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Date: 20010727

Dossier: 2000-1181-IT-I

ENTRE :

HUBERT MORNEAU,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Tardif, C.C.I.

[1]            Il s'agit d'un appel relatif aux années d'imposition 1995, 1996 et 1997. Les cotisations ont été établies par la méthode de " l'avoir net ".

[2]            L'appel concerne également les pénalités ajoutées aux cotisations.

[3]            Au soutien de la preuve dont le fardeau lui incombait, à l'exception de la partie ayant trait aux pénalités, l'appelant et son épouse, Christine Tremblay, ont témoigné.

[4]            Responsable de l'administration sommaire de l'entreprise, madame Tremblay a été le principal témoin, l'appelant ayant essentiellement confirmé son témoignage en ajoutant quelques précisions et nuances et ce, tout particulièrement quant au prix payé pour l'acquisition d'un camion en décembre 1996 et d'une pelle mécanique aussi acquise en 1996.

[5]            Bien que manifestement bien préparée, madame Tremblay n'a pas témoigné d'une manière très précise; plusieurs réponses et observations étaient assez confuses et imprécises.

[6]            De façon générale, la preuve a ciblé particulièrement trois volets :

[7]            En premier lieu, madame a expliqué que la résidence familiale lui avait été transférée en 1984 ou 1986 des suites de la création de l'entreprise familiale pour la mettre à l'abri d'éventuelles difficultés financières.

[8]            Propriétaire de la résidence, l'épouse de l'appelant a soutenu que les revenus de loyers dont les montants annuels étaient quelque peu supérieurs à 4 000 $ pour chacune des années, devaient lui être attribués et non à son conjoint; à cet égard cependant, la preuve a révélé que l'appelant se les était attribués dans sa déclaration de revenus.

[9]            En second lieu, la conjointe de l'appelant a décrit les espaces disponibles de la résidence familiale; elle a ainsi affirmé que l'entreprise occupait ou bénéficiait de la moitié des lieux tant au niveau de l'intérieur par l'occupation d'une pièce pour le bureau et d'une partie de la cuisine et d'une grande partie du sous-sol; l'entreprise occupait également une partie du terrain extérieur en sus de la remise, pour le remisage et l'entreposage du matériel et de la machinerie requis pour l'entreprise. Sur cette question du partage de l'espace, l'épouse de l'appelant a chiffré à 50 pour-cent la surface dont jouissait l'entreprise et déterminé la valeur locative d'une telle usage à 500 $ par mois.

[10]          Finalement, madame Tremblay a mentionné que la cellule familiale avait un régime de vie très modeste et une vie sociale très simple et peu exigeante financièrement; elle a ainsi indiqué que leurs seules préoccupations étaient de sauvegarder les biens acquis, d'inculquer aux membres de la famille de bonnes valeurs et finalement, de gagner honorablement la vie des membres de la famille.

[11]          Ce sont là les points fondamentaux qui se dégagent du témoignage de madame Tremblay. L'appelant, quant à lui, a essentiellement confirmé le tout par son intervention.

[12]          Les contre-interrogatoires de l'appelant et de son épouse ont cependant fait ressortir plusieurs éléments défavorables à la thèse de l'appelant. Tout d'abord, il a été établi qu'un montant de 5 000 $ avait été attribué pour les déboursés relatifs à la nourriture devant servir à nourrir cinq personnes, dont trois jeunes personnes dans la vingtaine. Soutenir qu'il s'agit là d'un montant inapproprié ou exagéré ne fait pas très crédible ni vraisemblable.

[13]          La reconnaissance et l'admission, à l'effet que tant le camion que la pelle mécanique avaient été complètement payés, capital, taxes, frais et intérêts sur une période très courte, soit deux ans pour payer le camion à 9 500 $ plus taxes, plus intérêts et trois ans pour payer la pelle mécanique à 35 000 $ plus taxes, plus intérêts, discréditent totalement la thèse soutenue par l'appelant.

[14]          En effet, en plus de discréditer la preuve de l'appelant, cette seule réalité permet de comprendre pourquoi madame Denise Tremblay, comptable de l'entreprise, écrivait à la suite de la révision qu'elle était mandatée d'accepter le projet de cotisation. Il y a d'ailleurs lieu de reproduire le contenu de cette lettre : (pièce A-1)

À :                            Kaven Landry

                                                Vérificateur des dossiers d'entreprises, Revenu Canada

                Date:                        le 5 mars 1999

...

                Monsieur Landry,

               

                Mon client, monsieur Hubert Morneau, propriétaire unique de Morneau Excavation enr, me prie de vous faire part qu'il a pris connaissance et qu'il accepte votre projet de cotisation produit le 1er mars 1999, à l'exception du coût des dépenses de nourriture qui est manifestement plus bas selon lui. Il admet toutefois qu'il n'est pas en mesure de le prouver.

                Monsieur Morneau et son épouse vous présentent également une lettre par laquelle ils vous demandent d'être indulgents quant à l'application de la pénalité dont vous leur avez parlé.

               

                Quant à moi, je vous demande d'effectuer la cotisation le plus rapidement possible afin que je puisse prendre le relais avec les T2s(8) corrigées pour la production des déclarations d'impôt 1998. Je vous demande également d'être méticuleux pour l'attribution de l'ACC supplémentaire que vous accorderez afin que celle-ci annule véritablement des impôts à payer.

                Espérant le tout conforme, n'hésitez pas à me contacter pour tout renseignement supplémentaire dont vous pourriez avoir besoin.

                Denise Tremblay.

                Samson Bélair/Deloitte & Touche, S.E.N.C.

                Comptables agréés

[15]          En soi, la référence au contenu de cette lettre signée par la comptable de l'entreprise n'est pas nécessairement pertinente quant au bien-fondé de la cotisation. Cet indice est cependant devenu assez gênant lorsque l'appelant a lui-même admis avoir accepté et donné de telles instructions à sa comptable, croyant alors que les conséquences monétaires ne seraient pas aussi importantes que celles établies.

[16]          Répudier un tel mandat et refuser d'en assumer les conséquences parce que le coût conséquent à l'admission des données est supérieur aux attentes n'est pas valable, d'autant plus que la comptable Tremblay devait connaître les conséquences inhérentes à une telle acceptation.

[17]          La preuve de l'intimée, à qui le fardeau incombait quant aux pénalités imposées, a aussi permis de mieux comprendre le contenu et le pourquoi de la lettre de la comptable Tremblay.

[18]          En effet, la preuve a révélé que le travail des vérificateurs, tant au niveau de la vérification qu'au niveau de la révision ultérieure, avait été fait de manière judicieuse et surtout très généreuse. En effet, monsieur Étienne Sabourin, comptable agréé, responsable du dossier au moment de la révision, a indiqué avoir proposé et suggéré à l'appelant de réclamer les bénéfices de l'amortissement pour réduire son fardeau fiscal.

[19]          Bien que madame Tremblay a mentionné avoir été traumatisée par la durée et les propos du vérificateur, il appert de la preuve que la vérification qui s'est échelonnée sur trois semaines, a été faite et conduite d'une manière acceptable tout en respectant les règles de l'art.

[20]          La preuve a démontré que les vérificateurs avaient été indulgents et généreux dans le cadre de certaines attributions, dont notamment au niveau de la détermination de l'assiette ayant servi aux calculs pour la détermination des pénalités; il en fut ainsi au niveau des dépenses personnelles payées par l'entreprise. De plus, il a été admis et reconnu que l'entreprise avait occupé ou jouit d'une surface équivalente à 30 pour-cent de l'immeuble familiale ce qui était en soit réaliste, raisonnable et conforme à la preuve soumise devant ce Tribunal.

[21]          Il appert que les chiffres et données consignés ont été raisonnables et toujours compilés à la faveur et l'avantage de l'appelant, d'où je crois que l'appelant a plutôt bénéficié de la sympathie des vérificateurs et n'a pas été victime de sentiments vindicatifs et négatifs.

[22]          D'ailleurs, le Tribunal a pu remarquer que l'appelant et son épouse étaient, de toute évidence, de bonnes personnes courageuses mettant tout en oeuvre pour gagner honorablement leur vie. La comptabilité de l'entreprise n'était, par contre, pas adéquate et les revenus servaient à payer les dettes le plus rapidement possible. (dossier des acquisitions de camion et pelle mécanique)

[23]          L'entreprise opérait dans la confusion administrative; les revenus de l'entreprise étaient utilisés pour des dépenses personnelles d'où, sans doute, la nécessité d'un aussi long séjour pour faire la vérification. Le recours à la méthode de l'avoir net, fut requis parce que la comptabilité ne permettait pas la transparence, la cohérence et la vraisemblance.

[24]          Les divers constats révélés par la méthode de l'avoir net sont d'une qualité déterminante qui n'a pu être discréditée. Il suffit de rappeler que les écarts constatés faisaient en sorte que l'appelant, avec les revenus qu'il déclarait, ne pouvait même pas se permettre les dépenses minimales qu'il s'attribuait. En d'autres termes, les prétentions de l'appelant étaient mathématiquement impossibles et invraisemblables d'où il ne peut être fait droit à ses prétentions insoutenables mathématiquement.

[25]          Quant aux pénalités, j'avoue que si les montants non déclarés avaient été marginaux, j'aurais pu comprendre ou accepter certaines explications, mais la preuve a démontré qu'il en était tout autrement. En effet, il s'agissait de montants importants et ce, bien que les formules retenues pour les déterminer aient été généreuses, l'appelant et son épouse croyaient et croient encore, toujours sans doute, que les revenus imposables sont ceux dont une personne jouit.

[26]          Le fait de ne pas avoir en main les revenus identifiables par une comptabilité adequate, ne veut pas dire que ces mêmes revenus ne sont pas réels. Le fait de déclarer des revenus qui correspondent à moins de la moitié des revenus réels constitue sans l'ombre d'un seul doute, une faute lourde en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (la " Loi "). Évidemment, cela peut sembler difficile à comprendre si l'on croit sincèrement ne pas avoir touché ces revenus. En l'espèce, pour la période des trois années, l'appelant a déclaré des revenus totaux de plus ou moins 35 000 $.

[27]          Or, la vérification a établi d'une manière déterminante, donc par une prépondérance significative de la preuve, que l'appelant avait omis de déclarer plus ou moins 50 000 $, soit plus de 140 pour-cent de ses revenus déclarés pour la même période, ce qui en soi constitue une faute très lourde, largement suffisante pour justifier l'imposition des pénalités, prévues par la Loi, imposées à l'appelant.

[28]          L'appel est donc rejeté et les pénalités imposées étaient, dans les circonstances, pleinement justifiées.

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour de juillet 2001.

" Alain Tardif "

J.C.C.I.

No DU DOSSIER DE LA COUR :        2000-1181(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :                 Hubert Morneau et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                      Chicoutimi (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :    le 28 mai 2001

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :         l'honorable juge Alain Tardif

DATE DU JUGEMENT :                      le 27 juillet 2001

COMPARUTIONS :

Représentant de l'appelant :                Jean-Jacques Angers

Avocat de l'intimée :                            Me Alain Gareau

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

                Nom :                                      

                Ville :                                                      

Pour l'intimée :                                       Morris Rosenberg

                                                                Sous-procureur général du Canada

                                                                Ottawa, Canada

2000-1181(IT)I

ENTRE :

HUBERT MORNEAU,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 28 mai 2001 à Chicoutimi (Québec) par

l'honorable juge Alain Tardif

Comparutions

Représentant de l'appelant :                 Jean-Jacques Angers

Avocat de l'intimée :                            Me Alain Gareau

JUGEMENT

          L'appel des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1995, 1996 et 1997 est rejeté, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour de juillet 2001.

" Alain Tardif "   

J.C.C.I.


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