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Dossier : 2003-1585(IT)I

ENTRE :

GORDON J. LEIDAL,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

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Appel entendu le 11 septembre 2003 à Vancouver (Colombie-Britannique)

Par : L'honorable juge en chef adjoint D. G. H. Bowman

Comparutions

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :

Me Michael Taylor

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JUGEMENT

          L'appel interjeté à l'encontre de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 2001 est rejeté.

Signé à Toronto (Ontario), ce 15e jour de septembre 2003.

« D. G. H. Bowman »

J.C.A.

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour de février 2004.

Nancy Bouchard, traductrice


Référence : 2003CCI671

Date : 20030915

Dossier : 2003-1585(IT)I

ENTRE :

GORDON J. LEIDAL,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge en chef adjoint Bowman

[1]      L'appelant réclame un crédit d'impôt pour personnes handicapées à l'égard de Robert McDonald pour son année d'imposition 2001.

[2]      En 1999, Robert McDonald a été gravement blessé et, conséquemment, il a été incapable de reprendre son travail. En 2001, alors qu'il était gravement handicapé, il a obtenu un formulaire 2201, soit un Certificat pour le crédit d'impôt pour personnes handicapées signé par un médecin. Il ne faisait aucun doute que Robert McDonald serait admissible au crédit d'impôt pour personnes handicapées en vertu des articles 118.3 et 118.4.

[3]      Depuis l'accident survenu en 1999, l'appelant et son épouse subviennent entièrement aux besoins de M. McDonald. Ils paient son loyer, lui achètent sa nourriture et lui fournissent toute l'aide dont il a besoin. La compassion et la responsabilité sociale dont ils font preuve sont très louables. M. McDonald dépend totalement d'eux.

[4]      M. McDonald est un adulte. Il n'a jamais été légalement adopté par l'appelant, son épouse ou les parents de l'appelant ou ceux de son épouse. Il habite dans un domicile distinct, et c'est l'appelant qui paie le loyer.

[5]      Le paragraphe 118.3(2) stipule dans un langage quelque peu abstrait qu'une personne à charge peut transférer à la personne qui assume ses frais d'entretien le crédit d'impôt pour personnes handicapées auquel la personne à charge serait autrement admissible. La question en litige consiste à savoir si Robert McDonald était une « personne à charge » de l'appelant. Il ne lui est pas lié par les liens du sang ou du mariage. À cet égard, le paragraphe 118(6) définit une « personne à charge » de la façon suivante :

(6)         Pour l'application des alinéas (1)d) et e) et (4)e), la personne aux besoins de laquelle un particulier subvient au cours d'une année d'imposition est une personne à charge relativement au particulier à un moment de l'année si elle est, par rapport au particulier ou à son époux ou conjoint de fait :

a)          son enfant ou petit-enfant;

b)          son père ou sa mère, son grand-père ou sa grand-mère, son oncle ou sa tante, son frère ou sa soeur, son neveu ou sa nièce, qui réside au Canada à un moment de l'année.

[6]      M. Leidal a soutenu que ce qu'il fait pour M. McDonald est bien plus qu'une amitié et affirme que [TRADUCTION] « dans les faits, il est [son] frère adoptif » . Il fait valoir que tant la Loi de l'impôt sur le revenu (article 251.4) que le Guide général d'impôt et de prestations des contribuables, à la ligne 305, reconnaissent l'adoption, qu'elle soit légale ou de fait. Il affirme que, si un enfant peut être adopté de fait, alors il n'y a aucune raison pour que l'adoption de fait d'un frère ne soit pas reconnue.

[7]      En dépit de la conviction et de la sincérité avec lesquelles M. Leidal a présenté son argument, je ne peux l'admettre.

[8]      En droit, aucune disposition ne prévoit l'adoption d'un frère. Une personne peut adopter un enfant de fait, mais elle ne peut adopter un adulte comme un frère ou une soeur.

[9]      La question relative à l'adoption de fait a été savamment discutée à fond par le juge en chef adjoint Christie de la Cour dans l'affaire Madigane v. M.N.R., [1989] 1 C.T.C. 2103. La jurisprudence est abondante en ce qui concerne l'adoption de fait d'un enfant par une personne. Par exemple, le juge en chef adjoint Christie cite le juge Angers dans l'affaire Anderson v. M.N.R., [1947] C.T.C. 223 qui soutient qu'il y a eu une adoption de fait de bonne foi. Ainsi, le juge en chef adjoint a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

À la page 1033, le juge Angers a déclaré ceci :

Le terme « adoption » , inséré à l'alinéa f) du paragraphe 1 de l'article 2 de la Loi de l'impôt de guerre sur le revenu, par 16-17 George V, chapitre 10, et qui a été conservé tel quel, par la suite, dans de nombreuses autres lois, ne s'applique-t-il qu'aux adoptions faites conformément aux dispositions d'une loi sur l'adoption de l'une ou l'autre des provinces ou comprend-il également une adoption de fait de bonne foi? Il s'agit de la question dont la Cour est saisie.

Il a soutenu que l'adoption comprend une adoption de fait de bonne foi. Aux pages 1039 et 1040, il a déclaré ceci :

Si nous prenons le terme « adoption » dans son sens général, cela signifie l'acte par lequel une personne adopte l'enfant d'une autre personne ou, en d'autres termes, le fait qu'une personne accepte que l'enfant d'autres parents devienne le sien.

C'est exactement ce que l'appelant a fait en ce qui concerne Beverley Price et Helen Price, les enfants d'âge mineur de Charles Price et de Margaret Grace Price, avec le consentement de cette dernière et, comme la preuve le révèle, à leur grand soulagement et entière satisfaction. À cette époque, Beverley était âgée de sept ans et Helen, de quatre ans. [...]

[10]     De même, il fait référence à l'affaire Racine et Racine c. Woods, [1983] 2 R.C.S. 173. Le juge en chef adjoint Christie, émettant un commentaire relativement à cette affaire, a déclaré ce qui suit aux paragraphes 11 et 12 :

[Traduction]

Cette affaire concernait également un litige portant sur la garde d'un enfant entre la mère et un couple marié à qui l'on avait donné la garde de l'enfant, enfant qui avait fait l'objet de cette controverse. Cette dernière est née le 4 septembre 1976 et, sauf pendant les quelques mois suivant sa naissance et pendant une brève période en mai 1978, elle a vécu avec les Racine dans leur résidence où elle était considérée comme leur propre fille et elle est devenue membre à part entière de la famille. La juge Wilson a rendu le jugement de la Cour, et, comme elle l'avait fait dans l'affaire Agar, elle a analysé ces faits comme parlant d'eux-mêmes et a conclu qu'il s'agissait d'une adoption de fait. Ainsi, à la page 185, elle déclare ceci :

Lorsqu'il a donné à la cour le pouvoir de se passer de l'autorisation des parents dans le cas d'une adoption de fait, le législateur a reconnu un aspect de la condition humaine, à savoir que notre propre intérêt obscurcit parfois notre perception de ce qui convient le mieux aux personnes dont nous sommes responsables. Un père ou une mère doit avoir un très haut degré d'altruisme et de maturité, à un degré que la plupart d'entre nous ne peut probablement pas atteindre, pour reconnaître qu'il vaut mieux pour son enfant qu'il soit élevé par un autre. Dans sa sagesse, le législateur a protégé l'enfant contre cette faiblesse humaine lorsque d'autres personnes ont comblé la brèche et ont fourni à l'enfant pendant une période minimale de trois années consécutives un foyer heureux et stable. De fait, ces personnes ont assumé les obligations des parents naturels et ont pris leur place. Dans les circonstances, il n'est plus nécessaire d'obtenir le consentement des parents naturels.

Peu importe la nationalité d'une personne ou son lieu de résidence au cours d'une année d'imposition, la question qui consiste à savoir si cette personne a été adoptée de fait aux termes de l'alinéa 251(6)c) de la Loi doit être tranchée conformément aux critères juridiques canadiens. À mon avis, les pouvoirs cités montrent clairement que ces caractéristiques fondamentales sont communes à la relation qui existe entre des parents adoptifs de fait et l'enfant. Ils vivent dans une étroite proximité. Dans chacun de ces cas, selon les faits, l'enfant et le ou les parents adoptifs vivaient sous le même toit et l'enfant était sous le contrôle réel et la garde des parents qui étaient en mesure de lui fournir constamment des soins parentaux adéquats ainsi qu'une éducation. Les parents adoptifs et l'enfant constituaient une unité familiale et faisaient partie d'une telle unité dont la présidence était assurée par les parents [...]

[11]     Même si M. Leidal soutenait qu'il avait adopté M. McDonald comme un fils (et, à cet égard, j'ai beaucoup de difficulté à concevoir le fait qu'une personne puisse adopter un adulte comme son fils, que ce soit légalement ou de fait), je doute que leur relation réponde aux critères qu'a énoncés le juge en chef adjoint Christie. Dans l'affaire en l'espèce, on soutient que M. McDonald est un frère adopté de fait, ce qui, à mon avis, est légalement impossible. Malgré toute la sympathie que j'éprouve à l'égard de M. Leidal et malgré le fait que j'admire sa générosité et sa compassion, je ne peux admettre son appel.   

Par conséquent, l'appel est rejeté.

Signé à Toronto (Ontario), ce 15e jour de septembre 2003.

« D. G. H. Bowman »

J.C.A.

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour de février 2004.

Nancy Bouchard, traductrice

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