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97-147(GST)I

ENTRE :

CLAUDETTE RUEST,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de Gestion 69692 Inc. (97-141(GST)I), Gestion 69691 Inc. (97-146(GST)I) et Club Immobilier International Inc. (97-148(GST)I) les 28, 29 et 30 janvier 1998

à Montréal (Québec) par

l'honorable juge Alain Tardif

Comparutions

Représentant de l'appelante :                Marcel Thiffault

Avocate de l'intimée :                          Me Maryse Lord

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de l'alinéa 296(1)(b) de la Loi sur la taxe d'accise, dont l'avis est daté du 10 octobre 1995 et porte le numéro 22241, est rejeté et la cotisation est confirmée selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 11e jour de septembre 1998.

« Alain Tardif »

J.C.C.I.


Date: 19980911

Dossier: 97-147(GST)I

ENTRE :

CLAUDETTE RUEST,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Tardif, C.C.I.

[1]      L'appelante a enregistré son appel au moyen d'un avis dont le contenu est le suivant :

AVIS D'APPEL

L'appelante en appel de la décision de l'intimée, en date du 24 octobre 1996, de ratifier la cotisation émise le 10 octobre 1995 et portant sur la période du 1er janvier 1991 au 30 septembre 1994.

1.          Le 10 octobre 1995, l'intimée a émis un avis de cotisation portant le numéro 22241 en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, pour la période du 1er janvier 1991 au 30 septembre 1994;

2.          L'intimée a produit un avis d'opposition à l'encontre de la cotisation mentionnée au paragraphe précédent;

3.          Par décision rendue le 24 octobre 1996, l'intimée a ratifié l'avis de cotisation portant le numéro 22241 émis en vertu de la Loi sur la taxe d'accise;

4.          L'appelante en appelle de la décision du Ministre du Revenu ayant confirmé la cotisation portant le numéro 22241;

5.          Suite à une vérification, l'intimée a effectué les rajustements suivants :

                TAXE SUR LES PRODUITS ET SERVICES      12 633,67 $

                CRÉDIT SUR INTRANTS                                   2 069,99 $

6.          L'intimée prétend notamment que l'appelante a omis de percevoir et/ou de remettre la taxe sur des revenus de buanderies opérées au 476, rue Saint-Jean et au 2145, boul. St-Joseph à Drummondville;

7.          Les cotisations émises par l'intimée en vertu de la Loi sur la taxe d'accise sont mal fondées puisque le vérificateur du Ministère du Revenu a surestimé les revenus tirés de l'exploitation des laveuses et sécheuses;

8.          Le vérificateur du Ministère a de plus omis de tenir compte du fait que les locaux sont éclairés vingt-quatre heures par jour, qu'un ventilateur d'air fonctionne en permanence et que le chauffage central fonctionne six mois par année;

9.          Suite à une vérification, l'intimée a effectué des rajustements qui ont donné lieu à l'avis de cotisation numéro 22241 émis en vertu de la Loi sur la taxe d'accise et pour lequel l'intimée réclame la somme de 20 435,36 $;

10.        L'intimée prétend que le commerce de vente d'automobiles opéré par l'appelante ne constitue pas une activité commerciale au sens de la Loi sur la taxe d'accise, puisque l'entreprise était exploitée sans l'expectative raisonnable du profit;

11.        L'appelante a investi des sommes importantes aux fins d'acquérir des automobiles lors d'encans et ces investissements ont été effectués dans le but d'en retirer un avantage économique;

12.        Dans les circonstances, l'appelante était en droit de réclamer des remboursements de taxe sur les intrants dans le cadre de son commerce et ainsi les remboursements réclamés par le contribuable devaient lui être accordés;

13.        L'intimée prétend également que l'appelante a omis de remettre la taxe sur les produits et services sur des revenus générés par l'exploitation de buanderies, de discothèque et d'immeubles (loyers);

14.        Les cotisations émises par l'intimée en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, sont mal fondés puisque le vérificateur du Ministère a surestimé les revenus tirés de l'exploitation des laveuses sans tenir compte des normes de l'industrie quant au ratio entre les revenus des laveuses et ceux des sécheuses et de plus, sans tenir compte du fait que les utilisateurs de machines sont issus d'un milieu défavorisé;

15.        L'appelante a exploité une discothèque et un bar sis rue Saint-Jean à Drummondville et toutes les dépenses afférentes à ces activités sont admissibles aux remboursements de taxe sur intrants;

16.        L'appelante a fourni à l'intimée toutes les factures pour lesquelles elle a réclamé des remboursements de taxes sur intrants et toutes ces factures résultent des activités commerciales de la contribuable;

17.        En tout temps pertinent aux présentes, l'appelante s'est conformée aux prescriptions de la Loi sur la taxe d'accise, en ce qui concerne les exigences documentaires prévues par la loi;

18.        Le présent appel est bien fondé en fait et en droit;

            PAR CES MOTIFS, PLAISE AU TRIBUNAL :

            ACCUEILLIR le présent appel;

ANNULER l'avis de cotisation numéro 22241 émis le 10 octobre 1995 en vertu de la Loi sur la taxe d'accise;

DÉFÉRER le tout à l'intimée pour qu'elle émette un nouvel avis de cotisation conformément au jugement à intervenir dans le présent dossier;

            LE TOUT avec dépens.

                                                MONTRÉAL, le 20 janvier 1997

                                                                                        

                                                NORMAND BÉRUBÉ

                                                10422, rue de Martigny

                                                Montréal (Québec) H2B 2M6

                                                Tél: (514) 389-6339

                                                Procureur de l'appelante

[2]      L'intimée a justifié et appuyé sa cotisation sur les faits décrits au paragraphe 13 de la Réponse à l'avis d'appel lesquels sont allégués comme suit :

a)          l'appelante est une personne inscrite aux fins de la taxe sur les produits et services;

b)          au cours de la période en litige, l'appelante exerçait les activités suivantes:

-            exploitation d'une buanderie sise au 2145, St-Joseph, à Drummondville;

-            exploitation d'une buanderie sise au 476, St-Jean, à Drummondville, du 1er mars 1992 au 30 juin 1994, date à laquelle l'immeuble a été vendu et la buanderie opérée par Gestion 69691 Inc.;

-            location de locaux commerciaux dans les immeubles sis au 466-480, St-Jean;

-            vente de véhicules automobiles usagés;

-            location résidentielle et commerciale dans les immeubles sis au 586-590, St-Jean et au 100 des Merises, à Drummondville;

-            services de laveuses et sécheuses offerts aux locataires des immeubles sis au 586-590, St.-Jean (16 logements) et 100, des Merisiers (36 logements);

-            discothèque avec bar sise au 466, St-Jean;

c)          l'administrateur de toutes ces activités était Marcel Thiffault, conjoint de l'appelante;

d)          Monsieur Marcel Thiffault administrait également durant la même période trois autres corporations, soit Club Immobilier International Inc. et Gestion 69692 Inc., compagnies dont il est président et actionnaire, ainsi que Gestion 69691 Inc., compagnie dont la présidente et actionnaire est Claudette Ruest, appelante dans le présent dossier;

e)          au cours de la période en litige, l'administrateur Marcel Thiffault n'utilisait qu'un seul compte bancaire qui servait pour toutes les activités de l'appelante, celles des trois compagnies nommées au sous-paragraphe d) ainsi que ses dépenses personnelles;

f)           les déclarations trimestrielles de l'appelante étaient faites par le comptable à partie des chèques, mais sans que ce dernier ait en sa possession les factures d'achat et de vente;

g)          de plus, le comptable n'ayant pas en main les contrats de vente ou de location ni les factures, les revenus étaient déclarés selon les dépôts et rajustés en fin d'année lorsque ces documents lui étaient fournis;

h)          les revenus devaient également être ajustés en fin d'année pour tenir compte des montants qui n'avaient pas été déposés au compte, puis ventilés pour chaque activité et chaque inscrit sur la base des renseignements fournis par Monsieur Marcel Thiffault;

i)           ainsi, les sommes perçues des loyers résidentiels n'ont pu être retracées dans les dépôts et l'intimée a été incapable de confirmer que les revenus déclarés pour ces locations résidentielles provenaient effectivement de ces locations ou des buanderies qui sont mises à la disposition des locataires;

j)           il découle de ce qui précède que l'appelante avait une comptabilité déficiente, les livres comptables étant inadéquats dans certains cas et inexistants dans d'autres, que les revenus n'ont pas tout été déclarés, que des factures étaient manquantes pour justifier les C.T.I. réclamés, que les C.T.I. étaient réclamés sans tenir compte du nom de l'inscrit auquel la facture était faite et que des C.T.I. ont été demandés pour des activités non taxables ou ont été réclamés en double;

k)          les inscriptions effectuées au grand livre de l'appelante n'étaient donc pas conformes aux factures d'achat et de vente;

l)           en ce qui concerne les buanderies exploitées au 2145, St-Joseph et au 476, St-Jean, l'intimée a estimé leurs revenus annuels de la façon suivante :

-            il a d'abord établi la consommation d'électricité et de gaz naturel pour chacune des buanderies en tenant compte que, selon les constations faites sur place, l'éclairage principal était fermé en dehors des heures d'ouverture, seuls quelques fluorescents restant allumés, que le ventilateur ne fonctionnait pas 24 heures par jour mais plutôt 4 heures par jour et ce, 182 jours par année, et que la période de chauffage était elle aussi de 182 jours par année;

-            à partir de cette consommation et du nombre de kilowatts requis pour le fonctionnement des laveuses et sécheuses, il a calculé le temps d'utilisation d'une laveuse et d'une sécheuse en heures par jour;

-            il a ensuite estimé les revenus des buanderies en tenant compte du nombre de laveuses et de sécheuses pour chacune des buanderies et du prix fixé par l'appelante pour les utilisateurs;

-            il a enfin établi les revenus annuels des buanderies sur la base d'une utilisation des laveuses pendant une durée variant de 0.9638 à 1.7024 heure par jour selon l'année et la buanderie, alors que l'utilisation des sécheuses variait, selon les années et la buanderie, de .3077 à 1.1635 heure par jour;

-            les revenus provenant des buanderies ont ainsi été établis comme suit :

1991

1992

1993

1994

TOTAL

Revenus

déclarés

12 027

17 523

    783

- 0 -

30 333

Revenus

révisés

20 508

31 052

38 581

29 946

120 087

le détail des revenus et de la T.P.S. à remettre par période de déclaration étant joint à l'annexe B de la présente réponse;

m)         quant aux activités de vente de véhicules automobiles usagés, l'intimée a considéré qu'elles ne constituaient pas des activités commerciales au sens de l'article 123 de la Loi sur la taxe d'accise (ci-après « L.T.A. » ) puisque les véhicules étaient majoritairement vendus à des prix inférieurs au coût et que ces activités ont généré des pertes pendant les 5 dernière années. De plus, certaines de ces voitures ont été immatriculées au nom de l'appelante et ont été utlisées à des fins personnelles. Ces activités n'avaient donc aucune expectative raisonnable de profit;

n)          en conséquence, et puisque de la T.P.S. avait été perçue et remise par l'appelante sur ces fournitures, l'intimée n'a accordé les C.T.I. demandés que jusqu'à concurrence du montant de T.P.S. ainsi remis et a refusé l'excédent;

o)          en ce qui concerne les revenus provenant des logements commerciaux provenant des immeubles sis au 466-480, St-Jean, l'intimée les a établis selon les baux fournis par l'appelante, à l'exception du loyer de la brasserie qui a été fixé selon les montants déclarés par l'appelante lors de la conciliation de ses revenus de locations;

p)          l'appelante a omis de percevoir et de remettre la T.P.S. payable sur ces loyers et l'intimée l'a en conséquence cotisée pour des montants de 4 797,65 $ en 1992, 6 273,20 $ en 1993 et 3 086,09 en 1994;

q)          en ce qui concerne les revenus provenant des buanderies situées dans les immeubles résidentiels sis au 586-590, St-Jean et au 100, des Merisiers, ils ont été établis comme suit :

-            quant au 586-590, St-Jean, qui comporte 16 logements, l'intimée a accepté le chiffre mentionné au contrat d'achat de 1987, soit 100 $ par mois;

-            quant au 100, des Merisiers, l'intimée a estimé les revenus à 200 $ par mois puisque cet immeuble comprend 36 logements, soit un peu plus du double que celui du 586-590, St-Jean;

r)           le montant de la T.P.S. que l'appelante a omis de remettre relativement à ces revenus provenant de ces deux buanderies a ainsi été établi à 218,08 $ pour chacune des années 1991, 1992 et 1993 et à 103,37 $ pour 1994, l'immeuble du 100, des Merisiers ayant été vendu le 1er mai 1994;

s)          quant aux montants de T.P.S. que l'appelante a omis de percevoir sur les revenus provenant de l'exploitation de la discothèque et du bar, l'intimée prend acte qu'ils ne font pas l'objet du présent litige, ayant été établis selon les données fournies par l'appelante;

t)           enfin, après étude de toutes les factures soumises par l'appelante des C.T.I. ont été refusés pour un montant net global de 2 069,99 $ relativement à l'ensemble des activités de l'appelante et ce, pour les motifs suivants :

-            des factures d'achat étaient manquantes;

-            des montants ont été réclamés en double, soit à la fois par l'appelante et par l'une des trois corporations que Monsieur Marcel Thiffault administrait;

-            des achats étaient inadmissibles, notamment parce que de nature personnelle ou parce que relatifs à des biens non acquis dans le cadre des activités commerciales, et ne donnaient donc pas droit à un C.T.I.;

-            la vente de véhicule usagés n'avait aucune expectative raisonnable de profit, ne constituait pas une activité commerciale et ne donnait donc pas droit à des C.T.I.;

[3]      L'appelante exerçait plusieurs activités commerciales. Son conjoint, Marcel Thiffault, assumait la direction de toutes les activités; cela est d'ailleurs très clairement ressorti de la preuve.

[4]      Étant donné que les témoignages des principaux témoins ont porté sur l'ensemble des activités commerciales des appelantes dans les dossiers Gestion 69692 Inc. (97-141(GST)I), Gestion 69691 Inc. (97-146(GST)I) et Club Immobilier International Inc. (97-148(GST)I), j'annexe au présent jugement la décision dans l'affaire Club Immobilier International Inc. (97-148(GST)I).

[5]      Je ne répéterai pas mon appréciation de l'ensemble de la preuve soumise par les témoins de l'appelante. Je me limiterai essentiellement à indiquer que cette preuve est totalement déficiente et ne discrédite en rien le bien fondé des cotisations résultant de vérifications sérieuses où les méthodes de travail utilisées étaient, dans les circonstances, raisonnables et appropriées.

[6]      Je me permets cependant certaines observations spécifiques au niveau des activités relatives notamment à la vente de véhicules usagés, à l'exploitation d'une buanderie, aux services de laveuses et sécheuses et à la location de locaux résidentiels et commerciaux.

[7]      Tout d'abord, je crois utile et important de reproduire le tableau relatif aux transactions reliées à l'automobile :

Date 1997.10.16

Numéro TVQ:

Numéro TPS:

                Sujet: Divers                          Point à vérifier: 01 Divers                     (1)

                                                                                ACHAT ET VENTE AUTO COMPARER                     Page 2 de 2

Comparaison du prix d'achat versus le prix de vente de l'auto

Date                 No série                  Modèle               Montant                  Montant                             Date                                         Ecart

d'achat                                                                        d'achat                vente                           vente

1988.03.21       f0346631                  Camry 85                7300.00                1000.00                 1991.11.21                                 -6300.00

1988.03.21       HZ041787               Nova 87                                             2000.00                 1992.04.13                                        0.00

1991.05.14       AEG25707               Eldor 80                                              2100.00                 1991.05.14                                        0.00

1991.05.14       2BEJ2816                Econo 79                1028.00                  600.00       *         1991.10.08                                   -428.00

1991.06.19       7561C787                Bateau 87             12000.00

1991.08.21       L1318H10                TRL 87

1991.09.09       B1428304                Malib 81                                               375.00                 1991.09.09 archivé                          0.00

1991.10.02       2A822352                Conti 78                                               300.00                 1991.10.02                                        0.00

1991.10.02       12035666                 Merce 75                3165.00                  250.00                 1993.08.25 accidenté               -2915.00

                                                                                                                                                                                                         0.00

1991.10.16       H9697399                BMW 325 87 11000.00 10000.00 1992.04.21               -1000.00

1992.06.09       JC479263                 Jaguar 88             16100.00

1992.03.31       JR561491                 Voyag 88               6135.00       *        4000.00                 1992.03.31                                 -2135.00

1992.03.31       CC802181               Prélu 82                                                500.00                 1992.06.30 archivé                          0.00

                                                        Honda 81                                             500.00                                                                          0.00

                                                                                                                                                                                                         0.00

                                                                                                                                                                                                         0.00

1992.06.05       H9697399                BMW 325 87                                                        1992.06.05                                         0.00

                                                                                                                                                                                                         0.00

                                                                                                                                                                                                         0.00

1992.12.30       H9697399                BMW 325 87                                                                                                                  0.00

1993.04.06       JR504172                 Dodge Car             4150.00                5000.00                 1993.05.31                                   -850.00

                                                                                                                                                                                                         0.00

1993.09.03       Me003663               Volk passa           11400.00            

1993.09.28       12035666                 Merce 75                                                                         1993.09.28                                        0.00

1993.09.15       Ga001255                Yamaha 86             1892.00                  700.00                 1994.07.04 accidenté               -1192.00

1993.11.05       M0015379               Tercel 91                4575.00                2500.00                 1994.06.01                                 -2075.00

1993.11.05       LX123007                Chrys TWC 90                                  6500.00                 1993.11.05                                        0.00

1993.11.05       2A822352                Conti 78                                                                                                                                   0.00

1993.11.09       J0152898                 Camry 88                7035.00                6800.00                 1993.11.15                                    235.00

1993.11.12       HM22570401          dsm Cala                  934.60                1100.00                 1993.11.12                                   -165.40

1993.11.26       GR772148                Carav 86                 2165.00                2500.00                 1993.11.24                                   -335.00

1994.08.26       J0159877                 Tercell 88               2515.00                2500.00                 1994.08.26                                      15.00

1993.10.27       FR294476                Dodge ram             1560.00

1993.10.27       KZA23203              Aerostar X            5780.00

1994.05.06       GC625686                Ponti gran              9000.00                  250.00                 1994.05.06                                 -8750.00

                                                                                                                                                                                                         0.00

1989.11.30       2S752761                 Conti 79

                                                                                                                                                                                                              

                                                                                   107734.60              49475.00                                                             23694.60

grand amm 29-03-88 achat

[8]      Plusieurs constats se dégagent de ce tableau :

·      données et informations souvent incomplètes

·      un intérêt certain pour les voitures de luxe

·      les voitures demeuraient à l'inventaire de très longues périodes

·      le peu de voitures transigées pour la durée de la période analysée

·      les pertes importantes et systématiques réalisées lors des transactions

[9]      Les explications justifiant quelques pertes étaient invraisemblables et tout à fait farfelues. C'était là un aspect du dossier où l'appelante aurait pu faire une preuve à l'encontre des présomptions dégagées par le tableau précédent. Non seulement cette preuve n'a pas été soumise, l'appelante a essentiellement soutenu que certains véhicules avaient été impliqués dans des accidents de la route, que le marché de l'automobile était difficile. Je suis plutôt convaincu que la plupart des véhicules décrits précédemment étaient régulièrement utilisés par les membres de la famille Thiffault.

[10]     D'ailleurs, la mise sur pied de cette activité économique a sans doute été commandée par le désir de réduire au maximum les coûts d'utilisation des nombreux véhicules par les membres de la famille Thiffault.

[11]     La preuve soumise n'a jamais établi qu'il s'agissait là d'une activité structurée, encadrée et autonome.

[12]     Le commerce de voitures usagées avait-il un ou des vendeurs?

[13]     Avait-il des employés de soutien mécanique ou clérical? Où était et comment était aménagée la place d'affaires? Tous les permis requis pour une telle activité avaient-ils été émis et renouvelés?

[14]     Y avait-il du matériel publicitaire tel cartes d'affaires, porte-clés, collants, etc., annonce dans les pages jaunes, publicité sporadique annuelle ou mensuelle, abonnement à des revues spécialisées?

[15]     La preuve n'a strictement rien démontré à cet égard; bien plus, les explications incomplètes avancées furent sans pertinence et tout à fait farfelues. Cet élément du dossier illustre bien à quel point Charles Thiffault n'a jamais compris quelle était la nature du fardeau de preuve imposé à un appelant.

[16]     L'objectif poursuivi n'était manifestement pas la viabilité ou la rentabilité. Les voitures demeuraient à l'inventaire pour des périodes tellement longues que seule une utilisation personnelle pouvait justifier, expliquer, légitimer une pareille activité.

[17]     Les voitures étaient le plus souvent vendues à perte comme s'il y avait eu avantage qu'il en soit ainsi; ces pertes étaient d'ailleurs souvent substantielles.

[18]     En matière de preuve, les chiffres sont généralement significatifs et révélateurs sur les intentions de ceux qui les contrôlent; en d'autres termes, les chiffres fournissent des éléments permettant de mieux comprendre et apprécier l'intention véritable des auteurs des activités que génèrent les chiffres en question; en l'espèce, il semble bien que la rentabilité et viabilité des opérations ne constituaient pas l'objectif principal poursuivi. En tout cas, les nombreuses et importantes pertes assumées, le peu de transactions durant la période et la durée de la possession des véhicules m'ont convaincu du contraire. Je n'ai donc aucune hésitation à conclure qu'il ne s'agissait pas là d'une activité commerciale mais essentiellement d'une entreprise privée maquillée et déguisée en une exploitation commerciale.

[19]     Pour ce qui est des autres sources de revenus, le Ministère a établi les revenus à partir de certains standards, statistiques et indications mentionnés aux fiches descriptives des immeubles préparées à l'intention d'éventuels acheteurs.

[20]     Il est bien évident que cela n'était pas l'idéal pour déterminer les revenus d'activités économiques, la meilleure façon étant évidemment un rapport d'activités quotidiennes complété par une comptabilité adéquate permettant d'identifier rapidement tous les revenus et dépenses; une telle comptabilité aurait dû par ailleurs être appuyée et soutenue par toutes les factures et pièces justificatives pertinentes.

[21]     En l'espèce, rien de tel n'existait. Les revenus étaient encaissés, n'étaient pas déposés et servaient à payer comptant certaines dépenses. Les affaires, aux dires de Thiffault, n'étaient pas rentables et les revenus étaient considérablement moindres que ceux établis par l'intimée.

[22]     Quels étaient ces revenus? La preuve ne l'a jamais indiqué. Pourtant l'appelante voudrait voir son appel accueilli. L'appelante croit-elle que ce tribunal a la science infuse ou la capacité divine de déterminer quels ont été les revenus?

[23]     D'une part, je n'ai ni ce pouvoir ni cette capacité; d'autre part, il n'appartient pas au tribunal de se substituer aux appelantes pour refaire la comptabilité dont elles étaient seules responsables. Il s'agit là d'une obligation légale dont le non respect peut pénaliser le contribuable fautif lorsque vient le temps de démontrer de façon précise la nature de ses obligations financières à l'endroit de l'État dont il est le mandataire; à ce titre, le législateur lui a imposé des obligations strictes pour permettre une reddition de compte accessible et éclairée.

[24]     La formule ou les procédés utilisés par le Ministère, bien qu'imparfaits, étaient pleinement justifiés eu égard au peu ou pas d'information disponible. L'appelante n'a jamais démontré que l'exercice en question avait été déraisonnable ou abusif. Au contraire, les griefs et reproches ont permis à l'intimée de faire la démonstration convaincante que le processus retenu et suivi avait été juste, rationnel, acceptable et procuré des résultats vraisemblables et certainement plus fiables que ceux avancés par l'appelante. Je n'ai aucune raison de disqualifier ou d'écarter les résultats obtenus ayant constitué le fondement de la cotisation.

[25]     En cette matière, le fardeau de la preuve incombe à celui qui conteste le bien fondé de la cotisation découlant généralement d'une vérification suivie de discussions et de négociations.

[26]     En d'autres termes, à défaut de la preuve par l'appelante que la cotisation présumée bien fondée est mal fondée, le tribunal doit simplement confirmer ladite cotisation. Le degré de cette preuve en est un de prépondérance; ainsi, il n'est pas nécessaire de faire une preuve hors de tout doute raisonnable. Il est cependant essentiel que la balance des probabilités soutienne les prétentions sous-jacentes à l'appel.

[27]     Pareille preuve requiert généralement l'intervention de témoins dont le ou les témoignages sont complétés, confirmés par une preuve documentaire adéquate. À l'occasion, il peut s'avérer utile de faire intervenir un ou des experts. La preuve doit être cohérente, claire et surtout crédible et vraisemblable.

[28]     En l'espèce, la preuve de l'appelante a été totalement déficiente et sans fondement; l'appelante a choisi de concentrer ses énergies à disqualifier le travail de l'intimée. Elle a oublié que la loi l'obligeait à avoir, en tout temps, des registres complétés par la documentation adéquate permettant d'établir et de définir la qualité de son administration en tant que fiduciaire de l'État.

[29]     Cette obligation découle de l'article 286 de la Loi qui se lit comme suit :

            286(1) Obligation de tenir des registres    Toute personne qui exploite une entreprise au Canada ou y exerce une activité commerciale, toute personne qui est tenue, en application de la présente partie, de produire une déclaration ainsi que toute personne qui présente une demande de remboursement doit tenir des registres en anglais ou en français au Canada ou à tout autre endroit, selon les modalités que le ministre précise par écrit, en la forme et avec les renseignements permettant d'établir ses obligations et responsabilités aux termes de la présente partie ou de déterminer le remboursement auquel elle a droit.

            (2)         Registres insuffisants    Le ministre peut exiger que la personne qui ne tient pas les registres nécessaires à l'application de la présente partie tiennent ceux qu'il précise. Dès lors, la personne est tenue d'obtempérer.

            (3)         Période de conservation    La personne obligée de tenir des registres doit les conserver pendant la période de six ans suivant la fin de l'année qu'ils visent ou pendant toute autre période fixée par règlement.

            (4)         Opposition ou appel    La personne obligée de tenir des registres qui signifie un avis d'opposition ou est partie à un appel ou à un renvoi aux termes de la présente partie doit conserver les registres concernant l'objet de ceux-ci ou de tout appel en découlant jusqu'à ce qu'il en soit décidé.

            (5)         Demande du ministre    Le ministre peut exiger, par demande signifiée à la personne obligée de tenir des registres ou par lettre envoyée par courrier recommandé ou certifié, la conservation des registres pour la période précisée dans la demande ou la lettre, lorsqu'il est d'avis que cela est nécessaire pour l'application de la présente partie.

            (6)         Autorisation de se départir des documents    Le ministre peut autoriser par écrit une personne à se départir des registres qu'elle doit conserver avant la fin de la période déterminée pour leur conservation.

[30]     Il peut sembler exagéré qu'un tel fardeau soit imputé à certains contribuables; cela s'explique et se justifie par le fait que notre société place et met sa confiance dans ses citoyens qui doivent s'auto-cotiser. Les personnes assujetties à une telle responsabilité doivent comprendre qu'elles constituent des acteurs importants directement associés à la bonne gestion de l'État. À cet égard, elles ont l'obligation d'avoir en tout temps une comptabilité claire, précise, détaillée et complète permettant de vérifier si les obligations ont été assumées correctement.

[31]     En l'espèce, l'appelante a failli totalement à ses obligations et doit, de ce fait, assumer les conséquences de sa grossière négligence.

[32]     Pour toutes ces raisons incluant également les motifs indiqués dans le dossier Club Immobilier International Inc. (97-148(GST)I) dont copie est annexée au présent jugement et en autant qu'ils y soient applicables, je rejette l'appel de l'appelante, confirme le bien fondé de la cotisation, le tout avec dépens si applicables.

Signé à Ottawa, Canada, ce 11e jour de septembre 1998.

« Alain Tardif »

J.C.C.I.


No DU DOSSIER DE LA COUR :       97-147(GST)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :               Claudette Ruest et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                  le 28, 29 et 30 janvier 1998

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :        l'honorable juge Alain Tardif

DATE DU JUGEMENT :                    le 11 septembre 1998

COMPARUTIONS :

Représentant de l'appelante :      Marcel Thiffault

Avocate de l'intimée :                 Me Maryse Lord

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

Pour l'appelant(e) :

                   Nom :          

                   Étude :                  

Pour l'intimé(e) :                        Morris Rosenberg

                                                Sous-procureur général du Canada

                                                Ottawa, Canada

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