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[traduction française officielle]

97-3827(IT)I

ENTRE :

G. LEE MacMILLAN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 1er octobre 1998, à Kingston (Ontario), par

l'honorable juge A. A. Sarchuk

Comparutions

Pour l'appelant :                                   l'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :                          Me Karen Cooper

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation d'impôt établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1991 est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de novembre 1998.

« A. A. Sarchuk »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 13e jour de novembre 2002.

Philippe Ducharme, réviseur


[traduction française officielle]

Date: 19981105

Dossier: 97-3827(IT)I

ENTRE :

G. LEE MacMILLAN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Sarchuk, C.C.I.

[1]      Il s'agit d'un appel interjeté par G. Lee MacMillan (l' « appelant » ) à l'encontre d'une cotisation d'impôt visant l'année d'imposition 1991. Les événements qui ont, en fin de compte, amené l'intimée à établir une cotisation à l'égard de l'appelant ont commencé le 9 août 1990, lorsque ce dernier a constitué une société en personne morale sous le nom et la raison sociale de 898673 Ontario Inc. (la « société » ). Il a exploité cette entreprise de services de taxis toute l'année 1991 ou une partie de l'année, en utilisant le véhicule de la société ainsi que d'autres véhicules enregistrés au nom de l'appelant.

[2]      Dans la déclaration de revenus qu'il a produite pour l'année d'imposition 1990, l'appelant a déclaré un revenu d'entreprise à titre de propriétaire unique d'une entreprise de services de taxis. Le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a établi une cotisation par laquelle il acceptait la déclaration de revenus telle qu'elle avait été produite. L'appelant n'a produit sa déclaration de revenus pour l'année d'imposition 1991 qu'en 1996. Dans cette déclaration, il a déduit une perte de 16 132,45 $ au titre d'une entreprise individuelle offrant des services de taxis et exploitée sous le nom de la société, et il a déclaré un revenu tiré de la société (le feuillet T4 supplémentaire requis a été joint à sa déclaration de revenus). Le ministre a établi une cotisation par laquelle il acceptait la déclaration de revenus telle qu'elle avait été produite le 2 juin 1996; le 3 septembre 1996, il a établi une nouvelle cotisation pour cette même année à l'égard d'une question inconnue de la Cour mais qui ne fait pas l'objet du présent appel. Le ministre a de nouveau établi, le 12 juin 1997, une nouvelle cotisation à l'égard de l'année d'imposition 1991, par laquelle il refusait la déduction des pertes d'entreprise susmentionnées au motif que l'appelant n'exploitait pas une entreprise en 1991 et qu'il n'avait donc pas le droit de déduire les pertes subies par la société dans le calcul de son propre revenu imposable pour l'année d'imposition 1991. Par conséquent, le ministre a établi l'impôt fédéral à 273,90 $, a imputé des intérêts courus de 184,97 $ et a imposé une pénalité pour production tardive au montant de 46,56 $.

[3]      En établissant ainsi une nouvelle cotisation à l'égard de l'appelant, le ministre a formulé les hypothèses de fait suivantes :

[TRADUCTION]

a)          [...]

b)          pendant l'année d'imposition 1991, l'appelant était actionnaire et employé de l'entreprise 898673 Ontario Inc. (la « société » );

c)          la société a été constituée en personne morale le 9 août 1990;

d)          les activités commerciales de la société ou les services qu'elle fournissait consistaient à être propriétaire de taxis et à les exploiter (les « activités » );

e)          dans le calcul de son revenu pour l'année d'imposition 1991, l'appelant a déduit le montant de 16 132,45 $ à titre de pertes d'entreprise subies dans le cadre des activités;

f)           les pertes dont il est fait mention à l'alinéa e) ci-dessus ont été subies par la société dans l'année d'imposition 1991;

g)                   l'appelant n'a exploité aucune entreprise pendant l'année d'imposition 1991;

[...]

[4]      Essentiellement, selon l'appelant, bien qu'il ait constitué la société en personne morale, celle-ci n'a jamais exercé d'activités commerciales et, pendant toute la période pertinente, il exploitait l'entreprise de services de taxis en tant qu'entreprise individuelle. Il a indiqué qu'aucune réunion organisationnelle d'administrateurs n'avait été convoquée, qu'aucun administrateur n'avait été nommé, qu'il n'existait aucun registre de procès-verbaux de réunions ou de résolutions et qu'aucune action n'avait été émise ni allouée[1].

[5]      Dans son avis d'appel, l'appelant soutient que le ministre a commis une erreur en refusant la déduction des pertes d'entreprise, et ce, pour plusieurs raisons, notamment :

[TRADUCTION]

a)          la société n'avait fourni des services de taxi qu'à compter de septembre 1991;

b)          l'appelant possédait trois véhicules qu'il avait utilisés comme taxis pendant l'année 1991;

c)          les dépenses d'entreprise qu'il avait déduites dans le calcul des pertes d'entreprise comprenaient une déduction pour amortissement ainsi que des intérêts sur un prêt relatif aux véhicules dont il était le propriétaire;

d)          le ministre ne pouvait décider que c'était la société et non l'appelant qui exploitait l'entreprise de services de taxis puisque, si l'on ne tient pas compte des cotisations établies par la suite, le ministre avait admis les déclarations de revenus de l'appelant pour les années d'imposition 1990 et 1992, telles qu'elles avaient été initialement produites;

e)          le ministre a omis de s'acquitter de son obligation d'agir équitablement.

[6]      La question à trancher est celle de savoir si l'appelant exploitait une entreprise pendant l'année d'imposition 1991 ou si la perte d'entreprise était une perte de la société, auquel cas le ministre aurait à bon droit refusé la perte réclamée par l'appelant.

[7]      L'appelant soutient que, même si la société était exploitée à titre d'entreprise de services de taxis pendant la période pertinente, il s'agissait de sa propre entreprise, qu'il exploitait en tant qu'entreprise individuelle sous le nom de la société.

[8]      La preuve présentée n'appuie pas la prétention de l'appelant. Il a témoigné que l'entreprise de services de taxis avait commencé ses activités commerciales au milieu de l'année 1990, soit à peu près au moment où la société avait été constituée en personne morale, et qu'il avait transféré un des véhicules qu'il possédait au nom de celle-ci. Il est également vrai qu'au moins deux autres véhicules enregistrés à son nom avaient été utilisés dans le cadre de l'exploitation de l'entreprise de services de taxis[2]. La conclusion selon laquelle la société exploitait l'entreprise de services de taxis est également etayée par le fait que la société tenait les registres quotidiens de l'entreprise, payait toutes les dépenses d'exploitation de celle-ci et disposait d'un compte bancaire à cette fin. En plus de payer les dépenses quotidiennes, la société payait les frais d'assurance et de location du poste de taxis et les plaques d'immatriculation des taxis. De plus, le témoignage de l'appelant et les observations qu'il a présentées à Revenu Canada à diverses occasions indiquent qu'il considérait l'entreprise, dans son ensemble, comme une seule entité et comme une source de revenus unique pour l'application des articles 3 et 9 de la Loi de l'impôt sur le revenu. Rien dans son témoignage ne corrobore l'allégation selon laquelle les véhicules qui étaient enregistrés à son nom et qui étaient utilisés par la société dans le cadre de l'exploitation de l'entreprise de services de taxis étaient loués par l'appelant à la société ou qu'ils faisaient l'objet de quelque autre forme d'accord financier conclu entre eux.

[9]      Selon la preuve qui m'a été présentée, je ne peux conclure que l'appelant exploitait l'entreprise de services de taxis en tant qu'entreprise individuelle pendant l'année d'imposition 1991. Par conséquent, l'allégation du ministre selon laquelle le revenu tiré de l'entreprise était celui de la société est exacte.   

[10]     Subsidiairement, l'appelant soutient que, si l'entreprise de services de taxis était exploitée par la société, il devrait alors avoir le droit de déduire, dans le calcul de son revenu, une perte déductible au titre d'un placement d'entreprise (PDTPE) pour l'année d'imposition 1991. Bien que le témoignage de l'appelant ait à quelques occasions été difficile à suivre, il semble que la PDTPE qu'il réclame soit composée de deux éléments.

[11]     Le premier élément découle du fait qu'aucune banque ne voulait prêter à la société la somme suffisante pour acheter des véhicules et que, en 1990 ou vers cette date, l'appelant avait obtenu un prêt personnel de 16 000 $ de la Municipal Trust en vue d'acquérir un véhicule de marque Mercury (1986) ainsi qu'un véhicule de marque Pontiac (1985). Ces véhicules ont toujours été enregistrés à son nom, mais, pendant toute la période pertinente, ils ont été utilisés dans le cadre de l'exploitation de l'entreprise de services de taxis. Il a indiqué qu'il effectuait des paiements de capital et d'intérêt de 386,95 $ par mois et que, selon ses calculs, le montant de 2 500,50 $ devrait être traité comme des dépenses d'intérêts de la société. Puisque ces dépenses ne lui ont jamais été remboursées, ce montant devrait, si je comprends bien l'appelant, être inclus dans sa PDTPE pour l'année d'imposition 1991.

[12]     Le deuxième élément correspond à ce que l'appelant prétend être une créance irrécouvrable de 5 252,60 $. Dans sa réponse à la réponse du ministre, il a décrit ce montant comme une partie de la somme qu'il avait avancée au contribuable devant alors être constitué en société en vue de tirer un revenu, conformément au sous-alinéa 40(2)g)(ii) de la Loi. Selon son témoignage, il est devenu manifeste que l'avance dont il fait mention correspond au coût (ou à une partie du coût) d'achat, en 1990, du véhicule de marque Pontiac Parisienne (1984). Ce véhicule a été transféré à la société, enregistré au nom de celle-ci et utilisé dans le cadre de l'exploitation de l'entreprise de services de taxis. Selon l'appelant, la société n'était pas en mesure de payer le véhicule en question et, en bout de ligne, selon ses propres termes, [traduction] « elle a vendu le véhicule » à un moment donné en 1992.

[13]     En ce qui concerne les deux aspects de sa réclamation, l'appelant s'est appuyé sur la décision rendue par le juge Rouleau dans l'affaire Charles A. Brown c. Sa Majesté la Reine[3]. Il a soutenu que ce jugement étayait l'affirmation selon laquelle, lorsqu'un actionnaire prêtait une somme d'argent à une société pour permettre à celle-ci de payer des intérêts à la banque, un tel prêt était accordé en vue de tirer un revenu.

[14]     Pour ce qui est de la PDTPE, le ministre soutenait que la société n'avait été dissoute qu'en 1994 et que, si une telle perte avait réellement été subie (c.-à-d. si les montants que l'appelant avait versés au nom de la société correspondaient à des avances ou à des prêts accordés en vue de tirer un revenu), alors cette perte aurait été créée par suite de la mise sous séquestre ou de la dissolution de la société et, par conséquent, aurait été déductible pour l'année d'imposition 1994 de l'appelant (et pourrait alors être reportée à un exercice antérieur ou ultérieur). Selon la preuve, cet argument semble être bien fondé. L'appelant a lui-même témoigné que l'entreprise de services de taxis avait réduit progressivement ses activités en 1992 et qu'elle avait en fait cessé toutes ses activités cette même année. Puisque, selon la preuve, il ne fait guère de doute que la société a exploité l'entreprise de services de taxis tout au long de l'année d'imposition 1991, et qu'aucune autre preuve ne démontre que l'appelant a réellement subi une perte déductible au titre d'un placement d'entreprise dans son année d'imposition 1991, il ne peut avoir gain de cause sur ce point.

[15]     Comme l'a observé l'avocate de l'intimée, pour avoir droit à une telle déduction, l'appelant devrait chercher à modifier la déclaration T2 de la société de l'année au cours de laquelle la perte a été subie avant que de quelconques rajustements de ses propres déclarations de revenus puissent être envisagés relativement à une quelconque PDTPE qu'il aurait pu subir. La présente cour n'a pas la compétence voulue pour traiter de cette question puisque la seule année d'imposition en cause en l'espèce est l'année 1991. Seuls l'appelant et le ministre du Revenu national peuvent régler entre eux cette question.

[16]     L'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de novembre 1998.

« A. A. Sarchuk »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 13e jour de novembre 2002.

Philippe Ducharme, réviseur



[1]           La preuve déposée devant la Cour appuie l'allégation de l'appelant selon laquelle aucune action n'a été émise ni aucun administrateur nommé.   

[2]           L'appelant a indiqué dans son témoignage que la société avait été incapable d'obtenir du financement aux fins de l'acquisition de ces véhicules et qu'il avait agi à titre de propriétaire apparent afin de faciliter l'emprunt des fonds nécessaires.

[3]           [1996] 1 C.T.C. 276.

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