Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossiers : 2003-2024(EI)

2003-2026(EI)

ENTRE :

TRUDY MELINDY,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

______________________________________________________________

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de Trudy Melindy

(2003-2025(CPP) et 2003-2027(CPP)) le 29 avril 2004, à Gander (Terre-Neuve)

Devant : L'honorable G. Sheridan

Comparutions :

Avocat de l'appelante :

Me Thomas Johnson

Avocat de l'intimé :

Me Martin Hickey

__________________________________________________________________

JUGEMENT

          Ces appels, interjetés en vertu du paragraphe 103(1) de la Loi sur l'assurance-emploi, sont admis, et les décisions rendues par le ministre du Revenu national et portées en appel devant lui en application de l'article 91 de la Loi sont annulées au motif que l'appelante exerçait un emploi assurable aux termes de l'alinéa 1(1)b) du Règlement sur l'assurance-emploi (pêche) pendant les périodes allant du 19 mai 2002 au 15 juin 2002 et du 16 juin 2002 au 10 août 2002, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour de septembre 2004.

« G. Sheridan »

La juge Sheridan

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour de juin 2005.

Joanne Robert


Dossiers : 2003-2025(CPP)

2003-2027(CPP)

ENTRE :

TRUDY MELINDY,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

__________________________________________________________________

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de Trudy Melindy

(2003-2024(EI) et 2003-2026(EI)) le 29 avril 2004, à Gander (Terre-Neuve)

Devant : L'honorable G. Sheridan

Comparutions :

Avocat de l'appelante :

Me Thomas Johnson

Avocat de l'intimé :

Me Martin Hickey

__________________________________________________________________

JUGEMENT

          Les appels sont accueillis, et la décision rendue par le ministre du Revenu national est annulée au motif que l'appelante n'exerçait pas un emploi ouvrant droit à pension au sens de l'alinéa 6(1)a) du Régime de pensions du Canada pendant les périodes allant du 19 mai 2002 au 15 juin 2002 et du 16 juin 2002 au 10 août 2002, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour de septembre 2004.

« G. Sheridan »

La juge Sheridan

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour de juin 2005.

Joanne Robert


Référence : 2004CCI532

Date : 20040922

Dossiers : 2003-2024(EI)

2003-2026(EI)

2003-2025(CPP)

2003-2027(CPP)

ENTRE :

TRUDY MELINDY,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Sheridan

[1]      Ces appels découlent d'une décision rendue par le ministre du Revenu national (le ministre) selon laquelle l'emploi de l'appelante, Trudy Melindy, ouvrait droit à pension mais n'était pas assurable. Les appels ont été entendus sur preuve commune. Plus particulièrement, le ministre a déterminé que, pendant les périodes allant du 19 mai 2002 au 15 juin 2002 et du 16 juin 2002 au 10 août 2002, Trudy Melindy était une employée de la compagnie Melindy Fisheries Ltd. aux termes d'un contrat de louage de services, et que, par conséquent, son travail ouvrait droit à pension[1]. Le ministre a aussi déterminé que le travail que Mme Melindy exécutait à bord du bateau de pêche Kelly Christine aurait été assurable[2], sauf qu'elle était actionnaire de Melindy Fisheries Ltd. contrôlant plus de quarante pour cent des actions avec droit de vote de la compagnie, et que, par conséquent, son travail correspondait à la définition de « emploi exclu[3] » .

[2]      Selon Mme Melindy, elle était travailleuse indépendante aux termes d'un contrat de louage de services conclu avec Melindy Fisheries et elle était « pêcheur » . Alors, le travail qu'elle exécutait à bord du Kelly Christine n'ouvrait pas droit à pension, mais aurait dû être assurable en vertu de l'alinéa 1(1)b) du Règlement sur l'assurance-emploi (pêche) [4]:

« pêcheur » Travailleur indépendant se livrant à la pêche, y compris toute personne qui, n'étant pas liée par un contrat de louage de services ni ne faisant la pêche pour son divertissement personnel ou celui d'une autre personne, se livre à l'une des activités suivantes :

[...]

b)          les travaux se rapportant à la réalisation ou à la manutention d'une prise, qu'il s'agisse de charger, décharger, transporter ou traiter la prise de l'équipage dont elle est membre, ou de préparer, réparer, désarmer ou remiser le bateau de pêche ou les engins de pêche utilisés par cet équipage pour faire ou manutentionner la prise, dans les cas où elle participe également à la réalisation de la prise;

[...]

FAITS

[3]      Pour que ses appels soient admis, Mme Melindy a le fardeau de prouver que les hypothèses sur lesquelles le ministre s'est fondé pour faire sa détermination étaient fausses. Les faits non contestés sont que du 19 mai 2002 au 10 août 2002, Mme Melindy était membre de l'équipage du bateau Kelly Christine, qui pêchait le crabe. Elle avait comme tâche de trier et de mesurer le crabe et d'aider avec les préparatifs de pêche et le nettoyage du bateau à la fin de la saison, moyennant 12 % de la valeur de la prise. Elle n'avait aucune garantie de recevoir un montant minimum pour son travail. La prise était vendue à Eveleigh's Seafoods Inc. (Eveleigh's), qui donnait directement à Mme Melindy la part de la valeur de la prise qui lui revenait, après avoir fait des retenues pour, entre autres, l'assurance-emploi et la « vérification à quai[5] » .

[4]      Mme Melindy a contesté l'exactitude des hypothèses suivantes, qui se trouvent au paragraphe 6 de la réponse du ministre à l'avis d'appel :

                   [TRADUCTION]

i)           [Melindy Fisheries] était responsable de tous les frais liés à la pêche, y compris les provisions pour l'équipage;

j)           [Mme Melindy] ne payait pas sa part des dépenses pour l'expédition de pêche et n'était pas tenue de le faire;

k)          Mme Melindy ne participait pas à l'entreprise [Melindy Fisheries] à titre de coentrepreneur, mais plutôt à titre d'actionnaire;

l)           Mme Melindy était une employée de [Melindy Fisheries];

m)         il y avait un contrat de louage de services entre Mme Melindy et [Melindy Fisheries].

ANALYSE

[5]      Seuls Mme Melindy et son mari, Derrick Melindy, le capitaine du Kelly Christine, ont été appelés à témoigner. Ils étaient crédibles et ont démontré qu'ils connaissent bien leur affaire au moment de présenter leurs preuves. J'accepte les preuves que Mme Melindy a présentées, telles qu'elles ont été appuyées par le témoignage de M. Melindy, pour prouver qu'elle achetait, chaque semaine, les provisions nécessaires à l'expédition de pêche et que chacun des membres de l'équipage lui remboursait sa part des provisions après avoir reçu la part de la valeur de la prise qui lui revenait. Je conclus aussi que Mme Melindy a elle-même payé[6] une combinaison de survie pour son utilisation à titre de membre de l'équipage. Elle n'a pas acheté son propre couteau ni sa propre jauge, mais cela en soi ne porte pas un coup fatal à sa position. Un montant pour la vérification à quai était déduit de la part de la valeur de la prise qui lui revenait. Dans le même ordre d'idées, elle devait payer sa part des coûts de l'appât[7]. Elle était aussi responsable du paiement d'autres dépenses, ce qui risquait de réduire la part totale de l'équipage et, par conséquent, sa rémunération éventuelle. Par exemple, si le moteur du Kelly Christine était tombé sérieusement en panne lors d'une excursion de pêche, la part de la valeur de la prise qui aurait autrement été répartie entre les membres de l'équipage aurait été réduite des coûts de réparation connexes.

[6]      Je suis convaincue que, selon la prépondérance des probabilités, Mme Melindy a su prouver que les hypothèses sur lesquelles le ministre s'est fondé pour rendre sa décision étaient fausses. Elle n'était pas une employée de Melindy Fisheries Ltd. aux termes d'un contrat de louage de services. Les preuves présentées répondent aux critères habituellement appliqués dans la jurisprudence[8]. La plupart des outils qu'elle utilisait lui appartenaient. Bien que faisant partie de l'entreprise coopérative de pêche, ses tâches n'étaient pas supervisées. Elle savait ce qu'elle avait à faire et le faisait. Elle pouvait faire partie de l'équipage d'autres bateaux pour d'autres genres de prises selon des modalités différentes. Elle n'avait pas droit à une paie de vacances ni à des congés de maladie et elle n'avait pas la possibilité de faire des heures supplémentaires. Comme elle n'avait pas de salaire garanti, elle courait le risque de subir une perte - d'une part, elle avait déjà payé les provisions et ses outils pour les expéditions de pêche, sans savoir quel en serait le résultat, et, d'autre part, elle était responsable de faux frais, comme ceux liés à la réparation du bateau, qui risquaient de réduire sa part de la valeur de la prise. Cependant, si l'excursion de pêche était un succès, elle pouvait réaliser un profit, selon l'importance de la prise et la valeur marchande de celle-ci au moment de la vente. Pour ce qui est du critère d'intégration, Mme Melindy recevait une partie du produit de l'entreprise de pêche, comme cela était envisagé dans l'affaire Comeau Sea Foods Limited c. Canada[9], où le juge O'Connor a dit ce qui suit :

[...] Quant à l'intégration, les facteurs suggèrent deux choses. Les pêcheurs en question n'étaient pas totalement intégrés dans l'entreprise de l'appelante. La question qui se pose consiste à savoir à qui appartient l'entreprise. Sur ce point, il est évident que c'est principalement l'entreprise de l'appelante mais il demeure que l'appelante, en partageant le produit de la vente de la prise, partage en fait les profits de l'entreprise avec l'équipage en tant que coentrepreneur.

[7]      Comme Mme Melindy était liée par un contrat de louage de services, son emploi n'ouvrait pas droit à pension selon le Régime de pensions du Canada. Toutefois, il reste à déterminer si elle était « pêcheur » au sens du paragraphe 1(1) du Règlement sur l'assurance-emploi (pêche). La preuve montre que Mme Melindy était « travailleuse indépendante » et que ses tâches étaient de mesurer et de trier le crabe qui constituait la prise du Kelly Christine et d'aider à préparer le bateau pour la saison de pêche et à le remiser à la fin de la saison. Les tâches qu'elle exécutait correspondent à la définition qui se trouve à l'alinéa 1(1)b), soit « [...] les travaux se rapportant à la réalisation ou à la manutention d'une prise [...] » . Par conséquent, Mme Melindy est « pêcheur » , et son emploi était assurable en vertu du Règlement sur l'assurance-emploi (pêche) pendant les périodes en question.

[8]      Les appels sont admis, et la décision du ministre est annulée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour de septembre 2004.

« G. Sheridan »

La juge Sheridan

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour de juin 2005.

Joanne Robert


RÉFÉRENCE :

2004CCI532

Nos DU GREFFE :

2003-2024(EI)

2003-2026(EI)

2003-2025(CPP)

2003-2027(CPP)

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Trudy Melindy c. M.R.N.

LIEU DE L'AUDIENCE :

Gander (Terre-Neuve)

DATE DE L'AUDIENCE :

29 avril 2004

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

L'honorable G. Sheridan

DATE DU JUGEMENT :

22 septembre 2004

COMPARUTIONS :

Avocat de l'appelante :

Me Thomas Johnson

Avocat de l'intimé :

Me Martin Hickey

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l'appelante :

Nom :

Me Thomas Johnson

Cabinet :

O'Dea, Earle

St. John's (Terre-Neuve)

Pour l'intimé :

Me Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada



[1] En vertu de l'alinéa 6(1)a) du Régime de pensions du Canada

[2] Aux termes de l'alinéa 5(1)a) de la Loi sur l'assurance-emploi : [...] emploi assurable - Sous réserve du paragraphe (2), est un emploi assurable : a) l'emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, aux termes d'un contrat de louage de services ou d'apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l'employé reçoive sa rémunération de l'employeur ou d'une autre personne et que la rémunération soit calculée soit au temps ou aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces, soit de toute autre manière; [...]

[3] Aux termes de l'alinéa 5(2)b) de la Loi sur l'assurance-emploi : Emploi exclu - « [...] l'emploi d'une personne au service d'une personne morale si cette personne contrôle plus de quarante pour cent des actions avec droit de vote de cette personne morale; »

[4] DORS/96-445

[5] Montant facturé à chaque membre de l'équipage en fonction de sa part de la valeur de la prise pour couvrir les frais liés à l'inspection de la prise, qui a lieu pour veiller à ce que les normes du ministère soient respectées.

[6] Pièce A-3, facture de Mercer's Marine

[7] En 2002, à titre de mesure d'incitation, Eveleigh's a fourni gratuitement à Melindy Fisheries l'appât nécessaire; toutefois, Eveleigh n'a pas refait cela l'année suivante, et Mme Melindy a payé l'appât.

[8] Weibe Door Services Ltd. v. M.N.R., 87 DTC 5025; 671122 Ontario Ltd. v. Sagaz Industries Canada Inc., [2001] 4 C.T.C. 139; Comeau's Sea Foods Ltd. c. Canada, [2002] A.C.F. no 1808 (C.A.F.), admis par la Cour d'appel fédérale; Robinson c. Canada, [1991] A.C.I. no 624 (C.C.I.); Benjamin c. Canada, [1998] A.C.I. no 153 (C.C.I.)

[9] [2001] A.C.I. no 382

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.