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Date: 20011019

Dossier: 98-9176-GST-I

ENTRE :

DENIS MARCEAU,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

___________________________________________________________________

Motifsdu jugement

(prononcés oralement à l'audiencele 25 août 2000 à Montréal (Québec)

et modifiés pour les rendre plus clairs et plus complets)

Le juge Pierre Archambault, C.C.I.

[1]            Monsieur Marceau conteste une cotisation établie par le ministre du Revenu national (ministre) le 11 décembre 1992 en vertu de l'article 323 de la Loi sur la taxe d'accise (Loi). Par cette cotisation, le ministre tient monsieur Marceau responsable, comme administrateur de Dualco Inc. (Dualco), d'un montant de taxe nette que devait Dualco au ministre en vertu de la Loi pour la période du 1er août 1991 au 31 mai 1992 (période pertinente).


[2]            Comme motifs de sa contestation, monsieur Marceau soulève les points suivants dans son avis d'appel :

a) la cotisation n'a pas tenu compte des crédits sur intrants (CTI) lors de l'achat des marchandises;

b) la cotisation ne tient pas compte des montants réels de taxe sur les produits et services (TPS) perçus par Dualco, mais est fondée sur une projection faite à partir de données relatives à une autre période;

c) la cotisation ne tient pas compte de créances de 116 000 $ et de 60 000 $ que Dualco ne pouvait recouvrer de deux entreprises, Hydrogain et André Boucher Climatisation;

d) monsieur Marceau affirme n'avoir tiré personnellement aucun avantage des sommes dues par Dualco au ministre et il s'oppose à tout intérêt et à toute pénalité sur les montants exigés injustement dans la cotisation;

e) il a agi avec diligence raisonnable en exerçant sa charge d'administrateur de Dualco.

Faits

[3]            Au début de l'audience, monsieur Marceau a admis tous les faits suivants apparaissant au paragraphe 5 de la Réponse à l'avis d'appel, à l'exception de ceux énoncés aux alinéas g) et i) :

b)             l'appelant était administrateur de la corporation Dualco Inc. pendant la période pertinente au présent litige;

c)              la compagnie Dualco Inc. est un inscrit durant les périodes en litige;

d)             la compagnie Dualco Inc. a été incorporée sous l'autorité de la loi fédérale le 8 mars 1990;

e)              la compagnie Dualco Inc. a exploité une entreprise dont le commerce consistait en la vente et la distribution d'équipement de chauffage et de climatisation jusqu'à l'automne 1992;

f)              le Ministre constate que tout au long de sa période d'activités commerciales, la compagnie Dualco Inc. n'a produit auprès du ministère du Revenu du Québec (ci-après le ministère) aucun rapport de T.P.S. et n'a remis aucun montant au titre de la taxe nette sur les produits et services;

g)             suite à une vérification sur la taxe sur les produits et services auprès de la corporation Dualco Inc., le ministère du Revenu du Québec a établi une cotisation en décembre 1992 afin de réclamer à l'inscrit des droits au montant de 30 921,49 $;

h)             le ou vers le 17 mars 1994, un certificat a été enregistré à la Cour fédérale en application des dispositions de l'article 316 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. 1985 c. E-15, à l'égard de la corporation Dualco Inc.;

i)               le ou vers le 17 mai 1994, le [sic] huissier instrumentant a confirmé le défaut d'exécution totale du bref à l'égard de la corporation Dualco Inc.;

j)               le ou vers le 9 décembre 1994, le Ministère a établi une cotisation en vertu des dispositions de l'article 323 de la Loi sur la taxe d'accise afin de réclamer à l'appelant un montant de 43 599,24 $ relativement à la dette fiscale de la corporation Dualco Inc.

[4]            Ont témoigné au cours de l'audience monsieur Marceau, son coadministrateur (monsieur Derome), le vérificateur du ministre et un conseiller fiscal du bureau du ministre à Longueuil. Leurs témoignages ont révélé les faits supplémentaires suivants.

[5]            Durant la période pertinente, messieurs Marceau et Derome détenaient en parts égales, par l'intermédiaire d'une société de portefeuille, les actions ordinaires de Dualco, et ils étaient les deux seuls administrateurs de cette dernière. Auparavant, il y avait eu un troisième actionnaire et administrateur, soit un certain André Boucher, mais Dualco a racheté ses actions et il a démissionné comme administrateur. Le prix de rachat de 50 000 $ pour les actions de monsieur Boucher aurait représenté une lourde charge pour les ressources financières de Dualco. Des comptes créditeurs de monsieur Boucher auraient servi à payer ses actions.

[6]            Au début de ses opérations, Dualco a effectué l'achat d'appareils de chauffage pour profiter d'un programme de subventions d'Hydro-Québec destiné à favoriser l'utilisation de la biénergie. Comme l'implantation de ce programme a subi un retard d'environ un an, Dualco a dû supporter des frais de stocks d'environ 40 000 $ pendant une période d'un an et demi. Les ventes n'ont débuté qu'à la fin de l'été 1991. C'est monsieur Marceau qui s'occupait à plein temps de promouvoir les ventes de Dualco tandis que monsieur Derome s'occupait de l'achat du matériel et de sa livraison, de même que de la gestion de cette société. Dualco a eu recours à un teneur de livres, un certain monsieur Asselin, pour préparer les factures de ses clients. Monsieur Asselin devait aussi calculer les montants de TPS et de TVQ que devaient payer ces clients. C'est également monsieur Asselin qui a effectué les démarches pour inscrire Dualco aux fins de la TPS.

[7]            Durant la période pertinente, Dualco a acheté des fournitures taxables pour une somme de 234 456 $, à laquelle il faut ajouter une somme de 16 411 $ comme TPS. Monsieur Marceau a fourni une feuille de travail à l'appui de cette information, mais aucune facture avec les renseignements requis par la Loi n'a été produite lors de l'audience. Au cours de sa vérification, le vérificateur du ministre a tenté d'obtenir ces factures de monsieur Asselin mais celui-ci a été incapable de les fournir, même dans le délai de 21 jours qui lui avait été accordé.

[8]            Pour la même période, monsieur Marceau a estimé le montant des ventes de Dualco à 217 199 $, auquel il faut ajouter une TPS de 15 203 $. Une très grande partie de ces ventes, soit 166 633 $, a été faite à Hydrogain. Sur cette somme, 100 906 $ n'ont pas été payés. Une lettre de mise en demeure a été envoyée par Dualco en avril 1992 et des poursuites judiciaires devant la Cour supérieure du Québec ont été entreprises en juin 1992. Une ordonnance intérimaire de cette cour en date du 30 avril 1993 oblige Hydrogain à verser une somme de 34 644 $ à Dualco et le solde de la réclamation devait faire l'objet d'une expertise comptable.

[9]            Cette somme de 34 644 $ n'a apparemment jamais été payée, pas plus que le reste de la réclamation. Monsieur Marceau a indiqué que Dualco avait abandonné sa poursuite vu l'impossibilité d'exécuter l'ordonnance et que tout espoir d'être payé était disparu. Pour les autres ventes, pour lesquelles elle a été payée, Dualco a perçu des montants de TPS qui, selon les calculs de monsieur Marceau, s'élevait à 8 140 $.

[10]Le vérificateur du ministre a rencontré monsieur Asselin, le représentant de Dualco, qui lui a fourni un sommaire des achats et des ventes, de même que les factures des ventes de Dualco à ses clients. L'analyse de ces factures a révélé au vérificateur que le total des ventes pour la période pertinente s'élevait à 415 857 $ alors que le sommaire du contribuable indiquait un chiffre de 439 210 $. Comme il n'y avait aucune facture pour le mois d'août et que le sommaire de monsieur Asselin montrait des ventes de 24 706 $, le vérificateur a retenu le chiffre du sommaire fourni par monsieur Asselin.

[11]Messieurs Marceau et Derome connaissaient leur obligation de verser la TPS au ministre. Mais comme Dualco avait épuisé toute sa marge de crédit et qu'il fallait payer les fournisseurs, ils ont d'un commun accord décidé de privilégier les comptes à payer les plus urgents, ce qui excluait, évidemment, le ministre.

[12]Le conseiller fiscal du ministre a témoigné pour déposer le rapport de l'huissier qui a confirmé avoir tenté en vain d'exécuter le certificat enregistré à la Cour fédérale et d'accomplir la saisie des biens de Dualco.

Analyse

[13]Pour les fins de cet appel, les dispositions législatives les plus pertinentes sont les suivantes. Il y a tout d'abord l'article 323 de la Loi qui édicte notamment ce qui suit :

                323(1) Les administrateurs de la personne morale au moment où elle était tenue de verser une taxe nette comme l'exige le paragraphe 228(2), sont, en cas de défaut par la personne morale, solidairement tenus, avec cette dernière, de payer cette taxe ainsi que les intérêts et pénalités y afférents.

              (2) L'administrateur n'encourt de responsabilité selon le paragraphe (1) que si :

    a)     un certificat précisant la somme pour laquelle la personne morale est responsable a été enregistré à la Cour fédérale en application de l'article 316 et il y a eu défaut d'exécution totale ou partielle à l'égard de cette somme. [...]

   

(3) L'administrateur n'encourt pas de responsabilité s'il a agi avec autant de soin, de diligence et de compétence pour prévenir le manquement visé au paragraphe (1) que ne l'aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances.

        [...]

                (5) L'établissement d'une telle cotisation pour un montant payable par un administrateur se prescrit par deux ans après qu'il a cessé pour la dernière fois d'être administrateur.

Le paragraphe 228(2) décrit l'obligation de verser la taxe nette au ministre :

                228(2)L'inscrit doit verser au receveur général, au plus tard le jour où la déclaration doit être produite, le montant positif de sa taxe nette pour la période de déclaration qui y est visée.

Le paragraphe 225(1) de la Loi définit ainsi le montant de la taxe nette :

                225(1)Sous réserve des autres dispositions de la présente sous-section, la taxe nette pour une période de déclaration donnée d'un inscrit correspond au montant, positif ou négatif, obtenu par la formule suivante :

A - B

                        où :

                        A représente le total des montants suivants :

                a) les montants devenus percevables et les autres montants perçus par l'inscrit au cours de la période donnée au titre de la taxe prévue à la section II;

        b)     [n'est pas pertinent]

                B le total des montants suivants :

                        a)     l'ensemble des montants dont chacun représente un crédit de taxe sur les intrants pour la période donnée ou une période de déclaration antérieure de l'inscrit, que celle-ci a demandé dans la déclaration produite en application de la présente section pour la période donnée;

                        b)     [reste n'est pas pertinent.]

[Je souligne.]

Au paragraphe 225(4), on précise le délai qu'il faut respecter pour demander les CTI :

                L'inscrit qui demande un crédit de taxe sur les intrants pour sa période de déclaration doit produire une déclaration en application de la présente section dans les quatre ans suivant le jour où il est tenu de produire pour cette période la déclaration prévue par la présente section.

[Je souligne.]

L'alinéa 169(4)a) de la Loi traite des documents qu'il faut obtenir pour pouvoir déduire les CTI :

                L'inscrit peut demander le crédit de taxe sur les intrants [...] pour une période de déclaration si, avant de produire la déclaration à cette fin:

a)       il obtient les renseignements suffisants pour établir le montant du crédit, y compris les renseignements visés par règlement.

Le paragraphe 231(1) indique à quel moment on peut réduire la taxe nette du montant de la taxe se rapportant à des créances irrécouvrables :

        231(1) La personne qui effectue une fourniture taxable, sauf une fourniture détaxée, dans le cadre d'une activité commerciale pour une contrepartie au profit d'une personne avec laquelle elle n'a aucun lien de dépendance, qui, conformément à la présente section, produit une déclaration concernant cette fourniture et qui verse la taxe prévue à la section II relativement à cette fourniture peut, dans la mesure où il est établi que tout ou partie de la contrepartie et de la taxe sont devenues une créance irrécouvrable, déduire, dans le calcul de la taxe nette pour sa période de déclaration où elle radie la créance de ses livres comptables ou pour une période de déclaration se terminant dans les quatre ans suivant la fin de cette période, un montant égal à la fraction de taxe de la créance radiée.

[Je souligne.]


Finalement, le paragraphe 280(1) de la Loi traite des pénalités et des intérêts :

                280(1) Sous réserve du présent article et de l'article 281, la personne qui ne verse pas un montant au receveur général au moment prévu par la présente partie est passible de la pénalité et des intérêts suivants, calculés sur ce montant pour la période commençant le lendemain du jour où le montant devait être versé et se terminant le jour du versement :

                a) une pénalité de 6 % par année;

                b) des intérêts au taux réglementaire.

[14] C'est monsieur Marceau qui avait la tâche d'établir la preuve des faits dont il avait connaissance, notamment ceux ayant trait à sa charge d'administrateur et ceux se rapportant à sa défense de diligence raisonnable. Par contre, il n'avait pas de fardeau de preuve relativement aux faits concernant Dualco : par exemple, ceux relatifs à l'existence de la dette fiscale de celle-ci, à l'enregistrement du certificat à la Cour fédérale par le ministre et au défaut d'exécution de ce certificat. C'est au ministre qu'incombait la preuve de ces faits.

[15]Tout d'abord, monsieur Marceau a admis qu'il était administrateur durant la période pertinente. De plus, la preuve a révélé que la cotisation du ministre a été établie dans le délai de deux ans prévu au paragraphe 323(5) de la Loi, puisque la cotisation est datée du mois de décembre 1992 et monsieur Marceau a admis qu'il était toujours administrateur durant la période pertinente et que cette période s'est terminée en mai 1992. Monsieur Marceau a aussi admis que le ministre avait enregistré le certificat à la Cour fédérale et la preuve du défaut d'exécution du certificat a été faite par l'intimée.

[16]Reste la question de la dette fiscale. Quelle est la preuve qu'a apportée le ministre à cet égard? À mon avis, il a fait une preuve prima facie selon la prépondérance des probabilités qu'il y a eu un montant de taxe nette impayé par Dualco. Le ministre a d'abord produit l'avis de cotisation visant la société. Toutefois, à mon avis, la seule production de cet avis n'aurait pas été suffisante si cela avait été le seul élément de preuve. Le témoignage du vérificateur du ministre a cependant révélé des faits supplémentaires. Il a été démontré que le vérificateur avait rencontré monsieur Asselin au 1475, rue Bégin à Saint-Laurent, soit l'adresse du lieu d'affaires de Dualco qui apparaît aux registres du ministre.

[17]Lors de son contre-interrogatoire du vérificateur, monsieur Marceau a insinué qu'à l'automne 1992 Dualco n'exploitait plus d'entreprise à cette adresse et qu'il pouvait s'agir du bureau d'Hydrogain. Monsieur Marceau n'a pas témoigné en contre-preuve pour établir ce fait. De plus, lors de son propre témoignage, monsieur Marceau a révélé que Dualco avait loué un local chez Hydrogain, que cette dernière avait gardé certains des registres appartenant à Dualco, et même que certains documents lui avaient été remis par une secrétaire d'Hydrogain qui avait avoué avoir reçu des directives de ne les remettre ni les divulguer ni à Dualco ni à ses administrateurs.

[18]Pour mieux comprendre la situation, il faut rappeler qu'il y a eu un recours devant la Cour supérieure en juin 1992 et qu'une ordonnance a été rendue en avril 1993, soit après la rencontre du vérificateur avec monsieur Asselin. Il est donc fort probable, même si Dualco n'avait plus son lieu d'affaires sur la rue Bégin, que le vérificateur a quand même pu rencontrer monsieur Asselin chez Hydrogain, où il a eu accès aux registres comptables de Dualco, et que monsieur Asselin a été en mesure de lui fournir les contrats de vente qu'il avait lui-même préparés, tel que le confirme monsieur Derome. Il faut aussi rappeler que c'est monsieur Asselin qui avait été chargé d'inscrire Dualco pour les fins de la TPS. Il n'est donc pas surprenant que monsieur Asselin a été traité comme la personne dûment mandatée pour représenter cette société.

[19]Le vérificateur a eu l'occasion de consulter les contrats de vente, qui, selon son témoignage, comprenaient un numéro de contrat. Sa feuille de travail nous fournit d'ailleurs ce renseignement de même que le montant du contrat, le nom du client, la date du contrat, ainsi que les montants de TPS. La feuille de travail révèle qu'il y a eu des factures de vente couvrant la période de septembre 1991 à avril 1992. Lors de son témoignage, monsieur Marceau a reconnu que les ventes de Dualco avaient pu débuter au mois de juillet ou août 1991 et s'étaient effectuées jusqu'en avril 1992. Il est donc raisonnable de croire qu'il y a eu des ventes par Dualco pour le mois d'août et que le vérificateur était justifié de les inclure au total des ventes pour la période pertinente en se fondant sur le sommaire du contribuable. De plus, il faut noter que les contrats de vente ont cessé en avril, même si le vérificateur a examiné la période se terminant au 31 mai 1992. L'ensemble de ces faits rend crédibles les données recueillies par le vérificateur du ministre.

[20]Le total des ventes vérifiées par le vérificateur s'élève à 439 210 $, ce qui correspond à un montant de TPS de 30 745 $ et non pas à celui établi par le ministre dans la cotisation, qui était de 30 921 $. Il y a donc une petite différence de 176 $ qui n'a pas été expliquée lors de l'audience. De plus, monsieur Marceau n'a pas présenté de preuve contraire qui pouvait contredire les montants indiqués au sommaire fourni par monsieur Asselin au vérificateur.

[21]Il n'y a pas non plus de preuve convaincante que les chiffres fournis par monsieur Marceau comme représentant le total des ventes traduisent mieux la réalité. Il faut se rappeler qu'aucune facture n'a été produite lors de l'audience. De plus, il n'y a pas eu de preuve qui a été présentée quant aux montants des CTI : aucune déclaration n'a été fournie au ministre, ni à la Cour. On n'a pas produit non plus de factures contenant les renseignements prescrits, qui permettraient de s'assurer que les montants de TPS ont effectivement été versés par Dualco. De plus, le délai de quatre ans pour faire la demande de ces CTI était déjà passé.

[22]Quant à l'allégation que le ministre n'aurait pas tenu compte d'une créance irrécouvrable de 100 906 $, je n'ai pas de preuve que la créance a été radiée durant la période pertinente et pas de preuve non plus que cette somme n'a pas fait l'objet d'une demande dans une déclaration produite ultérieurement par Dualco. Dans son avis d'appel, monsieur Marceau fait aussi référence à une créance irrécouvrable de 60 000 $ à l'égard de fournitures faites à André Boucher Climatisation. Lors de son témoignage, il n'a pas fourni de preuve convaincante relativement à cette créance impayée. Au contraire, il semble que Dualco a été payée puisqu'il y aurait eu compensation de cette créance par le prix de rachat des actions que monsieur Boucher détenait dans Dualco. Compte tenu de ces faits, il ne m'est pas possible de déterminer si un crédit pouvait être accordé relativement aux créances irrécouvrables. Par conséquent, à mon avis, le montant positif de la taxe nette s'élève à 30 745 $.

[23]Monsieur Marceau n'a pas réussi non plus à démontrer qu'en tant qu'administrateur il a agi avec soin et diligence durant les années pertinentes pour éviter le manquement de Dualco à l'obligation de remettre sa taxe nette due au ministre. Au contraire, il appert que cette société administrée par messieurs Marceau et Derome a en toute connaissance de cause utilisé les sommes de TPS perçues pour payer ses comptes les plus urgents, soit ceux de ses fournisseurs. Selon monsieur Derome, les deux administrateurs avaient décidé que Dualco utiliserait une partie des sommes de TPS perçues pour alimenter son fonds de roulement. Il faut ajouter aussi que Dualco n'a jamais présenté de déclaration de TPS au ministre et qu'elle n'a fait aucune remise de TPS pour la période pertinente.

[24]Même si monsieur Marceau n'avait pas connu ses obligations fiscales, cela n'aurait pas constitué un moyen de défense valide. Dans l'affaire Cadrin c. La Reine, 99 DTC 5079, le litige portait sur l'application de l'article 227.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu, qui est une disposition semblable à celle de l'article 323 de la Loi. Le juge Décary de la Cour d'appel fédérale y affirme aux pages 5080 et 5081 :

Le procureur de l'appelant a plaidé, dans un premier temps, que le seul fait qu'un administrateur externe ignore et ne prenne pas les moyens de connaître les obligations que la loi lui impose, suffit, selon Soper, à l'exonérer de toute responsabilité. Cet argument n'a aucun mérite. [...] Dans la mesure où la seule excuse de l'appelant aurait été une passivité totale découlant d'une ignorance totale, l'appelant n'aurait pu échapper à la responsabilité imposée par le paragraphe 3 de l'article 227.1.

[25]Dans Ruffo c. M.R.N., 2000 DTC 6317, une autre décision rendue par la Cour d'appel fédérale, on précise en quoi consiste le devoir d'un administrateur d'une société, à la page 6319 :

L'obligation de l'appelant en tant qu'administrateur était de prévenir et d'empêcher l'omission de payer les sommes dues et non de la commettre ou de la perpétuer comme il l'a fait à compter de mars 1992 dans l'espoir qu'en fin de compte l'entreprise renouerait avec la rentabilité et qu'il y aurait assez d'argent, même en cas de liquidation, pour payer tous les créanciers.

[26]À l'appui de sa décision, le juge Létourneau écrit :

Comme le disait le juge Vinelott en rapport avec l'obligation du dirigeant d'une compagnie d'effectuer les prélèvements et les remises ci-haut mentionnées :

Les administrateurs d'une société devraient conduire les affaires de celle-ci de telle manière qu'elle puisse satisfaire à ces obligations à l'échéance et ce non seulement parce que ces sommes ne sont pas gagnées par la société dans le cadre de ses activités commerciales, qu'elle est en droit de considérer comme son fonds de roulement . . . , mais, chose plus importante, parce que les administrateurs ne devraient pas financer les activités courantes de la société avec les sommes que cette dernière doit verser à Sa Majesté.

[27]Ainsi, le fait que monsieur Marceau n'a pas profité personnellement des montants de TPS conservés par Dualco n'est pas du tout pertinent pour les fins de l'application de l'article 323 de la Loi.

[28]Reste la question de la pénalité. Mon collègue le juge Bowman a reconnu dans certaines décisions qu'il est possible de soulever une défense de diligence raisonnable à l'encontre de l'application de cette pénalité. La Cour d'appel fédérale a confirmé cette interprétation dans l'affaire Attorney General of Canada v. Consolidated Canadian Contractors Inc., 98 GTC 6303. Je cite une partie du résumé du point en litige que l'on retrouve dans cette affaire :

In allowing C Inc.'s appeal in part ([1997] 5 GTC 1074), Bowman, T.C.C.J. of the Tax Court of Canada affirmed a portion of the GST assessed. He also found that C Inc. had done everything reasonable to ensure that the GST in issue had been properly collected and paid, and hence that it had shown due diligence. Then, as a matter of law, (applying his own reasoning in Pillar Oilfield Projects Limited v. The Queen ([1997] 2 GTC 1005), Bowman, T.C.C.J. concluded that the section 280 penalty was subject to a defence of due diligence, and hence that the taxpayer should be relieved of such penalty. The Crown applied to the Federal Court of Appeal for a judicial review of Bowman, T.C.C.J.'s findings.

[29]Ici, monsieur Marceau a été tenu responsable, en vertu de l'article 323, du paiement du montant positif de taxe nette et des intérêts et pénalités y afférents. Il faut donc déterminer si le ministre a imposé à bon droit la pénalité. Selon la preuve, c'est en toute connaissance de cause que les deux administrateurs ont décidé de ne pas remettre la TPS perçue et/ou à percevoir et qu'ils ont utilisé ces fonds pour alimenter le fonds de roulement de Dualco et payer les créanciers prioritaires de cette société. Il est donc clair que celle-ci n'a pas agi avec toute la diligence nécessaire pour remettre la taxe nette due au ministre. Par conséquent, la pénalité imposée en vertu de l'alinéa 280(1)a) est bien fondée. Les intérêts s'appliquent au montant de la taxe nette qui a été établi et il n'y a aucune raison de modifier ce calcul, si ce n'est pour tenir compte de la diminution que j'apporte au montant de la taxe nette.


[30]Pour ces motifs, l'appel est accueilli et la cotisation est déférée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant pour acquis que le montant de la dette fiscale de Dualco dont monsieur Marceau est solidairement responsable est de 30 745 $ et non pas 30 921 $, ce qui entraîne des modifications corrélatives quant au montant des intérêts et de la pénalité dû par cette société.

Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour d'octobre 2001.

" Pierre Archambault "

J.C.C.I.

NO DU DOSSIER DE LA COUR :        98-9176(GST)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                 DENIS MARCEAU

                                                                                                et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                      Montréal (Québec)

DATES DE L'AUDIENCE :                                 les 22, 23 et 25 août 2000

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :         L'honorable juge Pierre Archambault

DATE DU JUGEMENT :                      le 29 août 2000

COMPARUTIONS :

                Pour l'appelant :                                    L'appelant lui-même

                Pour l'intimé(e) :                                    Me Marc-André Côté

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

                Pour l'appelant(e) :

                                                Nom :                      

                                                Étude :                    

                                                                                               

                Pour l'intimé(e) :                                    Morris Rosenberg

                                                                                                Sous-procureur général du Canada

                                                                                                Ottawa, Canada

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