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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2001-972(IT)I

ENTRE :

AYODEJI HARRIS-EZE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus le 29 octobre 2001 à Windsor (Ontario) et le

2 novembre 2001 à London (Ontario) par

l'honorable juge T. Margeson

Comparutions

Avocat de l'appelant :                          Me John R. Mill

Avocat de l'intimée :                            Me Ifeanyichukwu Nwachukwu

JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1996, 1997 et 1998 sont admis, avec dépens, et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que l'appelant était un résident habituel (résident de fait) des États-Unis durant les années d'imposition 1996, 1997 et 1998 et qu'il n'était par conséquent pas tenu de payer de l'impôt au Canada sur son revenu de toutes provenances.


Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour de janvier 2002.

« T. E. Margeson »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour de juin 2003.

Yves Bellefeuille, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date: 20020122

Dossier: 2001-972(IT)I

ENTRE :

AYODEJI HARRIS-EZE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Margeson, C.C.I.

[1]      Le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a établi à l'égard de l'appelant de nouvelles cotisations pour les années d'imposition 1997 et 1998, dont les avis étaient datés du 18 octobre 1999 et du 9 août 1999. Le ministre refusait la déduction de cotisations professionnelles de 4 226 $ pour l'année d'imposition 1997 et de frais de déplacement de 1 570 $ pour l'année d'imposition 1998.

[2]      Le ministre a accordé à l'appelant un crédit fédéral pour impôt étranger à l'égard de l'impôt payé aux États-Unis pour les années d'imposition 1996, 1997 et 1998.

[3]      En établissant ces nouvelles cotisations, le ministre s'est appuyé sur l'hypothèse selon laquelle l'appelant était, pendant toutes les périodes pertinentes, résident de fait du Canada aux termes de l'article IV de la Convention entre le Canada et les États-Unis d'Amérique en matière d'impôts sur le revenu (1980) et du paragraphe 250(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) et qu'il était tenu de payer de l'impôt sur de source canadienne et de source étrangère conformément aux paragraphes 2(1) et 2(2) et à l'article 3 de la Loi.

[4]      Selon l'appelant, il était résident des États-Unis et citoyen du Nigeria durant les périodes pertinentes et non-résident du Canada durant les années d'imposition 1996, 1997 et 1998.

Preuve

[5]      L'appelant a témoigné qu'il est originaire du Nigeria, en Afrique. Il a quitté son pays d'origine à l'âge de 31 ans et est arrivé au Canada en 1992. Il s'est rendu à Saskatoon (Saskatchewan) en tant que boursier de recherche. Avant cela, il avait uniquement vécu au Nigeria.

[6]      Il avait fréquenté l'école au Nigeria, y a fait sa résidence médicale et y avait exercé la médecine durant neuf mois. Son père vivait encore au Nigeria, ainsi qu'un certain nombre de ses frères et soeurs. Il y était propriétaire de biens meubles et immeubles. Dans son village, il n'y avait que huit groupes d'anglophones, et on y parlait une langue locale depuis son enfance.

[7]      La science médicale n'y était guère avancée, ce qui était source de frustration pour un professionnel comme l'appelant. Il voulait faire de la recherche là où la technologie le lui aurait permis. Au Nigeria, il y avait très peu de soins intensifs. Il voulait avoir l'occasion de prendre les mesures nécessaires pour sauver des vies et non pas se sentir incapable d'en faire plus.

[8]      Il avait vu des annonces où l'on offrait des bourses au Canada, aux États-Unis et en Australie. L'Université de Saskatoon lui avait accordé une telle bourse, appelée Morehead Scholarship (bourse Morehead). La spécialité qu'il préférait était les maladies irréversibles du poumon, et il avait travaillé dans cette spécialité au Nigeria. Il avait exercé sa profession au sein d'un groupe de six praticiens.

[9]      Son objectif était d'acquérir un impressionnant curriculum vitae afin de pouvoir se lancer dans une surspécialité portant sur les maladies de poumon. Avant son arrivée au Canada, il ne s'était pas lancé dans cette surspécialité. Il avait alors envoyé des demandes de bourse dans cette surspécialité au Canada, mais, n'en ayant pas obtenue, il avait présenté des demandes aux États-Unis. Les demandes qu'il avait envoyées aux États-Unis et au Canada étaient essentiellement les mêmes, mais il avait reçu plusieurs offres aux États-Unis.

[10]     À Saskatoon, il vivait sur la rue Main, où il louait un appartement. En ce qui a trait à son statut alors qu'il vivait à Saskatoon, l'appelant a déclaré ce qui suit :

[TRADUCTION]

Nous étions de passage. Je n'avais ni maison ni placements. Nous n'avions pas établi un cercle d'amis à Saskatoon, sauf pour quelques Nigériens et un autre Noir (le Dr Jean Tillon, un dentiste). J'ai utilisé l'adresse de ce dernier pour faire suivre le courrier après mon départ aux États-Unis. Il avait accepté d'acheminer le courrier. Nous avons ainsi reçu deux ou trois lettres dans une période de deux ou trois ans. Je n'ai jamais vécu à cette adresse, ni discuté d'y vivre, ni envisagé d'y vivre.

[11]     Il avait accepté l'offre du Albert Einstein College of Medicine University, à Long Island (New York), s'inscrivant au programme de résidence d'un hôpital juif. Il y avait étudié et développé ses habiletés dans la spécialité qu'il avait choisie. L'appelant a déclaré que les années d'imposition 1996, 1997 et 1998 étaient en litige; elles correspondaient à celles de son programme de résidence aux États-Unis.

[12]     Il avait quitté Saskatoon le 23 juillet 1995. À Long Island, il avait loué un logement situé au 263-10, 74e avenue, app. C5, à Glen Oaks (New York). Son logement était situé près de l'hôpital où il étudiait et travaillait. Il a vécu à cette adresse avec son épouse et ses enfants jusqu'au 24 juin 1998.

[13]     Pendant qu'il habitait Long Island, il n'avait pas eu d'autre résidence.

[14]     Beaucoup de Nigériens habitaient New York, dont des compagnons d'études qu'il avait connus au Nigeria. Son épouse et lui avaient par ailleurs établi des contacts religieux à la fois dans les communautés protestante et catholique. Ils allaient à la messe le samedi et au service pentecôtiste le dimanche. Ils assistaient à des réunions et à des sessions d'étude de la bible.

[15]     À Saskatoon, ils fréquentaient l'église catholique uniquement. L'appelant estimait que son épouse et lui sortaient moins lorsqu'ils vivaient à Saskatoon qu'à New York. Saskatoon était une plus petite ville et le temps y était trop froid.

[16]     À New York, on pouvait trouver n'importe quelle sorte de nourriture, notamment de la nourriture africaine, ce qui n'était pas le cas à Saskatoon. Il s'était par ailleurs inscrit à l'American Respirology Society (Société américaine de pneumologie) aux États-Unis, soit une société professionnelle. Il avait fait sa résidence en médecine interne, s'intéressant plus particulièrement à la pneumologie. Il avait achevé sa spécialité en médecine interne à New York, puis devait faire une formation surspécialisée en pneumologie.

[17]     On a reporté l'appelant à l'onglet 32 de la pièce A-1, soit sa déclaration de revenu américaine de 1995. On lui avait dit que son épouse et lui devaient produire une déclaration d'impôt sur le revenu des non-résidents puisqu'ils avaient vécu au Canada jusqu'en juillet. Ils devaient payer de l'impôt au Canada sur leurs revenus de toutes provenances, mais ils n'étaient pas assujettis à l'impôt aux États-Unis.

[18]     La déclaration de revenu qu'il avait produite pour l'année 1996, alors qu'il vivait aux États-Unis, figure à l'onglet 33 de la même pièce. Cette déclaration était différente de celle de 1995. Un comptable fiscaliste lui avait dit que son épouse et lui étaient réputés, en 1996, résidents des États-Unis et qu'ils ne pouvaient pas utiliser le formulaire pour les non-résidents.

[19]     Son épouse et lui avaient passé toute l'année 1996 aux États-Unis. L'appelant ne pouvait se rappeler s'ils s'étaient rendus ou non au Canada au cours de cette année. Il avait déclaré son revenu de toutes provenances aux États-Unis en 1996 et avait réclamé un remboursement.

[20]     Il a indiqué qu'il avait réclamé un remboursement de 717 $ pour l'année précédente dans sa déclaration de revenu américaine de 1997 (ligne 10 de l'onglet 34). Il a déclaré que l'Agence des douanes et du revenu du Canada (l' « ADRC » ) avait convenu avec lui qu'il devait déclarer tous ses revenus aux États-Unis. On avait confirmé son remboursement dans le rapport de paiement en trop d'impôt, qui figure au même onglet.

[21]     Une copie de la déclaration conjointe que son épouse et lui avaient produite aux États-Unis en 1998 figure à l'onglet 35. Il y avait déclaré son revenu de toutes provenances et réclamé un remboursement de 278 $. Il n'avait rencontré aucune difficulté aux États-Unis en produisant ainsi ses déclarations de revenu.

[22]     L'État de New York lui avait délivré un permis de conduire le 29 avril 1997. Il n'avait alors pas d'autre permis de conduire, mais avait détenu un permis de conduire canadien jusqu'au mois d'avril, alors qu'il s'était fait arrêter pour avoir utilisé un permis de conduire de la Saskatchewan. On lui avait donné deux semaines pour obtenir un permis de l'État de New York. Il avait alors dû remettre son permis de conduire de la Saskatchewan. En 1998, avant de quitter New York, il avait obtenu un nouveau permis de conduire de la Saskatchewan.

[23]     Lorsqu'on lui a demandé pourquoi il avait quitté New York, il a répondu qu'il souhaitait encore faire une formation surspécialisée dans le domaine qu'il avait choisi. Il devait présenter une demande une année à l'avance. Il avait présenté des demandes au Canada et aux États-Unis et avait eu des entrevues dans les deux pays.

[24]     Selon la procédure applicable aux États-Unis, le candidat dressait une liste des hôpitaux dans lesquels il préférait travailler, tandis que les hôpitaux dressaient une liste de candidats. Lorsqu'il y avait concordance entre les deux listes, le candidat allait travailler à l'hôpital ainsi désigné. L'appelant était allé travailler à l'hôpital Henry Ford, à Detroit. Il y avait été affecté à l'unité des soins intensifs. Il était responsable des appels touchant sa spécialité, la pneumologie, et il avait pu travailler dans ce domaine, ce qu'il ne pouvait pas faire au Canada, étant donné qu'il n'y avait reçu aucune formation dans cette spécialité. Il s'était donc inscrit au programme américain.

[25]     On a reporté l'appelant à l'alinéa 8(j) de la réponse à l'avis d'appel (la « réponse » ), et il a déclaré qu'il était en désaccord avec l'hypothèse qui y figurait. Selon cette hypothèse, l'appelant n'avait contacté ni les autorités de l'immigration américaine ni d'autres autorités américaines en vue de leur faire part de son intention de rester aux États-Unis au terme de son affectation d'études de trois ans. Cette hypothèse était censément fondée sur un entretien que l'appelant avait eu avec l'ADRC le 18 décembre 2000.

[26]     En ce qui a trait à son déménagement à Detroit, l'appelant a déclaré que lorsqu'il y avait concordance avec un seul hôpital, on devait aller y travailler, et que le fait qu'il avait eu des entrevues à Yale, Boston, Pittsburgh, Philadelphie et Detroit importait peu.

[27]     Il a déclaré ce qui suit : [traduction] « Lorsque j'ai quitté Saskatoon, je savais qu'il me serait pratiquement impossible de retourner au Canada, mais j'ai néanmoins laissé la porte ouverte à cette possibilité. J'allais tout simplement suivre le programme, espérant qu'une occasion quelconque se présenterait. »

[28]     À la date de l'audience, l'appelant habitait Windsor (Ontario). Cela est purement accidentel. Il ne voulait pas vivre à Detroit parce qu'il estimait que cette ville était trop dangereuse, mais il ne pouvait aller travailler ailleurs aux États-Unis puis-qu'il n'y avait concordance avec aucun autre hôpital. Il avait discuté avec les autorités de l'hôpital d'aller vivre à Windsor et de faire la navette entre sa résidence et l'hôpital. Il a admis que, si un hôpital situé ailleurs aux États-Unis avait retenu sa candidature, il n'aurait pas pu vivre au Canada.

[29]     On a reporté l'appelant à un document figurant à l'onglet 39 relativement à l'année 1999. Il a indiqué que ce document permettait aux personnes formées à l'extérieur des États-Unis d'y être admises à un programme. Ce document donne le droit de vivre aux États-Unis, même s'il est appelé « Certificate of Eligibility for Exchange Visitor (J-1) Status » (Certificat d'admissibilité au statut de visiteur pour un programme d'échanges (J-1)). Cet élément de preuve réfutait l'alinéa 8(j) de la réponse. L'objectif de carrière de l'appelant a tout à voir avec son lieu de résidence. Pour aller aux États-Unis aux fins de formation, un individu doit obtenir l'engagement de son pays qu'il sera autorisé à y retourner pour travailler dans son domaine. Le Canada avait refusé de souscrire un tel engagement pour l'appelant. Il avait obtenu un tel engagement du Nigeria de sorte qu'il avait pu résider aux États-Unis pendant trois ans. Il avait ensuite obtenu une exemption lui permettant de pratiquer la médecine aux États-Unis, dans un domaine de surspécialité.

[30]     L'appelant a reconnu l'avis d'action figurant à l'onglet 44 : il s'agit d'une demande visant un travailleur non-immigrant. Cet avis, daté du 21 février 2001, faisait état de l'approbation de la demande. L'appelant a en outre reporté la Cour à l'avis d'action figurant à l'onglet 46 et daté du 21 juin 2000, qu'il avait reçu malgré le fait qu'il s'était engagé à quitter le pays après trois ans. L'employeur devait demander une telle approbation.

[31]     L'appelant a l'intention de demander sa « carte verte » aux États-Unis, étant donné qu'il ne peut continuer à faire la navette entre Windsor et son lieu de travail. Il avait un compte bancaire à Saskatoon, qu'il avait maintenu en vue de rembourser quelques-uns de ses prêts. Il ne se servait de ce compte bancaire à aucune autre fin. Il n'avait pas de logement à Saskatoon. Il avait laissé quelques meubles dans cette ville, mais il n'avait aucun lien sentimental avec la Saskatchewan. Il avait en fin de compte donné ses petits meubles à l'Armée du Salut, à Saskatoon. Il n'y avait laissé aucun vêtement.

[32]     L'appelant était déçu de la position que le Canada avait adoptée à l'égard de son droit d'exercer au pays. Les règles sont différentes au Canada. On l'a reporté à l'onglet 28 de la pièce A-1, soit un document appelé « Détermination du statut de résidence (Départ du Canada) » , qu'il avait rempli le 1er mai 1996 relativement à l'année d'imposition 1995. L'onglet 29 renferme un questionnaire semblable que son épouse avait rempli relativement à l'année d'imposition 1995. Ils les avaient tous deux remplis. Au paragraphe 7 du questionnaire, il est indiqué que l'appelant laisserait ses meubles, appareils ménagers, ustensiles de cuisine, etc. (en entreposage ou en location) au Canada. En outre, il a reconnu qu'il laisserait des biens personnels, tels que ses vêtements, effets personnels et animaux, au Canada. Il avait également déclaré qu'il garderait son permis de conduire canadien. Avant de quitter Long Island, il avait renouvelé son permis de conduire de la Saskatchewan.

[33]     Il était très affairé, et il restait possible qu'il revienne au Canada. Son épouse avait conservé son permis de conduire de l'État de New York. Elle avait encore de l'assurance-vie au Canada. L'appelant avait obtenu deux cartes de crédit au Canada, mais il les avait toutes deux annulées. Il n'avait pu obtenir des plaques d'immatriculation aux États-Unis, étant donné que son automobile ne satisfaisait pas aux normes en matière d'émission de l'État de New York. Son horaire ne lui permettait pas de vendre le véhicule au Canada, de sorte qu'il l'avait gardé.

[34]     Il croyait avoir visité le Canada en 1997 et en 1998, lors de séjours de trois ou quatre jours à Montréal et à Niagara, à l'occasion de fins de semaine. Il s'était rendu à Toronto pour passer des examens. Son épouse s'était rendue avec lui à Montréal pour obtenir la prestation fiscale pour enfants du Canada. L'ADRC avait déterminé qu'ils étaient des résidents de fait du Canada et qu'ils étaient tenus d'y payer de l'impôt, ce qu'ils avaient fait pour l'année 1995.

[35]     L'appelant s'est référé à l'onglet 31, où figure le formulaire de Détermination du statut de résidence, soit le questionnaire de son épouse qu'il avait lui-même rempli le 1er mars 1997. L'onglet 31 avait été rempli le même jour. On avait indiqué dans le formulaire de son épouse que celui-ci se rapportait à l'année d'imposition 1995, mais on aurait dû indiquer qu'il visait l'année d'imposition 1996. L'appelant s'est aperçu de cette erreur de date une semaine seulement avant l'audience, alors qu'il discutait de cette question avec son avocat.

[36]     Il a reconnu le document figurant à l'onglet 27 relativement à l'année 1995, lequel était selon lui exact. L'appelant soutenait qu'il était résident permanent du Canada, ayant un permis de retour pour résident permanent vivant alors aux États-Unis aux fins de faire des études supérieures et de faire des études en médecine. Il avait envoyé ce document avec sa déclaration de revenu de 1995. Le contenu était exact. Il a également reconnu une lettre en date du 26 avril 1996 que l'ADRC lui avait adressée et qui indiquait que la question de la prestation fiscale pour enfants faisait l'objet d'un examen et que l'Agence interromprait le versement des prestations jusqu'à ce que l'examen soit terminé.

[37]     Les onglets 24 et 25 confirmaient la position de l'appelant selon laquelle son épouse et lui étaient résidents de fait du Canada en 1995. Il a par ailleurs reconnu les documents figurant aux onglets 19 à 23, lesquels se rapportaient à sa demande de renonciation aux intérêts ainsi qu'à la décision de l'ADRC d'annuler les intérêts par suite de cette demande.

[38]     À l'onglet 17, on trouve une lettre en date du 30 septembre 1997 dans laquelle l'ADRC faisait connaître sa position, à savoir que l'appelant et son épouse n'avaient pas conservé des liens de résidence importants avec le Canada et que, par conséquent, ils étaient considérés comme des non-résidents pour ce qui est de la période où ils avaient vécu à l'extérieur du pays. Cette lettre visait l'année 1996. L'appelant était d'accord avec cette position.

[39]     L'appelant s'est de nouveau reporté à l'onglet 35, où figurent les déclarations de revenu de 1998 que son épouse et lui avaient produites aux États-Unis. Il a reconnu la lettre figurant à l'onglet 15, qu'il avait envoyée à l'ADRC relativement à son statut de résident pour les années 1996 et 1997, en réponse à une lettre de l'ADRC en date du 28 août 1998 (onglet 14), dans laquelle il était cependant encore question de son statut de résident pour les années 1994 et 1995. La lettre figurant à l'onglet 13 émanait de l'ADRC et indiquait que l'appelant et son épouse avaient été des résidents du Canada du 23 juillet 1995 au 26 juin 1998, période durant laquelle ils vivaient aux États-Unis. À ce moment, l'appelant était de retour au Canada.

[40]     On lui avait dit de produire des déclarations de revenu au Canada pour les années 1996, 1997 et 1998, et ils avaient cru qu'ils devaient agir ainsi en raison des problèmes qu'ils avaient antérieurement eus. L'appelant et son épouse avaient par la suite déposé des oppositions aux nouvelles cotisations visant les années 1996, 1997 et 1998.

[41]     Il s'est reporté au document figurant à l'onglet 2, soit une lettre de l'ADRC, datée du 26 avril 2000, qui se rapportait aux déclarations de revenu de 1995 et de 1996. On y indiquait que son appel avait été accueilli et qu'il avait été déterminé qu'il était un résident de fait du Canada. Toutefois, l'appelant a indiqué qu'il n'avait pas interjeté appel de la décision portant qu'il était résident de fait du Canada en 1994 et en 1995. Il avait eu des conversations téléphoniques avec des agents de l'ADRC et avait même été contacté par des agences de recouvrement après le dépôt des appels. Il avait par ailleurs éprouvé des difficultés à poursuivre la vente de sa maison en raison de ses démêlés avec l'ADRC.

[42]     En contre-interrogatoire, le témoin a admis que, lorsqu'il avait quitté le Canada, il avait l'intention d'y retourner à la fin de ses études. Il avait cependant changé d'avis une fois rendu aux États-Unis. La possibilité d'un retour au Canada avait grandement diminué au cours de son séjour aux États-Unis. Même avant son départ, il ne s'agissait que d'une simple possibilité, étant donné qu'il avait reçu des lettres négatives pour ce qui est des occasions qui s'offraient à lui au Canada. Il devait obtenir une lettre faisant état de la possibilité pour lui de retourner dans son pays d'origine, le Nigeria, pour pouvoir continuer à demeurer aux États-Unis.

[43]     Pour ce qui est d'un retour au Canada, il avait laissé la porte ouverte. Il avait demandé à Santé Canada de lui garantir que, s'il retournait au Canada, il aurait la possibilité d'y travailler. Les lettres qu'il avait reçues étaient négatives. Il avait envoyé en tout six ou sept lettres, et les réponses avaient toutes été négatives. Il a admis qu'il n'avait pas apporté les lettres à l'audience, étant donné qu'il ne croyait pas que cela était nécessaire.

[44]     Selon le témoin, son épouse et lui avaient droit à un remboursement du crédit d'impôt pour enfants et à un remboursement de la taxe sur les produits et services (la « TPS » ) au Canada en 1996, puisqu'ils avaient déclaré de l'impôt en 1995 au Canada et que les remboursements visaient cette même année. Il estimait qu'ils n'avaient pas droit à ces remboursements en 1997, mais qu'ils y avaient de nouveau droit en 1998, soit après leur retour.

[45]     Il a nié qu'il s'était considéré, durant son séjour de trois ans aux États-Unis, comme un résident de fait du Canada. Il a nié avoir déclaré, en 1996, 1997 ou 1998, qu'il était un résident de fait du Canada durant ces années. Il a de nouveau nié que, après son retour au Canada en 1998, il estimait qu'il était un résident de fait du Canada durant les années en cause.

[46]     On a laissé entendre qu'il avait voulu se considérer comme résident de fait des États-Unis en 1996, 1997 et 1998 uniquement après qu'il fut retourné au Canada et qu'il eut fait l'objet d'une cotisation, mais l'appelant a nié cette allégation. Il a nié avoir reçu un avis portant qu'il serait plus avantageux pour lui d'être considéré comme résident des États-Unis durant la période en cause.

[47]     Il était arrivé au Canada en avril 1992. Il n'avait alors pas de projet immédiat de retourner au Nigeria. Une telle possibilité n'existe par ailleurs pas à ce jour.

[48]     Il était initialement arrivé au Canada en vertu d'un visa de visiteur, et il avait un permis de travail lui permettant de faire ce pourquoi il était venu au Canada, soit travailler à l'Université de la Saskatchewan. S'il avait voulu travailler ailleurs au Canada, il lui aurait fallu obtenir un nouveau permis de travail. Il avait gagné approximativement 31 000 $ et 32 000 $ en 1993 et 1994 respectivement.

[49]     Il a reconnu que, à un moment donné, il avait voulu s'établir en quelque sorte en permanence au Canada et qu'il avait présenté une demande pour obtenir le statut de résident permanent en 1994. On avait fait droit à sa demande en novembre 1994. Il ne voulait pas rester au Canada à tout prix, notamment si sa famille devait se trouver sans ressources parce qu'il était incapable de trouver un emploi. Il estimait que l'obtention du statut de résident permanent rehausserait son prestige, mais il n'avait pas été arrêté qu'il resterait au Canada. En outre, le statut de résident permanent améliorerait ses chances d'obtenir un emploi au Canada.

[50]     Lorsqu'il vivait à Saskatoon, il avait occupé un appartement, collaboré avec d'autres médecins et participé à des conférences autant au Canada qu'à l'extérieur. Au cours de ces conférences, il avait rencontré d'autres médecins oeuvrant dans le même domaine que lui. Lorsqu'il vivait aux États-Unis, il était resté en contact avec les personnes avec lesquelles il avait travaillé au Canada, mais cela ne l'obligeait pas à y retourner.

[51]     Il avait été membre de la Société canadienne de thoracologie en 1993 et en 1994 et peut-être en 1995, mais il n'en était pas certain. Il n'avait pas payé son droit cette année-là. Il n'y avait pour lui aucun avantage de continuer à être membre de cette société après son départ pour les États-Unis. Il était devenu membre de la société américaine. Celle-ci était plus internationale.

[52]     On lui a posé des questions au sujet de ses liens sociaux alors qu'il vivait en Saskatchewan; il a déclaré qu'il avait des collègues de travail, mais qu'il avait par ailleurs peu de contacts sociaux. Il s'est rappelé avoir eu, la première année, le souper de Noël avec un de ses collègues. Il avait également un cousin au cinquième ou sixième degré au Canada. Il avait parlé à un ancien compagnon d'études, qui habitait Terre-Neuve. Il s'était lié d'amitié avec un dentiste de Saskatoon, dont il a été précédemment question, mais il a déclaré que : [traduction] « c'était une relation du genre père-fils. »

[53]     Il a nié avoir utilisé l'adresse postale du dentiste à Saskatoon parce qu'il avait l'intention de retourner au Canada. Il lui fallait avoir une adresse, et le courrier lui était acheminé « aux bons soins » du dentiste. Il avait bien une certaine intention de retourner au Canada. Pour ce qui est du courrier, il avait été acheminé à cette adresse durant les trois premiers mois seulement. Il avait besoin d'une adresse canadienne pour présenter sa demande de permis de retour pour résident permanent. Le permis de conduire de la Saskatchewan avait également été délivré à cette adresse. C'était à peu près tout.

[54]     Il avait souscrit une assurance aux États-Unis, croyant qu'il ne serait pas couvert par l'assurance de la Saskatchewan après avoir vécu six mois à l'étranger. Son épouse et lui avaient fréquenté l'église catholique à Saskatoon. Leur fils cadet était né au Canada. L'appelant croyait qu'il était uniquement de passage et n'avait pas acheté de maison à Saskatoon. Son espoir s'effritait de jour en jour. Il n'avait pas cherché à obtenir un prêt hypothécaire, même s'il y aurait été admissible. Il s'était installé aux États-Unis en juillet 1995.

[55]     Le programme de résidence américain durait trois ans. Il n'était pas mis en oeuvre par un organisme du gouvernement américain. La sélection des candidats n'a rien à voir avec la question de l'immigration. L'appelant a réitéré que les résidents du Canada pouvaient s'inscrire au programme auquel il avait participé en obtenant une lettre de Santé Canada. Cependant, aucun résident du Canada n'y était inscrit puisque Santé Canada refusait de remettre la lettre requise. Il estimait que le Nigeria était son lieu de résidence permanente. Il ne considérait pas que le Canada était son lieu de résidence permanente, ni l'un de ses lieux de résidence permanente. Il avait indiqué que le Nigeria était son lieu de résidence permanente juridique durant les années 1996, 1997 et 1998, même s'il ne s'était pas rendu dans son pays d'origine depuis neuf ans en raison de contraintes de temps et de contraintes financières. Il devait avoir un pays répondant, et le Canada avait refusé d'agir à ce titre. Il n'a produit aucun document pour étayer cette affirmation.

[56]     On a reporté l'appelant à l'onglet 38 de la pièce R-1, soit une lettre de non-opposition qu'il avait obtenue du Nigeria. Il y était indiqué que l'appelant avait déposé auprès du gouvernement du Nigeria un engagement à retourner dans son pays d'origine au terme de sa formation aux États-Unis et qu'il avait l'intention de pratiquer la médecine dans la spécialité dans laquelle il cherchait à obtenir cette formation. Cette lettre lui avait permis de s'inscrire au programme de formation de son choix. Il serait retourné au Nigeria si aucune occasion ne s'était présentée à lui au Canada ou aux États-Unis.

[57]     Il a reconnu sa déclaration canadienne de revenu T1 pour l'année 1995, qu'il avait produite et signée alors qu'il était aux États-Unis. Il y avait indiqué que la province ou le territoire de résidence était la Saskatchewan et New York. Lorsqu'on lui a demandé pourquoi il avait obtenu le permis de retour pour résident permanent daté du 17 juillet 1995, il a répondu qu'il voulait laisser la porte ouverte. Il voulait pouvoir retourner au Canada si une occasion s'y présentait, mais il n'avait pas l'intention d'y retourner.

[58]     On a reporté l'appelant au « Certificate of Eligibility for Exchange Visitor (J-1) Status » en lui affirmant que, si son pays d'origine avait besoin de médecins exerçant sa spécialité, il serait alors obligé d'y retourner. Il a affirmé qu'il n'avait jamais eu à demander une exemption à l'égard de la présence physique obligatoire de deux ans qui est prévue à l'alinéa 2(1)a) de la Loi, puisqu'il s'était immédiatement inscrit à un autre programme. Il était possible de suivre un programme pendant deux ans, puis de revenir aux États-Unis ou d'obtenir une exemption. La demande d'exemption était simplement une demande d'autorisation de travailler dans une région insuffisamment desservie, et la demande serait alors acceptée. Si cette exemption ne lui était pas accordée et s'il n'avait aucune occasion d'emploi au Canada, l'appelant retournerait au Nigeria. Il pouvait présenter une telle demande uniquement après avoir achevé le programme. Cette question ne laissait planer aucun doute puisqu'il savait qu'il serait accepté dans le domaine de surspécialité.

[59]     On l'a reporté à l'onglet 2 de la pièce A-1, soit une lettre de l'ADRC datée du 26 avril 2000 relativement à ses années d'imposition 1995 et 1996 et à son statut au cours de ces années, et il a déclaré qu'il était en désaccord avec l'affirmation portant qu'il avait prétendu avoir été résident de fait du Canada durant ces années. Il avait voulu produire une déclaration de revenu au Canada relativement à son revenu de toutes provenances pour l'année 1995 parce qu'il avait été résident du Canada pendant plus de six mois et qu'il conservait un certain espoir d'y retourner.

[60]     En 1996, il avait présenté une demande de détermination du statut de résidence au motif que ses conseillers américains lui avaient dit qu'il ne pouvait produire une déclaration de revenu en tant que non-résident puisqu'il avait été aux États-Unis pendant un certain temps; l'ADRC était d'ailleurs d'accord avec cette position. Cependant, il ne se considérait pas comme résident de fait du Canada en 1996, 1997 et 1998.

[61]     Il n'avait pas présenté de demande de détermination du statut de résidence en 1997 ni en 1998, étant donné que son statut n'était pas différent de celui de 1996. Il avait eu une conversation téléphonique avec un représentant de l'Internal Revenue Service (Administration des impôts des États-Unis) ( « IRS » ) au sujet des formulaires qu'il devait utiliser, et il avait produit pour les années en cause des déclarations de revenu en tant que résident des États-Unis. Ils lui avaient demandé depuis combien de temps il était aux États-Unis, où sa famille était établie et où il vivait. En outre, son comptable fiscaliste lui avait dit qu'il ne pouvait pas produire une déclaration de revenu aux États-Unis en tant que non-résident. Le Canada lui avait dit qu'il devait lui faire parvenir un questionnaire.

[62]     On lui a demandé pourquoi il avait demandé au Canada de déterminer son statut en 1996. Il a dit qu'il avait pu présenter deux demandes en 1996; cependant, l'ADRC n'avait pu en trouver qu'une. La première demande avait probablement été présentée en janvier ou en février. On l'avait informé qu'il était à cette époque résident des États-Unis. On a reporté l'appelant aux onglets 1 et 28 de la pièce A-1, soit un questionnaire qu'il avait lui-même rempli le 1er mai 1996. On l'a de nouveau reporté à la question 7 de ce questionnaire, et on lui a demandé si les réponses qu'il avait fournies étaient exactes. Il a répondu qu'il ne savait pas à quelle date il s'était départi de ses articles en 1996. Il avait un permis de conduire en 1996 et, en 1997, jusqu'au mois de mars ou avril. Il croyait qu'il pouvait renouveler son permis de conduire en 1996.

[63]     Il n'avait pas contacté les autorités en ce qui concerne son assurance médicale provinciale parce qu'il croyait qu'elle expirerait automatiquement. Il ne se rappelait pas avoir répondu par l'affirmative lorsqu'on lui avait demandé s'il avait ou non des liens avec des groupes professionnels ou avec l'église. Il avait encore un compte bancaire, et il a déclaré à la Cour qu'il avait également un prêt (carte de crédit) en Ontario. Il avait utilisé sa carte de crédit pour se rendre à des entrevues, pour subvenir aux besoins des enfants et pour rembourser le prêt-automobile qu'il avait contracté en Saskatchewan. Il avait conservé ses plaques d'immatriculation en 1996, 1997 et 1998, étant donné qu'il ne pouvait pas les remplacer par des plaques de New York. Il avait renouvelé la vignette figurant sur sa plaque. En 1995 et 1996, il avait de l'assurance-vie au Canada et aux États-Unis. Aux États-Unis, il était tenu de souscrire une assurance-vie.

[64]     Pour ce qui est de la question 10(i) de l'onglet 10 de la pièce R-1, l'appelant a affirmé qu'il avait des comptes de chèques aux États-Unis. En ce qui a trait au crédit d'impôt pour enfants, on le lui avait accordé en 1996 d'après sa déclaration de revenu de 1995, mais pas en 1997.

[65]     Il était allé en visite au Canada à deux reprises en 1996, puis une fois à Toronto en 1997, et une autre fois au pays en 1998, lorsqu'il avait su qu'il irait à Windsor. Pour ce qui est de la demande de visa J-1, elle doit être présentée chaque année. Quiconque est toujours inscrit au programme a droit au visa. En ce qui concerne la demande de détermination du statut de résidence, l'appelant avait présenté une deuxième demande le 1er mars 1997, puisque la situation avait changé. Il se considérait à cette époque comme un non-résident du Canada. À l'égard de la question 4 du questionnaire (onglet 30 de la pièce A-1), l'appelant a affirmé qu'il aurait dû indiquer qu'il quittait le Canada pour suivre un congé pour perfectionnement professionnel plutôt que pour des études ou de la recherche, comme il l'avait indiqué. Il remboursait un prêt en 1997, étant donné que les taux d'intérêt au Canada étaient plus bas qu'aux États-Unis. Il se pouvait que l'emprunt ait été remboursé en 1998, ou encore qu'il restât un montant minime à payer.

[66]     On a renvoyé l'appelant à la détermination du statut de résidence datée du 24 juillet 1996, où il était indiqué qu'il avait maintenu des liens de résidence importants avec le Canada et qu'il était considéré comme résident de fait du Canada pendant la période où il vivait à l'étranger. Cependant, cette détermination - avec laquelle il était d'accord - se rapportait à l'année d'imposition 1995. Si elle s'était rapportée aux années d'imposition 1996, 1997 et 1998, il aurait été mécontent. La lettre figurant à l'onglet 6 de la pièce A-1 se rapportait à son année d'imposition 1995, pour laquelle il avait demandé à l'ADRC d'imputer le crédit d'impôt pour enfants au compte de son épouse. Dans le document figurant à l'onglet 7, il demandait une remise d'intérêt.

[67]     Dans l'année d'imposition 1996, il était réputé non-résident du Canada. Cette décision le satisfaisait. Il avait fait parvenir à l'ADRC deux questionnaires relativement à cette année d'imposition. Il a renvoyé la Cour à l'onglet 12 de la pièce R-1, où il avait indiqué qu'il était non-résident du Canada en 1996 et faisait part de son intention de retourner au Canada à la fin de ses études supérieures. Cependant, l'appelant a affirmé que telle était son intention uniquement s'il avait la possibilité de trouver un emploi satisfaisant au Canada. Il avait l'intention d'y retourner s'il pouvait satisfaire à ses besoins.

[68]     On l'a reporté à l'onglet 13 de la pièce R-1, soit une lettre datée du 30 septembre 1997 dans laquelle l'ADRC indiquait qu'il était considéré comme non-résident du Canada en 1996. Il était satisfait de cette décision. Il était retourné au Canada après sa résidence, et il est au Canada depuis lors. Il croyait que, pour être admissible au crédit d'impôt pour enfants et au remboursement de la TPS, il devait produire une déclaration de revenu pour l'année précédente.

[69]     Il s'était rendu à Toronto à deux reprises pour passer des examens, soit une fois en 1996 et une autre fois en 1997. Il étudiait la possibilité de revenir au Canada. En 1997, il s'était rendu une fois à Montréal relativement au compte de son épouse; il s'y était également rendu une fois en 1996, mais il ne se rappelait plus pour quelle raison.

[70]     Il a reconnu l'état des revenus que lui avait fait parvenir le Long Island Jewish Medical Center (Centre médical juif de Long Island). Son revenu s'établissait à 15 694,34 $, tandis que l'impôt fédéral américain qui avait été retenu s'élevait à 1 119,52 $. Ces chiffres se rapportent à l'année d'imposition 1995. Il a également reconnu l'état des revenus produit par ce centre médical à l'égard de l'année 1996, où est indiqué l'impôt retenu mais où ne figure aucune autre déduction. En 1996, il avait produit sa déclaration de revenu en tant que résident des États-Unis.

[71]     On lui a demandé pourquoi aucune retenue n'avait été faite au titre de la sécurité sociale ou de l'assurance médicale ou d'autres avantages de même nature. Il a affirmé qu'il en ignorait la raison. Il avait demandé des renseignements à cet égard, mais n'avait pas obtenu de réponse. Le Long Island Jewish Medical Center croyait qu'il s'agissait d'une erreur. Le Henry Ford Health Centre (Centre de santé Henry Ford) avait bel et bien effectué des retenues au titre de la sécurité sociale et de l'assurance médicale. Il ne lui avait pas paru étrange qu'on n'eût pas effectué de retenues au titre de la sécurité sociale et de l'assurance médicale alors qu'il était un résident des États-Unis.

[72]     Le 1er juillet 1998, il avait commencé la surspécialité qu'il avait choisie. Il s'est référé aux lettres de non-opposition qu'il avait reçues du ministère fédéral de la Santé du Nigeria (onglets 37 et 38 de la pièce R-1) et a réitéré qu'il devait se procurer ces lettres pour être en mesure de faire cette surspécialité. Il avait déjà essayé d'obtenir de telles lettres au Canada, mais, ayant essuyé un refus de Santé Canada, il n'a pas écrit de nouveau au ministère les années suivantes. Il était retourné au Canada en juin 1998 et s'était inscrit au programme offert par le Henry Ford Health Centre le mois suivant.

[73]     L'appelant a ensuite reconnu le certificat de statut (J-1) figurant aux onglets 39 et 40. Le jumelage avec le Henry Ford Health Centre s'est produit vers le mois de mars 1998. Faire la navette entre Windsor et ce centre de santé lui prend de 20 à 25 minutes environ. Il avait été question d'une exemption pour l'année 1999. Il avait présenté des demandes pour obtenir toutes les exemptions. C'est le procureur général des États-Unis qui accorde les exemptions définitives. La personne qui obtient cette exemption est autorisée à présenter une demande de carte verte. L'appelant travaille à l'heure actuelle aux États-Unis. La personne désireuse d'obtenir l'exemption doit occuper un emploi; c'est la raison pour laquelle il avait présenté une demande au Michigan. Il se trouve toujours aux États-Unis, où il satisfait encore aujourd'hui aux conditions de l'exemption. Son épouse estime qu'il est préférable qu'ils demeurent au Canada dorénavant, étant donné qu'ils ont déjà déménagé à de nombreuses reprises et que les enfants ont besoin de stabilité.

[74]     On lui a de nouveau posé une question à l'égard de l'appartement de Long Island; il a affirmé que Long Island n'était qu'un lieu de résidence temporaire. Il a ensuite ajouté ceci : [traduction] « Je ne pourrais pas dire que j'avais décidé de rester peu de temps à Long Island. J'aurais pu décider d'y rester, étant donné que j'y avais un emploi assuré dans ma spécialité » . On lui avait dit qu'il lui fallait obtenir un permis de conduire de l'État de New York puisqu'il était résident de cet État. Il n'a pas les lettres qu'il avait reçues à cet égard. Il ne croyait pas que les lettres relatives à l'immatriculation de son automobile étaient pertinentes et il ne les avait donc pas conservées. À Detroit, il était facile de se procurer des aliments africains de toutes sortes. On lui a demandé pourquoi il avait obtenu un permis de conduire de la Saskatchewan en 1998, peu avant son départ de New York. Il a répondu ceci : [traduction] « Parce que la porte était encore ouverte. »

[75]     L'intimée a appelé Janet Curysek, agente des appels à Windsor, à la barre des témoins. Après avoir fait une affirmation solennelle, elle a dit qu'elle travaillait pour l'ADRC depuis 24 ans. On lui avait assigné le présent dossier à l'étape de l'opposition en novembre 2000 pour qu'elle se penche sur la question de la résidence de fait de l'appelant pour les années 1996, 1997 et 1998. Elle s'était reportée aux années de base 1994 et 1995 relativement aux remboursements de TPS et au crédit d'impôt pour enfants. Par suite de cet examen, on avait déterminé que l'appelant était un résident de fait du Canada pour les années d'imposition 1996, 1997 et 1998.

[76]     On a reporté Mme Curysek à l'onglet 14 de la pièce R-1, soit un schéma ou un tableau relatif aux crédits de TPS des années de base 1994 et 1995, fondé sur les déclarations de revenu devant être produites le 30 avril 1995 et le 30 avril 1996. On l'a également reportée à la lettre concernant le statut de résidence que le Bureau international des services fiscaux d'Ottawa avait envoyée à l'appelant le 30 septembre 1997. Cette lettre, qui se rapportait à l'année d'imposition 1996, indiquait que l'appelant était non-résident en 1996 alors qu'il vivait à l'étranger. On y indiquait également qu'il n'avait droit à aucun crédit d'impôt mais qu'il était toujours assujetti à la « retenue d'impôt des non-résidents » sur certains types de revenus de source canadienne qu'il avait touchés, tels que des intérêts, des dividendes et un revenu de pension. En faisant une telle détermination, le ministère doit tenir compte de tous les faits.

[77]     En ce qui concerne la première demande qu'il avait présentée en 1996, l'appelant avait rempli deux questionnaires portant sur l'année d'imposition 1995 (onglet 3 de la pièce R-1). L'agente des appels s'était notamment fondée sur ces questionnaires pour rendre sa décision. Elle avait traité les oppositions que l'appelant avait déposées. Le 10 décembre 2000, au cours d'un entretien particulier, elle avait discuté avec lui de son statut de résidence. Il y avait été question des intentions de l'appelant. Il avait dit que les États-Unis lui permettaient uniquement d'y faire des études et qu'il devait quitter le pays au bout de trois ans. Il n'avait pas à y retourner. Il avait obtenu du Canada un permis de retour pour résident permanent; il avait indiqué que, lorsqu'il avait quitté le pays, il avait l'intention d'y retourner si un emploi l'y attendait. Il avait indiqué qu'il n'avait pas l'intention de retourner au Nigeria en raison de la qualité de la vie et du fait qu'il ne pouvait y exercer sa spécialité. Il était retourné au Canada trois ans après avoir quitté le pays.

[78]     Ce sont là les facteurs dont l'agente des appels avait tenu compte pour rendre sa décision selon laquelle il était un résident de fait du Canada durant les années en cause. Lorsqu'elle lui avait demandé pourquoi il résidait au Canada et travaillait aux États-Unis, il lui avait répondu que son épouse ne voulait pas vivre aux États-Unis.

Représentations pour le compte de l'appelant

[79]     Dans sa plaidoirie, l'avocat de l'appelant a demandé à la Cour de conclure que le Dr Harris-Eze n'était pas résident de fait du Canada durant les années 1996, 1997 et 1998. L'avocat a reconnu que son client devait être résident de fait d'un pays quelconque, ajoutant que cette question devait être tranchée suivant les règles de common law applicables aux États-Unis.

[80]     Il a admis qu'il s'agissait là de circonstances inhabituelles, compte tenu du fait que l'appelant n'avait pas les mêmes antécédents que d'autres personnes qui pouvaient vivre à Windsor après avoir vécu aux États-Unis pendant un certain temps. Ces personnes auraient pu laisser derrière elles des liens familiaux proches au Canada, tandis que cela n'avait pas été le cas de l'appelant puisqu'il n'avait pas noué de liens étroits ou importants en Saskatchewan lorsqu'il y vivait. Il y avait vécu pendant une brève période et il avait donc peu de liens à rompre.

[81]     Les seuls liens qu'il avait avec la Saskatchewan étaient son permis de conduire (même si ce lien avait été rompu pendant un certain temps), un compte bancaire aux fins de remboursement de prêts et un permis de retour pour résident permanent, ainsi qu'une intention conditionnelle de retourner au Canada. L'appelant avait clairement fait état de cette intention conditionnelle dans des déclarations qu'il avait faites à l'ADRC en décembre 2000. L'avocat a affirmé que le témoignage du Dr Harris-Eze était très crédible et que la Cour devrait conclure que, quels que soient les liens que son client avait en Saskatchewan, lesquels étaient très peu nombreux, ils avaient presque tous été rompus, et les seuls liens qui restaient étaient deux ou trois visites au Canada, et encore, il ne s'agissait pas de visites en Saskatchewan.

[82]     En ce qui concerne New York, l'appelant y avait des liens avec sa culture et ses anciens compagnons de classe et amis, et il y occupait un bon emploi. Pendant son séjour dans cet État, il avait formé l'intention de rester aux États-Unis, et des membres de son groupe d'amis l'avaient informé que des occasions de rester aux États-Unis se présenteraient à lui. Son retour au Canada était purement accidentel. Il a fait l'objet d'un jumelage à Detroit et avait alors décidé de faire la navette entre cette ville et Windsor (Ontario), étant donné que son épouse et lui estimaient qu'il était préférable de vivre à Windsor plutôt qu'à Detroit. En fait, c'était son épouse et non lui qui avait pris cette décision. Quoi qu'il en soit, il n'avait pas pris la décision de retourner vivre à Saskatoon.

[83]     En outre, aucun élément de preuve n'indique que l'appelant avait, à quelque moment avant le milieu de l'année 1998, formé quelque intention de vivre à Windsor. Donc, en appliquant les règles de la common law, en examinant les liens de l'appelant avec le Canada et les États-Unis, notamment les comptes bancaires et les cartes de crédit, on devrait conclure qu'il était un résident de fait de New York durant les années en cause. Il n'avait aucun autre foyer, il vivait dans l'État de New York, sa famille y vivait avec lui, et il n'y avait aucun autre endroit où il pouvait aller ni où on ne pouvait pas lui refuser l'entrée (exception faite du Nigeria). Son retour au Nigeria était éventuel; sinon, lorsqu'il retournait chez lui, il retournait à New York, parce que c'est là qu'habitait sa famille immédiate, son épouse et ses enfants. C'était son foyer. Le Nigeria est le domicile de sa famille étendue, c'est là qu'habitaient sa mère et son père.

[84]     On a produit suffisamment d'éléments de preuve pour permettre à la Cour de conclure que, selon le critère objectif issu de la common law, l'appelant était un résident de fait des États-Unis durant les années en cause. S'ajoute à cela le fait qu'il avait déclaré, suivant les conseils qu'il avait reçus, être résident des États-Unis dans ses déclarations de revenu des années en question. L'IRS lui avait également fourni des conseils, par l'intermédiaire de la ligne d'assistance téléphonique, et il s'agit là d'un autre facteur à prendre en considération. Ces faits concordent avec la position même de l'appelant selon laquelle il se considérait être résident de fait des États-Unis durant les années en cause.

[85]     L'appelant n'a jamais réellement accompli d'actes incompatibles avec cette intention, si ce n'est lorsqu'il est revenu au Canada en 1999. À ce moment-là, il avait produit des déclarations de revenu, après que son épouse et lui eurent de nombreuses difficultés avec l'ADRC. Il avait reçu des décisions contradictoires au sujet de son lieu de résidence. Ses déclarations de revenu n'avaient pas été produites dans les années en cause. Quoi qu'il en soit, il avait déposé des oppositions et c'est la raison pour laquelle la Cour a été saisie de cette affaire.

[86]     Par conséquent, même si la production de déclarations de revenu est de toute évidence un facteur dont il faut tenir compte, et un lien dont il faut tenir compte, les déclarations de revenu qui ont été produites au Canada en 1999, en fonction de la résidence canadienne, l'ont été après la période en cause, et il existe à leur égard une explication claire qui n'étaye pas la conclusion selon laquelle il se considérait comme résident de fait du Canada durant les années en question. Quoi qu'il en soit, il avait déposé des oppositions et c'est la raison pour laquelle la Cour a été saisie de cette affaire.

[87]     L'avocat a ensuite déclaré qu'il plaidait subsidiairement, si le tribunal était d'accord avec la position de l'intimée selon laquelle l'appelant était un résident de fait du Canada, qu'il était alors nécessaire de se reporter à la Convention entre le Canada et les États-Unis d'Amérique en matière d'impôts sur le revenu (1980) (la « Convention » ). Aux termes de la Convention, la seule façon pour l'intimée d'avoir gain de cause est de soutenir que l'appelant était un résident de fait du Canada uniquement, durant toutes ces années, et que, par conséquent, il ne pouvait se prévaloir de la Convention. L'avocat a renvoyé la Cour à l'Article IV de la Convention relativement à la résidence. Le paragraphe 1 se lit comme suit :

1. Au sens de la présente Convention, le terme « résident » d'un État contractant désigne toute personne qui, en vertu de la législation de cet État, est assujettie à l'impôt dans cet État en raison de son domicile, de sa résidence, de sa citoyenneté, de son siège de direction, de son lieu de constitution ou de tout autre critère de nature analogue [...].

Par conséquent, il pourrait être conclu suivant la Convention que l'appelant était résident de fait des États-Unis. La Cour ne devrait pas conclure qu'il était résident de fait des deux pays, bien que ce soit la seule position que puisse adopter l'intimée.

[88]     L'avocat a ensuite traité de l'expression « résidence permanente » , affirmant qu'il s'agissait d'une expression en matière d'immigration et non d'une expression fiscale. Le fait qu'un particulier soit ou non résident permanent aux fins de l'immigration, ce que l'appelant peut avoir été relativement au Canada, est un facteur dont le tribunal doit tenir compte lorsqu'il s'agit de décider si le particulier était ou non résident aux fins fiscales, mais ce n'est pas un facteur déterminant ni contraignant. Ce n'est là qu'un des facteurs. En l'espèce, l'appelant avait demandé le statut de résident permanent, facteur dont il doit être tenu compte.

[89]     Quiconque est résident permanent aux fins d'immigration est résident permanent aux fins fiscales. Il est admis que l'appelant était un résident permanent des deux pays aux fins de l'immigration, et ce facteur doit être pris en considération lorsqu'il s'agit de déterminer si l'appelant était résident de fait aux fins fiscales, mais ce n'est qu'un des nombreux facteurs dont il faut tenir compte.

[90]     La question de la « résidence permanente » de l'appelant au Canada, conformément à son statut de résident permanent, est liée à son permis de retour pour résident permanent. On a fourni une explication - très crédible - selon laquelle l'appelant avait cherché à obtenir ce statut uniquement dans l'espoir d'avoir des occasions d'emploi et, fait ironique, un emploi lui a été offert tout près de la frontière. Toutefois, cette intention de l'appelant était une intention conditionnelle.

[91]     L'intention de l'appelant de retourner au Canada était uniquement pour lui laisser la porte ouverte, comme il le faillait, pour conserver le statut de résident permanent. C'est pourquoi il avait obtenu son permis de retour pour résident permanent. Tout résident permanent qui reste à l'extérieur du Canada pendant un certain nombre de jours perdra son statut de résident permanent, à moins qu'il n'obtienne un permis de retour pour résident permanent. L'avocat a fait valoir que ce permis serait accordé uniquement si la personne en cause avait perdu son statut de résident. Il a admis que le permis de retour pour résident permanent ne signifiait pas en soi que l'appelant était devenu résident de fait du Canada, mais il a ajouté qu'il s'agissait d'un facteur dont il fallait tenir compte. Le fait que son client avait présenté une demande de permis de retour pour résident permanent est une arme à double tranchant. En l'espèce, cela peut ne rien impliquer.

[92]     Subsidiairement, l'avocat a soutenu que, si la Cour devait conclure que l'appelant n'était pas résident de fait des États-Unis durant les années en cause, ce dernier aurait alors toujours le droit de se prévaloir de la Convention. L'appelant doit satisfaire à deux conditions pour invoquer la Convention, soit sa résidence et son obligation de payer de l'impôt sur son revenu de toutes provenances. Mis à part tout argument de l'intimée selon lequel l'appelant n'était pas assujetti à l'impôt sur son revenu de toutes provenances aux États-Unis dans les années en cause, l'appelant soutenait que tout particulier qui est résident est automatiquement assujetti à l'impôt sur son revenu de toutes provenances.

[93]     L'avocat s'est reporté au paragraphe 1 et a soutenu que le terme « résidence » qui y figurait visait la résidence de fait. Toutefois, d'autres critères y sont énumérés, notamment « tout autre critère de nature analogue » . L'appelant est visé par cette catégorie, de sorte que, même si la Cour devait conclure qu'il n'était pas résident de fait des États-Unis, l'expression « tout autre critère de nature analogue » vise notamment, en ce qui concerne les États-Unis, le choix fait en vertu du Code d'être considéré comme résident des États-Unis. En produisant les déclarations de revenu aux États-Unis, l'appelant avait exercé ce choix. Par conséquent, même s'il n'était pas résident de fait, il est toujours visé par la protection prévue par la Convention puisqu'il avait choisi de produire ses déclarations de revenu aux États-Unis et d'être considéré comme résident de ce pays.

[94]     Si elle devait conclure que l'appelant était résident de fait des deux pays, ou du Canada seulement, la Cour devrait néanmoins appliquer la règle de départage. Le paragraphe 2 de l'article IV de la Convention, sous la rubrique « législation » , se lit comme suit :

2.       Lorsque, selon les dispositions du paragraphe 1, une personne physique est un résident des deux États contractants, sa situation est réglée de la manière suivante :

a) Cette personne est considérée comme un résident de l'État contractant où elle dispose d'un foyer d'habitation permanent; si elle dispose d'un foyer d'habitation permanent dans les deux États ou ne dispose d'un tel foyer dans aucun des États, elle est considérée comme un résident de l'État contractant avec lequel ses liens personnels et économiques sont les plus étroits (centre des intérêts vitaux);

Le seul État où l'appelant avait un foyer d'habitation permanent était les États-Unis. Il y avait occupé un appartement durant trois ans, il avait meublé l'appartement, et sa famille y habitait. C'était son foyer d'habitation permanent. L'appelant n'avait un quelconque foyer d'habitation nulle part au Canada; par conséquent, l'appelant a gain de cause à ce chapitre. Quoi qu'il en soit, si on ne devait pas donner raison à l'appelant sur cette question, il faudrait alors examiner où il avait ses liens personnels et économiques. Le seul lien économique qu'il avait avec le Canada consistait en quelques prêts, et ses liens personnels étaient de toute évidence plus étroits avec les États-Unis qu'avec le Canada. Par application de l'un ou l'autre de ces deux critères, l'appelant devrait avoir gain de cause.

[95]     L'avocat a en outre soutenu que si la Cour, après avoir appliqué tous les critères ci-dessus mentionnés, ne pouvait toujours pas trancher la question, la dernière étape serait de laisser les autorités compétentes des États contractants trancher la question. Si la Convention entre le Canada et le Japon devait servir d'aide, il est à noter que le libellé de cette convention est très différent de celui de la convention conclue par le Canada et les États-Unis. Il s'agit là de la première démarche en vertu de la Convention entre le Canada et le Japon, mais la situation est complètement différente dans le cas de la Convention conclue entre le Canada et les États-Unis.

[96]     L'avocat a conclu en déclarant que l'appel devrait être admis avec dépens et la question déférée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte de la conclusion de la Cour selon laquelle l'appelant était un résident de fait des États-Unis durant les années en cause.

Représentations pour le compte de l'intimée

[97]     L'avocat de l'intimée a fait valoir que, pour que la Convention puisse s'appliquer, la Cour devait conclure que l'appelant était, durant les années en cause, résident des États-Unis aux termes des lois américaines et non aux termes de la common law canadienne. Si la Cour devait conclure que l'appelant était un résident des États-Unis aux termes des lois américaines, alors l'article IV de la Convention déclenchait la règle de départage, puisque la Convention est conçue pour éviter la double imposition. Toutefois, si l'appelant avait une double résidence, la Cour devrait alors conclure, pour que l'appelant ait gain de cause, que ce dernier était assujetti à l'impôt aux États-Unis en raison de la résidence, de la citoyenneté, du domicile ou de tout autre critère énuméré au paragraphe 1 de l'article IV de la Convention.

[98]     L'avocat a renvoyé la Cour à l'affaire Fisher c. La Reine, C.C.I., no 92-1160(IT)G, 29 septembre 1994, 95 D.T.C. 840, dans laquelle le juge Bowman résumait les principaux arrêts touchant la question de la « résidence habituelle » au Canada, expression que l'avocat a essentiellement assimilée à l'expression « résidence de fait » que l'avocat de l'appelant a employée dans sa plaidoirie.

[99]     Selon la jurisprudence, la question de la résidence est une question de fait. L'expression « résidence de fait » peut être dérivée de l'usage de l'ADRC. Toutefois, les deux parties ont convenu que l'expression issue de la common law est « résidence habituelle » . Le juge Bowman déclarait dans l'affaire susmentionnée, aux pages 13 et 14 (DTC : à la page 844) :

[...] les éléments qui servaient dans ces arrêts à déterminer la question de fait de la résidence fiscale, s'appliquent aussi en l'espèce. Ces éléments sont notamment :

a. le genre de vie passé ou présent;

b. la régularité et la durée des séjours dans le ressort de la juridiction de la résidence;

c. les liens dans le ressort de cette juridiction;

d. les liens en d'autres lieux;

e. le caractère permanent ou autre des séjours à l'étranger.

         La question des liens dans le ressort de la juridiction de résidence et en d'autres lieux englobe toute la gamme des rapports et des engagements d'une personne : biens et placements, emploi, famille, affaires, liens culturels et mondains en sont des exemples. Tous les éléments ne seront pas retenus dans chaque cas. Ils doivent être considérés à la lumière du postulat que chacun doit avoir une résidence fiscale et qu'un individu peut avoir simultanément plus d'une résidence du point de vue fiscal.

[100] Plus loin, le juge Bowman déclarait ce qui suit :                    

         Bien qu'en définitive les critères établis par les tribunaux présentent une structure commune, il semble que les causes de résidence personnelle entrent dans trois grandes catégories :

a) une personne jusque-là résidente habituelle du Canada s'en va, prend résidence ailleurs et allègue qu'elle a rompu ses liens avec le Canada si bien qu'elle ne réside plus ici;

b) une personne résidant habituellement dans un autre pays acquiert une résidence au Canada et y noue d'autres liens. La question est alors de savoir si cette personne est devenue « résidente habituelle » du Canada;

c) un résident canadien quitte le Canada, rompt ses liens avec notre pays si bien qu'il n'est plus résident canadien, puis renoue des liens avec le Canada. La question est alors de savoir si cette personne est de nouveau résidente canadienne.

         Les critères peuvent finalement être les mêmes, mais le type de preuve nécessaire pour établir l'abandon de la résidence canadienne serait normalement un peu différent du genre de preuve à présenter pour établir que le contribuable a acquis ou repris la résidence canadienne.

[101] La présente affaire tombe sous le coup de la catégorie a) et, selon l'intimée, l'appelant était « résident habituel » du Canada, il avait quitté le pays et il prétendait maintenant qu'il était devenu résident des États-Unis et qu'il avait rompu les liens avec le Canada d'une manière telle qu'il n'en était plus résident.

[102] À la page 16 (DTC : à la page 845), le juge Bowman poursuit en ces termes :

         Compte tenu des principes directeurs énoncés dans d'autres tribunaux et à la lumière de l'ensemble de la preuve, peut-on dire que l'appelant était « résident habituel » du Canada en 1987 et en 1988? Pour reprendre les termes que le juge Rand a employés dans l'arrêt Thomson, peut-on dire qu'il s'était établi « en pensée et en fait » ou qu'il avait conservé ou centralisé « son mode de vie habituel avec son cortège de relations sociales, d'intérêts et de convenances » au Canada au point que, lorsqu'il venait ici, c'était plus que de simples « visites » ou « séjours » et cela faisait partie du mode de vie normal d'une personne considérant le Canada comme le lieu véritable de son domicile habituel?

L'avocat a en outré renvoyé la Cour à l'affaire Glow c. La Reine, C.F. 1re inst., no T-1567-84, 28 août 1992, 92 D.T.C. 6467, où le juge Rouleau déclarait au paragraphe 16, en parlant du type de preuve qu'un particulier devait produire pour démontrer qu'il avait rompu les liens avec le Canada :

         La partie demanderesse a raison d'affirmer que M. Glow n'avait pas à annuler ses cartes de crédit et ses comptes bancaires, à liquider ses REER et à se départir de tous ses biens (meubles et immeubles) pour me convaincre qu'il avait cessé d'être un résident du Canada. Voir Beament v. M.N.R. 52 DTC 1183 (C.S.C.), Griffiths c. La Reine, 78 DTC 8286 (C.F. 1re inst.) et La Reine c. Bergelt 86 DTC 6063 (C.F. 1re inst.). Je suis également convaincu qu'il n'est pas nécessaire qu'un contribuable soit longtemps absent du Canada pour cesser d'être un résident canadien; voir La Reine c. Bergelt, précité. Pareillement, le fait que la rémunération touchée par le contribuable pour un travail effectué dans un pays étranger soit déposée dans un compte bancaire canadien ne suffit pas à établir le lieu de résidence; voir Marois c. M.R.N. (décision non publiée de la C.C.I.). Néanmoins, le contribuable doit établir qu'il n'avait aucun lien juridique avec le Canada. Or, il ne l'a pas fait en l'espèce.

[103] Se fondant sur ce passage, l'avocat a soutenu que, pour que la Cour puisse conclure que l'appelant était non-résident du Canada, il faudrait une preuve que l'appelant avait rompu ses liens « juridiques » avec le Canada dans les années en cause. La Couronne soutenait que l'appelant n'avait en fait pas rompu les liens, et que la preuve dont disposait la Cour démontrait qu'il avait plusieurs liens juridiques avec le Canada tels que le fait qu'il était résident permanent du Canada, qu'il avait des dettes fiscales non réglées au Canada, qu'il avait des prêts bancaires actifs au Canada, qu'il avait des polices d'assurance au Canada et qu'il avait des comptes bancaires au Canada. Tous ces facteurs démontrent qu'il avait conservé des liens juridiques avec le Canada dans la période en cause. En outre, il possédait une automobile qu'il avait achetée au Canada et qui était immatriculée au Canada. Au cours des années en cause, il avait utilisé cette automobile aux États-Unis avec des plaques d'immatriculation canadiennes et il avait continué à se conformer aux exigences prévues pour le renouvellement de ces plaques d'immatriculation.

[104] Il avait un prêt-automobile avec la Banque Royale du Canada, à laquelle il devait également de l'argent sur ses cartes de crédit. Il s'était rendu à Montréal et à Toronto par affaires et pour le plaisir. Les voyages d'affaires se rapportaient à l'examen qu'il devait passer pour être admis dans une surspécialité au Canada. Ces facteurs constituent la preuve qu'il n'avait pas à cette époque rompu les liens avec le Canada. En outre, il y a la question du permis de retour pour résident permanent.

[105] L'appelant avait obtenu le permis de retour pour résident permanent, et l'importance de ce document apparaît à la lecture du paragraphe 25(2) de la Loi sur l'immigration, qui se lit comme suit :

         Le fait d'être muni d'un permis de retour réglementaire établit, sauf preuve contraire, l'absence d'intention de ne plus résider en permanence au Canada de la part de la personne absente du Canada pendant un certain temps.

Il est donc clair que le particulier qui rompt les liens avec le Canada n'obtiendrait pas un permis de retour pour résident permanent. Cela réfute la présomption établie au paragraphe 24(2) de la Loi sur l'immigration, qui est ainsi libellé :

         Le résident permanent qui séjourne à l'étranger plus de cent quatre-vingt-trois jours au cours d'une période de douze mois est réputé avoir cessé de résider en permanence au Canada, sauf s'il convainc un agent d'immigration ou un arbitre, selon le cas, qu'il n'avait pas cette intention.

[106] Selon son témoignage, le Dr Harris-Eze avait toujours laissé la porte ouverte pour ce qui est de retourner au Canada. Cela ne correspond pas à l'état d'esprit d'une personne qui avait rompu ses liens avec le Canada.

[107] La nature de son séjour aux États-Unis constitue également un facteur important. Il s'était au départ rendu aux États-Unis grâce à un « Certificate of Eligibility for Exchange Visitor (J-1) Status Visa » en vue d'achever son programme de résidence médicale à New York. Il devait renouveler annuellement le visa en question pour pouvoir rester aux États-Unis. Le visa est délivré aux étrangers qui ont obtenu leur diplôme en médecine et qui viennent aux États-Unis pour participer à un programme de résidence. Il est indiqué sur les visas que, dans les cas où le gouvernement américain ou le gouvernement du pays d'origine contribue financièrement, directement ou indirectement, au programme de formation, le détenteur du visa est alors obligé de retourner dans son pays d'origine après avoir suivi la formation et d'y demeurer durant au moins deux ans avant de présenter une demande en vue de revenir aux États-Unis.

[108] Pour l'essentiel, l'appelant a témoigné que le Nigeria était en fin de compte son pays d'origine et que, lorsqu'il était arrivé au Canada, il n'avait pas prévu de retourner à court terme au Nigeria. Cependant, selon les règles en matière d'immigration qui régissent les visas de la catégorie J-1, l'appelant avait l'obligation légale, à la fin d'une période donnée, de quitter les États-Unis. À la fin de son programme de formation, il était obligé de retourner dans son pays d'origine; cependant, l'appelant a indiqué clairement qu'il ne désirait pas retourner au Nigeria, de sorte qu'il serait obligé de retourner au Canada s'il ne pouvait obtenir une exemption aux États-Unis. L'avocat a affirmé qu'en fin de compte la question était de savoir si l'appelant avait ou non rompu les liens avec le Canada. S'il ne l'avait pas fait, il était alors un résident du Canada, et s'il y a un redressement quelconque, l'appelant doit invoquer la Convention. Pour avoir droit à une mesure de redressement aux États-Unis, il fallait qu'il y soit assujetti à l'impôt américain suivant l'arrêt Crown Forest Industries Ltd. c. Canada, [1995] 2 R.C.S. 802, 95 D.T.C. 5389.

[109] On n'a produit devant la Cour aucune preuve démontrant que le Dr Harris-Eze avait payé de l'impôt sur son revenu de toutes provenances alors qu'il était aux États-Unis. Les faits étayent la conclusion selon laquelle il était un résident habituel du Canada durant les années en question, et il est inutile de se reporter à la Convention essentiellement parce que l'appelant devait avoir payé de l'impôt sur son revenu de toutes provenances pour que puissent être déclenchées l'application de la Convention et l'application de la règle de départage. L'appelant n'avait pas satisfait à cette exigence.

[110] Une fois que la Cour est convaincue que l'appelant était assujetti à l'impôt sur son revenu de toutes provenances aux États-Unis, elle doit alors conclure qu'il était résident des deux pays et se fonder sur la règle de départage pour décider dans quel pays il devait payer de l'impôt dans les années en cause. La disposition appropriée serait le paragraphe 2(1) de l'Article IV, précité.

[111] L'avocat a affirmé que, dans la majorité des cas, cette question se présente lorsqu'une personne était née au Canada ou y avait vécu pendant plusieurs années, puis avait décidé de quitter le pays, notamment pour travailler ou étudier à l'étranger; dans ces cas, il y a habituellement des éléments de preuve convaincants que la personne avait rompu ses liens.

[112] En l'espèce, le Dr Harris-Eze avait initialement été admis au Canada après avoir obtenu un permis de travail, en tant qu'émigré récent du Nigeria qui tentait de s'établir au Canada, de sorte que certains des mêmes facteurs ou des mêmes attaches qui existaient dans les autres cas n'existent pas en l'espèce.

[113] On a affirmé qu'en l'espèce, la situation de fait rendrait la tâche plus facile à l'appelant pour ce qui est d'établir qu'il avait rompu ses liens, étant donné qu'il avait très peu d'attaches profondes. L'avocat a, en fin de compte, admis cet argument, mais il a ajouté que l'appelant n'a pas démontré qu'il avait rompu ses liens juridiques avec le Canada. C'est ce qu'indique le fait qu'il avait toujours des cartes de crédit au Canada, qu'il avait une dette fiscale envers le Canada, qu'il avait présenté des demandes de remboursement de TPS au Canada, qu'il avait une assurance au Canada et qu'il avait pendant un certain temps conservé des biens au Canada.

[114] Lorsque la Cour a demandé à l'avocat de préciser ce qu'entendait le juge Rouleau, dans l'arrêt Glow, précité, lorsqu'il déclarait qu'il incombait à l'appelant d'établir qu'il n'avait pas de « lien juridique » avec le Canada, il a affirmé qu'il voulait dire que l'appelant n'avait pas rompu les liens avec le Canada. Les différents facteurs déjà mentionnés indiquent qu'il avait toujours des liens importants avec le Canada.

[115] Pour l'essentiel, l'avocat prétendait que, d'après l'ensemble de la preuve, la présence de l'appelant aux États-Unis dans les années en cause était temporaire et que ses liens avec le Canada - bien qu'ils ne fussent pas aussi étroits que ceux qu'aurait normalement noués une personne ayant résidé au Canada durant 15 ou 20 ans, puisqu'il avait récemment immigré du Nigeria au Canada - indiquent que son intention était de revenir au Canada.

[116] Dans la production de la preuve, on a fait référence à quelques reprises à la correspondance entre l'appelant et l'ADRC, dans laquelle ce dernier indiquait expressément qu'il reviendrait au Canada après avoir achevé son programme de formation, ce qui était en fin de compte arrivé. Mme Curysek y a également fait référence à cet égard.

[117] L'avocat estimait par ailleurs qu'il était étrange que l'appelant, après avoir obtenu son emploi surspécialisé à Detroit, ait choisi de vivre à Windsor plutôt qu'à Detroit, même s'il a fourni une explication à cet égard. Selon l'avocat, il s'agissait là d'une autre indication que l'appelant n'avait pas rompu ses liens avec le Canada. Il y avait peu d'éléments de preuve pour ce qui est de ses liens avec les États-Unis, bien qu'il y en ait eu quelques-uns.

[118] Quoi qu'il en soit, la plupart des éléments de preuve étayent l'existence de liens avec le Canada, ainsi qu'une intention ou un intérêt continus de laisser la porte ouverte à un éventuel retour au Canada. On serait porté à croire qu'un non-résident du Canada n'y retournerait pas pour passer des examens en vue d'obtenir un emploi rémunérateur au Canada. Ce comportement serait plutôt typique d'une personne résidant habituellement au Canada. La Cour devrait prendre ce facteur en considération et lui donner un certain poids.

[119] En résumé, l'avocat soutenait que la preuve indiquait que l'appelant était, durant les années en cause, un résident du Canada au sens de la Loi. Par ailleurs, la Convention ne pouvait s'appliquer en l'espèce puisque, d'après la preuve produite devant la Cour et à la lumière de l'interprétation retenue par la Cour suprême du Canada en ce qui concerne la disposition déclenchant l'application de la Convention, il n'y avait pas lieu de recourir à la règle de départage.

[120] L'avocat a fait référence à l'affaire Crown Forest Industries Limited, précitée, pour étayer sa position selon laquelle l'appelant n'avait pas démontré que la règle de départage devrait être examinée. À cet égard, l'avocat s'est reporté au paragraphe 40 du jugement Crown Forest, où la Cour déclarait ceci :

[...] À cet égard, les critères applicables pour déterminer le lieu de résidence à l'article IV, paragraphe 1 impliquent plus que le simple fait d'être redevable d'un impôt à l'égard d'une part de revenu (assujettissement fondé sur la source), ils comportent l'assujettissement fiscal le plus complet qu'un État puisse imposer. Aux États-Unis et au Canada, cette imposition complète vise les revenus mondiaux.

[121] En l'espèce, la preuve indique que les états qui avaient été remis à l'appelant aux États-Unis n'indiquaient pas de retenues au titre du Régime de pensions du Canada ou de l'assurance-emploi ni de déductions équivalentes, alors que la notion de l'assujettissement fiscal le plus complet impliquerait de telles retenues. Celles-ci s'appliqueraient normalement à un résident américain.

[122] Toutefois, en réponse à une question que la Cour lui a posée, l'appelant a admis qu'il était possible que cette omission ait résulté d'une erreur de la part de l'hôpital, de sorte que l'avocat ne s'est pas étendu sur cet argument.

[123] En fin de compte, l'avocat a laissé entendre qu'il incombait à l'appelant de démontrer qu'il était assujetti à l'impôt sur son revenu de toutes provenances aux États-Unis, ce qu'il n'a pas fait. L'appelant aurait dû présenter des éléments de preuve émanant de fiscalistes américains relativement à la nature de l'impôt applicable à un particulier qui détient un visa J-1 aux États-Unis. On n'a produit aucun élément de preuve à cet égard. L'appel devrait être rejeté.

Réplique

[124] En réplique, l'avocat de l'appelant a contesté l'argument suivant lequel la Cour ne disposait d'aucun élément de preuve démontrant que l'appelant était assujetti à l'impôt sur son revenu de toutes provenances aux États-Unis. Il y avait deux sources de preuve en ce sens. Premièrement, le Dr Harris-Eze a indiqué très clairement en interrogatoire principal qu'il avait été redevable de l'impôt au Canada sur son revenu de toutes provenances et il avait utilisé cette expression dans sa correspondance avec l'ADRC, indiquant à l'Agence qu'il avait été imposé au Canada sur son revenu de toutes provenances en 1995 et indiquant clairement qu'il était assujetti à l'impôt sur son revenu de toutes provenances aux États-Unis en 1996, 1997 et 1998.

[125] En contre-interrogatoire, il a également mentionné un autre facteur, ce qu'il appelait la ligne d'assistance téléphonique : on lui avait ainsi dit aux États-Unis qu'il était en fait assujetti à l'impôt sur son revenu de toutes provenances.

[126] En outre, l'avocat a affirmé que les règles fiscales américaines applicables au revenu de toutes provenances des résidents étaient différentes des règles relatives à l'immigration. Il a indiqué que la Cour pouvait prendre connaissance d'office du fait que les États-Unis établissent l'impôt de leurs résidents sur leur revenu de toutes provenances. La Cour peut en prendre connaissance d'office parce que ce fait est si connu, parce que c'est un fait fiscal et parce que le régime canadien applique la même règle. Les résidents sont redevables de l'impôt sur leur revenu de toutes provenances. Cependant, il n'est pas nécessaire d'en prendre connaissance d'office puisque l'appelant a témoigné qu'il avait de fait été assujetti à l'impôt sur son revenu de toutes provenances.

[127] L'avocat a soutenu que la réponse à l'avis d'appel ne comportait aucune hypothèse portant que l'appelant n'avait pas été assujetti à l'impôt sur son revenu de toutes provenances et que, par conséquent, il incombait à l'intimée d'établir ce fait.

[128] L'avocat de l'intimée devait reconnaître qu'une telle hypothèse ne figurait pas dans la réponse à l'avis d'appel, et que rien n'indique que le ministre s'était fondé sur une telle hypothèse pour établir les cotisations.

[129] En s'appuyant sur les faits, l'avocat a établi une distinction entre la présente espèce et l'affaire Fisher, précitée, et il a fait référence au nombre relativement élevé de liens que l'appelant dans cette affaire avait conservés au Canada. Le type de liens que l'appelant avait conservés lui avaient simplement permis de retourner au Canada sans avoir à ouvrir de nouveau un compte bancaire pour obtenir une nouvelle carte de crédit. Ces liens facilitaient simplement son retour au Canada. Il n'y avait aucune preuve que l'appelant avait à quelque moment eu l'intention de revenir à Saskatoon, et les déplacements n'avaient rien à voir avec cette ville.

[130] Par ailleurs, l'avocat s'est reporté à l'arrêt Glow, précité, et a fait valoir que l'appelant dans cette affaire n'avait jamais mis fin aux relations d'affaires qu'il avait établies au Canada. Il avait obtenu des actions de la société ainsi que le droit d'utiliser une appellation commerciale et de se présenter comme associé. Il était resté dirigeant et administrateur de la société et avait conservé un intérêt dans les activités de la succursale de Toronto, et s'était en outre enquis des contacts qui avaient été établis. Il avait des liens personnels avec le Canada, soit avec ses amis et les membres de sa famille et, en particulier, avec Mme Dorion, qui l'avait accompagné au Nigeria et qui avait fait partie de sa vie pendant une période de plus d'un an avant leur départ. Il s'agissait là de liens importants, et c'est ce genre de liens qui entrent en ligne de compte et non les liens auxquels on a fait référence en l'espèce, lesquels sont peu importants.

[131] L'avocat a de nouveau fait état de la question du visa J-1 et a indiqué que les éléments de preuve n'étaient pas contradictoires mais plutôt très clairs. L'option de retourner au Nigeria devait être réelle puisque l'appelant avait l'intention, s'il n'avait pu obtenir un emploi au Canada ou aux États-Unis, de retourner du Nigeria, étant donné qu'un bon emploi l'y attendait.

[132] L'avocat a souligné la question de savoir si l'appelant avait ou non formé l'intention inconditionnelle de revenir au Canada de façon claire et de manière non ambiguë. Si tel était le cas, ce facteur pourrait alors être un facteur important, mais la preuve a démontré que le véritable facteur qui motivait l'appelant était son emploi, sa carrière, et que c'était ce facteur qui déciderait de l'endroit où il irait. D'après les faits de l'espèce, les occasions d'emploi constituaient le facteur primordial ou lien essentiel avec un endroit quelconque.

[133] Le fait qu'il ait pu avoir l'intention de retourner au Nigeria s'il était incapable de trouver un emploi et le fait qu'il pouvait revenir au Canada s'il pouvait y obtenir un emploi s'annulent. Le facteur réellement déterminant est l'endroit où il pourrait obtenir un emploi. Par conséquent, l'intention de revenir au Canada ne pouvait entrer dans la catégorie des liens importants.

Analyse et décision

[134] Tout au long du procès, ainsi que dans les divers documents produits en preuve en l'espèce, différentes expressions ont été employées, notamment « résident de fait » et « résident habituel » ou « résidait habituellement » . Au paragraphe 250(3) de la Loi, on emploie l'expression « résidait habituellement » . Les deux avocats ont convenu que les expressions étaient utilisées de façon interchangeable et que la question fondamentale est celle de savoir si l'appelant était un résident habituel du Canada, des États-Unis ou des deux pays durant les années en cause.

[135] La Cour peut en arriver à l'une des trois conclusions suivantes : l'appelant était durant les années en question soit un « résident habituel » du Canada et non un « résident habituel » des États-Unis, soit un « résident habituel » des États-Unis et non un « résident habituel » du Canada, soit un « résident habituel » du Canada et des États-Unis.

[136] Si la Cour devait tirer la première de ces conclusions, l'appel serait rejeté et la cotisation établie par le ministre serait confirmée. Si elle devait tirer la deuxième conclusion, l'appel serait admis. Si elle devait conclure que l'appelant était « résident habituel » à la fois du Canada et des États-Unis, la Cour devrait recourir à la Convention et appliquer la règle de départage.

[137] En premier lieu, la Cour doit faire un commentaire au sujet du témoignage de l'appelant. Dans une affaire de ce type, le témoignage de l'appelant est primordial. Cependant, c'est non seulement l'intention déclarée de l'appelant qui importe, mais plus encore les actes qu'il a accomplis, indépendamment de son intention déclarée. Bien qu'elle soit importante, la question de l'intention n'est pas déterminante en l'espèce. La Cour doit examiner et soupeser tous les faits de même que tenir compte de l'intention déclarée de l'appelant selon ce qui ressort de son témoignage.

[138] En l'espèce, la Cour conclut que l'appelant a été un témoin très compétent, intelligent et coopératif. Il a témoigné sans détour. Il a répondu aux questions au mieux de sa connaissance. Ses réponses n'étaient ni indirectes ni évasives. Au contraire, son témoignage était direct, complet, précis et instructif, et produit d'une manière franche et obligeante. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il était un témoin très crédible.

[139] La Cour n'a aucun doute quant aux intentions que l'appelant avait, en quittant Saskatoon le 23 juillet 1995, en ce qui a trait à un éventuel retour au Canada. Il avait de toute évidence changé d'idée après s'être établi aux États-Unis, à Long Island, dans l'État de New York. La Cour ne doute pas un seul instant - et l'appelant l'a d'ailleurs admis - que ce dernier se considérait comme un « résident habituel » du Canada durant l'année d'imposition 1995. Il avait produit des déclarations de revenu au Canada, il croyait avoir droit à des remboursements de TPS au Canada et au crédit d'impôt pour enfants au Canada. D'après le témoignage du témoin de l'intimée, l'appelant et son épouse fondaient leur droit à ces crédits d'impôt sur les années de base 1994 et 1995, ainsi qu'on peut le constater à la lecture du tableau que le témoin avait établi (onglet 14 de la pièce R-1). Il n'y a aucun élément de preuve selon lequel l'appelant avait cherché à obtenir ces crédits ou remboursements dans les années visées par l'appel.

[140] Il est clair que, lorsque l'appelant avait quitté le Canada, c'était dans l'intention d'étudier aux États-Unis, d'y travailler et d'y réussir dans sa profession. Il avait décidé d'aller aux États-Unis uniquement après avoir conclu qu'il lui était impossible d'obtenir au Canada les avantages que lui offraient les États-Unis. Il avait écrit à toutes les universités canadiennes en vue d'obtenir une bourse pour poursuivre ses études, et il en avait par la suite obtenu une aux États-Unis. Il n'avait pas été en mesure d'obtenir une bourse au Canada. C'est la raison pour laquelle il était allé vivre aux États-Unis. Il y avait reçu plusieurs offres. À l'époque où il vivait à Long Island (New York), il avait encore le désir de faire une surspécialité, et il devait pour ce faire présenter sa demande un an à l'avance. Il avait présenté des demandes au Canada et aux États-Unis et avait eu des entrevues dans les deux pays. Il n'avait pu faire sa surspécialité au Canada, étant donné qu'il n'y avait reçu aucune formation. Il est évident qu'il avait tenté à plusieurs reprises d'obtenir l'engagement nécessaire auprès des autorités canadiennes en matière de santé, et que ces tentatives avaient échoué. Il n'avait pas présenté des demandes année après année, puisqu'il était convaincu qu'il n'obtiendrait pas le consentement nécessaire au Canada, ayant essuyé un refus la première année.

[141] La Cour est convaincue que l'appelant avait gardé, au moment de son départ du Canada, un certain espoir d'y revenir un jour. À cette fin, il avait conservé ses plaques d'immatriculation canadiennes et son permis de conduire canadien, il avait maintenu son compte bancaire au Canada, des polices d'assurance au Canada et des cartes de crédit au Canada, il avait des prêts actifs au Canada et, pendant une brève période, il y avait conservé quelques biens personnels. Au Canada, il comptait très peu d'amis ou de membres de sa famille, il n'y possédait aucun bien immeuble, et aucun emploi ne l'y attendait; il avait uniquement l'espoir de revenir au Canada s'il lui était possible d'y exercer sa profession dans le domaine qu'il avait choisi. Il n'avait de toute évidence reçu avant son départ aucune confirmation du Canada qui lui aurait permis de croire que cet espoir était réaliste.

[142] Après s'être installé aux États-Unis, il n'avait pas maintenu le contact avec son église au Canada ni conservé d'étroits contacts avec quiconque au Canada, pas même avec un parent éloigné qui y vivait toujours. Au début des années en cause, il n'y avait aucune nouvelle indication de ses liens avec le Canada, et ceux qui ont déjà été mentionnés peuvent plus convenablement être qualifiés de liens mineurs ou accessoires. Malgré ces faits, la Cour est convaincue qu'il avait formé quelque intention de retourner un jour au Canada s'il pouvait y trouver un emploi dans le domaine qu'il avait choisi. À cette fin, il avait décidé de conserver son statut de résident permanent - ce qui constitue une indication importante de son attachement au Canada - ainsi que son permis de conduire canadien pendant un certain temps. Avant de quitter Long Island (New York), il avait présenté une nouvelle demande de permis de conduire en Saskatchewan. Il avait également conservé ses plaques d'immatriculation de cette province pour l'automobile qu'il avait achetée au Canada et qui ne satisfaisait pas aux normes d'émission de Long Island (New York).

[143] La Cour est convaincue que l'appelant a fourni des explications suffisantes et raisonnables pour ce qui est du maintien de ces liens avec le Canada durant les années en cause. Bien qu'il s'agisse là d'indications de son attachement au Canada ou de ses liens avec le Canada, ces indices ne sont ni déterminants ni importants et, à vrai dire, ils ne permettent pas de déterminer quel était le lieu de résidence « habituelle » de l'appelant.

[144] La Cour est tout à fait convaincue que, lorsque l'appelant et sa famille sont arrivés à Long Island (New York), ils ont immédiatement commencé à nouer des liens très importants avec son travail, avec les deux églises et avec des associations professionnelles, et plus particulièrement que l'appelant a résidé à Long Island durant les années en cause, jusqu'à ce qu'il obtienne un emploi à Detroit et qu'il commence à résider de nouveau au Canada.

[145] Selon le témoignage de l'appelant, que la Cour accepte, il s'était fait beaucoup plus d'amis et d'associés aux États-Unis qu'au Canada, et il avait été en mesure d'y satisfaire aux besoins des membres de sa famille, aux plans de l'amitié et de la camaraderie, ce qu'il avait peu été en mesure de faire au Canada. Il avait également pu satisfaire à ses besoins et à ceux de sa famille pour ce qui est du genre de nourriture qu'ils souhaitaient. Il avait fait preuve de persévérance en vue d'obtenir la formation dans la surspécialité de son choix et d'obtenir l'emploi qui lui permettrait de poursuivre ses études et d'exercer dans cette surspécialité jusqu'à ce qu'il ait acquis la compétence nécessaire. Il a déclaré à la Cour que c'était là son plus important objectif; même s'il avait présenté des demandes au Canada en vue de voir s'il lui était possible d'y recevoir cette formation, cela s'est révélé impossible. L'appelant a toujours maintenu la position selon laquelle l'obtention de la formation requise dans sa surspécialité et d'un bon emploi dans cette surspécialité était le facteur essentiel qui devait commander de quel pays il serait « résident habituel » .

[146] La Cour est consciente du fait que l'appelant, après s'être établi au Canada en 1999 (alors qu'il faisait la navette entre sa résidence et Detroit), avait produit des déclarations de revenu au Canada. Toutefois, il lui était nécessaire de produire ces déclarations de revenu en raison des démêlés qu'il avait auparavant eus avec l'ADRC, de son désir de se sortir des difficultés dans lesquelles l'avaient plongé ses communications avec l'ADRC et de son désir de mettre fin à toute cette affaire. De toute évidence, les actes de l'ADRC à son endroit et les conclusions tirées par l'Agence étaient tout sauf un modèle de consistance.

[147] On lui avait dit, à un moment donné, qu'il était « résident de fait » des États-Unis durant les années en cause, puis cette décision avait été renversée et on lui avait alors dit qu'il était « résident de fait » du Canada durant ces années. On pourrait difficilement lui reprocher de s'être demandé à certains moments quel était son statut réel.

[148] Quoi qu'il en soit, il avait en fin de compte déposé les oppositions requises aux cotisations et avait déclaré qu'il était « résident habituel » du Canada, ce qu'il était en droit de faire.

[149] La Cour n'accorde pas beaucoup d'importance au fait que l'appelant, après être retourné au Canada en 1999, y avait produit des déclarations de revenu à l'égard des années en cause. Ce fait ne permet pas de conclure qu'il se considérait comme résident habituel du Canada durant les années en cause, ni qu'il l'était effectivement.

[150] La Cour n'accorde pas beaucoup de poids au fait que l'appelant avait déclaré qu'il avait une quelconque intention de retourner un jour au Nigeria, qu'il considérait comme son lieu de résidence permanente, ni au fait qu'il avait présenté des demandes pour obtenir un visa J-1 après avoir reçu du Nigeria des lettres faisant état de son intention d'y retourner pour exercer sa profession dans la surspécialité qu'il avait choisie. Pour l'appelant, la seule manière de participer au programme de formation de son choix aux États-Unis était d'obtenir ces lettres du Nigeria. Le Canada n'avait pas voulu lui fournir de telles lettres. Ce que l'appelant avait fait n'avait rien d'illégal ni n'était incompatible avec son intention déclarée de retourner éventuellement au Nigeria si un emploi s'offrait à lui dans sa surspécialité, ou même de retourner au Canada s'il pouvait y trouver un emploi dans sa surspécialité.

[151] Il est manifeste que, durant les années en cause, la formation et l'emploi dans la surspécialité en question n'étaient offerts ni au Canada ni au Nigeria, et qu'il avait dû obtenir les deux aux États-Unis.

[152] Il ressort tout à fait clairement de la preuve que, durant les années 1996, 1997 et 1998, tout ce que l'appelant avait fait était en vue de tenter de s'assurer qu'il obtiendrait une formation dans sa surspécialité et qu'il obtiendrait un emploi dans cette surspécialité, ce qui ne pouvait de toute évidence arriver qu'aux États-Unis. Toute indication selon laquelle il pourrait retourner au Nigeria ou au Canada dans les années en cause n'était rien d'autre qu'une expression de ses aspirations. Durant ces années, les chances qu'il puisse réaliser ses aspirations étaient plutôt minces.

[153] L'avocat a invoqué les paragraphes 24(2) et 25(2) de la Loi sur l'immigration pour étayer son argument selon lequel l'appelant n'avait pas l'intention d'abandonner le Canada en tant que lieu de résidence permanente. Il a soutenu que l'appelant avait demandé et obtenu un permis de retour pour résident permanent après avoir quitté le Canada aux termes du paragraphe 25(2) de la Loi sur l'immigration. Toutefois, le permis de retour est un élément de preuve uniquement en l'absence de preuve contraire. Il s'agit d'un élément de preuve réfutable, et la Cour est convaincue en l'espèce que l'appelant l'a réfuté. L'explication qu'il a donnée en ce qui a trait à la raison pour laquelle il avait obtenu un permis de retour pour résident permanent valide lorsqu'il a quitté le Canada est à la fois plausible et acceptable.

[154] La Cour a examiné les facteurs énoncés par le juge Bowman dans l'affaire Fisher, précitée, et conclut qu'il n'y a rien dans la situation de fait en l'espèce qui dicte qu'une prise en considération raisonnable de ces facteurs devrait peser contre la conclusion selon laquelle l'appelant était « résident habituel » du Canada durant les années en cause. Dans l'affaire Fisher, le juge Bowman faisait référence à l'expression « résidence de fait » , laquelle est de l'avis de cette cour l'équivalent de la résidence habituelle.

[155] La Cour est d'accord avec la position de l'avocat de l'intimée selon laquelle l'appelant appartient probablement, parmi les trois catégories mentionnées par le juge Bowman au paragraphe 33 des motifs qu'il rendait dans l'affaire Fisher, à la catégorie a), c'est-à-dire qu'il était un résident habituel du Canada, qu'il avait quitté le pays, qu'il avait pris résidence ailleurs, et qu'il allègue qu'il avait rompu les liens qui le rattachaient au Canada si bien qu'il ne réside plus ici. C'est la position que l'appelant a adoptée en l'espèce.

[156] En outre, ainsi qu'il est indiqué au paragraphe 39 des motifs de ce même jugement, la Cour se pose la question que le juge Bowman s'était posée : « Compte tenu des principes directeurs énoncés dans d'autres tribunaux et à la lumière de l'ensemble de la preuve, peut-on dire que l'appelant était « résident habituel » du Canada en 1996, 1997 et 1998? Pour reprendre les termes que le juge Rand a employés dans l'arrêt Thomson, peut-on dire qu'il s'était établi « en pensée et en fait » ou qu'il avait conservé ou centralisé « son mode de vie habituel avec son cortège de relations sociales, d'intérêts et de convenances » aux États-Unis au point que, lorsqu'il venait là, c'était plus que de simples « visites » ou « séjours » et cela faisait partie du mode de vie normal d'une personne considérant les États-Unis comme le lieu véritable de son domicile habituel? » La Cour est convaincue que la réponse à une telle question est « oui » .

[157] L'avocat de l'intimée se fondait en grande partie sur le jugement Glow, précité. Cependant, la déclaration du savant juge figurant au paragraphe 16 - « M. Glow n'avait pas à annuler ses cartes de crédit et ses comptes bancaires, à liquider ses REER et à se départir de tous ses biens (meubles et immeubles) pour me convaincre qu'il avait cessé d'être un résident du Canada » - semblerait être applicable en l'espèce. En outre, ainsi que le juge l'indiquait, il n'est pas nécessaire qu'un contribuable soit longtemps absent du Canada pour cesser d'être un résident canadien.

[158] La Cour éprouve quelque difficulté à interpréter la déclaration du savant juge selon laquelle : « Néanmoins, le contribuable doit établir qu'il n'avait aucun lien juridique avec le Canada. Or, il ne l'a pas fait en l'espèce. » La Cour a demandé à l'avocat de l'intimée de faire des observations sur la signification de l'expression « lien juridique avec le Canada » et, en fin de compte, la Cour doit conclure qu'elle doit en l'espèce tenir compte de toutes les indications de la rupture des liens avec le Canada. La Cour est convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que l'appelant avait rompu ces liens avec le Canada d'une manière telle qu'il était « résident habituel » d'un autre pays. Compte tenu de l'ensemble de la preuve, la Cour est convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que l'appelant a établi qu'il était, durant les années en cause, un « résident habituel » des États-Unis et non un « résident habituel » du Canada.

[159] Si la Cour devait être dans l'erreur en arrivant à une telle conclusion, alors, compte tenu de l'ensemble de la preuve, elle est convaincue que l'appelant était, durant les années en cause, un « résident habituel » du Canada et des États-Unis et qu'il faudrait donc recourir à la Convention. À cet égard, la Cour est tout à fait convaincue qu'aux termes du paragraphe 1 de l'Article IV, une détermination devrait être faite en faveur de l'appelant, dont la position est qu'il était résident des États-Unis durant les années en cause.

[160] Les principales considérations qui ont amené la Cour à cette conclusion se trouvent sous le libellé « tout autre critère » . La Cour est convaincue que l'appelant avait produit des déclarations sur le revenu aux États-Unis dans les années en cause, qu'il croyait qu'il devait y produire des déclarations sur le revenu, qu'on lui avait conseillé d'y produire des déclarations sur le revenu et qu'il s'était lui-même assujetti à l'impôt aux États-Unis sur son revenu de toutes provenances.

[161] En outre, un examen raisonnable du paragraphe 2 amène la Cour à conclure que les États-Unis étaient l'endroit où l'appelant disposait d'un foyer d'habitation permanent et que les États-Unis étaient le pays avec lequel il avait les liens personnels et économiques les plus étroits. Aux termes de ces règles, l'appelant était « résident habituel » des États-Unis.

[162] Les appels sont admis avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour de janvier 2002.

« T. E. Margeson »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour de juin 2003.

Yves Bellefeuille, réviseur

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