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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-3798(IT)G

ENTRE :

IAN MORRISON,

appelant,

et

Sa Majesté La Reine,

intimée.

Appel entendu le 12 septembre 2002, à Vancouver (Colombie-Britannique), par l'honorable juge R.D. Bell

Comparutions

Avocat de l'appelant :                 Me R. Keith Oliver

Avocat de l'intimée :                   Me Eric Douglas

JUGEMENT

          L'appel de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1995 est accueilli, de sorte que le prix de base rajusté de la propriété de l'appelant est de 683 924,96 $ et la pénalité imposée sera annulée, et la nouvelle cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation selon les motifs du jugement ci-joints.


          Les frais sont adjugés à l'appelant.

Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour de novembre 2002.

« R.D. Bell »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 7e jour d'octobre 2003.

Erich Klein, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date : 20021129

Dossier : 2000-3798(IT)G

ENTRE :

IAN MORRISON,

appelant,

et

Sa Majesté La Reine,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Bell, J.C.C.I.

QUESTIONS EN LITIGE

[1]      Les questions en litige en ce qui concerne l'année d'imposition 1995 de l'appelant sont les suivantes :

1.        Quel est le prix de base rajusté ( « PBR » ) aux fins du calcul du gain en capital imposable relativement à la disposition d'une maison et d'un terrain que l'appelant considérait initialement comme une résidence principale qui ne serait pas assujettie à l'impôt quand il en disposait? L'appelant a reconnu, à l'audience, que seulement les trois cinquièmes du gain tiré de la vente étaient attribuables à sa résidence principale.

2.        L'appelant est-il passible d'une pénalité imposée par le ministre du Revenu national ( « ministre » ) en vertu du paragraphe 163(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu ( « Loi » )?

FAITS

[2]      En 1991, l'appelant a acheté une propriété non aménagée de 155 acres, située sur le flanc d'une montagne. Elle se trouvait dans un secteur zoné de manière à ce que la superficie minimum des terrains devait être de 74,1 acres.

[3]      En 1993, il a construit une résidence sur la propriété. Sa demande de partager la propriété en deux terrains pour profiter ainsi de la grandeur minimale de terrain permise a été rejetée.

[4]      En 1995, l'appelant a vendu l'ensemble du terrain et de la maison pour la somme de 1 009 600 $. Il n'a pas déclaré le gain réalisé sur cette vente. Bien que la position du ministre au moment de l'établissement de la nouvelle cotisation ait été que le coût du terrain attribuable à la résidence principale était de 68 007,07 $, l'intimée a convenu, à l'audience, que le coût total du terrain, soit 142 420,20 $, représentait le prix de base rajusté de ce terrain, étant donné que le ministre avait reconnu que le terrain entier faisait partie de la résidence principale.

[5]      La nouvelle cotisation établie pour l'année d'imposition 1995 de l'appelant comprenait la somme de 483 760 $ représentant le coût des améliorations apportées au terrain. À l'audience, l'appelant a pris la position que cette somme devait être augmentée de 57 744,76 $, montant qu'il a décrit comme représentant les :

                   [TRADUCTION]

Frais non déclarés au comptable.

Ces frais se détaillent comme suit :

[TRADUCTION]

Étude : avant la construction

1 177

Bibliothèque faite sur commande

4 139,77

Cheminées - revêtement en pierre

8 392

Litige relatif au puits; libération

10 844

Frais juridiques relatifs au puits

150

Excavation dans le tunnel d'accès

1 584,67

Poulailler

4 007,32

Tranchée pour l'électricité et l'adduction d'eau vers le poulailler; main-d'oeuvre

950

Matériel de conditionnement physique

4 500

Table de billard

10 000

Fosse septique

2 500

Génératrice; Onan diesel

3 500

Camionnage - pour niveler le chantier de construction

6 000

Total

57 744,76

L'appelant estime donc que le prix de base rajusté total de la propriété est de 683 924,96 $ et se compose des éléments suivants :

Terrain

142 420

Améliorations

483 760

Autres frais permis

57 744,76

Total

683 924,76

[6]      La question concernant le prix de base rajusté de la propriété peut maintenant être reformulée comme suit : la somme de 57 744,76 $ doit-elle y être incluse dans le calcul relatif à la résidence principale?

[7]      L'appelant a fourni un témoignage détaillé relativement aux services et aux matériaux obtenus pour chacune des sommes composant le montant total de 57 744,76 $. L'avocat de l'intimée l'a contre-interrogé avec beaucoup de minutie sur ce témoignage. Au cours de ce contre-interrogatoire, l'avocat s'est reporté à une lettre que Reginald J. LaBonte, C.A. ( « LaBonte » ) a envoyée le 25 janvier 1999 à Revenu Canada, Impôt. Dans cette lettre, LaBonte a indiqué que le coût total de la propriété avait été établi à 646 046 $ et se détaillait comme suit :

[TRADUCTION]

Terrain

142 420 $

Coût de la construction - voir l'annexe ci-jointe

456 760

Intérêt capitalisé

17 620

Impôt foncier (1992 et 1993)

2 426

Frais divers (tous < 1 000 $)

27 000

646 046 $

[1]

[8]      LaBonte a témoigné qu'en 2002, il était le comptable de l'appelant depuis 15 ans. Il a dit avoir discuté de la question de la résidence principale avec l'appelant lors de la préparation de la déclaration de revenus de ce dernier et avoir informé l'appelant qu'il n'y avait, selon lui, aucun impôt à payer. Il a ensuite déclaré que son avis était erroné. Il a dit que l'appelant lui avait fourni tous les renseignements voulus relatifs à sa résidence principale et que c'est par inadvertance que son cabinet n'avait pas déclaré la vente. Selon ses explications, cet oubli était dû au fait que son cabinet aurait dû employer une formule qui, quand elle a finalement été utilisée, a révélé que les trois cinquièmes du gain n'étaient pas imposables. LaBonte a dit qu'il aurait inclus le montant approprié s'il avait fait ce calcul au lieu de supposer tout simplement que le montant total était exonéré d'impôt puisqu'il se rapportait à une résidence principale. Il a déclaré qu'il n'appartenait pas à l'appelant de mettre en doute après coup son opinion.

[9]      Le ministre du Revenu national ( « ministre » ) a imposé une pénalité en vertu du paragraphe 163(1) de la Loi parce que l'appelant n'a pas déclaré de revenu pour l'une des trois années d'imposition précédant celle de 1995, qui fait l'objet de l'appel, et il ne l'a pas fait pour l'année 1995. L'avocat de l'appelant a reconnu qu'il y avait eu de telles omissions de déclarer.

[10]     L'avocat de l'intimée a reconnu, compte tenu de la décision dans l'affaire Canada (procureur général) c. Consolidated Canadian Contractors Inc. (C.A.), [1999] 1 C.F. 209 ([1998] G.S.T.C. 91), que l'appelant pouvait se prévaloir du moyen de défense de la diligence raisonnable relativement à son omission de déclarer ses revenus de l'année d'imposition 1995.

[11]     L'avocat de l'intimée a contre-interrogé l'appelant avec minutie relativement aux frais divers indiqués dans la lettre que LaBonte a adressée à Revenu Canada, frais dont chaque élément était décrit comme inférieur à 1 000 $, le tout s'élevant au total estimé de 27 000 $. L'appelant a bien précisé dans son témoignage qu'aucune partie de ladite somme de 27 000 $ n'était incluse dans le montant de 57 744,76 $ susmentionné. L'avocat de l'intimée a également demandé à l'appelant s'il s'était reporté aux dispositions de la Loi relatives à la résidence principale. L'appelant a répondu par la négative.

ARGUMENTS DE L'APPELANT

[12]     En bref, l'avocat de l'appelant a dit que le témoignage de ce dernier relativement à la somme de 57 744,76 $ était satisfaisant et qu'il avait été convenablement contre-interrogé sans que ce témoignage soit compromis. L'avocat a dit que certains éléments dont l'appelant n'était pas certain auraient pu être plus élevés ou plus bas.

[13]     En ce qui concerne la pénalité, l'avocat a soutenu que l'appelant avait fait preuve de diligence raisonnable en fournissant à LaBonte tous les documents et tous les renseignements financiers voulus concernant la maison pour sa déclaration de revenus de l'année 1995. L'avocat s'est référé au témoignage de LaBonte selon lequel il avait eu à sa disposition tout ce dont il avait besoin, avait commis une erreur relativement à l'exonération pour résidence principale et reconnaissait volontairement qu'il l'avait fait. L'avocat a affirmé qu'en commettant cette erreur, LaBonte avait omis d'employer la règle de proportionnalité qui, si elle avait été appliquée, aurait eu pour résultat que les trois cinquièmes du gain auraient fait l'objet de l'exonération pour résidence principale. Il a également soutenu que si LaBonte avait appliqué cette règle, la déclaration de revenus n'aurait pas renfermé d'erreur à cet égard et que cela permet à l'appelant d'invoquer la diligence raisonnable comme moyen de défense. Il a fait valoir que la preuve a démontré l'existence d'une communication suffisante entre l'appelant et son comptable, LaBonte. Il a dit que LaBonte n'était pas tenu dans l'ignorance et qu'il avait préparé la déclaration de revenus en fonction de sa propre erreur. L'avocat s'est référé au témoignage de LaBonte selon lequel ce dernier avait discuté de la déclaration de revenus avec l'appelant et celui-ci l'avait signée. Il a dit également que non seulement l'intimée n'a pas véritablement contesté ce fait, mais elle n'a fourni aucune preuve du contraire. Ensuite, il a soutenu que l'appelant, en fournissant à son comptable agréé, un professionnel, tous les renseignements relatifs à la vente de sa maison, a fait tout ce qui était raisonnable pour s'assurer qu'aucune erreur ne serait commise et, par conséquent, a fait preuve de diligence raisonnable et ne devrait pas être passible de la pénalité prévue au paragraphe 163(1).

[14]     L'avocat a alors soutenu que le PBR de la maison et du terrain était de 683 924,76 $ aux fins du calcul du gain en capital et qu'aucune pénalité ne devrait être imposée en vertu du paragraphe 163(1).

ARGUMENTS DE L'INTIMÉE

[15]     L'avocat de l'intimée a alors fait valoir que la somme de 57 744,76 $ que l'appelant voulait ajouter aux 483 760 $ d'améliorations était déjà incluse dans ce dernier montant. Il a ensuite dit que si la Cour était disposée à accepter l'ajout des 57 744,76 $, elle devrait en soustraire les 27 000 $ dont il est question dans la lettre susmentionnée du 29 janvier 1999 que LaBonte a adressée à Revenu Canada et, dans ce cas, seul le solde de 30 744,76 devrait être ajouté. Le PBR de la propriété serait alors de 656 924,76 $.

[16]     En ce qui concerne la pénalité, l'avocat de l'intimée a soutenu que l'appelant n'avait pas fait preuve de la diligence raisonnable voulue relativement à sa déclaration de revenus de l'année 1995 et que le recours aux services d'un comptable n'était pas suffisant pour satisfaire au critère de la diligence raisonnable. L'avocat s'est référé à la décision Roberts c. Canada, [1997] A.C.I. no 771 (QL) ([1997] G.S.T.C. 58) dans laquelle le juge Bowman (c'était alors son titre) a dit que le fait de se fier à ses teneurs de livres ne peut constituer diligence raisonnable. L'avocat s'est alors reporté à la décision SDC Sterling Development Corp. c. Canada,[1997] A.C.I. no 1237 (QL) ([1997] G.S.T.C. 103) dans laquelle le juge Christie, C.C.I., se fondant sur la décision Roberts, a déclaré que si « un cabinet comptable national bien connu » a donné des conseils insuffisants ou erronés à la partie appelante, cela n'établit pas pour autant que celle-ci a fait preuve de diligence raisonnable. L'avocat a ensuite soutenu que les actions des mandataires d'une personne constituent les actions de cette personne.

[17]     L'avocat a fait valoir en outre que l'appelant avait reçu un avis erroné et qu'il n'avait consulté les bulletins d'interprétation de Revenu Canada. À la question de la Cour de savoir ce qu'il aurait dû faire, l'avocat a répondu qu'il aurait dû consulter la Loi de l'impôt sur le revenu.

ANALYSE ET CONCLUSION

Le paragraphe 163(1) de la Loi est ainsi libellé :

Toute personne qui ne déclare pas un montant à inclure dans le calcul de son revenu dans une déclaration produite conformément à l'article 150 pour une année d'imposition donnée et qui a déjà omis de déclarer un tel montant dans une telle déclaration pour une des trois années d'imposition précédentes est passible d'une pénalité égale à 10 % du montant à inclure dans le calcul de son revenu dans une telle déclaration, sauf si elle est passible d'une pénalité en application du paragraphe (2) sur ce montant.

Le paragraphe 3 dit ce qui suit :

Dans tout appel interjeté, en vertu de la présente loi, au sujet d'une pénalité imposée par le ministre en vertu du présent article ou de l'article 163.2, le ministre a la charge d'établir les faits qui justifient l'imposition de la pénalité.

[18]     En ce qui concerne la première question en litige, j'accepte sans réserve la preuve de l'appelant selon laquelle il a dépensé pour les améliorations apportées au terrain, dont le coût était de 142 420,20 $, la somme de 57 744,76 $ en plus des 483 760 $ sur lesquels les parties sont d'accord, ce qui donne au total 683 924,96 $. Je suis également convaincu que l'appelant a dépensé la somme de 27 000 $ mentionnée dans la lettre qu'il a envoyée à son comptable, que cette somme ne faisait pas partie des 57 744,76 $ et qu'elle ne doit pas venir réduire le coût total, contrairement à ce qu'a prétendu l'avocat de l'intimée. Il en résulte qu'un PBR de 683 924,96 $ doit être utilisé pour déterminer le gain en capital imposable pour l'année d'imposition 1995.

[19]     À l'égard de la pénalité, les motifs du jugement dans l'affaire Roberts se lisent en partie comme suit :

Dans ce cas-ci, il est vrai que l'appelant a embauché des teneurs de livres pour l'une des périodes en question et qu'il leur a versé des montants qui me semblent excessifs compte tenu du fait qu'ils ont fait preuve d'incompétence et qu'ils n'ont rien fait. Cela pourrait justifier l'introduction d'une action par l'appelant contre eux, mais cela ne veut pas pour autant dire que ce dernier a fait preuve d'une diligence raisonnable.

Bien que le juge ait dit que les comptables étaient les mandataires de l'appelant et que ce dernier était responsable de ce qu'ils ont fait ou omis de faire, il les a également qualifiés de « teneurs de livres trop bien rémunérés et fondamentalement inutiles » . Il n'y a aucune preuve établissant que LaBonte était incompétent ou inutile et on n'a pas prétendu qu'il l'était. Il avait l'air d'un homme très professionnel et il a franchement et ouvertement reconnu son erreur, sans rejeter de responsabilité sur l'appelant.

[20]     Dans la décision SDC Sterling, la Cour a dit que lorsque la preuve avait été présentée à l'audience, aucun détail n'avait été donné sur ce que le cabinet d'expertise comptable avait fait ou omis de faire. En outre, l'appelante avait omis de produire plusieurs de ses déclarations de TPS. Ce type de circonstances n'existe pas ici.

[21]     Je ne souscris pas au point de vue selon lequel on ne peut dire d'un contribuable se trouvant dans des circonstances comme celles de l'appelant qu'il a fait preuve de diligence raisonnable lui permettant d'éviter qu'une pénalité lui soit imposée en vertu du paragraphe 163(1) de la Loi. Pour la préparation de sa déclaration de revenus de l'année d'imposition 1995, il a eu recours aux services du comptable agréé qui l'avait aidé pendant des années et à qui il a fourni tous les renseignements pertinents, lesquels devaient servir dans l'application d'une formule difficilement compréhensible contenue dans la Loi de l'impôt sur le revenu. L'assertion de l'avocat de l'intimée que l'appelant aurait dû consulter le bulletin d'interprétation ou la Loi de l'impôt sur le revenu ne peut avoir été
sérieuse. L'appel sera accueilli de sorte que le PBR de la propriété de l'appelant est de 683 924,96 $ et la pénalité imposée sera annulée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour de novembre 2002.

« R.D. Bell »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 7e jour d'octobre 2003.

Erich Klein, réviseur



[1]           Il est à noter que, bien que ceci corresponde au coût total selon les [TRADUCTION] « Factures, relevés et reçus originaux relatifs aux coûts de construction » , qui ont été transmis à son comptable, l'appelant prétend, tel qu'il est indiqué ci-dessus, que le coût total était de 683 924,96 $.

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