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Date: 20020607

Dossier : 1999-4063-IT-G

ENTRE :

CLAUDE MARTEL,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifsdu jugement

Le juge Tardif, C.C.I.

[1]            Il s'agit d'un appel relatif aux années d'imposition 1995 et 1996. L'intimée a admis, en début d'audition, le bien-fondé des pertes locatives d'où l'année d'imposition 1995 n'est plus en litige. L'intimée a également fait plusieurs admissions si bien que la seule question qui demeure en litige est de déterminer si l'appelant pouvait réclamer pour l'année d'imposition 1996 une perte déductible au titre de placement d'entreprise au montant de 56 643 $ (75 524 $ brut) à titre de créance irréconciliable.

[2]            En début d'audition, les parties ont indiqué qu'elles en étaient arrivées à une entente portant sur les faits suivants, (pièce A-1) :

1.              Gestion Conseil PME inc. (ci-après appelée « Gestion » ) a été constituée en 1978;

2.              Les actionnaires de Gestion, à parts égales, sont l'appelant et son frère Germain Martel;

3.              L'appelant a, au cours des années antérieures à 1996, avancé une somme de 75 524 $ à Gestion;

4.              Jusqu'en mars 1996, les actifs détenus par Gestion étaient des actions de deux (2) compagnies : 2321-4711 Québec inc. (ci-après appelée « 2321 » ) et 3104-9919 Québec Inc. (ci-après appelée « 3104 » );

5.              Gestion détenait 50% des actions de ces deux compagnies;

6.              Jusqu'au 29 février 1994, la compagnie 2321 a opéré un restaurant (ci-après appelé « Fritz » ) dans l'immeuble dont elle était propriétaire et dont l'adresse est le 745, rue Dupon, Alma;

7.              De mars 1994 à mars 1996, la compagnie 2321 a loué la bâtisse commerciale à la compagnie 3104 pour fins d'exploitation, par cette dernière, d'un autre restaurant appelé « Jukebox » ;

8.              Durant leur dernière année d'opération respective, la compagnie 2321 avait deux employés alors que la compagnie 3104 avait un peu plus de douze employés;

9.              Toujours durant leur dernière année d'opération, les revenus de 2321 provenaient de la location de l'immeuble abritant le restaurant Jukebox opéré par 3104, et les revenus de cette dernière provenaient de l'exploitation du restaurant;

10.            La compagnie 3104 fut mise en faillite le 6 mars 1996;

...

12.            Après la cessation de ses opérations à l'été 1996, la compagnie 2321 a été dissoute peu de temps après;

13.            En ce qui concerne l'immeuble, les transactions suivantes ont été effectuées préalablement à la reprise de possession, en mai 1996, de l'immeuble par Gestion :

a)              la Caisse populaire Desjardins de la ville d'Alma était créancière de la compagnie 2321 suivant les termes d'un contrat de prêt au montant de 350 000 $ du 27 avril 1993, laquelle créance était garantie par une hypothèque sur l'immeuble;

b)             l'appelant, son frère Germain Martel et Gestion ont payé une somme de 28 111,05 $ à la Caisse populaire Desjardins de la ville d'Alma afin d'être subrogés dans tous ses droits, recours, actions et hypothèques mais uniquement jusqu'à concurrence des sommes payées, suivant les termes d'une quittance subrogatoire datée du 30 janvier 1996;

c)              En date du 30 janvier 1996, le solde du prêt hypothécaire dû à la Caisse populaire d'Alma par la compagnie 2321 s'élevait au montant de 314 899,20 $, ce dernier solde ne faisait pas partie de la quittance subrogatoire du 30 janvier 1996;

d)             La société Les Immeubles Desjardins était également créancière de la compagnie 2321 pour une somme de 125 000 $ suivant les termes d'un acte de vente intervenu en date du 30 avril 1993, ladite créance étant garantie par une hypothèque de second rang se rapportant à l'immeuble;

e)              Le 1er février 1996, l'appelant, son frère Germain Martel et Gestion signifiaient à 2321 un préavis d'exercice d'un droit hypothécaire, à savoir de prise en paiement, invoquant les droits prévus dans la quittance subrogatoire du 30 janvier 1996;

f)              Le 15 mars 1996, les Immeubles Desjardins, à titre de créancière de second rang sur l'immeuble faisant l'objet de l'hypothèque consentie à la Caisse populaire Desjardins, payait la somme de 28 111,05 $ à l'appelant, son frère Germain Martel et Gestion afin d'être subrogée dans les droits énoncés à la quittance subrogatoire du 30 janvier 1996;

g)             La société Les Immeubles Desjardins était donc subrogée dans les droits de l'appelant, Germain Martel et Gestion découlant du recours en paiement que ces derniers avaient entrepris en date du 1er février 1996;

h)             En date du 3 avril 1996, la société Les Immeubles Desjardins demandait la prise en paiement de l'immeuble suite au défaut de la compagnie 2321 de respecter ses obligations prévues dans l'acte hypothécaire intervenu entre elle et la Caisse populaire Desjardins de la ville d'Alma;

i)               Par l'acte de quittance subrogatoire intervenu en mai 1996, l'appelant, son frère Germain Martel et Gestion sont devenus subrogés dans les droits, recours et hypothèques des Immeubles Desjardins à l'égard de ses créances envers 2321;

j)               En contrepartie de la subrogation dans les droits de la société Les Immeubles Desjardins, l'appelant, Germain Martel et Gestion ont versé une somme de 118 111,05 $;

k)              Compte tenu de la subrogation ci-haut mentionnée, l'appelant, son frère Germain Martel et Gestion ont repris possession de l'immeuble, suivant les termes d'un jugement rectifié daté du 20 mai 1996;

l)               Le 10 juillet 1996, devant le notaire Me Michel Parizeau, l'appelant et son frère Germain Martel ont cédé à Gestion la partie indivise de l'immeuble acquise selon les termes du jugement rectifié du 20 mai 1996;

14.            À la suite de cette reprise de possession, Gestion a loué la bâtisse commerciale à un autre restaurateur, un franchisé de la bannière A & W.

[3]            Monsieur Germain Martel, frère de l'appelant a longuement témoigné. Son témoignage a fait l'objet d'une confirmation générale de l'appelant lors d'un très bref témoignage. La preuve testimoniale a essentiellement repris les faits admis en les replaçant dans leur contexte avec nuances et certains ajouts.

[4]            Il ressort de ce témoignage que les frères Martel ont investi dans la restauration et ont dû composer avec plusieurs contraintes tout en subissant divers imprévus qui ont eu pour effet de transformer un projet en apparence très viable en un véritable cauchemar économique.

[5]            Le manque d'expertise, la mauvaise conjoncture ont contraint l'appelant à abandonner le projet dans sa conception originale pour réorienter la vocation des lieux en des opérations locatives.

[6]            Tel qu'indiqué précédemment, une seule question demeure en litige. Pour l'année d'imposition 1996 l'appelant pouvait-il réclamer une perte au titre de placement d'entreprise au montant de 56 643 $ (75 524 $ brut)?

[7]            En substance, à cet effet, l'appelant a soutenu avoir droit de réclamer une perte au titre d'un placement d'entreprise de 56 643 $ pour les avances et prêts consentis à la Société de Gestion.

[8]            L'intimée a répliqué que l'appelant n'avait pas le droit à la déduction d'une telle perte pour le motif que la compagnie de Gestion n'était pas une « société exploitant une petite entreprise » au sens de la Loi.

[9]            Les dispositions pertinentes de la Loi sont comme suit :

38. Sens de gain en capital imposable et de perte en capital déductible - Pour l'application de la présente loi : ...

c) la perte déductible au titre d'un placement d'entreprise d'un contribuable, pour une année d'imposition, résultant de la disposition d'un bien est égale aux ¾ de la perte au titre d'un placement d'entreprise que ce contribuable a subie, pour l'année, à la disposition du bien.

39. Sens de gain en capital et de perte en capital - (1) Pour l'application de la présente loi: ...

b) une perte en capital subie par un contribuable, pour une année d'imposition, du fait de la disposition d'un bien quelconque est la perte qu'il a subie au cours de l'année, déterminée conformément à la présente sous-section (jusqu'à concurrence du montant de cette perte qui ne serait pas déductible, si l'article 3 était lu de la manière indiquée à l'alinéa a) du présent paragraphe et compte non tenu du passage « et des pertes déductibles au titre d'un placement d'entreprise subies par le contribuable pour l'année » à l'alinéa 3d), dans le calcul de son revenu pour l'année ou pour toute autre année d'imposition) du fait de la disposition d'un bien quelconque de ce contribuable, à l'exception :

(i)                    d'un bien amortissable,

(ii)                  d'un bien visé à l'un des sous-alinéas a)(i), (ii) à (iii) et (v);

c) une perte au titre d'un placement d'entreprise subie par un contribuable, pour une année d'imposition, résultant de la disposition d'un bien quelconque s'entend de l'excédent éventuel de la perte en capital que le contribuable a subie pour l'année résultant d'une disposition, après 1977:

(i)             soit à laquelle le paragraphe 50(1) s'applique,

(ii)            soit en faveur d'une personne avec laquelle il n'avait aucun lien de dépendance, d'un bien qui est :

(iii)           soit une action du capital-actions d'une société exploitant une petite entreprise,

(iv)           soit une créance du contribuable sur une société privée sous contrôle canadien (sauf une créance, si le contribuable est une société, sur une société avec laquelle il a un lien de dépendance) qui est :

(A)           une société exploitant une petite entreprise,

(B)            un failli, au sens du paragraphe 128(3), qui était une société exploitant une petite entreprise au moment où il est devenu un failli pour la dernière fois,

(C)            une personne morale visée à l'article 6 de la Loi sur les liquidations qui était insolvable, au sens de cette loi, et qui était une société exploitant une petite entreprise au moment où une ordonnance de mise en liquidation a été rendue à son égard aux termes de cette loi, ...

125.(7) Définitions — Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article.

« entreprise de placement déterminée » Entreprise, ... dont le but principal est de tirer un revenu de biens, notamment des intérêts, des dividendes, des loyers et des redevances. Toutefois, ... l'entreprise exploitée par une société au cours d'une année d'imposition n'est pas une entreprise de placement déterminée si, selon le cas :

a)             la société emploie dans l'entreprise plus de cinq employés à plein temps tout au long de l'année;

b)             une autre société associée à la société lui fournit au cours de l'année, dans le cadre de l'exploitation active d'une entreprise, des services de gestion ou d'administration, des services financiers, des services d'entretien ou d'autres services semblables et il est raisonnable de considérer que la société aurait eu besoin de plus de cinq employés à plein temps si ces services ne lui avaient pas été fournis.

248. (1) Définitions — Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente Loi...

« entreprise de placement déterminée » S'entend au sens du paragraphe 125(7).

« entreprise exploitée activement » Relativement à toute entreprise exploitée par un contribuable résidant au Canada, toute entreprise exploitée par le contribuable autre qu'une entreprise de placement déterminée ou une entreprise de prestation de services personnels.

« société exploitant une petite entreprise » Sous réserve du paragraphe 110.6(15), société privée sous contrôle canadien et dont la totalité, ou presque, de la juste valeur marchande des éléments d'actif est attribuable, à un moment donné, à des éléments qui sont :

a)             soit utilisés principalement dans une entreprise que la société ou une société qui lui est liée exploite activement principalement au Canada;

b)             soit constitués d'actions du capital-actions ou de dettes d'une ou de plusieurs sociétés exploitant une petite entreprise rattachées à la société au moment donné, au sens du paragraphe 186(4) selon l'hypothèse que les sociétés exploitant une petite entreprise sont, à ce moment, des sociétés payantes au sens de ce paragraphe;

c)              soit visés aux alinéas a) et b).

Pour l'application de l'alinéa 39(1)c), est une société exploitant une petite entreprise la société qui était une telle société à un moment de la période de douze mois précédant le moment donné; par ailleurs, pour l'application de la présente définition, la juste valeur marchande d'un compte de stabilisation du revenu net est réputée nulle.

[10]          Il a été admis que, durant leur dernière année d'opération, les revenus de la compagnie 2321 provenaient de la location de l'immeuble abritant le restaurant Juke-box opéré par la compagnie 3104. Durant cette période, la compagnie 2321 avait deux employés alors que la compagnie 3104 avait un peu plus de douze employés.

[11]          L'intimée a admis que la société 3104 était une « entreprise exploitée activement » ; par contre l'intimée a soutenu que la compagnie 2321 était une « entreprise de placement déterminée » . Évaluée isolément, la compagnie 2321 n'est pas une « entreprise exploitée activement » et ne compte pas plus de cinq employés à temps plein. Pour contourner l'obstacle, l'appelant a soutenu que les opérations des sociétés 2321 et 3104 devraient être considérées ensemble.

[12]          L'intimée réplique qu'il s'agit là d'un argument mal fondé puisqu'il est contraire au principe incontournable que les personnalités juridiques sont des entités totalement indépendantes et autonomes ce à quoi, je souscris entièrement.

[13]          Cette importante question de la séparation des patrimoines et de l'autonomie des entités juridiques a été traitée par l'honorable juge Margeson dans l'affaire Casey Realty c. Canada, [1991] A.C.I. no. 963 (Q.L.) (C.c.i.).

[14]          En l'espèce, il n'y a pas lieu de retenir les prétentions de l'appelant à l'effet que les opérations des compagnies 2321 et 3104 devaient être confondues; cet argument n'a aucun fondement juridique et est tout à fait contraire à l'essence même d'une société qui constitue une entité juridique autonome et indépendante.

[15]          Les sociétés 2321 et 3104 doivent être considérées comme ayant chacune leur propre personnalité juridique. La mission de la compagnie 2321 était de percevoir ses revenus de l'exploitation de biens; il s'agissait donc d'une entreprise de placement déterminé d'où elle n'était pas une entreprise exploitée activement au sens de la Loi.

[16]          Il est important de rappeler qu'il est tout à fait inapproprié d'ignorer l'existence d'une corporation au bénéfice d'un contribuable particulièrement lorsqu'il a lui-même décidé de choisir et de créer une telle entité parce qu'il y trouvait des avantages.

[17]          Il est reconnu et admis que les contribuables ont le droit d'organiser leurs affaires de manière à réduire au maximum leur fardeau fiscal en autant que la planification choisie soit conforme aux dispositions de la Loi.

[18]          Il est tout aussi vrai qu'une personne ou un groupe de personnes peut décider de créer une entité légale ayant une personnalité juridique distincte et ce, pour de multiples raisons tant fiscales que civiles dont notamment pour limiter leur responsabilité.

[19]          Dans un cas comme dans l'autre, il s'agit d'un choix qui sous-entend la prise en considération de multiples facteurs générant généralement des avantages et à l'occasion certains désavantages. Une fois la décision prise, les intéressés doivent composer avec toutes les conséquences tant positives que négatives.

[20]          Souvent, de manière à ne profiter que des avantages, les intéressés manquent de cohérence et de transparence et veulent garder toutes les options ouvertes; certains interprètent même leurs faits et gestes de manière à renier ou ignorer totalement la réalité d'un choix antérieur. Il s'agit là d'une attitude inacceptable et totalement contraire aux principes fondamentaux devant régir l'ordre établi par le législateur pour la sauvegarde de l'équilibre et la transparence de toutes les transactions. Toute compagnie a et doit avoir sa propre personnalité juridique avec toutes les conséquences qui en découlent.

[21]          La définition de l'expression « société exploitant une petite entreprise » est prévue au paragraphe 248(1) de la Loi. Pour se qualifier, il suffit qu'elle ait été une « société exploitant une petite entreprise » à un moment quelconque de la période de douze mois précédant le 31 décembre 1996.

[22]          L'intimée a soutenu que Gestion n'était pas elle-même une « entreprise exploitée activement » . Jusqu'en mars 1996, les seuls actifs détenus par Gestion étaient des actions des deux compagnies 2321 et 3104. Pendant la période de mars 1994 à mars 1996, la compagnie 2321 a loué sa bâtisse commerciale à la compagnie 3104 pour fins d'exploitation, par cette dernière, du restaurant appelé « Juke-box » .

[23]          Les compagnies 2321 et 3104 seraient des « sociétés exploitant une petite entreprise » si, en 1996, chacune d'elles était une

...société privée sous contrôle canadien et dont la totalité, ou presque, de la juste valeur marchande des éléments d'actif est attribuable, à un moment donné, à des éléments qui sont

a) ...        utilisés principalement dans une entreprise que la société ou une société qui lui est liée exploite activement principalement au Canada.

[24]          Le paragraphe 248(1) de la Loi définit l'expression « entreprise exploitée activement » comme étant

toute entreprise exploitée par le contribuable autre qu'une entreprise de placement déterminée ou une entreprise de prestation de services personnels

[25]          Au sens du paragraphe 125(7) de la Loi, le terme « entreprise de placement déterminée » signifie une

entreprise, ... dont le but principal est de tirer un revenu de biens, notamment des intérêts, des dividendes, des loyers et des redevances.

[26]          Toutefois, l'entreprise exploitée par une société au cours d'une année d'imposition n'est pas une « entreprise de placement déterminée » si, selon le cas :

a)             la société emploie dans l'entreprise plus de cinq employés à plein temps tout au long de l'année;

b)             une autre société associée à la société lui fournit au cours de l'année, dans le cadre de l'exploitation active d'une entreprise, des services de gestion ou d'administration, des services financiers, des services d'entretien ou d'autres services semblables et il est raisonnable de considérer que la société aurait eu besoin de plus de cinq employés à plein temps si ces services ne lui avaient pas été fournis.

[27]          Cela étant, je dois, à la lumière des faits relevés par la preuve, déterminer si la compagnie 2321 pouvait se qualifier comme « société exploitant une petite entreprise » sur la base qu'il s'agissait d'une compagnie liée à une « société exploitant une petite entreprise » . La société 2321 pourrait se qualifier comme « société exploitant une petite entreprise » si elle était liée à une « société exploitant une petite entreprise » . Vu que la société 3104 est une « entreprise exploitée activement » , il faut déterminer si la compagnie 2321 lui est liée. L'alinéa 251(2)c) stipule qu'aux fins de la Loi deux sociétés sont liées dans les circonstances suivantes :

(i)                    si elles sont contrôlées par la même personne ou le même groupe de personnes,

(ii)                  si chacune des sociétés est contrôlée par une personne et si la personne contrôlant l'une des sociétés est liée à la personne qui contrôle l'autre société,

(iii)                 si l'une des sociétés est contrôlée par une personne et si cette personne est liée à un membre d'un groupe lié qui contrôle l'autre société,

(iv)                si l'une des sociétés est contrôlée par une personne et si cette personne est liée à chaque membre d'un groupe non lié qui contrôle l'autre société,

(v)                  si l'un des membres d'un groupe lié contrôlant une des sociétés est lié à chaque membre d'un groupe non lié qui contrôle l'autre société,

(vi)                si chaque membre d'un groupe non lié contrôlant une des sociétés est lié à au moins un membre d'un groupe non lié qui contrôle l'autre société.

[28]          À la lecture des dispositions prévues par la Loi, il appert que le contrôle a une importance déterminante. Isolément, l'appelant ne détenait pas le contrôle. Par contre, il faisait partie du groupe de personnes qui avaient ce contrôle des compagnies 2321 et 3104.

[29]          L'expression « groupe de personnes » n'est pas définie expressément aux fins de la définition de « personnes liées » . La seule définition disponible de cette expression se trouve au paragraphe 256(1.2) relative aux sociétés associées. Cette disposition stipule qu'un groupe de personnes s'entend de plusieurs personnes dont chacune est propriétaire d'actions du capital-actions de la même société.

[30]          Cette définition est, en fait, une codification de la règle énoncée dans la célèbre cause Buckerfield's. Dans cette affaire, 50% des actions de la compagnie Buckerfield's appartenait à la société Pioneer Grain et l'autre 50% était détenu par la Federal Grain Company. Les mêmes deux compagnies partageaient dans la même proportion la propriété des actions de la société Green Valley.

[31]          Le juge Jackett était d'avis qu'aucune des compagnies Pioneer Grain et Federal Grain ne détenait par elle-même le contrôle des sociétés appelantes. Cependant, l'honorable juge a statué que Buckerfield's et Green Valley étaient contrôlées par le même groupe de personnes, notamment, le groupe composé de Pioneer Grain et de Federal Grain. La définition de « groupe » retenue par le juge Jackett était la suivante : "The word « group » in its ordinary meaning, as I understand it, can refer to any number of persons from two to infinity."[1]

[32]          À partir des principes énoncés dans la cause Buckerfield's, le juge Abbott a affirmé dans l'arrêt de la Cour Suprême Vina-Rug que lorsqu'il est établi qu'un groupe d'actionnaires possède une majorité des parts comportant le droit de vote d'une compagnie, et que le même groupe détient une majorité des parts semblables d'une seconde compagnie, cela est suffisant pour rendre ces deux compagnies associées et conséquemment, liées.

[33]          Ce principe est pertinent au présent dossier. Pendant la période en question la propriété de toutes les actions émises et en circulation du capital-actions des sociétés 2321 et 3104 était partagée entre la compagnie Gestion et Mme Ruth Parent.

[34]          Les deux sociétés étaient donc contrôlées par le même groupe de personnes en vertu du sous-alinéa 251(2)c)(i) de la Loi.

[35]          On doit également conclure que les sociétés 2321 et 3104 étaient liées aux fins de l'alinéa a) de la définition de l'expression « société exploitant une petite entreprise » .

[36]          Conséquemment, la compagnie Gestion était une société dont la totalité, ou presque, de la juste valeur marchande des éléments d'actif était attribuable, à un moment donné en 1996, à des éléments qui étaient constitués d'actions du capital-actions de deux sociétés exploitant une petite entreprise rattachées à Gestion au moment pertinent.

[37]          Je conclus donc que, pour l'année d'imposition 1996, Gestion était une « société exploitant une petite entreprise » au sens de la Loi.

[38]          Conséquemment, l'appelant pouvait réclamer une perte déductible au titre de placement d'entreprise au montant de 56 643 $ (75 524 $ brut).

[39]          Pour ces motifs l'appel est accueilli avec dépens et le dossier devra être retourné à l'Agence des douanes et du revenu du Canada pour un nouvel examen en prenant pour acquis que l'appelant a subi une perte au titre de placement d'entreprise au montant de 56 643 $ (75 524 $ brut) pour l'année d'imposition 1996.

Signé à Ottawa, Canada ce 7e jour de juin 2002

« Alain Tardif »

J.C.C.I.

No DU DOSSIER DE LA COUR :        1999-4063(IT)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                 Claude Martel et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                      Québec (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                    le 23 janvier 2002

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :         l'honorable juge Alain Tardif

DATE DU JUGEMENT :                      le 7 juin 2002

COMPARUTIONS :

Avocat de l'appelant :                          Me Daniel Bourgeois

Avocate de l'intimée :                          Me Nathalie Labbé

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

                                Nom :                       Me Daniel Bourgeois

                                Étude :                     Pothier, Delisle

                                Ville :                       Sainte-Foy (Québec)

Pour l'intimée :                                       Morris Rosenberg

                                                                                Sous-procureur général du Canada

                                                                                Ottawa, Canada

1999-4063(IT)G

ENTRE :

CLAUDE MARTEL,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 23 janvier 2002 à Québec (Québec) par

l'honorable juge Alain Tardif

Comparutions

Avocat de l'appelant :                          Me Daniel Bourgeois

Avocate de l'intimée :                          Me Nathalie Labbé

JUGEMENT

          L'appel des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1995 et 1996 est accueilli, avec dépens et la cotisation déférée au ministre du Revenu national aux fins d'un nouvel examen et que de nouvelles cotisations soient établies en prenant pour acquis que l'appelant a subi une perte au titre de placement d'entreprise au montant de 56 647 $ (75 524 $ brut), selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de juin 2002.

« Alain Tardif »

J.C.C.I.



[1] Buckerfield's, supra note Error! Bookmark not defined. at para16.

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