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Date: 20010511

Dossiers :96-3841-IT-G; 96-3997-IT-G

ENTRE :

DENIS LAROCHE,

AUTO D.L. LAROCHE INC.,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Garon, J.C.C.C.I.

[1]            Il s'agit dans le cas de l'appelant, monsieur Denis Laroche, d'appels de cotisations du ministre du Revenu national pour les années d'imposition 1990, 1991, 1992 et 1993. Par ces cotisations, le ministre du Revenu national a ajouté au revenu de l'appelant les sommes suivantes à l'égard des années d'imposition ci-après mentionnées :

                                                                sommes ajoutées                   années d'imposition

                                                                39 751,00 $                                                              1990

                                                                9 616,00 $                                                               1991

                                                                5 616,00 $                                                               1992

                                                                4 680,00 $                                                               1993

[2]            Le ministre du Revenu national a aussi imposé des pénalités à l'appelant en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu pour chacune des quatre années en cause.

[3]            Quant à l'appelante, Auto D.L. Laroche Inc., elle en appelle des cotisations du ministre du Revenu national pour ses années 1990, 1991 et 1992. Chacune de ces années d'imposition de l'appelante se terminait le 31 mai. Par ces cotisations, le ministre du Revenu national a ajouté au revenu de l'appelante les sommes suivantes relativement aux années d'imposition indiquées ci-dessous :

                                                                sommes ajoutées                   années d'imposition

                                                                6 700,00 $                                                              1990

                                                                47 762,00 $                                                             1991

                                                                4 776,16 $                                                              1992

En outre, le ministre du Revenu national a imposé des pénalités en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu à l'égard des années d'imposition 1990, 1991 et 1992 de l'appelante.

Preuve des appelants

[4]            Le premier témoin fut l'appelant, administrateur et seul actionnaire de l'appelante. L'appelant a indiqué qu'il n'avait pas terminé son secondaire III. Il déclare qu'il dirige les opérations de l'appelante depuis environ 1989; auparavant, il était monteur d'acier.

[5]            L'appelant a décrit au début de son témoignage les opérations relatives au commerce de l'appelante. Il a affirmé que l'argent liquide reçu lors de la vente de véhicules usagés était utilisé pour faire effectuer des réparations à des automobiles accidentées qui provenaient de recycleurs. Selon l'appelant, l'appelante ne recevait qu'une partie du prix de vente de chaque auto, puisqu'il devait remettre l'autre partie à la firme qui avait effectué les réparations de la voiture. Les taxes n'étaient pas perçues sur le prix des réparations payé par le consommateur puisqu'elles étaient comprises dans ce prix.

[6]            L'appelant a ensuite traité de transactions spécifiques.

[7]            La première transaction vise un contrat intervenu entre l'appelante et madame Clémence Noël pour l'achat d'une voiture Nissan 240. Lors de cette transaction, madame Noël avait payé 5 000 $ en argent liquide et remis un chèque de 6 800 $. Selon l'appelant, le montant de 5 000 $ représentait le coût des réparations et a été remis au réparateur. À l'appui de cette affirmation, il a produit une facture en date du 23 janvier 1990 de la firme Ateliers de Débosselage Pro-Tess enr. pour 5 000 $. Au sujet de cette transaction, ont été également mis en preuve une facture indiquant un montant de 4 050 $ pour l'achat de la voiture d'Auto Recyclage Berpa inc. et un chèque de 6 700 $ qui fut remis à celle-ci. Aucune explication n'a été soumise au sujet de cette divergence quant aux montants en jeu. D'autre part, lors du contre-interrogatoire, l'appelant a déclaré que l'appelante avait reçu un chèque de 11 239 $ et 5 000 $ en espèces pour la voiture Nissan 240 achetée par madame Noël.

[8]            L'appelant a par la suite fait mention d'une voiture vendue à monsieur Serge Beauchesne qui fut constatée par un contrat en date du 10 juillet 1990. En ce qui concerne le prix de la voiture concernée, l'appelante a reçu 13 302 $ dont la somme de 600 $ en espèces ¾constatée par une facture ¾ qui a été utilisée pour payer les réparations. Cette voiture avait été achetée d'Auto Recyclage Berpa inc. pour 5 000 $.

[9]            Quant au contrat entre madame France Lemarier et l'appelante, l'appelant a témoigné qu'il s'agit d'une voiture Camaro, modèle 88, achetée par l'appelante pour 5 000 $ de la firme Autos Guy & Richard inc. Cette voiture était accidentée et a été réparée par la firme Atelier de Débosselage Pro-Tess enr. pour 6 700 $. Elle a été vendue pour 6 422 $, plus 6 700 $ en espèces. Cette dernière somme a été remise à Atelier de Débosselage Pro-Tess enr. pour le coût des réparations.

[10]          L'appelant a fait ensuite état d'un contrat entre l'appelante et la firme Transport AGM Inc., représentée par madame Guylaine Dubé, pour l'acquisition d'une camionnette GMC. Le véhicule concerné avait été acheté de Pièces Fontaines inc. pour 7 500 $. Il a été réparé par la firme Carrosserie G. Boyer pour 5 200 $. La firme Carrosserie G. Boyer a sa place d'affaires à Arundel, localité qui se trouve à environ trois heures et demie en voiture de Victoriaville. Au cours du contre-interrogatoire, l'appelant a expliqué que la voiture a été envoyée à Arundel parce que les autres garages situés plus près étaient déjà occupés. Les réparations n'ont toutefois été achevées que deux mois et demi plus tard.

[11]          Cette vente faite par l'appelante à la firme Transport AGM inc. a été conclue pour un prix de 25 330 $ comprenant la somme de 18 500 $ (20 165 $ après taxes) en plus du montant de 5 165 $ qui fut versé en argent liquide pour les réparations. La somme de 5 165 $ a été remise par l'appelant à Carrosserie G. Boyer. Lors du contre-interrogatoire, l'appelant n'était plus certain si le montant de 5 165 $ a été reçu en espèces ou par chèque. Il affirme qu'il a probablement conservé ce montant. Cependant, lorsqu'on lui a demandé s'il n'avait pas payé des réparations, il a répondu ainsi : " oui, c'est vrai, j'ai payé une réparation ". De la partie du prix de 18 500 $ dont il vient d'être question, l'appelant a financé la somme de 15 000 $ qui n'a pas été inscrite dans ses livres comptables puisqu'il n'avait " pas été payé encore ". La taxe de vente a été remise au gouvernement et il déclare qu'elle a été inscrite dans les livres comptables. L'appelant a admis avoir déposé les paiements mensuels reçus de la firme Transport AGM inc. dans le cadre de cette transaction à son compte de banque personnel. Il reconnaît que ces paiements n'ont pas été inclus dans son revenu. Il affirme que ces sommes faisaient partie du revenu de l'appelante et non de son revenu personnel. Il n'avait pas demandé à l'acheteuse de faire les chèques au nom de l'appelante parce qu'il ne voulait pas " mélanger la secrétaire " de l'appelante. Il avait l'intention de déposer la totalité des paiements mensuels au compte de l'appelante dès que tous les versements auraient été effectués. Il encaissait les chèques et déposait le produit dans une enveloppe à proximité d'une autre enveloppe où se trouvait l'argent liquide pour les réparations. L'appelant explique qu'il apportait les sommes chez lui parce qu'il n'avait pas de coffret de sûreté au garage. Il a toutefois oublié de déposer cet argent à la banque quand les paiements eurent tous été faits. Il a admis avoir utilisé ces sommes pour ses dépenses personnelles.

[12]          Les parties contractantes à la prochaine transaction sont l'appelante et monsieur Serge Houle. Des réparations s'élevant à 7 000 $ ont été effectuées par Garage René Martineau inc. à la voiture concernée. Le prix stipulé au contrat s'élevait à 4 400 $. À cette contrepartie doit être ajoutée la somme de 7 000 $ versée en argent liquide. Cette somme a été remise à Garage René Martineau inc. en paiement des réparations. L'appelant n'avait plus en sa possession le contrat faisant foi de l'achat par l'appelante de cette voiture et témoigne qu'il a probablement été perdu.

[13]          La transaction dont il sera maintenant question concerne l'appelante et monsieur Gilles Ducharme. Le contrat par lequel l'appelante a acquis la voiture décrite ci-après n'a pas été mis en preuve. L'appelante a acheté une voiture Buick Century 90 de Pièces Fontaine inc. pour 7 600 $. L'appelant affirme que la voiture a été réparée par Centre d'Autobaines pour 2 000 $, mais il mentionne ensuite que les réparations avaient été faites par Carrosserie G. Boyer pour 6 000 $. La firme Centre d'Autobaines est située à Rivère-des-Prairies près de Montréal. Le prix de ces réparations a été payé par l'acheteur en sus du prix indiqué au contrat. La facture qui fait état d'un montant de 2 000 $ mentionne une Buick Century blanche, tandis que la facture où il est question de 6 000 $ indique qu'il s'agit d'une Buick Century grise. À ce sujet, l'appelant ajoute qu'il avait deux voitures Buick Century. Puisque la facture pour l'achat de la voiture fait mention d'une voiture grise, il semblerait que seule la facture de 6 000 $ s'applique à la voiture qui a été achetée par monsieur Gilles Ducharme pour 7 600 $. La facture relative aux réparations, dont le coût s'établissait à 2 000 $, concerne la voiture de monsieur Serge Fortin. Les deux voitures ont été acquises par l'appelante pour des contreparties qui n'ont pas été mentionnées.

[14]          Ensuite, il a été question de la vente d'une Jeep Cherokee 90 à madame Martine Fillion. Ce véhicule a été acheté par l'appelante de la firme Alain Lalonde Auto World Ltd. pour 12 500 $ et réparé par Atelier de Débosselage Pro-Tess enr. pour 6 400 $. Dans ce cas aussi madame Fillion a payé 6 400 $ en espèces pour les réparations au-delà du prix indiqué au contrat écrit. L'appelant a remis le montant de 6 400 $ à la firme Atelier de Débosselage Pro-Tess enr. Lors du contre-interrogatoire, l'intimée a fait ressortir le point qu'il y avait deux contrats avec des prix différents, l'un de 25 091 $ avec un crédit de 10 000 $ pour une voiture donnée en échange, et l'autre de 13 853 $ avec un crédit pour une autre voiture de 5 000 $. L'appelant ne pouvait pas expliquer cette situation. Plus tard, il ajoute que son vendeur, monsieur Cajelait, se souvenait de la transaction et du fait qu'il y avait deux contrats, mais il ne pouvait pas se rappeler pourquoi. L'intimée s'est opposée à cette partie du témoignage de l'appelant sur la base qu'il s'agissait du ouï-dire. Selon l'appelant, c'était le vendeur qui avait rédigé les contrats. Il déclare que l'un des deux contrats ne doit pas refléter la réalité. Madame Fillion lui aurait payé 6 350 $ en argent comptant[1]. L'appelante a " probablement " déclaré une vente de 13 853 $. De ce montant de 13 853 $, l'appelant a déclaré avoir reçu 9 650 $ en chèque et 6 350 $ en espèces, ce qui donne 16 000 $ et non pas 13 853 $.

[15]          La dernière transaction fut celle conclue entre l'appelante et monsieur Michel Caron. Le véhicule concerné était un camion Ford 89 acheté du Garage C. Hébert inc. pour 4 500 $ et réparé par Garage René Martineau inc. au coût de 4 066 $. Ce camion a été vendu à monsieur Caron au prix de 10 297 $. Du total de 10 297 $, le montant de 5 000 $ représentait le crédit accordé à la suite d'une voiture donnée en échange et la somme de 6 500 $ fut payée par chèque. L'appelant a versé 4 000 $ en espèces pour acquitter les réparations faites au camion Ford en question.

[16]          L'appelant a ensuite affirmé que tous les véhicules que l'appelante achetait et revendait nécessitaient des réparations. Il mentionne qu'il n'avait pas inclus dans le prix de vente des véhicules les sommes versées en argent liquide pour acquitter le coût des réparations parce que " ça m'aidait à faire ma vente ". De plus, selon lui, la personne qui effectuait les réparations voulait être payée en argent liquide. Lors du contre-interrogatoire, il précisait que ce système l'aidait à vendre des autos puisqu'il pouvait exiger un montant moins élevé pour les taxes et le client n'avait qu'à payer des taxes sur le prix de vente stipulé au contrat écrit, lequel prix n'incluait pas le coût des réparations. Aucun client n'a refusé ce mode de paiement.

[17]          L'appelant a affirmé qu'il était le seul actionnaire de l'appelante et aussi l'un de ses employés. L'appelante comptait de cinq à huit employés durant les années en question. Parmi ces employés, il y avait une secrétaire qui se rendait une fois par semaine sur les lieux du commerce pour faire les inscriptions aux livres de l'appelante pour tenir compte des autos vendues et des factures. La seule autre personne qui s'occupait des livres comptables de l'appelante était son comptable, monsieur Jacques Gagnon, qui venait " faire les fins des mois ". Monsieur Gagnon préparait aussi les états financiers et les déclarations de revenu de l'appelante, et également les déclarations de revenu personnelles de l'appelant. À cette fin, il passait quelques jours une fois par année chez l'appelante et rencontrait alors la secrétaire de cette dernière. Quant à l'appelant, il ne faisait pas lui-même d'inscriptions dans les livres comptables.

[18]          Monsieur Gagnon déterminait les revenus de l'appelante à partir de l'information et des documents fournis par la secrétaire de l'appelante. Les données inscrites dans les livres par la secrétaire étaient basées sur les contrats d'achat et de vente, ainsi que sur les factures d'achat de pièces. Les factures pour les réparations aux véhicules ci-dessus mentionnés qui étaient acquittées en argent liquide n'étaient pas acheminées à la secrétaire de l'appelante, puisque ce sont, selon l'expression de l'appelant, des " in and out " étant donné que l'argent liquide reçu de l'acquéreur d'un véhicule était utilisé pour défrayer les réparations. La secrétaire ne voyait pas ces factures parce qu'elle n'avait " pas à faire d'entrée et de sortie " et l'appelant en se référant à une facture donnée, s'exprime ainsi : " je l'ai pris d'une main puis l'a redonné de l'autre ".

[19]          Selon l'appelant, il payait les réparateurs quand il prenait possession de la voiture pour le compte de l'appelante et recevait le même montant quand l'acheteur d'un véhicule donné le payait quelque temps plus tard. Il se " remboursait ", selon son expression. Les réparateurs n'auraient pas consenti à remettre les voitures à l'appelante et à être payés plus tard. Habituellement, l'appelant utilisait l'argent liquide pour payer les réparations faites à un autre véhicule. Dans le cas spécifique de la vente du véhicule à madame Lemarier, il ne pouvait pas se souvenir du type d'utilisation qu'il avait fait de la somme de 6 700 $ qu'il avait reçue en espèces.

[20]          L'appelant a aussi fourni dans son témoignage des renseignements de portée générale sur les opérations de l'appelante.

[21]          L'appelant croit que l'appelante utilisait une comptabilité informatisée pour les années en question. Il a affirmé que les réparateurs étaient payés en argent liquide parce qu'ils le demandaient.

[22]          Des 300 à 350 autos qui étaient vendues par l'appelante chaque année, environ la moitié de ces autos étaient accidentées. Dans aucun cas, l'appelant n'a pu décrire la nature des réparations faites aux véhicules dont il est ici question. Pendant les années en question, l'appelant faisait toujours affaires avec les mêmes garages pour les réparations de ces voitures. Les garages utilisés avaient été choisis selon leur disponibilité. Puisque les garages étaient souvent occupés, l'appelant a dû avoir recours à l'occasion à des garages qui étaient plus éloignés de la place d'affaires de l'appelante située à Victoriaville.

[23]          Amené à expliquer l'utilisation de la somme payée en espèces pour les réparations du véhicule acheté par monsieur Caron ¾ cette transaction étant la dernière qui impliquait la réception d'argent liquide ¾ l'appelant a déclaré qu'il s'est probablement remboursé pour les réparations faites au premier véhicule qui fut acheté par l'appelante, puisque cette dernière a dû faire un emprunt pour pouvoir fournir la contrepartie requise lors de sa première transaction. Il a été incapable de déterminer de façon certaine le nom du prêteur, mais il pense qu'il était possible que ce soit son frère, Yvon.

[24]          L'appelant a cessé de payer des réparations en argent liquide après la vente faite à monsieur Caron " parce que c'était plus fatigant que d'autre chose " et les garages " en avaient moins besoin ". Il n'avait jamais obtenu de reçus à l'égard des paiements faits aux réparateurs; les factures constituaient les seuls documents émis par les réparateurs.

[25]          L'appelant n'a pu fournir d'explications au sujet du fait qu'un garage occupé comme celui de monsieur Guy Boyer aurait émis des factures avec des numéros qui se suivent pour des réparations qui ont été effectuées à deux mois d'intervalle. L'appelant n'a pu non plus clarifier la question relative à la facture du 6 octobre 1990 qui porte un numéro plus élevé que le reçu du 30 mai 1991.

[26]          Finalement, il a été admis que l'appelant a plaidé coupable à un seul chef d'accusation, soit celui de recel d'automobiles, sur " une trentaine " d'accusations portées contre lui impliquant les véhicules dont il est question dans ces Motifs du jugement. L'appelant a payé à cet égard une amende de 100 000 $.

Monsieur Édouard Tessier

[27]          Monsieur Édouard Tessier, propriétaire de la firme Atelier de Débosselage Pro-Tess enr., témoigne qu'il réparait " peut-être " une ou deux autos par mois pour l'appelante. Il modifie toutefois sa version à ce sujet lors du contre-interrogatoire et indique que ce qu'il voulait dire c'est qu'il réparait au total environ une voiture par mois que ce soit pour l'appelante ou pour toute autre personne. Il ne se souvenait plus des réparations spécifiques effectuées sur les véhicules en question qu'il avait réparés. Il confirme que l'appelant le payait toujours en argent liquide.

[28]          La firme Atelier de Débosselage Pro-Tess enr. n'était pas constituée en société par actions pendant les années en question. Monsieur Tessier a déclaré avoir des revenus bruts de cette entreprise d'environ 50 000 $ en 1990 et avoir déclaré ces revenus dans sa déclaration de revenu. Quand l'avocate de l'intimée lui a exhibé sa déclaration de revenu pour l'année 1990 qui indiquait seulement des revenus d'emploi de 22 476 $, il se ravise et reconnaît qu'il n'a pas fait état de son revenu d'entreprise de 50 000 $. Il a admis que la raison " fort probable " pour laquelle il n'avait pas déclaré ces revenus était pour éviter le paiement des impôts. Il avait aussi reçu des prestations d'assurance-chômage en 1991 et 1992 sans avoir déclaré qu'il travaillait pour Atelier de Débosselage Pro-Tess enr.

Monsieur Guy Boyer

[29]          Monsieur Guy Boyer était propriétaire de Carrosserie G. Boyer à Arundel. Il ne se rappelait pas des détails des réparations effectuées aux véhicules de l'appelante, mais il a confirmé que l'appelant l'avait payé en argent liquide. En réponse à une question de l'avocate de l'intimée, il déclare que, pendant les années en litige, il réparait " au moins un (véhicule) par mois ". Il déclare ne pas avoir fait des réparations à d'autres voitures dans l'intervalle qui s'est écoulé entre le moment où chacun des deux véhicules de l'appelant a été réparé, ce qui expliquerait le fait que les deux factures émises à l'appelant portaient des numéros consécutifs. Monsieur Boyer a cessé d'exploiter son entreprise à la fin de 1990, à cause de problèmes de santé. Monsieur Boyer confirme qu'il demandait d'être payé en espèces puisqu'il devait payer de cette façon lorsqu'il s'approvisionnait dans des cours de rebut.

Monsieur Claude Hébert

[30]          Monsieur Claude Hébert était propriétaire de Garage C. Hébert inc. à Sainte-Hélène, un commerce dont les opérations consistaient dans l'achat et la revente d'autos accidentées. Il a vendu une Ford F150 à l'appelant pour 4 500 $ (4 815 $ après taxes) et il a été payé par chèque. Le témoin n'a pu se souvenir des modalités de cette vente et mentionne que c'était son fils qui avait vendu la voiture. Il déclare avoir acheté le véhicule en question d'une compagnie d'assurance.

Monsieur Jean Demers

[31]          Monsieur Jean Demers était gérant de Pièces Fontaine inc. pendant les années en question. Il confirme en particulier que cette firme a vendu un véhicule accidenté à l'appelante pour 7 600 $. Il déclare aussi qu'il vendait environ dix véhicules par année à l'appelante.

Preuve de l'intimée

Madame France Lemarier

[32]          Madame France Lemarier a acheté en mai 1990 une voiture Camaro de l'appelante. Elle mentionne qu'elle avait versé 6 700 $ en espèces en plus du montant de 6 999,98 $ inscrit au contrat qui fut payé par un chèque certifié. Le prix total était donc de 13 699,98 $. Elle a payé de cette manière parce que l'appelant lui avait mentionné que " ça fait que ça va sauver les taxes, ça va revenir moins cher que le prix demandé ". Elle déclare qu'elle avait déterminé elle-même sur la base de ses liquidités la partie de la contrepartie qu'elle paierait en espèces. La Sûreté du Québec a ultérieurement saisi la voiture au motif qu'il s'agissait d'une voiture volée. La voiture lui a été retournée huit mois plus tard.

[33]          En plus de madame Lemarier, tous les acheteurs de véhicules dont il a été question dans la déposition de l'appelant ont témoigné à la demande de l'intimée. Il s'agit de madame Clémence Allaire (Clémence Noël), messieurs Serge Houle, Gilles Ducharme, Serge Fortin, Michel Caron, mesdames Guylaine Dubé et Martine Fillion. Ils ont tous déclaré qu'ils avaient acheté un véhicule de l'appelante et avaient, en plus du prix mentionné au contrat d'achat écrit, payé une somme en espèces qui se situait dans un cas à 2 000 $ et qui ne dépassait pas 7 000 $ dans les autres cas.

[34]          Les dépositions des acheteurs de véhicules de l'appelante furent suivies de celles de deux employés de Revenu Canada à l'époque pertinente, monsieur Denis Blais et madame Johanne Couture.

[35]          Du témoignage de monsieur Blais, agent des appels de Revenu Canada, auquel avaient été assignés les dossiers des deux appelants, il y a lieu de retenir que monsieur Blais a communiqué à plusieurs reprises avec monsieur Jacques Gagnon, le comptable des deux appelants. Lors de ces communications, monsieur Gagnon a demandé à monsieur Blais à quelques occasions de lui accorder du délai afin qu'il puisse discuter des dossiers avec ses clients. Ce délai lui fut accordé à chaque occasion. Le 2 juillet 1996, monsieur Blais a communiqué une dernière fois par téléphone avec monsieur Gagnon qui s'est exprimé ainsi, selon monsieur Blais : " Ferme le dossier, ... je suis tanné de courir après mon client ". En outre, dans le cadre de l'examen de l'opposition produite par les appelants aux cotisations en cause, monsieur Blais n'a jamais reçu de pièces justificatives ou autre documentation et n'a donc pas pu faire une analyse poussée du dossier.

[36]          De 1991 à 1994, madame Johanne Couture était vérificatrice à Revenu Canada. Elle a procédé à la vérification des dossiers des appelants, mais n'a pas participé à l'enquête. Sa vérification s'est appuyée notamment sur des informations obtenues de la Sûreté du Québec, selon lesquelles des autos volées avaient été revendues.

[37]          Le 20 janvier 1994, monsieur Alain Gingras, enquêteur à Revenu Canada à l'époque, a eu une entrevue avec l'appelant. Plus tard, durant la même année, monsieur Gingras est tombé malade et n'est pas retourné au travail par la suite. Depuis 1996, il est à la retraite, souffrant d'une invalidité permanente. Madame Couture a donc témoigné concernant l'entrevue de monsieur Gingras avec l'appelant. Pour le compte des appelants, on s'est opposé à cette preuve. Au sujet de cette entrevue, en s'appuyant sur les notes de monsieur Gingras, madame Couture s'est exprimée ainsi :

[...] L'entrevue avait eu lieu le vingt (20) janvier 1994 avec monsieur Denis Laroche à la place d'affaires de Auto D.L. Laroche. Monsieur Alain Gingras y assistait. Le but de l'entrevue faisait suite aux perquisitions qui avaient été effectuées en décembre 1993. Une des raisons, c'était pour lui remettre l'inventaire des choses qui avaient été saisies lors de la perquisition. Ils lui ont servi l'avertissement formel que, nous, on sert lorsqu'on est en enquête pour informer le contribuable de ses droits pour l'aspect pénal du dossier.

Un des éléments mentionné par monsieur Laroche était qu'il a déclaré que tout était déclaré et qu'il ne connaissait rien dans les papiers. Il a refusé que nous prenions des notes. Un petit peu plus tard en conclusion de l'entrevue, les enquêteurs ont demandé à monsieur Laroche s'il y avait des déboursés comptant, s'il avait déboursé comptant certains frais qui n'auraient pas été réclamés et ce à même le revenu non déclaré. Monsieur Laroche a déclaré que non.

Donc, moi, dans mon travail pour établir les nouvelles cotisations, premièrement présenter les projets de cotisation et finalement établir une nouvelle cotisation, c'est une déclaration que j'ai pris en compte.

[Notes sténographiques du 19 novembre 1998, aux pages 223-224.]

[38]          Au cours de la vérification, madame Couture n'a jamais vu de factures pour les réparations effectuées aux véhicules en question, ni des contrats pour l'achat par l'appelante de ces véhicules. Elle a pris connaissance des factures pour la première fois en octobre 1998 et des contrats d'achat le premier jour d'audition de ces appels.

[39]          Pour arriver à sa cotisation, madame Couture s'est basée sur les dossiers de monsieur Gingras et les " déclarations statutaires " des clients de l'appelante faites aux agents de la Sûreté du Québec.

[40]          Madame Couture s'est aussi référée à une note manuscrite de monsieur Gingras, au bas d'un document de travail qui se lit comme suit :

Le total du contrat de vente a été supprimé aux livres de Auto D.L. à son exercice du 31 mai 1991, soit 20 165 $. Et le financement a été approprié par l'actionnaire Denis Laroche. Les chèques sont encaissés à la succursale de la Banque Nationale de monsieur Laroche.

                                                                [Notes sténographiques du 19 novembre 1998

à la page 228].

[41]          Le montant total de la transaction concernant l'acquisition d'un véhicule par madame Dubé a donc été ajouté au revenu de l'appelante comme revenu non déclaré. Ce montant a aussi été ajouté au revenu de l'appelant comme montant qu'il s'est approprié, puisque les chèques étaient faits à son ordre et encaissés par lui. Comme la vente à madame Dubé a été financée par l'appelante, des revenus d'intérêts ont aussi été ajoutés au revenu de l'appelante. Madame Couture ne pouvait pas dire si la taxe de vente à l'égard de cette transaction avait été remise au gouvernement.

[42]          En ce qui concerne la vente à madame Fillion, la transaction pour laquelle il existait deux contrats, on a soustrait le montant de 9 650 $ ¾ constaté aux livres comptables de l'appelante ¾ de la somme de 16 000 $ versée par madame Fillion, pour en arriver à un revenu non déclaré de 6 350 $.

[43]          Madame Couture relate, qu'après avoir pris connaissance du dossier de monsieur Gingras, elle a noté qu'en décembre 1993, des perquisitions ont été faites, mais elles n'ont pas donné " les résultats escomptés ". Une dizaine de boîtes de livres comptables, de pièces justificatives et de registres n'ont pas été retrouvées. Madame Couture a toutefois affirmé que malgré l'absence des boîtes contenant la documentation en question, elle avait au moins une photocopie de tous les documents dont elle avait besoin pour établir les cotisations en litige.

[44]          Madame Couture a aussi obtenu des renseignements concernant monsieur Édouard Tessier, propriétaire de la firme Atelier de Débosselage Pro-Tess enr. Elle a notamment mentionné que monsieur Tessier n'avait pas obtenu l'immatriculation de sa raison sociale avant mai 1994 alors qu'il avait déclaré l'avoir obtenu en 1992. Elle a aussi témoigné que dans ses déclarations de revenu, monsieur Tessier n'avait indiqué que des revenus d'emploi pour les années 1989 et 1990 et pour les années 1991 et 1992, des revenus d'emploi et des prestations d'assurance-chômage.

[45]          Madame Couture a aussi recommandé l'imposition des pénalités prévues par le paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu parce que l'appelant semblait avoir arrangé ses affaires dans le but de ne pas déclarer certains revenus, et avoir " mis en place un stratagème pour éluder l'impôt ".

[46]          Les deux derniers témoins de l'intimée sont des membres de la Sûreté du Québec, messieurs Vincent Martin et Gilles Roberge.

Monsieur Vincent Martin

[47]          Monsieur Martin est un policier enquêteur à la Sûreté du Québec. Il a procédé à une enquête dans les dossiers des appelants. Dans le cadre de cette enquête, il a travaillé étroitement avec monsieur Roberge dont le rôle était de déterminer si les véhicules saisis étaient bien des véhicules volés.

[48]          Cette enquête a débuté en 1991 par la saisie de pièces de véhicules chez le beau-père de l'appelant et par une saisie similaire chez les Recycleurs Fontaine. Des accusations ont été portées en 1992. La deuxième phase de l'enquête avait trait à l'identification d'un réseau d'autos volées.

[49]          Monsieur Martin a déclaré qu'à la suite de ces saisies de pièces de véhicules, la Sûreté du Québec a relevé des numéros de série de véhicules " qui étaient des pertes totales sur les moteurs ou la transmission ". Après vérification, ils ont constaté que ces véhicules étaient encore immatriculés.

[50]          Monsieur Martin a reconnu tous les noms des personnes impliquées dans les transactions en cause sauf celui de madame Guylaine Dubé. Monsieur Martin a ensuite expliqué comment les véhicules présumément volés ont été retracés.

[51]          Dans le cas de la voiture Camaro achetée par madame Lemarier, monsieur Martin a retrouvé ce véhicule et l'a ensuite saisi. Le même véhicule a ensuite été examiné par monsieur Roberge. Monsieur Martin n'a pas participé à cet examen. Selon monsieur Martin, monsieur Roberge lui a communiqué un numéro de série appartenant à une voiture volée le 20 février 1990. Après qu'il a été établi que le véhicule avait été volé, il a demandé au procureur du gouvernement d'intenter des procédures contre l'appelant.

[52]          Le même processus a été suivi au sujet de la voiture Nissan 240 de madame Noël et il a été conclu que c'était une voiture volée le 4 mai 1990. Il a été aussi déterminé que les voitures achetées par monsieur Beauchesne, madame Dubé, monsieur Houle,[2] monsieur Ducharme et monsieur Fortin étaient des voitures volées. Monsieur Martin est arrivé à la même conclusion par rapport à la voiture de madame Fillion, sauf qu'en ce cas, le véhicule a été examiné par la Sûreté du Québec à Québec. Monsieur Martin n'a pas participé à l'enquête concernant cette voiture, mais il a porté des accusations impliquant notamment ce véhicule. Monsieur Martin n'avait pas de documentation concernant le véhicule acheté par monsieur Caron et se souvenait de peu de choses concernant ce véhicule.

[53]          Monsieur Martin a confirmé que 53 accusations impliquant les véhicules en cause ont été portées contre l'appelant et ont été par la suite retirées. Un seul chef d'accusation a été retenu.

[54]          Plusieurs objections à la preuve ont été formulées à l'égard de la déposition de monsieur Martin sur la base que cette preuve serait en grande partie du ouï-dire et ne respecterait pas la règle de la meilleure preuve. Pour sa part, l'intimée a soutenu que le témoignage de monsieur Martin était nécessaire pour démolir la crédibilité de l'appelant, élément essentiel à sa cause, selon l'avocate de l'intimée.

Monsieur Gilles Roberge

[55]          Monsieur Roberge est un agent de police de la Sûreté du Québec depuis 1973. Avant les années 80, il avait été affecté au Service d'identité judiciaire du même corps policier. Ses fonctions dès lors comportaient la restauration à l'acide de numéros de série altérés sur des pièces d'automobiles. Au cours des années 80, monsieur Roberge a eu une formation donnée par le " Service anti-crime des assureurs " de la Sûreté du Québec. Par la suite, en 1990, il a fait un stage d'études de deux semaines au Collège canadien de police, portant sur l'identification de véhicules. Ces études lui permettaient de travailler particulièrement dans le domaine de l'identification des véhicules par les numéros de série secondaire figurant sur ces véhicules. C'est cet emploi qu'il exerce encore aujourd'hui.

[56]          La qualité de témoin expert de monsieur Roberge fut admise pour le compte des appelants et acceptée par le tribunal.

[57]          L'enquête concernant le dossier de l'appelant a commencé vers le mois de mai 1991. Monsieur Roberge a agi en sa qualité de spécialiste dans la restauration des numéros de série altérés de moteurs et de transmissions saisis au garage de l'appelante et dans un autobus scolaire.

[58]          La première étape de l'enquête consistait à identifier les numéros de série secondaire des moteurs et transmissions. Par la suite, monsieur Roberge communiquait avec la Société de l'assurance automobile du Québec afin d'obtenir le numéro de série complet. Muni du numéro de série complet, monsieur Roberge obtenait du Centre de renseignement policier du Québec, le nom du propriétaire du véhicule au moment concerné, l'information générale et l'historique sur le véhicule. Monsieur Roberge était en plus informé si le véhicule était en circulation. Étant donné que les véhicules étaient en circulation, la prochaine étape de l'enquête était la saisie des véhicules par des équipes de policiers et avec le concours de l'agent Vincent Martin. Monsieur Roberge devait alors examiner chaque véhicule saisi et préparer un rapport d'identification formelle.

[59]          Au cours de son témoignage, monsieur Roberge a ainsi résumé succinctement la procédure qu'il a suivie concernant l'identification des véhicules : restauration des numéros de série secondaire figurant sur la pièce saisie, identification par la Société de l'assurance automobile du Québec du numéro de série complet, vérification auprès du Centre de renseignement policier du Québec au sujet du rapport d'un véhicule volé, saisie du véhicule portant ce numéro de série et examen du véhicule par monsieur Roberge.

[60]          L'un des avocats des appelants s'est opposé à l'admissibilité du témoignage de monsieur Roberge quant à la restauration du moteur d'un véhicule qui a appartenu à monsieur Serge Houle puisque ce travail de restauration n'a pas été effectué par ce dernier. C'est un autre policier, monsieur Luc Savard, qui a procédé à la restauration. Le rapport a été préparé par ce dernier et par monsieur Roberge. Selon cet avocat des appelants, puisque monsieur Savard a effectué la restauration il devrait être celui qui témoigne sur les faits constatés. Monsieur Roberge explique qu'il ne croit pas avoir été présent lorsque monsieur Savard a effectué la restauration et qu'il ne sait pas quelle personne a pris les photographies du document #59 de la pièce I-7(carnet des photos de la voiture Pontiac Sunbird 90 rouge). Cependant, monsieur Roberge affirme avoir dressé le rapport en partie, communiqué avec la Société de l'assurance automobile du Québec pour l'obtention du numéro de série complet et fait la demande du rapport d'un véhicule volé.

[61]          Lors des questions posées relativement aux photographies du document #53 de la pièce I-7 (carnet de photos d'un autobus scolaire ayant plusieurs moteurs de voiture à l'intérieur), monsieur Roberge admet que les numéros de série secondaires sur la majorité des moteurs avaient été contrefaits par meulage, malgré qu'il avait affirmé précédemment que les numéros de série avaient presque tous été martelés avec un outil pointu. Il confirme qu'à la suite de son examen de plus de 20 moteurs, il arrivait à différents résultats. Les numéros de série secondaire de huit moteurs ont été restaurés et ont mené à des saisies de véhicules; pour certains véhicules, la Société de l'assurance automobile du Québec n'avait pas les numéros de série complets, alors il ne fut pas donné suite à l'enquête; et enfin pour d'autres, les numéros de série secondaire ne pouvaient tout simplement pas être restaurés, donc le résultat était négatif. Monsieur Roberge précise que parfois des numéros de série secondaire correspondaient à des numéros de série complets de véhicules qui circulaient au Québec et non pas à des véhicules volés.

[62]          Sous réserve de l'objection du procureur de l'intimée, il fut procédé à un contre-interrogatoire sur la restauration effectuée par monsieur Roberge, de numéros de série de véhicules ne faisant pas partie du présent litige. Monsieur Roberge confirme qu'il est possible dans un cas donné que la Société de l'assurance automobile du Québec n'ait pas de numéros de série complets qui correspondent aux numéros de série secondaires restaurés. Dans un tel cas, monsieur Roberge conclut que le véhicule en question n'est pas un véhicule en circulation au Québec, n'ayant jamais été immatriculé au Québec. Monsieur Roberge reconnaît l'hypothèse que la pièce dont le numéro de série est restauré pourrait être une pièce d'un véhicule accidenté provenant des États-Unis ou de l'Ontario et que ce véhicule n'aurait pas par la suite été remis en circulation au Québec portant ces numéros de série secondaires.

Prétentions des appelants

[63]          L'un des avocats des appelants a souligné que le ministre du Revenu national n'a pas émis les cotisations pour les années d'imposition 1990 et 1991 de chacun des appelants à l'intérieur de la période normale de cotisation et qu'ainsi il incombait au Ministre d'établir, en vertu du sous-alinéa 152(4)a)i) de la Loi de l'impôt sur le revenu, qu'il avait le droit de cotiser. Pour justifier l'imposition de pénalités en vertu de l'article 163 de la Loi de l'impôt sur le revenu, le Ministre doit prouver qu'il y avait une omission de la part des appelants de déclarer la totalité de leur revenu faite sciemment ou dans des circonstances qui équivalaient à une faute lourde. Quant à l'appelant, le Ministre a conclu qu'il y avait appropriation de fonds et des pénalités ont été imposées également en application de l'article 163 de la Loi de l'impôt sur le revenu.

[64]          En s'appuyant sur l'arrêt de la Cour suprême du Canada dans Hickman Motors Limited v. The Queen, 97 DTC 5363, et la décision de la Cour de l'Échiquier du Canada dans M.N.R. v. Pillsbury Holdings Ltd., 64 DTC 5184, les appelants prétendent qu'ils se devaient d'établir une preuve suffisante pour créer un doute sur les faits tenus pour acquis par le Ministère. Cette preuve faite, il y a renversement du fardeau de la preuve. Selon les appelants, le Ministre n'a pas tenu compte de certains faits lors de ses cotisations. Selon eux, les sommes reçues en argent liquide représentaient " des dépenses de réparations, qui avaient été faites, donc du revenu non déclaré versus des dépenses non déclarées ". On ajoute " naturellement, s'il y a des dépenses qui équivalent au revenu, il n'y a pas de revenu d'entreprise conformément à l'article 9 ".

[65]          Les appelants ont ainsi invoqué, sur la question de la déductibilité de ces dépenses, les arrêts suivants : Fortin et al v. The Queen, 97 DTC 950 (C.C.I.); Lafrenière v. M.N.R., 83 DTC 345 (C.R.I.), Epsie Printing Co. Ltd. v. M.N.R., 60 DTC 1087 (C. de l'É.); M.N.R. v.Eldridge, 64 DTC 5338 (C. de l'É.) et United Color and Chemicals Limited et al. v. M.N.R., 92 DTC 1259 (C.C.I.).

[66]          Selon les appelants, la seule preuve qu'ils doivent établir consiste à démontrer que des dépenses ont été engagées pour effectuer des réparations. Dans le cas de la plupart des véhicules, les réparateurs ont témoigné qu'ils ont effectué les réparations et ont été payés en espèces pour celles-ci. Les " déclarations statutaires " faites aux policiers par les personnes qui ont acheté des véhicules des appelants et les contrats d'achat auxquels étaient parties l'appelante et ces personnes confirment que les acheteurs ont acquis des véhicules endommagés qui ont été réparés. Il n'y a aucune preuve qui contredit ces témoignages et qui conteste le fait que des dépenses relatives aux réparations ont été engagées. De plus, d'après les appelants, il n'est pas contesté que l'appelante faisait effectuer, par différentes firmes, sur une base annuelle, la réparation de 300 à 400 véhicules.

[67]          D'après les appelants, il incombe à l'intimée de réfuter la preuve relative aux dépenses en établissant que l'appelante n'avait pas fait de dépenses égales aux revenus non déclarés. À cet égard, l'un des avocats des appelants a prétendu que leur preuve n'a pas été contredite. Si l'avocate de l'intimée avait établi par prépondérance de probabilité, ce qu'elle n'a pas fait, que l'appelant savait qu'il s'agissait de véhicules qui avaient été volés, il demeure néanmoins que les réparations ont été effectuées et payées par l'appelante. Donc, la déduction des dépenses devrait être acceptée.

[68]          Quant à la transaction de l'appelante avec madame Guylaine Dubé qui comporte le financement par la première en faveur de la dernière d'une somme de 15 000 $, il a été admis pour le compte des appelants que cette somme n'a pas été incluse dans le revenu de l'appelante. Cette omission a été expliquée par une simple omission comptable faite par un commis comptable ayant peu d'expérience. Selon les appelants, " c'est le seul cas où on a omis des revenus ". À ce sujet, l'un des avocats de l'appelant a fait les remarques suivantes :

                Je ne pense pas qu'on puisse dans ce cas-là indiquer qu'il s'agit d'une négligence telle que, un, ça permette de cotiser à l'extérieur de la période de cotisation requise, deux, que l'on puisse assimiler ça à de la négligence ou même un degré de faute très grand.

[Notes sténographiques du 7 février 2000 à la page 153.]

[69]          La décision de la Section de première instance de la Cour fédérale dans l'affaire Venne v. The Queen, 84 DTC 6247, a été alors invoquée.

[70]          L'un des avocats des appelants a formulé leur thèse principale dans les termes que voici :

...je pense que c'est le fond de toute ma plaidoirie, les dépenses reliées aux revenus omis peuvent faire l'objet d'une déduction dans le cas même du calcul d'une pénalité. C'est ma grande thèse mais c'est également ma thèse pour les pénalités.

                Le reste, Votre Seigneurie, le degré de faute de mon client, le degré d'implication de mon client, de connaissance quelconque à l'égard du recel, ne change rien au fait que les véhicules aient été des véhicules réparés et dont les coûts ont dû être assumés.

[Notes sténographiques du 7 février 2000 à la page 154.]

[71]          On a aussi fait valoir pour les appelants que ces derniers ne possédaient aucun équipement pour effectuer des réparations à des véhicules. Sans équipement, ils ne pouvaient pas faire tout le travail que requièrent des réparations. On a rappelé que l'agent Roberge a témoigné que maquiller des numéros de série sur un véhicule est une opération complexe et qu'il a passé de nombreuses heures pour découvrir un véhicule maquillé. Selon les appelants, la preuve qu'ils ont avancée est plus plausible que la théorie de l'intimée selon laquelle l'appelant aurait réparé les véhicules en question.

[72]          Quant à l'argument de l'intimée qu'il est invraisemblable que les réparations aient pu être faites par un réparateur situé à plus de deux heures en voiture du garage de l'appelante, il a été expliqué pour le compte des appelants que les véhicules ont été réparés à proximité des endroits où ils se trouvaient lors de leur acquisition par l'appelante. Par exemple, trois véhicules achetés à Montréal ont été réparés près de Montréal à Contrecoeur et ensuite retournés à Victoriaville.

[73]          On a soutenu pour les appelants que si ces derniers ont été en possession de véhicules volés ou de véhicules auxquels étaient incorporées des pièces volées, ils ont été revendus aux clients de l'appelante dans la condition où ces véhicules ou pièces ont été reçus. Il s'agit simplement de quelques cas sur 600, puisque selon la preuve, six véhicules seulement ont été altérés. Ce travail se faisait chez le réparateur.

[74]          Le fait que des registres ou livres comptables n'étaient pas tenus par les appelants quant aux revenus et aux dépenses dont il est question dans le présent litige, ne les empêche pas de faire la preuve que les dépenses sont réelles. Il ajoute que c'est " une des seules façons où des revenus non déclarés et des dépenses non déclarées puissent être amenés devant la Cour ". D'après les appelants, cette preuve a été faite par la production des factures et les dépositions des témoins.

[75]          Les appelants acceptent volontiers la position de l'intimée que les acheteurs sont des témoins impartiaux. Cependant, ils sont d'avis que les acheteurs ne peuvent pas témoigner qu'il y a eu du revenu non déclaré ni témoigner sur la validité des dépenses. Les acheteurs peuvent seulement témoigner qu'ils " ont contribué à un revenu non déclaré ".

[76]          On a aussi expliqué que l'appelante n'a pas déclaré les revenus faisant partie du présent litige car " il est évident que s'il faisait un cadeau à ses clients de ne pas payer les taxes, il n'était pas pour l'inclure dans ses revenus, déclarer les taxes et risquer que les clients aient des problèmes à ce niveau-là ". Il reconnaît que l'appelante et les clients ont d'un commun accord décidé de ne pas payer les taxes provinciales mais les appelants ne devraient pas subir des " conséquences au niveau de l'impôt dans la mesure où il n'y a pas de profit net ".

[77]          Selon les appelants, il incombait à l'intimée de prouver que les dépenses n'avaient pas été engagées ni payées par l'appelant ou l'appelante. La preuve des appelants établit que les véhicules ont été livrés chez les réparateurs. Malgré que les factures sont imprécises, les réparateurs qui ont témoigné sont crédibles et attestent qu'ils ont effectué les réparations aux véhicules accidentés dont il est question dans ces appels. Donc, si les réparateurs sont crédibles, leurs factures ayant peu de détails sont aussi crédibles. De plus, l'imprécision des factures s'explique par le fait que l'appelant transigeait souvent avec les mêmes réparateurs. Étant donné leurs relations d'affaires de longue date, l'appelant vérifiait seulement si le prix proposé à l'appelante par les vendeurs était raisonnable. Il n'était pas nécessaire que les factures soient corroborées par la secrétaire et le comptable de l'appelante.

[78]          L'un des avocats des appelants reconnaît que des véhicules volés ont subi des réparations. La Cour n'est pas saisie de la question de savoir si l'appelant est celui qui a volé les véhicules. Selon cet avocat, la question qui doit être tranchée par la Cour, est-ce que l'appelante a engagé les dépenses en question? Quant à l'appropriation des fonds, l'appelant ne partage pas la position de l'intimée selon laquelle l'appelant aurait admis s'être approprié des fonds. Ce que l'appelant a admis est d'avoir emporté l'argent liquide et de l'avoir placé dans une enveloppe à sa résidence. Il payait les dépenses relatives aux réparations des véhicules avec de l'argent liquide qu'il conservait dans une enveloppe. Le fait qu'il apportait l'argent chez lui n'implique pas que l'appelant s'en est servi pour des fins personnelles. À cet égard, les appelants se réfèrent à la décision de la Section de première instance de la Cour fédérale dans l'affaire Berbynuk v.The Queen, 78 DTC 6322 à la page 6324 :

[...] I see nothing in any of those provisions which would authorize the attribution of a corporation's suppressed income to an employee or a shareholder simply because it was suppressed income. In order for it to be attributable the individual, whatever the relationship to the corporation, the individual must have either received the money or its value in the form of a benefit or advantage.

Prétentions de l'intimée

[79]          Après avoir reconnu que les cotisations pour les années d'imposition 1990 et 1991 des appelants ont été émises après l'expiration du délai normal de cotisation, l'avocate de l'intimée a fait valoir qu'il lui suffit de faire la preuve que le contribuable n'a pas agi avec diligence raisonnable du fait qu'il y a eu une présentation erronée des faits. En l'espèce, il est clair qu'il y a eu une présentation erronée des faits car une partie du montant du prix des nombreuses ventes de véhicules n'a pas été déclarée dans les revenus de l'appelante. Pour ce qui est de l'appelant, le Ministre doit prouver qu'il y a eu appropriation des fonds.

[80]          D'après l'avocate de l'intimée, l'ensemble de la preuve indique d'abord que le Ministre était en droit de cotiser, deuxièmement qu'il y avait des revenus non déclarés et troisièmement que ces revenus non déclarés " étaient pénalisables " aussi bien dans les mains de l'appelante que dans celles de l'appelant.

[81]          La preuve suivante démontre qu'il y a eu une présentation erronée des faits : des ventes ont été enregistrées de façon incorrecte aux livres de l'appelante; " les cédules d'amortissement n'ont pas été modifiées "; il y a des chèques, par exemple, dans le cas de la vente d'un véhicule à madame Dubé, qui sont faits à l'ordre de l'appelant et encaissés par lui-même personnellement. L'appelant lui-même a témoigné que des montants ont été versés en espèces par les acheteurs de véhicules qui lui ont été remis directement.

[82]          Sur la question des années de cotisations " prescrites ", l'avocate de l'intimée se base sur deux décisions. D'abord, il y a l'arrêt dans l'affaire Regina Shoppers Mall Limited v.The Queen, 90 DTC 6427, où le juge Addy de la Section de première instance de la Cour fédérale s'exprime ainsi à la page 6429: " It has also been established that the care exercised must be that of a wise and prudent person and that the report must be made in a manner that the taxpayer truly believes to be correct. " La deuxième décision est celle rendue par cette Cour dans l'affaire Plante v. M.N.R., 85 DTC 117, qui énonce le principe que dès que le Ministre a fait la preuve d'une présentation erronée de faits, le fardeau de la preuve incombe au contribuable qui doit prouver que la cotisation est erronée.

[83]          L'avocate de l'intimée poursuit en disant qu'en l'espèce, nous avons un contribuable qui a une comptabilité déficiente où des sommes n'ont pas été rapportées. De plus, l'intimée se réfère de nouveau à la vente par l'appelante d'un véhicule à madame Guylaine Dubé. Elle souligne que l'appelant a admis lors de son témoignage qu'il s'est approprié un montant de 5 165 $, le chèque portant ce montant ayant été fait à son ordre. Il y a également eu appropriation par l'appelant du montant de 15 000 $ lors de cette transaction. Il y a alors une présentation erronée des faits.

[84]          Il n'est pas contesté qu'une partie du prix de vente dans chacune des transactions en cause a été payée en argent liquide. En effet, l'appelant lui-même a témoigné que ces sommes n'ont pas été indiquées aux contrats de vente de véhicules ni déposées au compte de banque de l'appelante, ni reportées aux livres de l'appelante.

[85]          L'avocate de l'intimée soumet qu'il est un peu " bizarre " qu'il y a eu au dernier stade de contestation des cotisations, soit l'appel, des factures de réparations qui n'ont jamais été soumises à une autre étape, avant l'audition devant cette Cour. Elle croit que ce manque de collaboration de la part des appelants peut entacher leurs dossiers. Selon l'intimée, le comportement de l'appelant est très déterminant pour établir si la preuve des appelants est crédible ou non.

[86]          Pour le compte de l'intimée, on fait valoir que la preuve qui émane du témoignage des agents de police, messieurs Vincent Martin et Gilles Roberge, de la Sûreté du Québec, est capitale pour déterminer s'il y a eu des dépenses et si ces dépenses sont légitimes. La description de l'enquête effectuée par la Sûreté du Québec et, en particulier, la provenance des véhicules ainsi que l'historique des numéros de série trafiqués et contrefaits, constituent des éléments importants qui discréditent la thèse des appelants selon laquelle des dépenses de réparations aient été engagées relativement à ces véhicules.

[87]          De plus, l'avocate de l'intimée souligne qu'il est étrange que les sommes d'argent que certains acheteurs étaient prêts à payer en espèces et qui ne figuraient pas aux contrats de vente correspondaient presque exactement au coût des prétendues réparations, alors que deux ou trois des acheteurs ont témoigné qu'ils avaient eux-mêmes déterminé le montant qu'ils paieraient en espèces d'après les liquidités qu'ils avaient au moment d'un contrat donné. De plus, certains acheteurs ont affirmé qu'ils ont payé un montant en argent liquide précisément pour réduire les montants de taxes et le prix de vente du véhicule. D'autre part, les acheteurs n'ont pas témoigné qu'il y avait une entente entre chacun d'eux et l'appelant selon laquelle le montant que chacun paierait en espèces pour un véhicule donné correspondrait au coût des réparations faites à ce véhicule. Selon l'intimée, les acheteurs n'ont pas soutenu la thèse des appelants.

[88]          Les huit acheteurs qui ont témoigné n'avaient aucun intérêt à donner un témoignage dans un sens plus que dans l'autre. Leur témoignage a un poids énorme devant la Cour et il soutient la thèse de l'intimée et non celle des appelants. Ce sont des témoignages qui ne peuvent être contredits par les appelants. Quant à la preuve de l'appelant, il est évident que lorsqu'il témoigne, l'appelant a intérêt à gagner sa cause. Les recycleurs et réparateurs qui ont témoigné transigent régulièrement avec l'appelant. Ils ont ainsi un intérêt à ne pas donner un témoignage qui pourrait nuire aux appelants.

[89]          Selon l'intimée, n'est pas plausible l'explication donnée par l'appelant, que la non-inclusion des sommes en litige aidait à faciliter la vente d'un véhicule. Elle comprend que la réduction du prix de vente d'un véhicule qui résultait du fait que l'appelante prenait les dispositions pour que l'acheteur paie au titre de la taxe un montant moins élevé peut aider à faire une vente. Cependant, le fait de ne pas déclarer le prix de vente aux livres de l'appelante n'a pas d'effet sur la vente. L'appelant a aussi mentionné que cette façon de procéder permettait à l'acheteur d'obtenir du crédit. Cette dernière observation n'est pas non plus plausible.

[90]          L'avocate de l'intimée s'est ensuite reportée au témoignage de l'appelant relatif à la tenue des livres comptables et, en particulier, à l'affirmation de l'appelant que sa secrétaire s'occupait de la facturation et que son comptable, qui avait seulement un mandat de fin d'année, n'était pas au courant que certaines dépenses étaient payées en argent liquide. Selon l'intimée, cette façon de procéder constitue une présentation erronée des faits. De plus, elle est d'avis qu'il est illogique que l'appelant d'une part accepte qu'un acheteur paie en espèces dans le but de réduire la taxe de vente provinciale et que d'autre part il refuse que ce montant dépasse le coût des soi-disant réparations au motif que sa comptabilité ne serait plus exacte.

[91]          L'avocate de l'intimée a rappelé l'explication de l'appelant selon laquelle lorsque les réparations ont été payées par chèque aux différents réparateurs, le montant était comptabilisé par la secrétaire. Elle s'est alors interrogée sur la raison pour laquelle les dépenses payées en espèces pour les réparations des véhicules ci-dessus mentionnés n'ont pas été comptabilisées par la secrétaire, si ce n'est pas pour cacher quelque chose. L'avocate de l'intimée souligne qu'il n'y a aucune corroboration du témoignage de l'appelant sur la question de la comptabilité à part la déposition de madame Couture portant sur ce sujet.

[92]          Pour ce qui est du témoignage de madame Couture, elle a souligné que Revenu Canada n'avait pas vu de factures concernant les dépenses présentement en litige. Elle a aussi témoigné que l'appelant avait fait une déclaration à monsieur Alain Gingras, vérificateur pour Revenu Canada, selon laquelle tout avait été déclaré et qu'il n'y avait aucune dépense non déclarée. Quant à l'appropriation des fonds versés à la suite de la vente d'un véhicule à madame Guylaine Dubé ¾ contrat qui comportait un financement de la somme de 15 000 $ ¾ madame Couture a expliqué qu'elle avait inclus au revenu de l'appelante deux versements totalisant 936 $ en 1990, douze versements en 1991 pour un total de 5 616 $, douze versements en 1992 s'élevant à 5 616 $ et finalement dix versements en 1993 se chiffrant à 4 680 $.

[93]          L'avocate de l'intimée, en se référant aux témoignages des deux agents de la Sûreté du Québec, mentionne, en particulier, qu'après avoir obtenu les " vrais " numéros de série des moteurs en question et après des vérifications faites auprès de la Société de l'assurance automobile du Québec, ces agents ont réalisé que la majorité des véhicules étaient encore en circulation bien qu'ils étaient enregistrés comme perte totale. Après que les propriétaires réels eurent été identifiés, la Sûreté du Québec a saisi les véhicules. Sur tous les véhicules, sauf celui de monsieur Michel Caron, les numéros de série avaient été contrefaits. Messieurs Martin et Roberge ont témoigné qu'à la suite de la découverte des " vrais " numéros de série sur les véhicules qui ont été saisis et après un examen technique de ces mêmes véhicules, ces derniers ont été identifiés comme ayant été volés. Parmi ces véhicules, six étaient des véhicules neufs qui avaient été volés chez des concessionnaires et trois autres véhicules volés étaient très récents.

[94]          Des témoignages des agents de police, messieurs Vincent Martin et Gilles Roberge, d'après l'intimée, il peut être inféré, selon la prépondérance de la preuve, que les véhicules en cause sont des véhicules qui ont été volés, dont les numéros de série ont été contrefaits et qui ont été vendus par la suite. Selon l'intimée, cette preuve contredit la thèse des appelants car ils ne peuvent prétendre qu'ils ont des factures de réparations, lesquelles sont laconiques et au sujet desquelles le témoignage des réparateurs n'a pas de poids, alors que les véhicules en cause sont des véhicules neufs qui ont été volés. L'avocate de l'intimée fait valoir qu'il serait improbable qu'on ait volé des véhicules accidentés.

[95]          Pour ce qui est de la pénalité en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu, l'avocate de l'intimée est d'avis que le Ministre a pénalisé autant les revenus non déclarés de l'appelante que l'appropriation de fonds de l'appelant. Tous les événements ont eu lieu pour éluder l'impôt et permettre à l'appelant de s'approprier des fonds. L'appelant a témoigné avoir reçu personnellement l'argent liquide qu'il conservait chez lui dans une enveloppe. Le fait qu'il affirme par la suite que cet argent a été utilisé pour payer des réparations n'est pas plausible ni crédible. Il n'a présenté aucune documentation qui aurait étayé son témoignage qu'il avait chez lui un certain système de comptabilité.

Analyse

[96]          Avant de procéder à l'analyse de la preuve et à la discussion des questions en jeu, il me paraît utile de formuler des commentaires de portée générale sur les nombreuses objections à la preuve formulées principalement par les avocats des appelants.

Éléments de preuve

[97]          Les appelants ont soulevé lors des témoignages de monsieur Martin et de monsieur Roberge des objections quant à l'admissibilité de certaines parties de leurs témoignages. À l'appui de leurs objections, ils invoquaient que cette preuve allait à l'encontre de la règle de l'irrecevabilité de la preuve par ouï-dire et ne respectait pas la règle de la meilleure preuve.

[98]          La règle de base à l'encontre du ouï-dire a été énoncée comme suit par les auteurs J. Sopinka, S.N. Lederman & A.W. Bryant, dans leur ouvrage The Law of Evidence in Canada, 2d ed. (Toronto: Butterworths, 1999) à la page 173 :

Written or oral statements, or communicative conduct made by persons otherwise than in testimony at the proceeding in which it is offered, are inadmissibile, if such statements or conduct are tendered either as proof of their truth or as proof of assertions implicit therein.

[99]          Des exceptions à l'encontre du ouï-dire ont été créées dans des situations où les quatre caractéristiques suivantes étaient réunies[3] :

(1)            It was impossible or difficult to secure other evidence.

(2)            The author of the statement was not an interested party in the sense that the statement was not in his favour.

(3)            The statement was made before the dispute in question arose.

(4)            The author of the statement had a peculiar means of knowledge not possessed in ordinary cases.

[100]        Ces mêmes auteurs ont formulé des observations qu'il y a lieu de considérer pour déterminer si une exception à l'exclusion du ouï-dire est susceptible de s'appliquer[4] :

Necessity has given rise to a number of clearly defined exceptions to the rule against hearsay. The requirement that testimony be subjected to the test of cross-examination has been dispensed with in situations where the declarant of the words in question is unavailable and the oral or written statement was made under circumstances which, it can be presumed, would impress the remarks with a genuinely trustworthy quality. In many situations, such declarations are the only cogent evidence available and to exclude them would result in considerable inconvenience.

[101]        Dans les arrêts R. c. Khan[5] et R. c. Smith,[6] la Cour suprême du Canada a défini davantage les circonstances dans lesquelles la preuve par ouï-dire peut être admise. La Cour a adopté les critères de la nécessité et de la fiabilité au lieu de tenter de situer le ouï-dire dans l'une des exceptions retenues par la jurisprudence ou d'étendre ces exceptions. Dans l'arrêt Smith, le juge en chef Lamer a tenu ces propos au sujet de la question de la preuve par ouï-dire à la page 933 :

L'arrêt Khan de notre Cour a donc annoncé la fin de l'ancienne conception, fondée sur des catégories d'exceptions, de l'admission de la preuve par ouï-dire. L'admission de la preuve par ouï-dire est désormais fondée sur des principes, dont les principaux sont la fiabilité de la preuve et sa nécessité.

[102]        Le juge en chef Lamer a donc clairement confirmé que l'approche du double critère de la nécessité et de la fiabilité reconnu dans l'arrêt Khan ne devait pas être limitée aux faits particuliers dans cette affaire.

[103]        Le même juge a apporté ensuite certaines précisions sur ces critères aux pages 933-934 :

Le critère de la "fiabilité" ¾ ou, suivant la terminologie employée par Wigmore, la garantie circonstancielle de la fiabilité ¾ dépend des circonstances dans lesquelles la déclaration en question a été faite. Si une déclaration qu'on veut présenter par voie de preuve par ouï-dire a été faite dans des circonstances qui écartent considérablement la possibilité que le déclarant ait menti ou commis une erreur, on peut dire que la preuve est "fiable", c'est-à-dire qu'il y a une garantie circonstancielle de fiabilité. [...]

Le critère connexe de la "nécessité" renvoie à la nécessité de la preuve par ouï-dire pour établir un fait litigieux. [...]

[...] il faut donner au critère de la nécessité une définition souple, susceptible d'englober différentes situations. Ces situations auront comme point commun que, pour différentes raisons, la preuve directe pertinente n'est pas disponible. Un certain nombre de situations peuvent engendrer pareille nécessité. Sans tenter de faire une énumération exhaustive, Wigmore propose les catégories suivantes au § 1421 :

[TRADUCTION] (1) Il se peut que l'auteur de la déclaration présentée soit maintenant décédé, hors du ressort, aliéné ou, pour quelque autre motif, non disponible aux fins de la vérification [par contre-interrogatoire]. C'est la raison la plus courante et la plus évidente ...

(2) La déclaration peut être telle qu'on ne peut pas, de nouveau ou à ce moment-ci, obtenir des mêmes ou d'autres sources une preuve de même valeur. [...] La nécessité n'est pas aussi grande; il s'agit peut-être à peine d'une nécessité; on peut supposer qu'il s'agit d'une simple commodité. Mais le principe demeure le même.

Il est évident que les catégories de nécessité ne sont pas limitées. Dans l'arrêt Khan, par exemple, notre Cour a reconnu la nécessité de recevoir la preuve par ouï-dire des déclarations d'une enfant qui n'était pas elle-même habile à témoigner. Nous avons également dit que cette preuve par ouï-dire pourrait devenir nécessaire lorsque l'obligation de témoigner de vive voix causerait un traumatisme important à l'enfant. La question de savoir s'il y a une nécessité de ce genre est une question de droit qui doit être tranchée par le juge du procès.

[104]        Finalement, le savant juge conclut ainsi à la page 935 :

[...] Lorsque les critères de nécessité et de fiabilité sont respectés, l'absence de vérification par contre-interrogatoire touche à la valeur probante et non à l'admissibilité, et un jury ayant reçu une mise en garde appropriée devrait être en mesure d'apprécier la preuve sur ce fondement.

[105]        Le professeur Ducharme dans son ouvrage Précis de la preuve discute de l'application des arrêts Khan et Smith aux affaires régies par le droit du Québec. Ce droit s'applique même de façon supplétive dans des matières fédérales vu les dispositions de l'article 40 de la Loi sur la preuve au Canada. Le professeur Ducharme s'exprime ainsi aux pages 373-374 :

Même si [...] les arrêts Khan, Smith et R. c. B. [[1993] R.C.S. 740] ont été rendus en matière criminelle, ces arrêts faisaient également autorité, en matière civile, au Québec. En effet, dans la mesure où les exceptions à la prohibition de la preuve par ouï-dire en droit québécois relevaient de la common law, toute décision de la Cour suprême ayant pour effet d'expliciter ou de modifier les règles de la common law à ce sujet devait également recevoir application au Québec.

                                                                                                [Notes infrapaginales omises.]

[106]        L'un des avocats des appelants s'est opposé à la production de rapports informatiques provenant du Centre de renseignement policier du Québec et de rapports d'événement de la Sûreté du Québec au motif que ces rapports ne constituent pas la meilleure preuve.

[107]        Les inconvénients pratiques résultant de l'application de la règle de la meilleure preuve ont amené le législateur et les tribunaux à y apporter de nombreuses dérogations. Une exception à la règle de la meilleure preuve selon laquelle la preuve secondaire du contenu des documents publics est recevable a été reconnue par la jurisprudence[7].

[108]        En outre, l'admissibilité de " documents publics " a été acceptée par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Littley v. Brooks and Canadian National Ry. Co.[8] où Monsieur le juge Rinfret a déclaré, à la page 426 :

[...] Documents such as these will be received in evidence when they contain the results of inquiries made, as here, under competent public authority in the exercise of a judicial or quasi-judicial duty and concerning matters in which the public are interested. (See speech of Lord Blackburn in Sturla v. Freccia (1880) 5 App. Cas., 623; see also Phipson, Law of Evidence, 6th ed., p. 355).

Ainsi, la Cour suprême du Canada a adopté la définition suivante de " document public " de Lord Blackburn à la page 643 de l'affaire Sturla : " ...a document that is made for the purpose of the public making use of it, and being able to refer to it. "

[109]        Au Canada, des législations spécifiques ont subséquemment formulé cette exception. L'article 24 de la Loi sur la preuve au Canada[9] est une de plusieurs dispositions destinées à favoriser la preuve secondaire d'un document public. L'article se lit ainsi :

24. Sont admissibles en preuve, dans tous les cas où la pièce originale pourrait l'être sans qu'il soit nécessaire de prouver le sceau de la personne morale, non plus que la signature et le caractère officiel de la ou des personnes qui paraissent l'avoir signée, et sans autre preuve de ces actes :

a) la copie de tout document officiel ou public du Canada ou d'une province, donnée comme attestée sous la signature du fonctionnaire compétent ou de la personne qui a la garde de ce document officiel ou public;

b) la copie d'un document, règlement administratif, règle, règlement ou procédure, ou la copie d'une écriture dans un registre ou dans un autre livre d'une municipalité ou autre personne morale, créée par une charte ou par une loi fédérale ou provinciale, donnée comme attestée sous le sceau de cette municipalité ou autre personne morale et revêtue de la signature du fonctionnaire présidant, du greffier ou du secrétaire de celle-ci.

[110]        Ainsi, la preuve secondaire consistant en la production d'une copie d'un écrit est admissible comme preuve du contenu du document public original sans qu'il soit nécessaire d'attester que cette copie est une copie conforme. De plus, il n'est pas requis d'attester que le document public a été validement établi[10].

[111]        Dans mon analyse de la preuve, j'ai tenu compte de ces principes au sujet de l'exclusion de la preuve par ouï-dire et de la règle de la meilleure preuve.

[112]        Tout d'abord, comme il a été mentionné par les parties, le droit du ministre du Revenu national d'établir des cotisations à l'égard des années d'imposition 1990 et 1991, dans le cas des deux appelants, était prescrit à moins qu'il ne puisse être établi que l'appelant et l'appelante ont fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, selon les termes mêmes du sous-alinéa 152(4)a)(i) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Il a été également tenu pour acquis que le fardeau de la preuve relativement à cette présentation erronée est celui du ministre du Revenu national.

[113]        Il me paraît approprié d'examiner la preuve dans son ensemble à l'égard des cotisations pour les quatre années d'imposition de l'appelant 1990, 1991, 1992 et 1993 et des trois années d'imposition de l'appelante soit les années d'imposition 1990, 1991 et 1992.

[114]        L'appelant, qui était l'unique administrateur et actionnaire de l'appelante, témoigne que dans le cadre de l'exploitation de l'entreprise de l'appelante d'achat et de vente d'automobiles usagées, il recevait des acheteurs une partie de la contrepartie en espèces et le reste sous forme de chèques. Selon l'appelant, la partie reçue en espèces était utilisée pour défrayer les réparations de véhicules. Il a affirmé qu'il achetait des automobiles provenant de recycleurs. Les taxes n'étaient pas perçues sur le coût des réparations puisqu'elles étaient incluses dans le prix des réparations. Les montants reçus en argent liquide pour le compte de l'appelante n'étaient pas l'objet d'inscriptions dans les livres comptables de cette dernière, selon le témoignage même de l'appelant. Ces argents liquides étaient apportés chez l'appelant pour être mis dans des enveloppes à sa résidence.

[115]        L'appelant a aussi reconnu qu'il n'avait pas informé le comptable de l'appelante de cette façon de procéder quant à la réception des argents liquides.

[116]        Dans les circonstances de la présente affaire, quel pourrait être le motif de l'appelant de ne pas comptabiliser l'argent liquide si ce n'est de dissimuler une partie du revenu de l'appelante et de permettre à l'appelant de s'approprier ces argents et de ne pas les inclure dans son revenu?

[117]        Aux fins d'illustration, j'aimerais traiter de deux transactions spécifiques.

[118]        Je me réfère en premier lieu à la vente par l'appelante à madame France Lemarier d'une voiture Camaro, le 5 mai 1990, pour le prix de 13 799,98 $ dont la somme de 6 700 $ a été versée en espèces. Selon madame Lemarier, elle a payé de cette façon à la suggestion de l'appelant afin d'éviter le paiement des taxes. L'appelant a affirmé qu'habituellement il utilisait l'argent reçu pour payer les réparations sur une autre voiture. Dans le cas spécifique des argents reçus de madame Lemarier il ne pouvait pas se rappeler ce qu'il avait fait avec les 6 700 $ qui lui furent versés en espèces. Ainsi, l'appelant lui-même n'a pas été catégorique sur l'utilisation des argents liquides reçus lors de cette transaction.

[119]        Il n'est pas sans intérêt de noter que madame Lemarier a témoigné qu'elle a même déterminé lors de l'achat de sa voiture le montant ¾ payable en espèces ¾ qui ne figurait pas au contrat. Comment soutenir que ce montant pouvait coïncider exactement avec le coût des réparations défrayé par l'appelante à l'égard de ce véhicule?

[120]        J'en arrive à un deuxième exemple. Il s'agit de la vente d'un véhicule le 6 octobre 1990 par l'appelante à Transport AGM inc. Du témoignage de madame Dubé, qui agissait pour cette dernière société, il ressort que du prix de vente de 20 165 $, la somme de 15 000 $ a fait l'objet d'un contrat de financement et que le solde de 5 165 $ fut versé en argent liquide. En ce qui concerne le versement de la somme de 15 000 $, madame Dubé a fait les chèques relatifs aux paiements échelonnés des tranches de cette somme à l'ordre personnel de l'appelant et non de l'appelante, conformément à la demande de l'appelant. L'appelant a expliqué lors de son témoignage qu'il déposait ces paiements mensuels à son compte de banque personnel. En attendant que tous les versements aient été effectués, l'appelant remettait le produit des chèques dans une enveloppe. Il avait l'intention de déposer la totalité des paiements mensuels au compte de banque de l'appelante mais a admis avoir utilisé la somme pour ses dépenses personnelles. Quant au montant de 5 165 $ versé en espèces lors de cette même transaction, l'appelant a été plutôt vague sur l'utilisation du montant en question. Lorsqu'on lui a demandé s'il avait payé des réparations pour ce véhicule, l'appelant a admis avoir effectué un tel paiement alors qu'il avait déclaré auparavant qu'il avait probablement conservé ce montant.

[121]        L'appelant a admis que la somme de 15 000 $ qui se rattache au contrat de financement avec Transport AGM inc. n'a pas été enregistrée aux livres comptables de l'appelante ni incluse dans son revenu. Je ne peux croire qu'il s'agit là d'une simple omission comptable.

[122]        Même si je ne tenais compte que du seul témoignage de l'appelant, il ressort des modalités des deux transactions auxquelles je viens de me référer qu'il est indiscutable que la totalité des argents liquides reçus par l'appelant n'a pas été utilisée uniquement pour défrayer le coût des réparations des voitures usagées.

[123]        Concernant la crédibilité des témoignages, je me suis rappelé les propos fort justes du professeur Ducharme, dans son ouvrage précité, à la page 154 :

Lorsqu'il s'agit d'apprécier la valeur d'un témoignage, ce sont les facteurs qui régissent la crédibilité des témoins qui importent et notamment les facteurs suivants : les moyens de connaissance du témoin, son sens d'observation, ses raisons de se souvenir, son expérience, la fidélité de sa mémoire et son indépendance par rapport aux parties en cause. Il incombe à celui qui cite un témoin de faire apparaître les facteurs favorables à sa crédibilité et à la partie adverse de mettre en lumière les facteurs défavorables. Ces facteurs défavorables peuvent se rapporter, entre autres, à la moralité du témoin. Ainsi, dans une affaire particulière, un tribunal a retenu comme facteur défavorable à la crédibilité d'un témoin sa propension à chercher à se soustraire à ses obligations fiscales 664.

_______________________

664                  B.C. c. Dames S.S. et les Héritiers de Dame S.S., (1988)12 Q.A.C. 266.

[124]        J'ai examiné le comportement de l'appelant durant sa déposition et j'ai aussi scruté son témoignage qui était évasif à certains moments. J'ai également décelé un certain nombre de contradictions. En considérant la question de la crédibilité de l'appelant, je n'ai pas besoin de rappeler qu'il a plaidé coupable à un chef d'accusation portant sur le recel d'autos durant les années en cause.

[125]        Somme toute, j'ai conclu que son témoignage n'était pas crédible.

[126]        La preuve offerte par les agents Martin et Roberge tendant à établir que les véhicules dont il est question dans ces Motifs du jugement avaient été volés et, en plus, n'étaient pas accidentés au moment de leur acquisition par l'appelante ne me paraît pas satisfaire à certains égards aux critères relatifs à l'admissibilité de la preuve par ouï-dire et à la règle de la meilleure preuve. En tout état de cause, il n'est pas nécessaire que je me prononce définitivement sur l'admissibilité de cette preuve étant donné la conclusion à laquelle j'en arrive par ailleurs quant à la disposition des présents appels.

[127]        Je conclus que le ministre du Revenu national avait droit de cotiser les deux appelants à l'égard de leurs années d'imposition 1990 et 1991 parce qu'il est incontestable, d'après la preuve, que les appelants ont fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire. En effet, de l'aveu même de l'appelant, l'appelante n'a pas fait état dans ses déclarations de revenu des montants reçus en argent liquide lors des transactions en cause. Quant à l'appelant, il s'est approprié des fonds de l'appelante. Cette preuve a été établie de façon directe dans le cas de l'année d'imposition 1990 si on se reporte aux deux transactions discutées antérieurement. Quant à l'année d'imposition 1991, j'infère de l'ensemble de la preuve relative aux ventes de véhicules qu'il est probable qu'il y a eu appropriation de fonds par l'appelant des argents liquides qu'il a reçus durant l'année en question et qu'il conservait à sa résidence.

[128]        J'en suis venu à la conclusion que l'intimée s'est déchargée du fardeau de la preuve qui lui incombait, qu'il est vraisemblable que l'appelante n'a pas déclaré la totalité de ses revenus pour ses années d'imposition 1990 et 1991 et que l'appelant s'est approprié une partie des fonds de l'appelante durant ces deux mêmes années. Le ministre du Revenu national avait donc le droit de cotiser les deux appelants à l'égard des années d'imposition 1990 et 1991.

[129]        Sur l'ensemble de la preuve relative aux cotisations pour les années d'imposition 1990, 1991, 1992 et 1993 dans le cas de l'appelant et les années d'imposition 1990, 1991 et 1992 pour ce qui est de l'appelante, je suis persuadé que les hypothèses du Ministre relativement aux sommes non déclarées par l'appelante et aux montants appropriés par l'appelant n'ont pas été réfutées. De fait, j'ai conclu que la preuve démontre nettement que l'appelante n'a pas déclaré tous ses revenus pour les années en cause et qu'il y a eu appropriation de fonds par l'appelant durant les quatre années ci-dessus mentionnées.

[130]        Je n'attache pas foi notamment aux témoignages de certains fournisseurs de voitures à l'appelante, en particulier, à celui de monsieur Édouard Tessier. Je note en particulier que ce dernier a d'abord déclaré qu'il avait eu un revenu brut de 50 000 $ pour l'année d'imposition 1990. Confronté avec sa déclaration de revenu pour l'année 1990, il s'est ravisé et a reconnu ne pas avoir fait mention de ce revenu brut dans sa déclaration de revenu pour l'année en question. Il n'a pas non plus indiqué qu'il travaillait à son compte au cours des années 1990 et 1991 lors de ses demandes de prestations d'assurance-chômage. Ces fournisseurs, du moins la plupart d'entre eux, avaient un intérêt personnel à ne pas causer de préjudice aux appelants lors de leurs dépositions dans la présente affaire.

[131]        Il me reste à examiner la question des cotisations de pénalités à l'endroit des deux appelants.

[132]        Il est incontestable d'après la preuve notamment de l'aveu même de l'appelant que le système de comptabilité de l'appelante était totalement inadéquat. Les sommes reçues en espèces des clients de l'appelante lors de l'acquisition de leur voiture n'étaient pas comptabilisées. Il s'agissait de sommes substantielles et cet élément représentait une partie importante de chacune des transactions en cause durant les années d'imposition en litige. De toute évidence, il s'agit de faux énoncés et d'omissions volontaires de la part des appelants. Le fait qu'une certaine partie de ces argents liquides était utilisée pour défrayer le coût des réparations, en supposant que cela soit vrai, ne peut évidemment pas justifier le manquement à ne pas reproduire intégralement les données comptables à ce sujet. Les deux appelants ont omis sciemment de déclarer tout leur revenu durant les années en cause.

[133]        Les cotisations de pénalités imposées en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu à l'égard des deux appelants sont donc justifiées. Le ministre du Revenu national s'est déchargé du fardeau de preuve prévu par le paragraphe 163(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

[134]        Les appels des appelants des cotisations du ministre du Revenu national interjetés à l'égard des années d'imposition en litige sont rejetés, avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 11e jour de mai 2001.

" Alban Garon "

J.C.C.C.I.



[1] À la page 151 des notes sténographiques du 18 novembre 1998 on mentionne la somme de 1 350 $ comptant, mais je crois que c'est une erreur.

[2] Le nom de monsieur Houle n'est pas mentionné explicitement, mais on peut déduire que c'est sa voiture puisqu'il est question d'une voiture " 90 Pontiac Sunbird " (notes sténographiques du 20 novembre 1998 à la page 83).

[3] Sugden v. Lord St. Leonards, (1876) 1 P.D. 154, [1875-80] All E.R. 21 (C.A.) à la page 240 (P.D.); Sopinka, Lederman & Bryant, supra, à la page 188.

[4] Sopinka, Lederman & Bryant, supra, aux pages 187-88.

[5] (1990) 2 R.C.S. 531. Dans l'arrêt Khan, une affaire d'aggression sexuelle, la Cour suprême a dû déterminer la recevabilité de déclarations faites par une fille de quatre ans et demi à sa mère peu après l'événement. Le juge de première instance avait statué que le témoignage direct de l'enfant était irrécevable.

[6] (1992) 2 R.C.S. 915. Dans l'affaire Smith, la Cour suprême a dû déterminer la recevabilité de déclarations faites par la victime durant la nuit où elle a été assassinée.

[7] Sopinka, Lederman & Bryant, supra, aux pages 1015-18.

[8] [1930] S.C.R. 416.

[9] L.R.C. 1985, c. C-5.

[10] Sopinka, Lederman & Bryant, supra, aux pages 1018-19.

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