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98-225(IT)I

ENTRE :

DENIS BLOUIN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus le 21 juillet 1998 à Québec (Québec) par

l'honorable juge Louise Lamarre Proulx

Comparutions

Représentant de l'appelant :                           Michel Martel

Avocat de l'intimée :                                     Me Alain Gareau

JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1993, 1994 et 1995 sont rejetés, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de août 1998.

« Louise Lamarre Proulx »

J.C.C.I.


Date: 19980807

Dossier: 98-225(IT)I

ENTRE :

DENIS BLOUIN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1]      Il s'agit d'appels pour les années d'imposition 1993 à 1995. Pour ces trois années, il y a une seule question en litige : il s'agit de savoir si à l'égard d'une propriété, l'appelant exerçait une entreprise de location.

[2]      Les faits sur lesquels le ministre du Revenu national (le « Ministre » ) s'est appuyé pour établir ses nouvelles cotisations sont décrits aux paragraphes 8, 9 et 10 de la Réponse à l'avis d'appel (la « Réponse » ) :

8.          Lors de la production de ses déclarations de revenu pour les années d'imposition 1993, 1994 et 1995, l'appelant a réclamé, pour la propriété, à titre de pertes nettes de location, dans le calcul de son revenu des montants de 5 169 $ en 1993, de 6 355 $ en 1994, et de 5 910 $ en 1995.

9.          Par avis de nouvelles cotisations datés du 7 octobre 1996, pour les années d'imposition 1993, 1994 et 1995, le ministre a refusé à l'appelant les pertes nettes de location pour les montants mentionnés au paragraphe 8.

10.        Pour établir ces nouvelles cotisations du 7 octobre 1996, le ministre a tenu notamment pour acquis les faits suivants :

a.          la propriété est toujours à perte depuis son acquisition en 1992;

b.          la propriété est une maison unifamiliale;

c.          lors de la construction, l'appelant avait l'intention d'utiliser la propriété comme résidence personnelle;

d.          l'appelant n'avait aucune expectative raisonnable de tirer un profit de l'activité de location d'immeubles, pour la propriété, au cours de l'une ou l'autre des années d'imposition 1993, 1994 et 1995;

e.          l'appelant n'a pas démontré qu'il avait encouru des dépenses pour la propriété, en vue de tirer un revenu d'un bien ou d'une entreprise ou de faire produire un revenu à un bien ou une entreprise, pour les années d'imposition 1993, 1994 et 1995.

[3]      L'avis d'appel se lit comme suit :

ANNEXE « A »

...

2.          Or, ces pertes sont directement liées à une perte de revenus locatifs, car la maison louée avait des revenus insuffisants pour combler toutes les dépenses qui s'y rattachaient.

3.          Cette perte est survenue à un manque de revenu, car la maison n'a pas toujours été louée à 100 % sur une base annuelle et aussi par des dépenses extraordinaires qui ont forcé à endosser d'autres emprunts et augmenter ainsi les charges en intérêts, en plus des réparations (entretien d'immeuble) qui ne sont pas habituelles.

4.          De plus, je n'ai jamais habité cette maison. J'habitais une autre maison dont je suis également le propriétaire.

ANNEXE « B »

1.          Le vérificateur travaillant pour Revenu Canada n'a pas compris que cette maison a été bâtie pour être vendu.

2.          Or, après plusieurs problèmes au moment et à la fin de la construction, le prix de revient était un peu plus élevé pour une vente rapide. J'ai été dans l'obligation de louer cette maison, en attendant de la vendre.

3.          Par la suite, les nombreuses dépenses causées par de mauvais locataires ont encore haussées le prix de revient de la maison.

4.          Je ne peux louer la maison à un prix supérieur à cause du marché économique présent. Il vaut mieux avoir un peu moins que de n'avoir rien du tout.

5.          La maison est toujours à vendre, mais avec la baisse du prix des maisons qui survient depuis 1994, il faut peut-être être patient pour en tirer un prix équitable.

6.          Je suis en mesure de fournir les reçus des multiples dépenses engagées dans le but de vendre cette maison.

7.          Le bureau dont l'opposition fut traitée est le suivant :

            Revenu Canada

            165, rue de la Pointe-aux-Lièvres sud

            Québec PQ G1K 7L3

[4]      L'avis d'opposition déposé comme pièce I-5 dit ce qui suit :

Je conteste les cotisations concernées parce que je suis d'avis que les pertes de location de mon immeuble de Ste-Foy des années susmentionnées sont déductibles compte tenu que j'ai construit cet immeuble dans le but de le vendre. Toutefois compte tenu de ne pas pouvoir le vendre je l'ai mis en location et ce dans le but de le vendre lorsqu'il aura une demande.

Je n'ai pas eu l'intention de l'utiliser pour fins personnels puisque suite à sa construction j'avais fait des visites libres dans celui-ci, et un bureau de vente a été installé pour rencontrer des clients. La non réception d'offres valables m'a incité à le louer en attendant de trouver un acheteur.

[5]      Monsieur Michel Martel, comptable, a agi comme représentant de l'appelant à l'audience.

[6]      L'appelant a admis les alinéas 10 a) et 10 b) de la Réponse. Il a nié l'alinéa 10 c).

[7]      Il a expliqué à la Cour les circonstances particulières de l'acquisition de la propriété sise au 1741, rue Ste-Famille, Ste-Foy. Il s'agissait au départ d'une entente entre un agent immobilier, un constructeur et l'appelant. L'appelant avait acquis un terrain sur lequel le constructeur a construit une maison qu'il a vendu à l'appelant. La maison devait servir de maison modèle pour les fins des trois personnes : le constructeur aurait pu construire d'autres maisons, l'appelant qui avait à ce moment une petite entreprise de pose de couvre-planchers aurait pu y gagner l'accroissement de sa clientèle et l'agent immobilier des commissions. Il semblerait que l'entente n'ait pas dépassé le stade de la construction de la maison. En tout cas, l'appelant s'est retrouvé propriétaire d'une maison qu'il a mise en vente immédiatement. Il n'aurait pas trouvé d'acheteurs. Il a donc décidé de la louer.

[8]      Les pièces I-1, I-2 et I-3 sont les états financiers concernant la propriété en question pour les trois années en cause. Ces états financiers décrivent ainsi les revenus et les dépenses :

ÉTAT DES REVENUS & DES DÉPENSES

POUR LES 12 MOIS TERMINÉS LE 31 DÉCEMBRE 1993

REVENUS

Loyers                                                               $ 7,650.00

                                                                                                            $ 7,650.00

DÉPENSES

Taxes Municipales & Scolaires              $ 1,634.25

Assurance feu & responsabilité                    241.00

Intérêts sur emprunt                                              9,971.23

Électricité                                                                  93.36

Entretien & réparations                                879.45                    $12,819.29

Perte nette de l'année                                                                             $ 5,169.29

ÉTAT DES LOYERS DE BIENS IMMEUBLES

Pour la période du 01/01/94 au 31/12/94          

...

REVENU DE LOCATION BRUT                                                       4,350.00

            DÉPENSES                  dépenses - partie =      dépenses

                                                totales        pers.           déduct.

Impôts fonciers              1645.00                        1645.00

Entretien et réparations 1267.00                        1267.00

Assurances                                357.00                           357.00

Électricité                                      51.00                             51.00

Intérêts sur emprunt                   7315.00                        7315.00

Publicité & papeterie                     70.00                             70.00

Total des dépenses déductibles                          10705.00          10705.00

REVENU DE LOCATION NET avant la déduction pour amort.           ( 6355.00)

ÉTATS DES LOYERS DE BIENS IMMEUBLES

Exercice du:                        01-01-1995 au 31-12-95

Revenus bruts ...                                                                                    6 870,00

DÉPENSES

                                                            Dépenses             Partie

                                                            totales             personnelle

Publicité                                                                208,00

Assurances                                                            340,00

Intérêts                                                              8 658,00

Entretien et réparation                                        1 166,00

...

Impôts fonciers                                      1 634,00

...

Services publics                                                     774,00

            Total des dépenses                             12 780,00

...

Dépenses déductibles                                                                            12 780,00

Revenu net (perte nette) avant rajustements ...                               ( 5 910,00)

[9]      En 1992, l'appelant a obtenu de la municipalité de Ste-Foy la permission d'aménager dans le sous-sol, un appartement secondaire qui aurait ajouté aux revenus locatifs. Cet aménagement n'a jamais été fait parce que cela aurait coûté trop cher. Selon un estimé de monsieur Martel, cela aurait coûté entre 15 000 $ à 20 000 $.

[10]     Monsieur Martel, qui était le représentant de l'appelant à l'audience, est également le locataire depuis trois ans de la propriété en question. Son loyer est de 660 $ par mois. Il a souligné qu'il s'agissait d'un loyer normal pour une maison de ce genre.

[11]     L'avocat de l'intimée fait valoir que les dépenses fixes excèdent de beaucoup les revenus locatifs et que dans ces circonstances il ne peut pas s'agir d'une entreprise ayant une expectative raisonnable de profits.

[12]     Le représentant de l'appelant a tenté de faire valoir qu'avec l'obtention du permis de construire un deuxième logis dans la propriété, l'appelant avait fait le nécessaire pour rendre l'exploitation locative rentable.

[13]     La jurisprudence concrétisée par l'arrêt de la Cour suprême du Canada dans Moldowan c. La Reine, [1978] 1 R.C.S. 480 veut que l'expression « revenu tiré d'une entreprise ou d'un bien » signifie un revenu provenant d'une source qui est une entreprise profitable ou qui a, à tout le moins, une expectative raisonnable de profit. C'est de ce revenu dont il est fait mention notamment aux articles 3 et 9 et à l'alinéa 18(1)a) de la Loi. Donc, dans la Loi, l'expression « entreprise » réfère à une entreprise constituée de manière à générer des profits. Le même sens est donné pour revenu tiré d'un bien.

[14]     Que l'immeuble ait été acheté dans le but de revente n'a véritablement pas de portée sur la détermination du caractère commercial de l'activité de location de cet immeuble. Il ne m'est pas nécessaire non plus de prendre en compte la possibilité du deuxième logis puisqu'il n'a jamais été construit.

[15]     Il faut déterminer si l'entreprise de location était une entreprise de nature commerciale, c'est-à-dire s'il s'agissait d'une entreprise susceptible de faire des profits. A cet égard, il faut examiner les dépenses fixes. Les dépenses fixes sont les intérêts sur les emprunts hypothécaires, les taxes foncières et les assurances. Dans le cas de l'appelant il faut également ajouter le coût de l'électricité puisque selon la pièce I-4, l'électricité, le chauffage et l'eau chaude étaient à la charge du propriétaire. Il faut également prévoir une certaine marge pour les dépenses courantes et éventuelles. Ces dépenses doivent être analysées en fonction des revenus possibles pour en arriver à déterminer la probabilité des profits.

[16]     Je suis d'avis que la prépondérance de la preuve ne peut qu'amener à conclure que l'activité de location n'avait pas la nature d'une entreprise commerciale. Telle que constituée, l'activité de location ne pouvait pas générer des profits. La seule certitude qu'il y avait lors de la constitution de l'activité de location était de subir des pertes locatives substantielles vu les charges fixes afférentes importantes de beaucoup supérieures aux revenus locatifs possibles.

[17]     Il me faut donc conclure que le Ministre a cotisé correctement en fait et en droit quand il a refusé d'accorder les dépenses locatives car, l'activité de location n'étant pas une entreprise au sens de la Loi, les dépenses en cause n'ont pas été engagées pour tirer du revenu d'une entreprise ou d'un bien.


[18]     Les appels sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de août 1998.

« Louise Lamarre Proulx »

J.C.C.I.


No DU DOSSIER DE LA COUR :       98-225(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :               Denis Blouin et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Québec (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                  le 21 juillet 1998

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :        l'honorable juge Louise Lamarre Proulx

DATE DU JUGEMENT :                    le 7 août 1998

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :                        Michel Martel (représentant)

Pour l'intimée :                          Me Alain Gareau

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

                   Nom :          

                   Étude :                  

Pour l'intimé(e) :                        Morris Rosenberg

                                                Sous-procureur général du Canada

                                                Ottawa, Canada

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