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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-1871(IT)I

ENTRE :

JOHN ANDERSON,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de

Landy Ing (2000-1872(IT)I) le 14 février 2001 à Toronto (Ontario) par

l'honorable juge Terrence O'Connor

Comparutions

Représentant de l'appelant :                  L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :                            Me Michael Ezri

JUGEMENT

          Les appels interjetés à l'encontre des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1993 et 1994 sont rejetés selon les motifs du jugement ci-joints.


          Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour d'octobre 2001.

« T. O'Connor »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour de février 2003.

Mario Lagacé, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-1872(IT)I

ENTRE :

LANDY ING,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de

John Anderson (2000-1871(IT)I) le 14 février 2001 à Toronto (Ontario) par

l'honorable juge Terrence O'Connor

Comparutions

Représentante de l'appelante :               L'appelante elle-même

Avocat de l'intimée :                            Me Michael Ezri

JUGEMENT

          Les appels interjetés à l'encontre des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1993 et 1994 sont rejetés selon les motifs du jugement ci-joints.


          Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour d'octobre 2001.

« T. O'Connor »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour de février 2003.

Mario Lagacé, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date: 20011004

Dossier: 2000-1871(IT)I

ENTRE :

JOHN ANDERSON,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

2000-1872(IT)I

ET ENTRE :

LANDY ING,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge O'Connor, C.C.I.

[1]      Les appels en l'instance ont été entendus sur preuve commune à Toronto (Ontario), le 14 février 2001. À la suite de l'audition des appels, des observations écrites ont été présentées par les appelants et l'avocat de l'intimée.

[2]      Bien que de nombreuses observations aient été présentées dans le cadre des présents appels, qui ont contribué à retarder le prononcé du jugement, l'unique question en litige consiste à savoir si les paiements reçus par les appelants en 1993 et en 1994 de Alan Stewart Homes Corporation ( « ASH » ) constituent ou non un revenu qui est imposable ou s'ils doivent être exclus du calcul du revenu en vertu de l'alinéa 81(1)h) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) comme les appelants le maintiennent. Selon l'intimée, l'exclusion de l'alinéa h) ne s'applique pas parce que les appelants n'ont pas reçu de prestation d'assistance sociale, ils ont plutôt reçu des honoraires pour services rendus de ASH conformément à un contrat conclu avec cette société.

FAITS

[3]      Voici les faits les plus pertinents :

a)        les présents appels se rapportent à l'année 1993 et aux deux premiers mois de 1994 (la « période » ). Pendant la période, ASH possédait une maison située au 2123 Theoden Court ( « Theoden Court » ) où les appelants résidaient avec leurs trois enfants et où ils offraient un service de placement en foyer d'accueil;

b)       les appelants n'ont pas été imposés sur le montant total des sommes reçues de ASH. Une nouvelle cotisation n'a été établie à leur égard relativement à leur revenu net uniquement qu'après déduction des dépenses engagées au profit des enfants placés chez eux. Les détails figurent dans la pièce R-1, onglets 9 et 10;

c)        en Ontario, les services de placement en foyer d'accueil sont offerts par les sociétés locales d'aide à l'enfance ou par des sociétés spécialisées. Ces dernières peuvent exploiter une entreprise à but lucratif ou à but non lucratif;

d)       dans certains cas, une société d'aide à l'enfance conclut des contrats avec des parents de foyer d'accueil pour qu'ils offrent des soins à des enfants placés en foyer d'accueil. Une société d'aide à l'enfance peut également conclure un contrat avec une société qui fournira ces soins. (Transcription, pages 74 et 75.);

e)        ASH est une société à but lucratif offrant des services de placement en foyer d'accueil principalement à des enfants ayant des besoins particuliers;

f)        selon M. Kevin Morris, un représentant du ministère des Services sociaux et communautaires (le « ministère provincial » ), une société d'aide à l'enfance qui engage des parents de foyer d'accueil pour offrir des services de placement en foyer d'accueil doit verser à ces parents une allocation journalière minimum de 14 $ par jour au cours de la période, c'est-à-dire en 1993 et en 1994. Toutefois, le ministère provincial n'a pas exigé de ASH qu'elle verse un montant minimum aux appelants pendant la période. (Transcription, page 101, lignes 17 à 21; page 118, ligne 7; page 135, lignes 1 à 13.);

g)        le ministère provincial n'a pas examiné le contrat conclu entre ASH et les appelants;

h)        le détenteur du permis de foyer de groupe de ASH pour la maison de Theoden Court a déclaré que ASH pouvait exiger 87,50 $ par jour pour un enfant placé à cet endroit. (Transcription, page 119, ligne 17.);

i)         il a été entendu et accepté par le ministère provincial que le tarif de 87,50 $ comprenait un montant de profit pour ASH en fonction des taux d'occupation. (Transcription, page 121, lignes 14 à 25; page 122, lignes 1 à 6; pages 132 et 133.);

j)         le ministère provincial n'exigeait pas que ASH justifie la façon dont elle dépensait le montant de 87,50 $;

k)        le seuil de 87,50 $ n'avait pas pour but de représenter une limite à ce que ASH pouvait exiger. Il représentait plutôt le montant maximum que le ministère provincial souhaitait payer à une société d'aide à l'enfance pour retenir les services de ASH;

l)         l'allocation journalière de 87,50 $ n'a pas été établie par une loi ou un règlement. (Transcription, page 129, lignes 11 à 14.);

m)       les appelants ont conclu une entente contractuelle avec ASH le 1er août 1990 afin de fournir des soins à des enfants placés auprès de ASH. Le contrat prévoyait que les appelants devaient recevoir 32 $ par jour par enfant (montant augmenté à 35,30 $ par jour pendant la période). ASH a fourni la maison de Theoden Court, où les appelants et leurs trois enfants ont vécu pendant la période sans payer de loyer. ASH a également fourni les meubles, payé les réparations importantes ainsi que les frais médicaux et dentaires, les médicaments d'ordonnance et une partie des vêtements dont avaient besoin les enfants placés sous la charge de ASH. Les appelants ont payé les services publics, les médicaments en vente libre, les frais de transport, l'argent de poche et les activités récréatives des enfants. (Transcription, pages 12 à 14; page 46, lignes 1 à 3; Pièce R-1, onglet 12.);

n)        M. Anderson a reconnu qu'il aurait été impossible pour les appelants de subvenir aux besoins d'une famille composée de cinq personnes (les deux appelants et leurs trois enfants) sans l'allocation journalière. Ce revenu était essentiel afin de couvrir les frais de subsistance de base des appelants et de leur famille. (Transcription, pages 46 et 47.);

o)             Mme Ing, en contre-interrogatoire, a reconnu que le revenu des appelants avait fluctué entre 1990 et 1993 parce que M. Anderson et elle-même avaient eu leurs propres enfants pendant cette période. Toutefois, le montant de l'allocation journalière n'a pas changé pour tenir compte de ces fluctuations. (Transcription, pages 59 à 62, particulièrement page 60, lignes 17 à 25.)

OBSERVATIONS

[4]      L'intimée soutient que le revenu reçu par les appelants de ASH n'est pas exonéré d'impôt pour les raisons suivantes :

a)        le paiement de ASH versé aux appelants constitue des honoraires ou un salaire et non une prestation d'assistance sociale ou un paiement versé dans le cadre d'un programme prévu par une loi fédérale ou provinciale;

b)       le paiement n'est pas fondé sur les ressources, les besoins et le revenu de l'un des appelants ou des enfants placés en foyer d'accueil;

c)        le ministre a déjà accordé une déduction dans la mesure où les paiements avaient été utilisés afin de couvrir les coûts liés aux enfants placés en foyer d'accueil. Aucune autre exonération n'est permise en vertu de l'alinéa 81(1)h).

[5]      L'alinéa 81(1)h) prévoit l'exonération d'impôt suivante :

81(1)     Ne sont pas inclus dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition :

[...]

h)          la prestation d'assistance sociale, sauf une prestation visée par règlement, qui est habituellement payée à un particulier, à l'exclusion d'une fiducie, dans le cadre d'un programme prévu par une loi fédérale ou provinciale, après examen des ressources, des besoins et du revenu - dans la mesure où il la reçoit, directement ou indirectement, au profit d'un autre particulier, à l'exception de son conjoint ou d'une personne qui lui est liée ou qui est liée à son conjoint - si, à la fois :

(i)          aucune allocation familiale en vertu de la Loi sur les allocations familiales, ou une allocation semblable en vertu d'un texte législatif provincial qui prévoit le versement d'une allocation semblable à celle prévue par cette loi, n'est payable à l'égard de l'autre particulier pour la période pour laquelle la prestation d'assistance sociale est payée,

(ii)         l'autre particulier habite au lieu principal de résidence du contribuable, ou ce lieu est maintenu pour que ce particulier l'utilise à titre résidentiel tout au long de la période visée au sous-alinéa (i);

A.       Le paiement constitue des honoraires pour services rendus, contrairement à la prestation d'assistance sociale qui est payée dans le cadre d'un programme prévu par une loi provinciale.

[6]      Il y a deux exigences distinctes :

a)        Le paiement doit représenter une prestation d'assistance sociale;

b)       Le paiement doit être versé dans le cadre d'un programme prévu par une loi provinciale.

Les deux exigences soulèvent la même question : les appelants ont-ils reçu une allocation journalière parce qu'ils avaient le droit en vertu de la loi d'être payés ou l'indemnité quotidienne constituait-elle plutôt une contrepartie due en vertu des conditions d'un contrat? L'avocat de l'intimée a laissé savoir que le ministre acceptait, de façon administrative, qu'un organisme à but non lucratif ait essentiellement le même statut que celui du gouvernement. Ainsi, un paiement versé directement par un tel organisme à un parent de foyer d'accueil est comparable à celui versé par un gouvernement, mais le ministre n'a jamais étendu ce traitement aux paiements versés par une entité à but lucratif. On a fait référence aux Nouvelles techniques de l'impôt sur le revenu no 17, du 26 avril 1999. On soutient que le droit d'une personne à une prestation d'assistance sociale ou à un paiement dans le cadre d'un programme est un droit créé par la loi particulière qui prévoit le paiement. Ce paiement n'est pas versé à titre de contrepartie pour un bien ou un service. Les appelants, par contre, n'ont pas un droit prévu par la loi à être payé. Ils n'ont qu'un droit contractuel d'être payés et ce paiement est versé en contrepartie des services rendus.

[7]      Dans l'affaire Storey Group Homes Ltd. c. Le ministre du Revenu national, C.C.I., no 90-1037(UI), 27 août 1991 (92 DTC 1295), l'appelante était une société qui offrait des services de foyer d'accueil dans des maisons dotées en personnel de parents de foyers collectifs. Les parents remplissaient des fonctions semblables à celles des présents appelants. La société recevait presque tout son revenu de différentes sociétés d'aide à l'enfance. La société a soutenu que l'argent qu'elle recevait des sociétés d'aide à l'enfance constituait des prestations d'assistance sociale et que le montant n'était pas imposable. Malgré le fait que l'intimée ait admis ce point, le juge Bonner, C.C.I., a exprimé de sérieuses réserves quant à savoir si ces paiements constituaient des prestations d'assistance sociale et a refusé de formuler une telle conclusion. Sa conclusion sur l'attribut fiscal des paiements était la suivante :

[...] Les montants reçus par l'appelante l'ont été à titre de recettes ordinaires de son entreprise conformément aux contrats la liant aux diverses sociétés d'aide à l'enfance. Ces montants n'ont pas été, à mon avis, reçus à titre de prestations d'assistance sociale. [...]

[8]      La décision rendue dans l'affaire Saulniers c. Sa Majesté la Reine, [1996] A.C.I. no 1298 était fondée également sur une distinction établie entre un montant versé découlant d'un droit et un montant gagné en vertu d'un contrat. La Cour était d'avis que l'alinéa 81(1)h) n'a jamais eu pour objet d'exonérer d'impôt un revenu gagné par une personne qui exploitait une entreprise à profit.

[9]      En l'espèce, les appelants exploitent une entreprise à profit et, selon la preuve, ils comptent sur leur revenu provenant de ASH pour gagner leur vie. À cet égard, ils ne sont pas bien différents des enseignants, des travailleurs sociaux ou des pompiers. [On pourrait ajouter le clergé, les médecins et les infirmières.] Les personnes exerçant chacune de ces professions rendent des services importants à la société et le font souvent pour des raisons autres que pour faire de l'argent. Néanmoins, chacune de ces personnes est imposée sur ses gains parce que sa profession représente une source de revenu.

B.       Ressources, besoins et revenu

[10]     En vertu de l'alinéa 81(1)h), pour être exclus du calcul du revenu, les paiements en question doivent avoir été effectués après examen des ressources, des besoins et du revenu. Ainsi, une personne n'a le droit de recevoir le paiement que si ses ressources, ses besoins et son revenu entrent dans le cadre des paramètres établis par la loi. En l'espèce, ni le droit des appelants à être payés ni le montant du paiement ne dépendaient des ressources, des besoins ou du revenu. Au contraire, les appelants avaient un droit contractuel de recevoir une allocation journalière particulière, quels que soient leurs ressources, leurs besoins ou leur revenu ou ceux des enfants placés sous la charge de ASH.

C.       L'élément de profit

[11]     Le fait que ASH et les appelants perçoivent un revenu net de l'argent reçu de chaque enfant constitue l'un des éléments les plus importants indiquant qu'il n'y a pas de lien entre les ressources, les besoins ou le revenu des enfants et le montant du paiement. Le montant que ASH peut imposer pour prendre soin d'un enfant comprend un élément de profit pour cette dernière. Cette marge de profit n'a rien à voir avec les ressources, les besoins ou le revenu des appelants ou des enfants placés chez eux.

[12]     De même, les paiements provenant de ASH n'ont pas uniquement pour objet de couvrir les coûts associés aux services de placement en foyer d'accueil, mais ils sont également destinés à indemniser les appelants pour leurs services. Les appelants recevaient 35,30 $ par jour par enfant, mais ils n'avaient pas besoin du montant total pour prendre soin de chaque enfant placé chez eux. Au contraire, les appelants considéraient l'argent comme un revenu brut. Ils ont utilisé les sommes afin de couvrir les coûts d'entretien des enfants placés en foyer d'accueil et tout ce qui restait constituait leur revenu net. Ce revenu net leur était destiné et ils n'avaient pas à justifier auprès de quiconque la façon dont ils le dépensaient.

D.       Paiement versé au profit d'une autre personne

[13]     Dans l'éventualité où les paiements versés aux appelants constituaient des prestations d'assistance sociale payées dans le cadre d'une loi provinciale après examen des ressources, des besoins ou du revenu, on fait valoir que seule la partie du paiement qui a été effectuée au profit des enfants placés chez les appelants est admissible à l'exonération en vertu de l'alinéa 81(1)h).

[14]     L'alinéa 81(1)h) ne fait qu'exonérer de l'impôt le paiement en litige « dans la mesure où un particulier la reçoit, directement ou indirectement, au profit d'un autre particulier » .

[15]     En l'espèce, le ministre n'a pas imposé le montant total de l'allocation journalière. Le ministre a autorisé les appelants à déduire le coût des soins réellement fournis aux enfants placés chez eux. Le ministre n'a fait qu'imposer les appelants sur le revenu net découlant de l'allocation journalière, lequel revenu net a profité aux appelants et non aux enfants placés en foyer d'accueil. Comme ces derniers n'ont pas profité de ce revenu net, aucune autre déduction n'est permise par l'alinéa 81(1)h) de la Loi.

[16]     Le résumé des faits qui précède ainsi que les observations de l'intimée ont été, en grande partie, extraits des observations écrites de l'intimée. À mon avis, ces observations sont correctes. Il s'ensuit que les appels sont rejetés.

          Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour d'octobre 2001.

« T. O'Connor »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour de février 2003.

Mario Lagacé, réviseur

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