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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2001-1579(GST)I

ENTRE :

JAMES G. ALVEBERG,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

  

Appel entendu le 6 septembre 2001, à Kelowna (Colombie-Britannique), par l'honorable juge Campbell J. Miller

Comparutions

Représentant de l'appelant :                  l'appelant

Avocate de l'intimée :                          Me Kristy Foreman-Gear

JUGEMENT MODIFIÉ

L'appel du Relevé détaillé de réajustement - Douanes Canada, établi en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, daté du 11 avril 2001 et portant le numéro 00000620567716 est accueilli, et l'affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation selon les motifs du jugement modifiés ci-joints.

Ce jugement modifié et ces motifs du jugement modifiés remplacent le jugement et les motifs du jugement rendus le 18 septembre 2001.

Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour de d'octobre 2001.

« Campbell J. Miller »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 7e jour de mars 2003.

Mario Lagacé, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date: 20011025

Dossier: 2001-1579(GST)I

ENTRE :

JAMES G. ALVEBERG,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT MODIFIÉS

Le juge Miller, C.C.I.

[1]      M. Alveberg est l'heureux propriétaire d'un véhicule plutôt unique - une voiture familiale Ford 1935 dont la carrosserie est faite de bois. Il avait amené le châssis de l'automobile en Californie, où Heiden's Woodworking de Carlsbad, Californie ( « Heiden » ) avait construit la caisse de bois. Lorsque M. Alverberg avait ramené l'automobile au Canada, on avait établi à son égard une cotisation de taxe sur les produits et services ( « TPS » ) s'élevant à 2 519,36 $ (CAN), montant fondé sur la valeur de l'automobile, soit 24 477,57 $ (US), qui était la somme que M. Alveberg avait versée à Heinden pour les matériaux (3 012,07 $ (US)) et la main-d'oeuvre (21 465,50 $ (US)). M. Alveberg interjette appel de la cotisation en se fondant sur le fait que les frais de main-d'oeuvre sont exonérés selon la définition de « fourniture taxable importée » figurant au sous-alinéa 217a)(iv) de la Loi sur la taxe d'accise (la « Loi » ). Le ministre soutient que les matériaux et la main-d'oeuvre constituent des « produits » visés par l'article 212 de la Loi.

[2]      M. Alveberg avait acquis les restes d'une voiture familiale Ford 1935 à un moment donné en 1996. Il avait achevé le châssis, installé un moteur, une transmission et une direction et construit le plancher. En mars 2000, il avait amené le châssis chez Heiden. M. Alveberg a témoigné qu'il avait déjà fait affaire avec Heiden et qu'il avait été satisfait des résultats. Il a également indiqué qu'il n'avait pu trouver au Canada une entreprise qui pouvait faire le même travail. Avant de transporter le véhicule en Californie, il l'avait démonté en enlevant la direction, le moteur et la transmission. De mars à octobre 1996, Heiden avait construit une caisse de bois qu'elle avait installée sur le châssis. D'après les photos fournies par M. Alveberg, il semble que la caisse de bois s'étend uniquement du pare-brise avant jusqu'à l'arrière de la voiture. Heiden avait fait le travail d'après des modèles des pièces originales du véhicule de 1935. La facture de Heiden s'élevait à 24 477,57 $ (US), soit 3 012,07 $ (US) pour le bois, le vernis et les matériaux et 21 465,50 $ (US) pour la main-d'oeuvre. Le 8 octobre 2000, M. Alveberg ramenait le véhicule au Canada sur une remorque. À la frontière de Osoyoos (Colombie-Britannique), on avait établi à son égard une cotisation de 2 519,36 $ fondée sur la valeur en douane du véhicule, soit 35 993,83 $ (l'équivalent canadien de 24 477,57 $). Il avait soutenu que, d'après ses expériences antérieures, aucune TPS n'était exigible, mais l'agent des douanes avait insisté pour que M. Alveberg paie les droits, ce qu'il avait fait. La valeur du produit aux termes de l'article 215 de la Loi était fondée sur la valeur transactionnelle déterminée en conformité avec les articles 47 et 48 de la Loi sur les douanes, soit en l'espèce, le prix payé et à payer.

[3]     L'appelant avait déjà vécu une expérience semblable en 1993, lorsque Heiden avait effectué des travaux sur une Ford 1939. À cette époque, il avait interjeté appel de la cotisation de TPS et, en bout de ligne, il n'avait été imposé que sur la valeur des matériaux. Le ministre soutient que le remboursement de TPS de 1993 constitue une erreur.

[4]      La question à trancher est celle de savoir si les frais de main-d'oeuvre engagés en Californie sont visés par la valeur des produits aux termes du paragraphe 215(1) de la Loi ou si, comme le soutient l'appelant, ils constituent l'une des exceptions prévues au sous-alinéa 217a)(iv) et applicables aux « fournitures taxables importées » . L'article 215 fait partie de la section III de la partie IX de la Loi, tout comme l'article 212. Ces deux dispositions se lisent comme suit :

212.      Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, le redevable de droits imposés, en vertu de la Loi sur les douanes, sur des produits importés, ou la personne qui serait un redevable si les produits étaient frappés de droits, est tenu de payer à Sa Majesté du chef du Canada une taxe de 7 % sur la valeur des produits.

215.(1) Pour l'application de la présente section, la valeur des produits est réputée égale au total des montants suivants :

a)          la valeur des produits, déterminée aux termes de la Loi sur les douanes aux fins du calcul des droits imposés sur les produits selon un certain pourcentage, que les produits soient ou non frappés de droits;

b)          le total des droits et taxes payables sur les produits aux termes du Tarif des douanes, de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, de la présente loi (sauf la présente partie) et de tout autre texte législatif concernant les douanes.

[5]      De toute évidence, ces dispositions traitent de « produits » : des produits frappés de droits aux termes de la Loi sur les douanes ou des produits à l'égard desquels une personne serait redevable de droits aux termes de la Loi sur les douanes si ces produits étaient frappés de droits. Dans le cas de M. Alveberg, Douanes Canada avait déterminé que les produits étaient frappés de droits aux termes de la Loi sur les douanes, mais qu'ils en étaient exonérés conformément au régime tarifaire applicable aux États-Unis. La Couronne soutenait que le « produit » en cause était le véhicule à moteur. L'avocate de l'intimée m'a renvoyé à l'article 19 du Tarif des douanes, qui se lit comme suit :

19 (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi et de la Loi sur les douanes ainsi que de leurs textes d'application, il est imposé et perçu sur les marchandises dénommées ou visées à l'annexe I, lors de leur importation, les droits de douane applicables à ces marchandises en vertu de cette annexe ou de l'article 46 et exigibles conformément à la Loi sur les douanes.


(2)         Les taux de droits de douane prévus à l'annexe I ou à l'article 46 et les droits de douane imposés en vertu de la présente loi peuvent être modifiés, notamment par majoration, réduction ou annulation, conformément soit à la présente loi ou à une autre loi fédérale, soit à leurs textes d'application.

[6]      L'avocate m'a également renvoyé au numéro 87.03 de l'annexe 1, qui vise les « voitures de tourisme et autres véhicules automobiles principalement conçus pour le transport de personnes, y compris les voitures du type « break » et les voitures de course » .

[7]      Elle me demande d'en tirer la conclusion que le châssis qu'on avait remis à M. Alveberg, muni d'un cadre de bois sur une partie du véhicule - mais sans les composantes mécaniques, le capot, le toit fini ni les autres éléments manquants -, est visé par la catégorie des « véhicules automobiles, y compris les voitures du type « break » » . Je crois qu'il s'en faut de beaucoup pour que l'on puisse considérer que le châssis appartient à une telle catégorie. Le véhicule était tout au plus partiellement achevé; il ne s'agissait certainement pas d'un produit fini. Il ne pouvait pas être conduit et, d'après les photos, il semble qu'on ne pouvait même pas s'y asseoir. Je conclus que le véhicule, dans l'état dans lequel il se trouvait au moment où M. Alveberg l'avait ramené au Canada, n'était pas visé par le numéro 87.03 de l'annexe 1. Il reste toujours à trancher la question de savoir si la caisse de bois constituait un « produit » frappé de droits, même si l'avocate de l'intimée ne m'a renvoyé à aucun autre numéro de l'annexe 1 pour m'aider.

[8]      L'annexe 1 du Tarif des douanes comporte le numéro 87.08, qui vise les parties et accessoires des véhicules automobiles, y compris les autres parties et accessoires de carrosseries. Bien que le châssis muni de la caisse de bois ne soit pas, ainsi que je l'ai déterminé, un véhicule à moteur pour l'application du numéro 87.03 de l'annexe 1, il ne fait aucun doute qu'il devait devenir un véhicule à moteur à son retour au Canada après avoir été assemblé de nouveau. La caisse de bois est donc visée par la catégorie des « parties [...], y compris les parties [...] de carrosseries » . Toutefois, il ne s'agit pas là du fondement de la cotisation établie à l'égard de M. Alveberg.

[9]      L'article 217 de la Loi fait partie de la section IV de la partie IX. L'article 218 de la Loi fait également partie de cette section et se lit comme suit :

218.      Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, l'acquéreur d'une fourniture taxable importée est tenu de payer à Sa Majesté du chef du Canada une taxe calculée au taux de 7 % sur la valeur de la contrepartie de la fourniture.

[10]     Le sous-alinéa 217a)(iv) de la Loi est ainsi libellé :

217.      Dans la présente section, sont des fournitures taxables importées :

a)          Fourniture taxable, sauf une fourniture détaxée ou visée par règlement, d'un service effectuée à l'étranger au profit d'une personne qui réside au Canada, à l'exclusion de la fourniture d'un service qui, selon le cas :

[...]

iv)        constitue un service, sauf un service de dépositaire ou de propriétaire pour compte relatif à des titres ou des métaux précieux de la personne, relatif à un bien meuble corporel qui :

(A)        soit est situé à l'étranger au moment de l'exécution du service [...]

[11]     De toute évidence, cette disposition traite de la fourniture de services. On peut alors se demander à quelle catégorie appartiennent exactement les frais de main-d'oeuvre relatifs à la caisse de bois construite pour l'automobile : s'agit-il de « produits importés » ou s'agit-il d'une exception prévue à l'article 217 de la Loi à l'égard d'une « fourniture taxable importée » ? Je ne suis pas convaincu, comme je l'ai indiqué précédemment, que les produits en question peuvent être assimilés à un véhicule à moteur. Ces produits sont simplement constitués de bois formant une partie de la carrosserie d'une voiture, plus pertinemment visés au numéro 87.08 de l'annexe 1. La Loi donne au terme « produit » le même sens que celui donné au terme « marchandises » dans la Loi sur les douanes (en anglais, « goods » dans les deux lois), ce qui ne nous aide guère davantage puisque cette définition indique que les marchandises s'entendent notamment des moyens de transport et des animaux. Rien dans la définition, ni dans le sens ordinaire, du terme « produits » - en tant que biens meubles corporels - n'exige une décomposition des produits entre ses différents éléments, soit en l'espèce les matériaux et la main-d'oeuvre. Lorsqu'un nouveau véhicule est acheté, le prix d'achat vise à la fois les matériaux et la main-d'oeuvre; on n'indique pas à l'acheteur la partie du prix qui est imputée à la main-d'oeuvre. Toutefois, il ne s'agissait pas en l'espèce d'un nouveau véhicule; pour faire une analogie avec les améliorations domiciliaires, il s'agissait de rénovations majeures. Le propriétaire d'une maison n'achète pas une nouvelle cuisine mais achète les pièces et matériaux nécessaires et paie à part les services d'un concepteur de cuisines et d'une personne chargée de rénover la cuisine en installant pièces et matériaux selon une disposition particulière et unique. Il s'agit là davantage de la fourniture de services que de la fourniture de produits. En l'espèce, M. Alveberg avait fourni un châssis et acheté des matériaux, puis avait dépensé une somme considérable pour obtenir l'expertise de constructeurs d'automobiles capables de fabriquer une caisse de bois, expertise qu'on ne pouvait trouver au Canada. Je conclus que le paiement des frais de main-d'oeuvre s'apparentait à la fourniture d'un service.

[12]     Malgré cette conclusion, j'aimerais examiner les dispositions traitant de la détermination de la valeur des produits, en vue de me convaincre que le libellé ne vise pas les frais de main-d'oeuvre dans ce type de situation. Ainsi, en présumant que la composante en bois du véhicule - par opposition au véhicule lui-même - n'est pas visée par la classification de « produits » frappés de droits quelconques, je dois alors, en conformité avec le paragraphe 215(1) de la Loi, me reporter à la Loi sur les douanes pour déterminer la valeur sur laquelle la TPS serait appliquée et pour décider si cette valeur comprend les frais de main-d'oeuvre. L'article 47 de cette loi indique que la valeur en douane est déterminée d'après la valeur transactionnelle dans les conditions prévues au paragraphe 48(4), qui se lit comme suit :

48(4)     Dans le cas d'une vente de marchandises pour exportation au Canada, la valeur transactionnelle est le prix payé ou à payer, ajusté conformément au paragraphe (5).

[13]     Ce paragraphe renvoie au prix payé ou à payer, lequel est défini comme suit au paragraphe 45(1) :


45 (1)    [...]

« prix payé ou à payer » En cas de vente de marchandises pour exportation au Canada, la somme de tous les versements effectués ou à effectuer par l'acheteur directement ou indirectement au vendeur ou à son profit, en paiement des marchandises.

[...]

[14]     La somme versée au titre de la main-d'oeuvre constitue-t-elle un versement effectué « directement ou indirectement [...] en paiement des marchandises » ? Comme je l'ai déterminé ci-devant, seule la composante en bois du véhicule est assimilée à des « marchandises » . Je conclus que le paiement des frais de main-d'oeuvre ne se rapporte pas à des marchandises. Les frais de main-d'oeuvre ont été engagés aux fins de l'assemblage des produits faisant partie du véhicule, mais le paiement a été effectué à l'égard de la main-d'oeuvre spécialisée et non des produits. Supposons que M. Alveberg conduisait une vieille voiture, dont une partie était faite en bois, qui devait être réparée d'urgence alors que l'appelant se trouvait en Californie, et que celui-ci avait rencontré un expert réparateur de voitures capable de faire des caisses de bois, et supposons qu'il avait profité de l'occasion pour faire faire par l'expert des réparations importantes et qu'il avait ensuite continué son voyage de retour au Canada. Il s'agit d'un service portant sur un bien meuble corporel qui était situé à l'extérieur du Canada au moment où le service avait été fourni. Il ne s'agit pas de l'achat d'une automobile conclu entre un acheteur et un vendeur. J'ai de la difficulté à me représenter Heiden comme le vendeur d'un véhicule, par opposition à un simple vendeur de pièces devant être installées sur l'automobile. La véritable valeur de Heiden correspondait à la fourniture de services de main-d'oeuvre par un expert. En réalité, M. Alveberg achetait de l'expertise qu'il ne pouvait trouver au Canada, et non des marchandises. On peut dire que le coût des matériaux était accessoire à la fourniture du service spécialisé, et non que le coût de la main-d'oeuvre spécialisée faisant partie intégrante du coût des marchandises. Je conclus que les frais de main-d'oeuvre en cause ne sont pas directement visés par les articles 45 et 48 de la Loi sur les douanes.

[15]     Je conclus que les frais de main-d'oeuvre ne font pas partie intégrante du coût des produits / marchandises, mais qu'ils se rattachent plutôt à la fourniture d'un service. Il s'agit donc d'une exception visée au sous-alinéa 217a)(iv) de la Loi, qui exige :

          (i)       qu'il s'agisse d'un service;

          (ii)       que le service se rapporte à un bien meuble corporel;

(iii)      que le bien soit situé à l'étranger au moment de l'exécution du service.

[16]     À première vue, les circonstances de fait semblent en l'espèce cadrer parfaitement avec l'exception ci-dessus mentionnée. La main-d'oeuvre employée pour construire la caisse de bois correspondait à un service, le bien était un bien meuble corporel et, au moment de l'exécution du service, le bien était de toute évidence situé à l'extérieur du Canada.

[17]     L'avocate de la Couronne soutenait que, si je retenais la position de l'appelant selon laquelle le paiement relatif à la main-d'oeuvre spécialisée constituait une exception visée au sous-alinéa 217a)(iv) de la Loi, j'inciterais les Canadiens à faire faire aux États-Unis des travaux - ainsi exonérés de la TPS - qui seraient frappés d'une TPS s'ils étaient effectués au Canada. M. Alveberg a catégoriquement maintenu qu'il s'était rendu aux États-Unis uniquement parce qu'il n'avait pu trouver un Canadien capable d'effectuer le travail en cause. La situation en l'espèce se limite assurément au cas d'une expertise étrangère qui n'était pas offerte au Canada.


[18]     Je conclus que les frais de main-d'oeuvre spécialisée tombent sous le coup de la catégorie de la fourniture d'un service, par opposition à celle de la fourniture de produits. Ainsi, je me reporte à l'article 217 de la Loi et conclus que ces frais sont visés par l'exception prévue à l'alinéa 217a)iv). En l'espèce, la question du coût des matériaux n'ayant pas été soulevée, je ne me prononcerai pas à cet égard. J'accueille l'appel et renvoie l'affaire au ministre du Revenu national pour nouvelle cotisation en tenant compte du fait qu'aucune TPS n'est exigible sur les frais de main-d'oeuvre de 21 465,50 $ (US).

         Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour d'octobre 2001.

« Campbell J. Miller »

J.C.C.I

Traduction certifiée conforme

ce 7e jour de mars 2003.

Mario Lagacé, réviseur


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