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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-4080(GST)I

ENTRE :

AVENUE BUSINESS CAMPUSES LIMITED,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 12 avril 2001 à Halifax (Nouvelle-Écosse), par

l'honorable juge Diane Campbell

Comparutions

Avocat de l'appelante :               Me R. Dan Harasemchuk

Avocate de l'intimée :                 Me Diane Hawco

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, dont l'avis est daté du 21 avril 1999 et porte le numéro 01CB0304214, est accueilli, sans frais, et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation selon les motifs du jugement ci-joints.


Signé à Ottawa, Canada, ce 11e jour d'octobre 2001.

« Diane Campbell »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour de mars 2003.

Mario Lagacé, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date: 20011011

Dossier: 2000-4080(GST)I

ENTRE :

AVENUE BUSINESS CAMPUSES LIMITED,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Campbell

[1]      L'appelante administre une école de formation professionnelle offrant divers cours dans le domaine des affaires et de l'informatique qui mènent à divers diplômes. C'est une franchisée de CompuCollege, filiale d'International Business Schools Inc. Elle était un inscrit aux fins de la taxe sur les produits et services/taxe de vente harmonisée ( « TPS/TVH » ) durant la période considérée en l'espèce, qui va du 1er septembre 1994 au 31 août 1998. De la TPS/TVH a été perçue sur des manuels et du matériel vendus à des étudiants inscrits à l'école administrée par l'appelante. Des crédits de taxe sur les intrants correspondant à la TPS/TVH payée aux fournisseurs de manuels et de matériel ont été demandés par l'appelante pour la période en question. Ces crédits ont été refusés par le ministre pour le motif que la fourniture des manuels et du matériel faisait partie d'une fourniture unique consistant à donner des cours, à savoir une fourniture exonérée de taxe.

[2]      D'après Joseph Ellsworth Brinton, président-directeur général d'Avenue Business Campuses, l'appelante a été constituée en 1990 en vertu de la loi intitulée Trade Schools Act : M. Brinton avait environ 60 p. 100 des actions, et son associé, Ian MacGillivray, en avait 40 p. 100. M. Brinton était responsable de l'administration financière de la société, ainsi que de l'administration des campus. Durant la période considérée en l'espèce, l'appelante administrait deux campus, un à Halifax et l'autre à Dartmouth (Nouvelle-Écosse).

[3]      Les cours offerts par l'appelante incluaient une formation en salle de classe et des travaux pratiques. Une activité visant le placement des étudiants avait lieu à la fin de chaque cours. Les cours menant à des diplômes incluaient les domaines suivants : comptabilité, administration des affaires, voyages et tourisme, applications informatiques et gestion et hôtellerie/restauration. Les cours duraient de six mois à un an et demi. Les cours se donnaient par modules : un étudiant pouvait ainsi suivre un cours n'importe quand, et les cours se donnaient généralement par périodes de quatre semaines, à raison de quatre heures par jour. Grâce à cette formule unique en son genre, les étudiants pouvaient suivre des cours tout en travaillant à temps partiel.

[4]      Le programme d'études était établi par le franchiseur, mais l'appelante n'était pas obligée d'offrir tous les cours existants. Les cours offerts dépendaient des besoins de la collectivité locale. Le franchiseur, selon le témoignage de M. Brinton, fournissait une liste de manuels à utiliser relativement à chaque cours, mais la façon d'utiliser les manuels était laissée à la discrétion des formateurs. L'appelante achetait des manuels à divers éditeurs en suivant la recommandation du franchiseur quant à savoir ce qui convenait. M. Brinton a ensuite expliqué au cours de son témoignage qu'il était au courant d'un seul manuel qui était acheté directement au franchiseur, CompuCollege. Chaque cours comprenait un volet en matière d'employabilité et de recherche d'emploi, pour lequel le franchiseur avait élaboré un cahier d'exercices. M. Brinton a témoigné que c'était le seul manuel vendu aux étudiants qui était acheté au franchiseur. Des exemples de factures faites à l'appelante par divers éditeurs ont été consignés en preuve. M. Brinton a fait état du sommaire du cours menant à un diplôme en applications informatiques et gestion, à savoir un cours qui était offert à l'école et dont le volet de préparation à l'emploi, dans le cadre duquel on se servait du cahier d'exercices du franchiseur, représentait 4 p. 100 du nombre total d'heures nécessaire pour terminer le cours.

[5]      Des brochures étaient utilisées pour attirer des étudiants à l'école, et ces brochures étaient fournies à quiconque demandait de l'information. Elles étaient également distribuées à des étudiants du secondaire lors de journées d'orientation. Une brochure, consignée en preuve, ne mentionnait pas les frais de scolarité ou le coût des manuels. M. Brinton a dit que l'école comptait beaucoup sur la publicité dans les journaux, ainsi qu'à la télévision et à la radio, et qu'aucun des messages publicitaires ne traitait des coûts, si ce n'est qu'ils disaient que le montant des frais de scolarité pouvait être inscrit comme crédit dans la déclaration de revenu d'un particulier.

[6]      L'école offrait plusieurs options de paiement et un formulaire relatif à chaque cours expliquait ces options à un étudiant s'inscrivant au cours. Le formulaire faisait état des sommes devant être déboursées par l'étudiant s'inscrivant au cours et incluait une ventilation des coûts, lesquels étaient répartis entre les frais de scolarité et le coût des livres et du matériel. Le coût des livres et du matériel incluait une ventilation des frais de TPS/TVH. M. Brinton ne savait pas si les campus de CompuCollege autres que les siens utilisaient ce formulaire financier. Il a déclaré que les coûts totaux relatifs à un cours étaient ventilés pour qu'un étudiant sache ce que représentait son « engagement à long terme » . Les frais de scolarité étaient indiqués séparément du coût des livres et du matériel, « [...] car ils correspondaient au service que nous fournissions » . M. Brinton a expliqué que l'école consacrait beaucoup de temps à faire savoir à chaque étudiant que le prix des livres et du matériel était majoré, mais moins élevé que le prix que l'étudiant paierait en achetant ces articles directement aux éditeurs. Comme le prix était indiqué aux étudiants au moment de l'inscription, toute modification du prix avant le début effectif d'un cours était prise en charge par l'école. M. Brinton a expliqué que ses campus utilisaient un formulaire financier dans lequel les frais totaux étaient répartis entre les deux éléments qu'étaient les frais de scolarité et le coût des livres et du matériel, car « [...] il ne s'agissait pas d'une somme forfaitaire. C'était en fait deux choses que nous leur fournissions, et parfois [...] un étudiant pouvait déjà avoir le livre » (parce que, comme il l'a expliqué, certains étudiants avaient fait des études universitaires ou avaient acheté ou emprunté le livre à un ami ou à une autre personne ayant déjà suivi le cours). L'élément « frais de scolarité » représentait le seul montant pouvant être utilisé pour obtenir un crédit d'impôt dans la déclaration de revenu d'un étudiant. Une des options de paiement exposées à un étudiant dans le formulaire financier prévoyait un rabais de 10 p. 100 sur les frais de scolarité si le paiement intégral était effectué dans les sept jours de l'inscription. Un tel rabais n'était pas offert sur le coût des livres ou du matériel. M. Brinton a expliqué que le règlement provincial régissant les écoles de métiers permettait une majoration globale à concurrence de 10 p. 100 sur le coût en magasin de livres et de matériel. Même ainsi majoré, le prix des livres et du matériel était encore moins élevé que celui dans les magasins. M. Brinton a établi clairement au cours de son témoignage que les livres et le matériel n'étaient pas vendus au prix de revient et que l'on réalisait en fait là-dessus « un profit non négligeable » . Dans certains cas, ce profit sur les livres et le matériel était de 25 000 $ à 30 000 $, ce qui n'était pas négligeable pour l'école, a-t-il dit.

[7]      Un formulaire de « modalités » concernant la fréquentation de l'école était remis à chaque étudiant au moment de l'inscription et lors du premier jour de classe. Ce formulaire était signé par chaque étudiant. Une des modalités était énoncée comme suit au paragraphe 10 :

[TRADUCTION]

Les frais de scolarité sont admissibles pour un crédit d'impôt sur le revenu. On délivrera aux fins de l'impôt des certificats indiquant le montant payé pour chaque année civile. Le coût des livres et du matériel fournis avec le cours n'est pas admissible. (Le soulignement est de moi.)

[8]      M. Brinton a expliqué que la dernière phrase du paragraphe 10 ci-devant visait à indiquer clairement à chaque étudiant que les frais de scolarité étaient admissibles pour un crédit d'impôt sur le revenu, mais pas le coût des livres et du matériel.

[9]      Un autre formulaire, qui faisait état de « règlements » et qui était remis à chaque étudiant au moment de l'inscription, spécifiait également :

[TRADUCTION]

Le coût des manuels n'est pas inclus dans les frais de scolarité. Les manuels et le matériel sont assujettis à la TPS/TVH.

[10]     Ce paragraphe était inclus sous la rubrique secondaire des « obligations financières » . Le premier paragraphe figurant sous cette rubrique secondaire commence par les termes suivants :

[TRADUCTION]

Les étudiants sont financièrement responsables de tous les frais [...]

M. Brinton a expliqué que l'école avait le droit de retenir un diplôme si un étudiant devait encore de l'argent à l'école concernant « [...] les frais de scolarité ou le coût des livres qu'ils avaient achetés » .

[11]     Pour chaque cours offert, l'école établissait en outre un barème de droits - en grande partie à l'usage du conseiller à l'admission - qui ventilait les heures et les semaines, les frais de scolarité et le coût des livres et du matériel, ainsi que les frais de TPS/TVH sur les livres et le matériel. Cela était ventilé pour chaque année dans le cas d'un cours étalé sur une période de deux ans. Ce barème de droits était remis à chaque étudiant au moment de l'inscription et pouvait être utilisé dans le cadre d'une demande de prêt étudiant. Les étudiants pouvaient obtenir une aide financière gouvernementale accrue du fait qu'un cours était divisé en deux blocs d'un an chacun. Pour chaque cours, il y avait en outre un barème de droits distinct concernant les livres et le matériel, avec la TPS/TVH applicable. M. Brinton a expliqué que ce barème était remis au ministère de l'Éducation lorsque, chaque année, l'école s'enregistrait auprès de la province, de sorte que le ministère soit au courant des livres utilisés et des prix attribués aux manuels. Le coût des livres indiqué dans ce barème était supérieur au prix facturé à l'école. Ce coût accru représentait la majoration du prix réduit de 20 à 25 p. 100 que l'école obtenait de l'éditeur. M. Brinton a fait remarquer que, dans certains cas, lorsque l'école procédait à l'achat des livres, le prix demandé par les éditeurs pouvait avoir augmenté, mais l'étudiant à qui un prix avait été indiqué payait le prix qui lui avait été indiqué. M. Brinton a témoigné qu'en moyenne, toutefois, l'école maintenait un profit important grâce à la majoration du prix des livres et du matériel.

[12]     Il ressort de la preuve présentée par M. Brinton qu'un étudiant voyait une ventilation financière à plusieurs étapes, y compris lorsqu'il rencontrait un conseiller à l'admission, lorsqu'il passait une entrevue et lorsqu'il présentait la demande effective. Le prix total était toujours indiqué comme se composant de plusieurs montants, car, d'après M. Brinton :

[TRADUCTION]

[...] ce sont deux choses différentes de notre point de vue. Il y a les frais de scolarité qu'ils paient pour l'enseignement et il y a le coût des livres et du matériel [...]

[13]     L'appelante n'exploitait pas une librairie, mais elle avait bel et bien une « réserve de livres » pour faciliter la tâche aux étudiants, c'est-à-dire pour qu'ils n'aient pas à se rendre à une librairie externe. Des livres étaient distribués en salle de classe au début d'un cours. D'après le témoignage de M. Brinton, presque tous les livres utilisés dans les cours offerts par l'école pouvaient être achetés dans des librairies externes comme Chapters ou Coles, sauf le cahier d'exercices établi par le franchiseur pour le module de préparation à l'emploi. Dans un exemple cité par M. Brinton, le coût de ce cahier d'exercices pour un cours représentait seulement 20 $ sur le coût total des livres relatifs à ce cours, qui était de 680 $ avant la TPS.

[14]     Il arrivait que des étudiants n'achètent pas de manuels et ils ne remplissaient alors pas la partie du formulaire d'inscription concernant les livres et le matériel. Ils pouvaient avoir acheté les livres ailleurs ou les avoir achetés à un ami. Il était en outre possible qu'un étudiant demande des livres en s'inscrivant et qu'il n'en ait pas besoin lorsqu'il entreprenait effectivement de suivre le cours. Dans ce cas, l'école accordait un crédit au titre du coût des livres indiqués dans la demande de l'étudiant. Des étudiants qui avaient déjà obtenu d'une source quelconque les livres relatifs à un cours ne se voyaient jamais refuser l'admission à l'école. M. Brinton a déclaré que le succès d'un étudiant à l'école n'était nullement lié à la question de savoir si les livres avaient été achetés à l'école ou ailleurs. D'après M. Brinton : « S'ils les avaient (les livres), ils pouvaient les utiliser. Ce sont des documents de référence. »

[15]     Il a également déclaré que le grand public achetait des manuels sans s'inscrire à des cours à l'école, ce qui n'était toutefois pas fréquent. L'école ne faisait pas de publicité à l'intention du grand public, mais rien n'interdisait de vendre un livre à un membre du grand public qui se présentait pour en acheter un. La vente d'un manuel à un non-étudiant se faisait à un prix qui incluait une marge bénéficiaire et n'avait aucun rapport avec l'inscription à un cours.

[16]     Si un étudiant demandait une liste de livres relatifs à un cours à l'entrevue ou à l'étape de l'inscription, on lui en fournissait une. À moins qu'une demande ait été faite, cette liste n'était pas fournie, car il était possible qu'un manuel soit mis à jour ou soit épuisé avant que l'étudiant entreprenne effectivement le cours. M. Brinton a donc souligné l'inexactitude de l'hypothèse de l'intimée énoncée à l'alinéa 14i) de la réponse à l'avis d'appel :

[TRADUCTION]

i) aucun des éléments d'un cours, y compris les manuels et les services d'enseignement, n'était fourni à un étudiant tant que la totalité des frais relatifs au cours n'avait pas été payée;

[17]     L'hypothèse figurant à l'alinéa 14j) de la réponse à l'avis d'appel se lisait comme suit :

[TRADUCTION]

j) les livres et le matériel et les services d'enseignement ne pouvaient être achetés séparément;

M. Brinton a dit que cette hypothèse était également inexacte et il a cité de nombreux cas où, en fait, ces éléments avaient été achetés séparément par des étudiants.

[18]     M. Brinton a témoigné que, après la vérification et la cotisation du ministre, l'appelante était encore tenue de payer la TPS/TVH sur les manuels qu'elle achetait à des fournisseurs, mais elle ne pouvait faire payer cette taxe à l'étudiant. Et aucun crédit de taxe sur les intrants ne pouvait être obtenu, a expliqué M. Brinton. L'appelante a toutefois été autorisée à demander des remboursements de taxe « [...] relativement à des crédits en matière d'ouvrages que nous avions déjà versés durant cette période, mais, seulement pour deux années antérieures [...] et nous avons donc demandé le remboursement de la taxe que nous avions payée - que nous avions en fait remboursée à l'étudiant durant cette période de deux ans. » Quand on lui a demandé comment l'appelante avait réagi face au fait de devoir payer de la TPS/TVH sans pouvoir en recouvrer, il a répondu : « [...] pour compenser, nous avons tout simplement dû augmenter le prix de nos livres demandé à nos étudiants, car, je le répète, ces prix étaient basés sur nos coûts, et comme nos coûts avaient augmenté de 7 p. 100, nous avons en fait [...] comme nos coûts étaient non plus des coûts avant taxe, mais des coûts après taxe, nous avons majoré les prix en conséquence. »

[19]     La position de l'intimée était que l'appelante vendait des cours de formation incluant la vente de livres et de matériel. Ainsi, l'intimée arguait qu'il s'agissait d'une fourniture unique qui était essentiellement une fourniture de services de formation professionnelle comprenant un enseignement ainsi que des livres et du matériel, à savoir une fourniture exonérée au sens du paragraphe 123(1) de la Loi sur la taxe d'accise (la « Loi » ). Cette fourniture était exonérée en vertu de l'article 8 de la partie III de l'annexe V de la Loi. L'intimée arguait que la relation entre les parties n'était pas modifiée du simple fait qu'il y avait une majoration du prix des manuels et du matériel. Comme l'appelante n'effectuait qu'une fourniture exonérée, elle n'exerçait pas une « activité commerciale » au sens du paragraphe 123(1) de la Loi, de sorte que l'application de la formule prévue au paragraphe 169(1) de la Loi pour le calcul de crédits de taxe sur les intrants donnait un produit nul.

[20]     L'appelante a argué que la fourniture de manuels et de matériel est une fourniture distincte de la fourniture d'un service d'enseignement. Elle soutenait qu'elle fournissait bel et bien un service consistant à donner des cours à des particuliers, mais qu'elle vendait également des biens. Elle a en outre argué que l'exonération législative visant les services d'enseignement ne s'applique pas à la fourniture de produits ou de biens corporels.

[21]     La règle générale relative aux crédits de taxe sur les intrants est énoncée au paragraphe 169(1) de la Loi. Une partie de la formule servant à déterminer des crédits de taxe sur les intrants prévoit que c'est seulement dans la mesure où les fournitures sont consommées ou utilisées dans le cadre d'une activité commerciale que des crédits de taxe sur les intrants peuvent être demandés.

[22]     Une « activité commerciale » est définie comme suit au paragraphe 123(1) de la Loi :

« activité commerciale » Constituent des activités commerciales exercées par une personne :

a) l'exploitation d'une entreprise (à l'exception d'une entreprise exploitée sans attente raisonnable de profit par un particulier, une fiducie personnelle ou une société de personnes dont l'ensemble des associés sont des particuliers), sauf dans la mesure où l'entreprise comporte la réalisation par la personne de fournitures exonérées;

b) les projets à risque et les affaires de caractère commercial (à l'exception de quelque projet ou affaire qu'entreprend, sans attente raisonnable de profit, un particulier, une fiducie personnelle ou une société de personnes dont l'ensemble des associés sont des particuliers), sauf dans la mesure où le projet ou l'affaire comporte la réalisation par la personne de fournitures exonérées;

c) la réalisation de fournitures, sauf des fournitures exonérées, d'immeubles appartenant à la personne, y compris les actes qu'elle accomplit dans le cadre ou à l'occasion des fournitures.

[23]     Conformément à cette définition, une activité commerciale exercée par une personne inclut « l'exploitation d'une entreprise [...], sauf dans la mesure où l'entreprise comporte la réalisation par la personne de fournitures exonérées » . Une « fourniture exonérée » est définie, également au paragraphe 123(1) de la Loi, comme désignant une fourniture figurant à l'annexe V. Une « fourniture taxable » est définie, également au paragraphe 123(1), comme désignant une fourniture effectuée dans le cadre d'une activité commerciale. Une fourniture exonérée est donc exclue des définitions d' « activité commerciale » et de « fourniture taxable » .

[24]     Le paragraphe 165(1) impose la taxe aux acquéreurs d'une fourniture taxable.

[25]     L'article 8 de la partie III de l'annexe V dit que la fourniture, effectuée par une école de formation professionnelle, d'un service consistant à donner à des particuliers des cours qui mènent à des diplômes est une fourniture exonérée lorsque le fournisseur est régi par la législation fédérale ou provinciale concernant les écoles de formation professionnelle. (Le soulignement est de moi.)

[26]     Il s'ensuit que les services d'enseignement de l'appelante sont des fournitures exonérées, donc des fournitures non effectuées dans le cadre d'une activité commerciale. Je dois simplement déterminer comment la fourniture de manuels et de matériel doit être considérée en vertu de la Loi et, finalement, si cette fourniture fait partie des services d'enseignement de l'appelante et est donc une fourniture exonérée.

[27]     L'appelante soutenait qu'elle fournissait un service - consistant à donner des cours à des particuliers - et qu'elle vendait en outre des biens.

[28]     Le paragraphe 123(1) définit le mot « service » comme suit :

« service » Tout ce qui n'est ni un bien, ni de l'argent, ni fourni à un employeur par une personne qui est un salarié de l'employeur, ou a accepté de l'être, relativement à sa charge ou à son emploi.

[29]     Pour commencer, il s'agit donc de savoir si l'exonération législative peut être interprétée comme incluant la fourniture de biens corporels, à savoir en l'espèce les manuels et le matériel. Me fondant sur une interprétation stricte de cet article libellé en termes bien simples, je conclus que les dispositions d'exonération ne peuvent s'appliquer à la fourniture de biens corporels. L'article ne traite que d'un service, et la mention de la fourniture « d'un service » à l'article 8 ne prévoit pas l'exonération de produits. La définition du mot « service » exclut expressément un « bien » . L'article 8 traite de la fourniture « d'un service consistant à donner à des particuliers des cours » . Le législateur n'a pas utilisé une formulation plus vaste comme « fourniture d'un cours de formation » . Si le législateur avait choisi cette formulation, il s'agirait assurément d'une fourniture combinée se composant de deux éléments : donner des cours à des particuliers et fournir des manuels et du matériel. L'article 8 traite clairement de la fourniture d'un service et non de la fourniture d'un cours de formation. Il traite uniquement d'un « service » . Si l'on avait voulu inclure des produits ou des biens, on aurait rédigé cet article pour qu'il traite « de services et de produits » ou « de services et de biens » . Selon une interprétation stricte de cet article, rien n'indique qu'il était destiné à inclure l'achat et la vente de produits.

[30]     Les manuels et le matériel achetés et revendus par l'appelante sont des biens corporels. Me fondant sur le libellé de la disposition d'exonération et sur les définitions énoncées au paragraphe 123(1), je conclus que la fourniture de biens corporels ou de manuels et de matériel en l'espèce n'est pas une fourniture exonérée en vertu de l'article 8.

[31]     L'avocat de l'appelante et l'avocate de l'intimée m'ont tous les deux renvoyé à l'affaire Sterling Business Academy Inc. c. La Reine, C.C.I., no 97-588(GST)G, 17 décembre 1998 ([1998] G.S.T.C. 130). La société Sterling administrait une école privée de formation professionnelle. Dans les documents envoyés aux étudiants, il était dit que les frais de cours indiqués aux étudiants incluaient les frais de scolarité, le coût des livres et du matériel et la TPS. Toutefois, contrairement à ce qu'il en était dans la présente espèce, le montant total indiqué aux étudiants n'était pas ventilé. La société Sterling avait estimé les dépenses moyennes relatives à ses cours, puis avait déterminé un coût moyen par cours de 550 $, plus 7 p. 100 de TPS. Lorsqu'elle faisait rapport au ministère des Collèges et Universités, elle répartissait ces montants entre les frais de scolarité, le coût des livres et les frais d'inscription, mais seulement sur une base globale moyenne et non pour chaque cours. Dans l'affaire Sterling, si un étudiant demandait un prêt du gouvernement, une répartition semblable était également fournie, sinon une ventilation des frais n'était pas remise à un étudiant, et il se pouvait qu'un étudiant ne soit jamais au courant d'une telle ventilation, à moins qu'il y ait une demande de prêt. En l'espèce, une ventilation des frais était toujours fournie. En outre, dans l'affaire Sterling, les étudiants qui abandonnaient un cours ne recevaient pas un remboursement des frais de livres et de matériel qu'ils avaient payés. La preuve présentée en l'espèce établissait que les étudiants qui abandonnaient un cours ou qui avaient déjà obtenu un livre récupéraient leur argent. Il ressort des faits de l'affaire Sterling que les étudiants étaient tenus d'avoir des livres pour le cours, mais pas de les acheter à la société Sterling. En l'espèce, M. Brinton a témoigné qu'il n'était pas obligatoire d'avoir les livres relatifs à un cours, mais que c'était recommandé. Dans l'affaire Sterling, rien n'indiquait si les étudiants pouvaient réussir avec des manuels autres que des manuels achetés au formateur. Si un étudiant souhaitait acheter un livre qui n'était pas requis pour un cours particulier, il pouvait le faire, mais, dans l'affaire Sterling, on ne faisait payer à l'étudiant que le coût de revient pour l'école (qui incluait les frais de transport et la TPS). Dans l'affaire Sterling, il n'y avait pas de majoration et de profit là-dessus. En l'espèce, il est bien clair qu'il y avait une majoration, à concurrence de ce qui était permis par le gouvernement, et la preuve établissait qu'il y avait un profit important. Le fait que l'on majorait le prix des manuels pour réaliser un profit distingue grandement la présente espèce de l'affaire Sterling, dans laquelle les livres étaient vendus au prix de revient. L'avocat de l'appelante a fait remarquer à juste titre que les faits énoncés dans l'affaire Sterling n'indiquaient pas que les livres fournis par la société Sterling étaient des livres que cette dernière produisait, rédigeait ou éditait. Dans l'affaire Sterling, rien n'indique non plus que le formateur achetait des manuels et du matériel et les revendait aux étudiants de façon à réaliser un profit important. Dans l'affaire Sterling, la question était de savoir si la fourniture de livres était une fourniture unique ou une fourniture accessoire à la fourniture de services d'enseignement exonérés. Le juge Rip a conclu que l'article 138 ne s'appliquait pas et qu'il était clair que les manuels et le matériel ne représentaient pas une fourniture accessoire à la fourniture des services d'enseignement. Il a alors suivi le raisonnement qu'il avait tenu dans l'affaire O.A. Brown Ltd. c. La Reine, C.C.I., no 94-435(GST)I, 10 juillet 1995 ([1995] G.S.T.C. 40), sur la question des fournitures combinées, et il a conclu que la fourniture unique de services d'enseignement et de livres et de matériel était une fourniture exonérée. On ne s'est pas demandé si la disposition d'exonération devrait être interprétée comme incluant la fourniture de livres et de matériel, alors qu'elle ne traite que d'un « service » .

[32]     Dans l'affaire Sterling, le juge Rip a conclu que la composante « livres et matériel » et la composante « services d'enseignement » étaient interdépendantes et faisaient ainsi partie intégrante d'un ensemble. Telle semblerait être la bonne conclusion à la lumière des faits de cette cause. La société Sterling demandait un prix global à ses étudiants et ne fournissait aucune ventilation, sauf aux fins des rapports à faire au gouvernement. Ce n'était pas ce que faisait l'appelante en l'espèce. Presque à chaque étape, l'appelante présentait des coûts distincts ou fournissait une ventilation des frais de scolarité, du coût des livres et de la TPS sur les livres. De plus, à l'étape initiale de l'entrevue, l'étudiant était informé que, en vertu de certaines options de paiement, les frais de scolarité pouvaient être réduits, mais jamais les livres et le matériel. On considérait ceux-ci comme un élément distinct qui était assujetti à la TPS/TVH. Comme l'indiquent un certain nombre de formulaires d'inscription, il arrivait que, sans avoir acheté les livres à l'appelante, des étudiants étaient inscrits à des cours sanctionnés par des crédits et menant à des diplômes. Ils pouvaient les avoir obtenus d'autres sources ou les posséder avant l'inscription. On a en outre déposé des pièces pour montrer que certains étudiants s'étaient inscrits, avaient acheté des livres et avaient ultérieurement reçu un crédit au titre des livres, parce qu'ils avaient abandonné le cours ou qu'ils avaient acheté le manuel ailleurs. Quoi qu'il en soit, on n'empêchait pas un étudiant de poursuivre un cours parce qu'il ne voulait pas acheter les livres et le matériel à l'école. M. Brinton a témoigné que la plupart des livres utilisés à l'école étaient des manuels généralement utilisés dans des universités et habituellement disponibles dans des librairies. D'après le barème de droits pour les divers cours, le coût des manuels représentait en moyenne au moins 10 à 12 p. 100 du coût total de chaque cours, si l'étudiant choisissait d'acheter les manuels. Les livres faisaient partie intégrante de chaque cours, mais pouvaient être empruntés, partagés ou achetés ailleurs ou, comme l'a dit M. Brinton au cours de son témoignage, si un étudiant était extrêmement brillant et assistait à tous les cours, il pouvait probablement réussir sans les livres. Sur la foi des faits de l'affaire Sterling, il ne semble pas que les étudiants pouvaient acheter les livres ailleurs. Les manuels utilisés à l'école de l'appelante n'étaient pas réservés à l'usage exclusif de cette école. La seule exception était évidemment le cahier d'exercices produit par le franchiseur, CompuCollege, pour le module de préparation à l'emploi. Il ressortait clairement de la preuve que ce cahier représentait une très petite partie de l'ensemble des modules nécessaires pour terminer un cours. M. Brinton a témoigné que la plupart des livres et du matériel, y compris le cahier d'exercices de CompuCollege, continueraient d'être utiles aux étudiants après que ceux-ci auraient obtenu leur diplôme.

[33]     L'avocate de l'intimée arguait que la présente espèce était semblable à l'affaire Oxford Frozen Foods Ltd. c. La Reine, C.C.I., no 94-1755(GST)G, 26 septembre 1996 ([1996] G.S.T.C. 76). Cette affaire concernait le transport et la vente de fruits et légumes congelés à l'égard desquels il y avait des frais supplémentaires pour l'entreposage, ainsi que des frais d'intérêts s'il n'était pas pris livraison des produits à une certaine date. Dans l'affaire Oxford, de la TPS n'était pas ajoutée au prix d'entreposage, et le ministre a établi une cotisation pour défaut de perception et versement de la TPS, pour le motif que l'entreposage était une fourniture distincte de la vente de produits congelés. Il a été statué que le fait de veiller à ce que les produits restent congelés faisait partie de la fourniture des produits, l'objet général étant de fournir des produits congelés. La position de l'avocat de l'appelante en l'espèce était que, même si l'on tient compte du raisonnement tenu dans l'affaire Oxford, l'appelante en l'espèce entendait fournir aux étudiants une formation professionnelle pour qu'ils puissent finir par obtenir des postes de premier échelon. Si cela était accompli en leur fournissant des services d'enseignement consistant à leur donner des cours, à leur faire passer des examens ou à les préparer à l'emploi sans leur vendre de livres, l'objectif était atteint. De plus, l'appelante en l'espèce majorait le prix des livres et réalisait un profit important là-dessus. Les livres étaient assurément recommandés et, si les étudiants en achetaient, l'appelante en bénéficiait. Toutefois, il ressortait clairement de la preuve que l'on ne refusait pas d'inscrire un étudiant qui ne voulait pas acheter de livres pour un cours.

[34]     L'appelante en l'espèce fournissait des services d'enseignement. On n'empêchait pas les étudiants qui n'achetaient pas de livres et de matériel à l'école de s'inscrire à des cours. En outre, des étudiants et, en fait, des membres du grand public pouvaient acheter des livres et du matériel sans suivre de cours. Si un étudiant achetait ailleurs les manuels et le matériel ou se les procurait autrement, on lui accordait un crédit s'il avait déjà payé l'école pour les livres. Je conviens avec l'avocat de l'appelante que c'est aller trop loin que de prétendre que, lorsque l'école recommande aux étudiants de lui acheter un manuel qu'elle vend à profit, elle fait à l'étudiant une fourniture qui est combinée à des services d'enseignement, donc une fourniture unique exonérée. Cela fait fi de tous les éléments de preuve qui ont été présentés en l'espèce quant aux nombreuses étapes auxquelles les montants étaient clairement ventilés pour l'étudiant. L'école se donnait beaucoup de mal pour faire la distinction dans ses documents entre les frais de scolarité et le coût des livres. Il était possible d'obtenir une réduction des frais de scolarité. On ne pouvait obtenir une réduction du prix des livres. La question des livres était traitée différemment dans tous les documents produits par l'école, et l'on faisait tous les efforts pour communiquer ces différences aux étudiants. Conclure autrement serait faire fi de la disposition d'exonération qui traite d'un service.

[35]     Que fournissait donc l'appelante en contrepartie du paiement effectué? Il ne s'agissait pas d'une fourniture unique, et une contrepartie unique n'était pas demandée par l'école et payée par un étudiant dans tous les cas. Le coût des livres et du matériel n'était pas à ce point lié à la fourniture du service qu'il ne puisse en être séparé. L'avocate de l'intimée arguait que le fait que le coût des livres était ventilé sur un bout de papier ne veut pas dire que le prix des livres représentait une contrepartie distincte. Je conclus le contraire, dans la mesure où un étudiant peut ne pas acheter les livres à l'école ou, s'il l'a fait, peut les retourner et obtenir un crédit.

[36]     L'exonération législative s'applique à un service et non à un service et à des produits. Le service fourni en l'espèce était un service d'enseignement. La disposition d'exonération ne peut être interprétée comme incluant une fourniture de biens corporels. Il y avait deux contreparties distinctes. À toutes les étapes, le coût des manuels et du matériel était suffisamment séparé des frais de scolarité que, sur la foi des faits de l'espèce, on ne peut considérer qu'il s'agissait seulement d'une composante d'une fourniture unique. La vente de livres est une opération distincte qui n'est pas visée par l'article 8. L'appelante vendait des livres de manière à réaliser un profit important là-dessus. Il s'agit d'une activité commerciale et d'une fourniture taxable. Par définition, une fourniture taxable est une fourniture effectuée dans le cadre d'une activité commerciale et, conformément à l'article 165, vu ma conclusion selon laquelle il s'agit d'une fourniture taxable, la taxe doit être imposée.


[37]     L'appel est accueilli et la cotisation est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation tenant compte du fait que la disposition d'exonération n'inclut pas la fourniture de manuels et de matériel.

Signé à Ottawa, Canada, ce 11e jour d'octobre 2001.

« Diane Campbell »

J.C.C.I

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour de mars 2003.

Mario Lagacé, réviseur

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