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Dossier : 2001-1027(IT)G

ENTRE :

MADELEINE GAGNON,

es qualité d'héritière de feu Richard Boucher,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

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Appels entendus le 15 mars 2005 à Chicoutimi (Québec)

Devant : L'honorable juge Paul Bédard

Comparutions :

Avocat de l'appelante :

Me Éric Le Bel

Avocat de l'intimée :

Me Martin Gentile

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JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1988, 1989, 1990, 1991, 1992 et 1993 sont admis, avec dépens, et les pénalités sont annulées, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de juin 2005.

« Paul Bédard »

Juge Bédard


Référence : 2005CCI311

Date : 20050614

Dossier : 2001-1027(IT)G

ENTRE :

MADELEINE GAGNON,

es qualité d'héritière de feu Richard Boucher,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Bédard

[1]      Dans ces appels, interjetés selon la procédure générale, il s'agit de déterminer si l'imposition de la pénalité prévue au paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) à l'encontre de l'appelante à l'égard du crédit d'impôt pour déficience mentale ou physique, pour les années d'imposition 1988, 1989, 1990, 1991, 1992 et 1993, était justifiée.

[2]      Les faits sur lesquels le ministre du Revenu national (le « ministre » ) s'est fondé pour établir les cotisations pour les années en cause sont énoncés au paragraphe 8 de la Réponse à l'avis d'appel :

a.          le dossier origine d'une enquête interne concernant certains employés du Centre fiscal de Jonquière qui avaient mis sur pied un stratagème qui consistait à faire bénéficier à certaines personnes des remboursements d'impôt frauduleux en contrepartie d'une commission fondée sur un pourcentage desdits remboursements;

b.          Richard Boucher est le père de Mario Boucher, employé depuis environ 15 ans par l'Agence des douanes et du revenu du Canada;

c.          avec l'aide de Mario Boucher, Richard Boucher a bénéficié de remboursements d'impôt auxquels il n'aurait normalement pas droit;

d.          le 16 juin 1994, Richard Boucher a reçu un remboursement d'impôt total s'élevant à une somme de 3 773,29 $ pour les années d'imposition 1988, 1989, 1990, 1991, 1992 et 1993, suite à de nouveaux avis de cotisations datés du 16 juin 1994;

e.          ces avis accordaient à Richard Boucher un crédit d'impôt pour déficience mentale ou physique;

f.           pour appuyer la demande du crédit d'impôt, Richard Boucher a fourni un certificat pour crédit d'impôt pour personne handicapée rédigé par le docteur André Couture et daté le 22 mars 1994;

g.          selon le certificat, la déficience dont souffrait Richard Boucher aurait débuté le 22 février 1988;

h.          le certificat a été falsifié suite à son émission par le médecin et la déficience aurait plutôt débuté le 22 février 1993;

i.           à l'appui des nouvelles cotisations datées du 25 septembre 2000, l'intimée soutient qu'à l'égard des années d'imposition 1988, 1989, 1990, 1991, 1992 et 1993, Richard Boucher a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire ou a commis quelque fraude ou en fournissant quelque renseignement sous le régime de la Loi de l'impôt sur le revenu;

j.           la réclamation de crédits d'impôt pour personnes handicapées à l'égard des années d'imposition 1988, 1989, 1990, 1991, 1992 et 1993 porte le ministre à croire que Richard Boucher a fait sciemment, ou dans des circonstances qui justifient l'imputation d'une faute lourde, un faux énoncé ou une omission dans les déclarations de revenus produites pour les années d'imposition 1988, 1989, 1990, 1991, 1992 et 1993, ou a participé, consenti ou acquiescé à ce faux énoncé ou cette omission, d'où il résulte que l'impôt qu'il aurait été tenu de payer d'après les renseignements fournis dans les déclarations de revenus déposées pour ces années-là était inférieur au montant d'impôt à payer pour ces années-là.

[3]      Monsieur Roland Pelletier, un agent d'enquêtes spécialisées à l'Agence des douanes et du revenu du Canada (l' « Agence » ) a témoigné qu'en 1998 un employé de l'Agence s'était rendu compte que le ministère avait fait des remboursements d'impôt à des contribuables sans qu'il y ait de pièces justificatives dans leur dossier. Monsieur Pelletier a expliqué qu'il avait mené, avec d'autres personnes, mené une enquête au sujet de cette affaire. Cette enquête a conduit à l'inculpation et à la condamnation de deux employés de l'Agence, dont monsieur Mario Boucher, le fils de l'appelante. Selon monsieur Pelletier, l'enquête a révélé qu'environ 45 contribuables avaient été contactés par ces deux employés ou par d'autres personnes et que ces derniers avaient reçu de 50 pour cent à 66,66 pour cent du remboursement d'impôt reçu par les contribuables. Le nom de Mario Boucher était associé à plusieurs dossiers, dont celui de son père, feu Richard Boucher, qui est décédé en l'an 2000. Monsieur Pelletier a ajouté qu'il avait téléphoné à feu Richard Boucher le 2 mai 2000. Lors de cette conversation téléphonique, monsieur Pelletier avait appris de l'appelante que feu Richard Boucher était gravement malade du cancer. Il avait alors décidé de ne pas rencontrer feu Richard Boucher pour des raisons humanitaires.

[4]      Il convient de souligner que l'avocat de l'appelante a admis que le formulaire T2201, intitulé « Certificat pour le crédit d'impôt pour personne handicapée » , avait été falsifié. La date du début de la déficience qui, en l'espèce, était le 22 février 1993 avait été falsifiée pour devenir le 22 février 1988.

[5]      L'appelante a témoigné avec beaucoup d'émotion que son conjoint, feu Richard Boucher, était un homme extrêmement honnête et qu'il ne s'était absolument pas douté que son fils avait posé des gestes frauduleux. Elle a ajouté que c'était son fils Mario qui préparait habituellement les déclarations fiscales de feu Richard Boucher. Finalement, l'appelante a décrit l'état de santé de son conjoint à partir de l'an 1993, où il avait été terrassé par une crise cardiaque. En 1994, selon l'appelante, les problèmes de respiration de feu Richard Boucher étaient tels qu'il avait constamment besoin d'oxygène pour survivre. Peu après, feu Richard Boucher apprenait qu'il était atteint d'un cancer du poumon.

[6]      Enfin, la preuve a révélé que feu Richard Boucher n'avait déposé qu'une partie du chèque de remboursement d'impôt de 3 700 $, soit 3 000 $.

[7]      L'avocat de l'intimée a soutenu essentiellement que feu Richard Boucher avait fait preuve d'aveuglement volontaire. L'avocat de l'intimée a prétendu qu'il ne pouvait s'imaginer que feu Richard Boucher n'ait pas été conscient lors de la réception du chèque de remboursement qu'il n'avait pas droit à un remboursement d'une telle ampleur, d'autant plus qu'il n'avait pas reçu un tel remboursement du fisc provincial. L'avocat de l'intimée a soutenu qu'il était fort improbable que ce chèque de remboursement n'ait pas été accompagné d'un avis de nouvelles cotisations, qui indique habituellement la nature des modifications qui donnent lieu au remboursement d'impôt. Il a ainsi prétendu qu'il était légitime de penser que feu Richard Boucher s'était donc posé des questions sur son droit de recevoir un tel remboursement. Enfin, l'avocat de l'intimée a prétendu que je devrais inférer du non-témoignage de Mario Boucher (qui aurait pu corroborer le fait qu'il avait arrangé ce remboursement d'impôt à l'insu de son père) que cette preuve aurait été défavorable à l'appelante.

[8]      À la lumière de la preuve, je conclus qu'il est plus probable qu'improbable que feu Richard Boucher ne s'était pas rendu compte qu'il n'avait pas droit à un tel remboursement.

[9]      Premièrement, le chèque de remboursement d'impôt n'était pas d'un montant élevé à ce point qu'il devait à lui-même éveiller des soupçons, d'autant plus que feu Richard Boucher était bel et bien en droit de recevoir un crédit d'impôt pour les années 1993 et suivantes. Il est aussi fort plausible, à mon avis, qu'un contribuable qui, rappelons-le, était gravement malade en 1994 n'ait pas lu ou compris les avis de nouvelles cotisations. La préoccupation de survivre dans une telle situation l'emporte nécessairement sur celle de comprendre la nature d'un avis de nouvelles cotisations rédigé par un ordinateur en des termes souvent à peine compréhensibles. De plus, feu Richard Boucher était en droit de penser en l'espèce qu'il avait droit à un tel remboursement puisque c'était son fils, un employé de l'Agence, qui avait préparé ses déclarations fiscales. Il n'avait aucune raison de penser à cette époque que son fils était malhonnête.

[10]     L'avocat de l'intimée a prétendu que je devrais inférer du non-témoignage du fils (qui aurait pu témoigner que ce stratagème avait été fait à l'insu de son père) que cette preuve aurait été défavorable à l'appelante. La prétention de l'avocat de l'intimée m'apparaît légitime en soi. Toutefois, je suis convaincu que si Mario Boucher avait témoigné en ce sens, l'avocat de l'intimée aurait été le premier à prétendre qu'il n'est pas un témoin indépendant et crédible. Enfin, je tiens à souligner que la preuve n'a absolument pas révélé que feu Richard Boucher ait versé une ristourne ou encore fait des retraits, après l'encaissement du chèque de remboursement, pour montant qui correspond aux autres ristournes versées aux auteurs de ce stratagème.

[11]     Pour ces motifs, je conclus que l'intimée ne m'a pas convaincu en l'espèce, selon la prépondérance des probabilités, que feu Richard Boucher avait fait preuve d'aveuglement volontaire ou qu'il avait sciemment fait un faux énoncé ou une omission dans ses déclarations d'impôt en cause, ou encore qu'il avait participé, consenti ou acquiescé à un faux énoncé ou à une omission.

[12]     Je conclus que les appels doivent être admis, avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de juin 2005.

Paul Bédard

Juge Bédard


RÉFÉRENCE :                                   2005CCI311

N º DU DOSSIER DE LA COUR :       2001-1027(IT)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :               Madeleine Gagnon, es qualité d'héritière de feu Richard Boucher et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Chicoutimi (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                  le 15 mars 2005

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :        L'honorable juge Paul Bédard

DATE DU JUGEMENT :                    le 14 juin 2005

COMPARUTIONS :

Avocat de l'appelante :

Me Éric Le Bel

Avocat de l'intimée :

Me Martin Gentile

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

       Pour :

                   Nom :                              Me Éric Le Bel

                   Étude :                             Fradette, Gagnon, Têtu, Le Bel, Ste-Marie

                                                          Chicoutimi (Québec

       Pour l'intimé :                              John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Ontario

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