité appropriée eu égard à l'envergure du projet.

[98]          Tous les éléments utilisés par l'expert Leblanc pour soutenir le bien-fondé de son évaluation convergent vers une seule conclusion : il eût été hasardeux, téméraire voire même irresponsable d'accorder un quelconque financement pour construire les immeubles litigieux.

[99]          Toute la preuve soumise par l'appelant relative aux questions en litige a démontré d'une manière non équivoque une mauvaise foi systématique, un entêtement injustifié et le recours à toutes sortes de manigances pour se soustraire à ses obligations. Dans les circonstances, il n'y a aucun doute que les pénalités étaient pleinement justifiées.

Prescription

[100]        L'appelant devait produire sa déclaration de taxe nette mensuellement et non pas à compter des dates d'évaluations des immeubles assujettis par les déclarations.

[101]        L'appelant n'a jamais produit de telles déclarations. Conséquemment, la prescription n'a et ne pouvait pas commencer à courir. Souscrire aux prétentions de l'appelant aurait pour effet de créer des situations tout à fait perverses et ridicules.

[102]        En effet, il suffirait de ne pas respecter certaines obligations prévues par la Loi en plaidant ignorance et réclamer, après l'écoulement du temps, les bénéfices de la prescription. D'abord l'ignorance de la Loi est un argument irrecevable, particulièrement lorsqu'il s'agit d'une ignorance accommodante.

[103]        Pareil raisonnement ne passe pas le test de l'élémentaire bon sens.

[104]        Je souscris donc, sans réserve, au jugement de l'honorable juge P. R. Dussault dans l'affaire Trudel c. Canada, [2001] A.C.I. no 82 (Q.L.), rendu le 8 février 2001, où il s'exprimait comme suit :

19.            C'est l'alinéa 296(1)a) qui prévoit que le Ministre peut établir une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire pour déterminer la taxe nette d'une personne, prévue à la section V, pour une période de déclaration. En ce qui concerne la taxe nette d'une personne pour sa période de déclaration, le sous-alinéa 298(1)a)(i) prévoit qu'une cotisation ne peut être établie après l'expiration de quatre ans après le dernier en date du jour où la personne était tenue par l'article 238 de produire une déclaration pour la période et du jour de la production de la déclaration. Or, l'appelante n'a jamais produit de déclaration suite à l'application de l'alinéa 191(1)e) de la Loi selon lequel elle est réputée avoir perçu la TPS suite à la location de son immeuble en avril 1991. Ainsi, le délai pour établir une cotisation à l'égard de l'appelante n'était pas expiré le 24 octobre 1997. La cotisation a donc validement été établie à cette date.

...

25.            En résumé, j'estime que la cotisation du 24 octobre 1997 est valide en vertu du sous-alinéa 298(1)a)(i) de la Loi puisque l'appelante n'a jamais produit de déclaration comme elle était requise de le faire suite à l'application du paragraphe 191(1) de la Loi.

[Je souligne]

[105]        Il n'y a pas lieu de poursuivre l'analyse de cette question, je conclus donc que les arguments de l'appelant relatifs à la prescription ne sont pas fondés.

[106]        L'intimée soumet que l'appelant devrait, en sus des dépens habituels prévus au paragraphe 147 (4) Tarif B de l'annexe II des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale) ( « Règles » ), être tenu aux dépens prévus à l'article 5 des Règles, sur la base de procureur-client.

[107]        La preuve a démontré d'une manière non équivoque que l'appelant avait délibérément et systématiquement tout mis en oeuvre pour échapper à ses responsabilités et qu'au surplus, il avait agi d'une manière arrogante, cynique et désinvolte, le tout ayant pour effet d'obliger les représentants de l'intimée à investir une somme de travail colossale pour préparer le dossier. Or, la preuve a révélé qu'une partie importante de ce travail découlait des nombreux caprices injustifiés et de l'entêtement de l'appelant à ne pas vouloir collaborer. Il a tout mis en oeuvre pour faire de l'obstruction systématique.

[108]        Conséquemment, je rejette l'appel et j'accorde les dépens réclamés par l'intimée prévus au paragraphe 147(4), Tarif B de l'annexe II et l'article 5 des Règles.

Signé à Ottawa, Canada ce 6e jour de décembre 2002.

« Alain Tardif »

J.C.C.I. No DU DOSSIER DE LA COUR :                           2000-4691(GST)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                                 Alain Déziel et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                                      Québec (Québec)

DATES :

AUDIENCE :                                                                          les 6, 7 et 8 mai 2002

NOTES ET AUTORITÉS DE L'APPELANT : le 12 juin 2002

PLAIDOIRIE ÉCRITE DE L'INTIMÉE :                              le 6 août 2002

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :                         L'honorable juge Alain Tardif

DATE DU JUGEMENT :                                      le 6 décembre 2002

COMPARUTIONS :

Avocat de l'appelant :                                          Me Serge Fournier

Avocate de l'intimée :                                          Me Ghislaine Thériault

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

                Nom :                                                       Me Serge Fournier

                Étude :                                                     Brouillette Charpentier Fortin

                Ville :                                                       Montréal (Québec)

Pour l'intimée :                                                       Morris Rosenberg

                                                                                                Sous-procureur général du Canada

                                                                                                Ottawa, Canada

2000-4691(GST)G

ENTRE :

ALAIN DÉZIEL,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu les 6, 7 et 8 mai 2002 à Québec (Québec) par

l'honorable juge Alain Tardif

Comparutions

Avocat de l'appelant :                                          Me Serge Fournier

Avocate de l'intimée :                                          Me Ghislaine Thériault

JUGEMENT

                L'appel de la cotisation établie en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise, (la « Loi » ) dont l'avis est daté du 27 septembre 2000 et portant le numéro 02304902, est rejeté et j'accorde les dépens réclamés par l'intimée prévus à l'article 5 et au paragraphe 147(4), Tarif B de l'annexe II des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale), selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour de décembre 2002.

« Alain Tardif »

J.C.C.I.

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