Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20030131

Dossier : 1999-4511(IT)G

ENTRE :

MANUEL JOSÉ,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

_______________________________________________________________

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de Terrassement Portugais Inc. (1999-4535(IT)G) le 12 juin 2002 à Québec (Québec) et

dernière plaidoirie écrite reçue le 15 novembre 2002 à Ottawa (Canada)

Devant : L'honorable juge Louise Lamarre Proulx

Comparutions :

Avocat de l'appelant :

Me Pierre G. Gingras

Avocate de l'intimée :

Me Nathalie Lessard

_______________________________________________________________

JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1993, 1994 et 1995 sont accordés, et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations sur la base que le coût de la voiture Mercedes, soit 62 105 $, ne doit pas être inclus dans le calcul du capital relatif à l'avoir net de l'appelant. À tout autre égard, les autres éléments de l'avoir net sont corrects. L'appelant est aussi sujet aux pénalités, sauf sur le montant admis par l'avocat des appelants au début de l'audience.

Le tout selon les motifs du jugement ci-joints.


          L'appelant aura droit à la moitié des frais sur la base d'un seul appel.

Signé à Ottawa, Canada, ce 31e jour de janvier 2003.

« Louise Lamarre Proulx »

J.C.C.I.


Date : 20030131

Dossier : 1999-4535(IT)G

ENTRE :

TERRASSEMENT PORTUGAIS INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

_______________________________________________________________

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de Manuel José (1999-4511(IT)G) le 12 juin 2002 à Québec (Québec) et

dernière plaidoirie écrite reçue le 15 novembre 2002 à Ottawa (Canada)

Devant : L'honorable juge Louise Lamarre Proulx

Comparutions :

Avocat de l'appelante :

Me Pierre G. Gingras

Avocate de l'intimée :

Me Nathalie Lessard

_______________________________________________________________

JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1993, 1994 et 1995 sont accordés, et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations sur la base que le coût de la voiture Mercedes, soit 62 105 $, ne doit pas être inclus dans le calcul du capital relatif à l'avoir net de l'appelant. À tout autre égard, les autres éléments de l'avoir net sont corrects. L'appelante est aussi sujette aux pénalités, sauf sur le montant admis par l'avocat des appelants au début de l'audience.

Le tout selon les motifs du jugement ci-joints.


          L'appelante aura droit à la moitié des frais sur la base d'un seul appel.

Signé à Ottawa, Canada, ce 31e jour de janvier 2003.

« Louise Lamarre Proulx »

J.C.C.I.


Date : 20030131

Dossier : 1999-4511(IT)G

ENTRE :

MANUEL JOSÉ,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

ET

Dossier : 1999-4535(IT)G

ENTRE :

TERRASSEMENT PORTUGAIS INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1]      Ces appels ont été entendus sur preuve commune. Les années d'imposition en cause pour les deux appelants sont de 1993 à 1995. Les cotisations ont été établies à partir du calcul du revenu de l'appelant établi par la méthode de l'avoir net.

[2]      Les faits sur lesquels le ministre du Revenu national (le « Ministre » ) s'est appuyé pour établir ses nouvelles cotisations à l'égard de l'appelante sont décrits au paragraphe 4 de la Réponse à l'avis d'appel amendée, comme suit :

a)          l'appelante a un exercice financier se terminant le 31 décembre de chaque année;

b)          les actions votantes de l'appelante sont détenues par M. Manuel José et par la société Gestion Manuel José Ltée dont toutes les actions appartiennent à M. Manuel José;

c)          M. Manuel José est le président de l'appelante;

d)          l'appelante exploite une entreprise de terrassement dans les domaines commercial et résidentiel;

e)          les travaux effectués par l'appelante au niveau résidentiel sont souvent payés en argent comptant;

f)           les seules sources de revenu de M. Manuel José sont l'appelante et la société Gestion Manuel José Inc.;

g)          les revenus de la société Gestion Manuel José Inc. proviennent uniquement d'honoraires de gestion que lui verse l'appelante;

h)          M. Manuel José a déclaré des revenus totaux de 11 360 $ en 1993, de 18 000 $ en 1994 et de 16 000 $ en 1995;

i)           M. Manuel José ne dépose pas dans ses comptes bancaires les revenus (salaires) déclarés et tirés de ses sociétés, et il réinvestit presque tous ces revenus dans l'appelante;

j)           l'appelante a déclaré les revenus nets aux fins de l'impôt sur le revenu suivants :

1993

123 593 $

1994

0 $

1995

0 $

k)          un calcul de l'écart par avoir net effectué pour M. Manuel José a révélé les revenus additionnels non déclarés suivants pour M. Manuel José :

1993

9 190 $

1994

63 618 $

1995

6 057 $

l)           les annexes I, II et III, illustrant l'état de l'avoir net et l'état de l'écart par avoir net établis par le ministre, sont jointes aux présentes pour en faire partie intégrante comme si au long récité;

m)         les revenus de M. Manuel José révélés par écart d'avoir net sont des revenus réalisés par l'appelante qu'elle n'a pas déclarés dans ses déclarations de revenus pour ses années d'imposition 1993, 1994 et 1995, et que l'appelant s'est appropriés;

Mercedes E300 :

n)          dans l'établissement de l'écart par avoir net de M. Manuel José, le ministre a demandé à ce dernier de lui soumettre un bilan personnel pour les années visées et le bilan soumis par l'appelant ne comportait aucune mention d'un véhicule de marque Mercedes E300;

o)          le ministre a par ailleurs découvert que le 18 novembre 1994, M. Manuel José a acquis un véhicule de marque Mercedes E300, modèle de l'année 1995, d'un concessionnaire automobile pour la somme totale de 62 105 $, dont un montant de 59 605 $ a été payé en argent comptant et un montant de 2 500 $ a été acquitté par carte de crédit;

p)          cette voiture a été enregistrée auprès de la Société d'assurance automobile du Québec (S.A.A.Q.) au nom de l'appelant jusqu'au 16 août 1996 et était immatriculée YGX 258;

q)          les registres de la S.A.A.Q. indiquent que cette voiture a été « mise au rancart » le 16 août 1996;

r)           du 25 mars 1995 au 25 mars 1996, M. Manuel José a assuré auprès de « General Accident, Compagnie d'assurance du Canada » la Mercedes E300 et cette assurance couvrait tous les risques lorsque la voiture était conduite par M. Manuel José;

s)          la Mercedes E300 a été expédiée du Portugal en décembre 1995;

t)           chaque année, M. Manuel José vit au Portugal de décembre à mars;

u)          M. Manuel José était propriétaire de la Mercedes E300 au cours des années 1994, 1995 et 1996, et il a acquis cette voiture à l'aide de revenus de l'appelante qu'il s'est appropriés;

Avoir net :

v)          l'écart par avoir net établi par le ministre tient compte uniquement des actifs qui sont la propriété de M. Manuel José et prend en compte des dépenses personnelles (alimentation, habillement, transport, loisirs, soins personnels, ...) qui ont dû être basées sur un montant moyen établi par Statistiques Canada lequel se totalise annuellement comme suit pour chacune des années en litige :

1993

8 540 $

1994

8 654 $

1995

8 844 $

w)         les dépenses personnelles décrites ci-haut ne tiennent même pas compte des dépenses supplémentaires que M. Manuel José doit encourir pour ses voyages annuels au Portugal, lesquels frais n'ont pas été pris en compte dans le calcul d'écart par avoir net pour les années en litige;

Dépense honoraires professionnels refusée :

x)          le compte 42140 du grand livre de l'appelante pour 1995 comprend une dépenses de 11 838,70 $ payée à DesRivières, Vermette, Bérubé par l'appelante et celle-ci déduit cette somme dans le calcul de son revenu imposable pour son année d'imposition 1995;

y)          cette réclamation fait référence aux factures nos 7777 à 7790 et comprend une somme de 1 491 $, avant T.P.S. et T.V.Q., qui a été payée pour une opinion juridique rendue quant à savoir si M. Manuel José devrait cristalliser son gain en capital sur ses actions;

Pénalités :

aa)        l'appelante a fait l'objet de nouvelles cotisations lors d'une vérification en 1991, pour les revenus non déclarés suivants, lesquels avaient erronément été indiqués comme avances reçues dans ses livres comptables :

1986

6 000 $

1988

7 100 $

bb)        l'appelante a fait l'objet de nouvelles cotisations, lors d'une vérification en 1994, pour les revenus non déclarés suivants, lesquels avaient été déposés directement au compte bancaire de M. Manuel José :

avril 1991

16 000 $

décembre 1991

3 770 $

cc)        c'est sciemment, ou du moins dans des circonstances équivalant à faute lourde, que l'appelante a omis de déclarer les revenus suivants lors de la production de ses déclarations de revenus :

1993

9 190 $

1994

63 618 $

1995

6 057 $

dd)        en omettant de cette façon de rapporter ces revenus, l'appelante a éludé le paiement des impôts suivants :

1993

1 180 $

1994

8 168 $

1995

792 $

[3]      Dans la Réponse à l'avis d'appel amendée concernant l'appelant, les faits ne sont pas différents de ceux concernant l'appelante sauf pour les alinéas 17 y), 17 z) et 17 aa) comme suit :

Pénalités :

y)          l'appelant a fait l'objet de nouvelles cotisations lors d'une vérification en 1994, par lesquelles les sommes suivantes ont été ajoutées à ces revenus car il s'agissait de revenus d'entreprise non déclarés de « Terrassement Portugais Inc. » que l'appelant s'était appropriés :

1990

16 000 $

1991

3 770 $

z)          c'est sciemment, ou du moins dans des circonstances équivalant à faute lourde, que l'appelant a omis de déclarer les revenus suivants lors de la production de ses déclarations de revenus :

1993

9 190 $

1994

63 618 $

1995

6 057 $

aa)        en omettant de cette façon de rapporter ces revenus, l'appelant a éludé le paiement des impôts suivants :

1993

1 352 $

1994

14 571 $

1995

891 $

[4]      L'Avis d'appel de l'appelante nie tout simplement qu'il y ait eu des revenus supplémentaires à ceux déclarés.

[5]      L'Avis d'appel de l'appelant est beaucoup plus élaboré vu que c'est à l'égard de l'appelant que l'écart du revenu déclaré par avoir net a été établi. Je cite le paragraphe 3 de cet avis d'appel :

a)          les cotisations ont été établies en procédant par l'état d'un avoir net présumé de l'APPELANT pour les années 1993, 1994 et 1995, en plus de calculer cet état d'avoir net et l'écart de l'avoir net également pour les années 1992 et 1996;

b)          ces états d'avoir net et d'écarts sont inexacts et ne correspondent pas à la réalité du train de vie, des avoirs et des dépenses véritables de l'APPELANT;

VÉHICULE MERCEDES E-300

c)          de plus, pour l'année 1994 en particulier il a été ajouté aux revenus de l'APPELANT une somme de 63 618,00 $ qui correspondrait pour 62 105,00 $ à des sommes d'argent que le Ministère prétend que l'APPELANT aurait retiré de la compagnie Terrassement Portugais inc. dont il est actionnaire unique aux fins de faire l'acquisition d'un véhicule automobile de marque Mercedes E300;

d)          or, cette somme d'argent n'a pas été retirée de la compagnie Terrassement Portugais inc. et l'APPELANT n'a pas acquis pour lui-même un tel véhicule;

e)          au contraire, ce véhicule a été acheté par l'APPELANT au Canada à titre de simple mandataire pour son véritable acquéreur et propriétaire M. Fernando Dos Santos José résidant à Pombal, Portugal;

f)           divers documents démontrant ce fait ont été remis au fonctionnaire cotisant, lequel ne les a pas acceptés et a refusé de croire la version de l'APPELANT sans requérir de l'APPELANT des preuves additionnelles qui auraient pu être jugées nécessaires, le cas échéant;

g)          l'APPELANT a déposé auprès du cotisant, en version originale portugaise avec traduction en français, des déclarations assermentées et documents officiels assermentés au Portugal, tels :

i)           déclaration du propriétaire Fernando Dos Santos José du 18 février 1999 attestant que ce véhicule a été importé du Canada pour son propre compte et en toute propriété par l'APPELANT à titre de mandataire;

ii)          déclaration dudit Fernando Dos Santos José à l'effet que ledit véhicule a été payé par virement bancaire dont le numéro est dûment identifié et dont il est lui-même propriétaire (déclaration en date du 15 février 1999),

iii)          preuve d'immatriculation (carte grise) de la République Portugaise de ce véhicule au nom dudit propriétaire,

iv)         preuve d'assurance par Metropole Seguros de ce véhicule au nom dudit Fernando Dos Santos José,

v)          preuve d'échange d'escudos et d'achat de billets canadiens (65 000,00 $) par ledit Fernando Dos Santos José en date du 25 février 1994 pour permettre la remise de cet argent à l'APPELANT et l'achat dudit véhicule;

h)          en effet, le coût d'achat d'un tel véhicule pour un citoyen résidant au Portugal est de près du double plus cher s'il est acheté au Portugal que s'il est acheté au Canada, d'où le but de la transaction pour le véritable propriétaire;

i)           cependant, pour bénéficier du droit d'importation, du véhicule au Portugal, celui-ci doit avoir au moins sept mois d'usure ce qui explique pourquoi il est demeuré en possession de l'APPELANT pendant une longue période;

j)           l'APPELANT n'a servi que de mandataire et de commissionnaire afin de rendre service à cette personne;

k)          l'APPELANT a offert de produire d'autres preuves requises au fonctionnaire cotisant et il est toujours disposé à fournir de telles preuves;

l)           il entend d'ailleurs produire de nouveaux documents de preuves à cet égard;

m)         le cotisant n'a pas contesté la légalité des documents qui lui ont été remis;

L'AVOIR NET

n)          d'autre part, pour l'année 1993, afin d'en arriver à un écart par avoir net de 9 190 40 $, le cotisant vérificateur indique un montant de revenus total par avoir net de 20 550,40 $ alors que les revenus totaux déclarés ne sont que de 11 360,00 $;

o)          or, l'APPELANT a également reçu des avis de nouvelles cotisations pour les années 1990 et 1991 et, pour l'année 1990, il a été cotisé pour avoir reçu des revenus de Terrassement Portugais inc. et déposé dans son compte de banque personnel pour une somme de 3 770,00 $ et, pour l'année 1990 d'avoir déposé dans son compte de banque personnel une somme de 16 000,00 $ provenant également de Terrassement Portugais inc.;

p)          ainsi, ces deux sommes totalisent 19 770,00 $ et auraient dû être considérées comme le départ de l'avoir net pour l'année 1992 et reportées pour 1993;

q)          de la sorte, même s'il était admis que le revenu total pour avoir net est correctement inscrit pour les années 1993, 1994 et 1995, ce qui est inexact, même dans ces circonstances, l'écart ajouté pour revenus non déclarés serait inexact puisque l'APPELANT avait un avoir net supérieur au début de l'exercice 1993;

r)           le même montant de 19 770,00 $ doit être tenu en compte pour les années 1994 et 1995;

[6]      L'avocat des appelants a informé la Cour, au début de l'audience, que la déduction de 1 491 $ n'est plus réclamée par l'appelante pour l'année 1995 et, qu'en conséquence, un montant de 1 595 $ doit être ajouté au revenu de l'appelant pour la même année. Cet avantage est décrit aux alinéas 4 x) et 4 y) de la Réponse que l'on retrouve au paragraphe [2] de ces motifs. Selon l'avocat des appelants, il s'est agi d'une erreur d'interprétation.

[7]      L'avocat des appelants conteste fortement l'inclusion du montant de la Mercedes dans le revenu de l'appelant. Il conteste aussi le montant des dépenses personnelles qui ont été incluses dans l'avoir net ainsi que l'imposition des pénalités.

Témoignage de l'appelant

[8]      L'appelant a relaté qu'il est né au Portugal et habite le Canada depuis 1976. C'est lui qui est venu le premier au Canada. Par la suite, il a fait venir une soeur et deux frères dont son frère Joachim. Ce dernier, qui à sa venue était fiancé, s'est marié quelques années plus tard et a ramené sa femme. Il a maintenant deux enfants et est propriétaire de sa maison. Il travaille pour la société appelante. C'est chez lui où l'appelant habite présentement. Au début, il habitait avec sa soeur, mais cette dernière est repartie au Portugal.

[9]      L'appelant est célibataire. Il affirme qu'il ne paie ni frais de nourriture ni frais de logement à son frère. Comme il n'est pas marié, il fait partie de la famille et n'a rien à payer selon les traditions de la campagne d'où il est originaire. Ses seules dépenses sont les vêtements, le coiffeur et quelques repas au restaurant. Il ne fume ni ne boit.

[10]     L'appelant est paysagiste. Il détient la totalité des actions de la société appelante depuis 1982. La société fait de l'aménagement paysager mais aussi du génie civil comme des parcs, des trottoirs, des égouts et des aqueducs. D'après les états financiers que l'on retrouve aux onglets 4 à 6 de la pièce I-2, en 1992 le revenu brut des contrats était de 5 056 193 $, en 1993 de 6 029 733 $, en 1994 de 3 255 893 $ et en 1995 de 3 478 195 $. Le coût des contrats, les frais d'administration et les frais financiers font que le bénéfice avant impôt pour 1992 à 1995 est de 221 404 $, 135 639 $, 32 597 $ et 22 837 $. L'appelant admet tel que mentionné dans la Réponse qu'il réinvestit les profits dans la société.

[11]     L'entreprise peut compter de 50 à 60 employés. Elle a un contrôleur qui s'occupe des paies, des factures et des rapports. Elle a également une secrétaire, pour répondre au téléphone. Elle a des estimateurs pour préparer les soumissions bien que l'appelant les révise toutes.

[12]     L'appelant décrit ainsi une journée de travail d'avril à décembre : il se lève vers 5 h 30 du matin et se couche vers 23 h tous les jours de la semaine. Il travaille sur les chantiers jusqu'à l'obscurité. Ensuite, il prépare la journée du lendemain et fait de l'administration au bureau de l'appelante. Au mois de mars, il travaille 10 à 12 heures par jour.L'appelant quitte le Canada vers le 10 ou le 15 décembre et revient vers la fin de février.

[13]     L'appelant mange au bureau. Sa belle-soeur lui apporte un goûter le midi. Elle le fait également pour son mari et pour son fils quand ce dernier y travaille lors des vacances. Le soir, l'appelant mange à la maison. Sa belle-soeur travaille aussi pour la société appelante à temps partiel.

[14]     L'appelant affirme qu'il n'a pour seuls biens que les actions de l'appelante et une voiture Corvette acquise en 1991. Elle avait au moment de l'audience 28 000 kilomètres.

[15]     L'appelant a un autre frère qui habite ici, soit Fernando. Ce dernier a sa propre entreprise d'aménagement paysager qui ne fait que du résidentiel.

[16]     Au Portugal, l'appelant habite chez sa mère, Joachina. Il l'aide dans son train de vie. Elle a 86 ans. Son père est décédé depuis 11 ans.

[17]     Quand ils vont au Portugal, les autres frères habitent aussi chez leur mère mais pour moins longtemps, soit de deux à trois semaines, car ils ont des enfants d'âge scolaire.

[18]     L'appelant ne se paie pas régulièrement. À l'occasion, il encaisse 3 000 $ ou 4 000 $. Lorsque ce montant est dépensé, il se sort de l'argent à nouveau. Ces paiements sont comptabilisés. Pour les années 1994 et 1995, des états de la rémunération payée ont été émis aux montants respectifs de 18 000 $ et 16 800 $ (onglets 2 et 3 de la pièce I-2).

[19]     L'appelant s'est référé à l'onglet 1 de la pièce I-1. Il s'agit de l'état des dépenses personnelles dont les montants ont été estimés par l'appelant aux montants respectifs de 2 580 $, 2 630 $ et 2 765 $ pour les années 1993 à 1995. Il se dit toujours d'accord avec ces données. Il indique toutefois que le coût du billet pour le Portugal est d'environ 750 $ ou 850 $.

[20]     La pièce A-2 contient certains documents dont l'avocate de l'intimée conteste le dépôt, soit ceux à l'onglet 4 à 7, au motif qu'il s'agit d'une déclaration écrite d'un témoin qui n'est pas présent pour être contre-interrogé. Elle a aussi des objections quant aux documents déposés en annexe.

[21]     La pièce A-3 est un contrat d'achat d'une voiture de marque Mercedes de l'année 1995 en date du 11 novembre 1994. L'acheteur est l'appelant. La voiture a été achetée à Montréal. Selon l'appelant, c'est à Montréal seulement qu'il y avait un modèle de voiture diesel bien que, toujours selon l'appelant, le garage ait eu à la faire venir de Vancouver. Le paiement a été effectué en espèces liquides.

[22]     L'appelant affirme qu'il a acheté cette voiture pour son cousin Fernando Santos José qui demeure à Pombal, au Portugal. Il y est un entrepreneur en construction. Il n'a jamais habité le Canada.

[23]     Son cousin cherchait une voiture Mercedes et lui a demandé de lui trouver les prix au Canada. Selon son cousin, cela coûtait près de la moitié moins cher qu'au Portugal et il lui a demandé de lui en acheter une et de la lui rapporter. L'appelant affirme qu'il l'a fait pour faire plaisir à un cousin dont il est très proche.

[24]     C'est l'appelant qui s'est occupé d'envoyer la voiture au Portugal par conteneur maritime à la fin de l'année 1994. C'est également lui qui a pris une assurance sur le bateau.

[25]     La pièce B-1-A est un document de douane portugaise en date du 16 décembre 1994. Le document de douane identifie le propriétaire comme étant l'appelant. Au Québec, la voiture était enregistrée au nom de l'appelant.

[26]     C'est à l'arrivée de la voiture en sol portugais que l'appelant et son cousin se sont rendu compte que pour obtenir l'exemption de taxe sur les importations, la voiture aurait dû être dans le pays d'origine au moins six à sept mois. Ils ont décidé de ramener la voiture au Canada. Le coût de chaque trajet varie entre 2 000 $ et 2 300 $.

[27]     La pièce B-1-B est le document montrant le deuxième envoi de la voiture au Portugal le 22 novembre 1995. La pièce B-1-D est un document de la douane portugaise en date du 18 décembre 1995 indiquant l'arrivée de la Mercedes.

[28]     L'appelant affirme que son cousin lui aurait remis, en février 1994, 65 000 $ en billets de banques canadiens qu'il a apportés au Canada et avec lesquels il a acheté la voiture. Il y avait des coupures de 100 $ et de 1 000 $. Cette transaction s'est fait au village de Lagoa das Ceiras dans le district de Pombal.

[29]     L'appelant s'est référé à l'onglet 8 de la pièce A-2. L'avocate de l'intimée s'est opposée à la production de ce document parce que la personne qui l'a émis n'était pas disponible pour être contre-interrogée. En fait, le document n'est pas signé mais aucun des deux avocats n'a mentionné cet état des choses. Il s'agit d'un certificat de la Banco Mello concernant un achat de monnaie étrangère en date du 25 février 1994. Ce document a été remis à Revenu Canada depuis 1998. Toutefois l'avocate de l'intimée dit que ce document est contesté depuis sa production à Revenu Canada.

[30]     Ce document aurait été remis à l'appelant par son cousin en 1998, année qui a suivi les premières rencontres avec la vérificatrice en décembre 1997. Son cousin l'aurait trouvé dans ses papiers.

[31]     La pièce B-1-E est la traduction d'un document qui n'était pas annexé concernant le titre de propriété de la Mercedes au cousin de l'appelant. Il y est mentionné que cette propriété a été établie le 21 novembre 1997.

[32]     À l'onglet 7 de la pièce A-2, se trouvent deux polices d'assurance émises respectivement le 5 décembre 1997 et le 28 novembre 1998 à l'égard de la voiture. Le nom du propriétaire est Fernando Santos José.

[33]     La pièce B-1-F est un avis de paiement d'immatriculation de la Société de l'assurance automobile du Québec ( « SAAQ » ) relativement à deux véhicules moteurs en date du 30 juin 1996, une Corvette, année 1990, et une Mercedes année 1995. La pièce B-1-G, en date du 16 août 1996, indique que la Mercedes est au rancart.

[34]     La pièce B-2-B est un compte bancaire de l'appelant au Portugal, de la banque Pinto & Sotto Mayor. C'est un compte dans lequel sa mère et une de ses soeurs, Lucinda ont le droit de faire des transactions. Ce compte sert à voir aux besoins de la famille dont sa mère. Les soeurs habitent dans une maison voisine de celle de leur mère.

[35]     Le document est une traduction. La version originale a été déposée comme pièce B-2-B-1. L'argent est en escudos mais selon une conversion sommaire le montant initial est d'environ 1 500 $. L'appelant a affirmé n'avoir pas d'autres comptes bancaires au Portugal.

Contre-interrogatoire

[36]     Dans la société appelante, l'appelant détient des actions personnellement et par l'entremise d'une société de gestion, Gestion Manuel José. Cette dernière société a comme employés le contrôleur et la secrétaire. Elle administre la société appelante ainsi que Parterre Portugais, société qui appartient à son frère.

[37]     L'appelant a commencé à travailler pour la société appelante il y a 25 ans comme employé. Puis le propriétaire est retourné vivre au Portugal. C'est alors que l'appelant a acheté l'entreprise avec un monsieur Ferrera. En 1989, il a acheté pour une somme de 170 000 $ les actions de monsieur Ferrera et est ainsi devenu l'actionnaire unique.

[38]     Selon l'appelant, la Banco Mello mentionnée à l'onglet 8 de la pièce A-2 n'existerait plus. Selon l'avocate, elle serait devenue la Banco Atlantico. L'appelant n'est pas au courant.

[39]     L'appelant dit ne pas se souvenir du prix d'achat de la Corvette. L'avocate de l'intimée lui présente le contrat d'acquisition au coût de 43 912 $. On y lit que la somme de 28 912,80 $ a été payé en espèces liquides.

[40]     Comme loisir, il pratique le tir au pigeon d'argile. Il aime aussi aller à la chasse au petit gibier dans la région de Thedford Mines ou dans la Beauce. À l'occasion, il va visiter des amis à Montréal et y assiste à des encans.

Témoignage de madame Marie-Claude Poitras

[41]     Madame Poitras est vérificatrice à l'Agence des douanes et du revenu du Canada ( « ADRC » ). Sa première rencontre a eu lieu le 8 septembre 1997 mais les documents n'étaient pas les bons documents. Il a fallu attendre jusqu'au 30 septembre pour obtenir les renseignements fournis par le journal général.

[42]     La vérificatrice n'a pas été informée au début qu'il y avait une deuxième voiture soit la Mercedes et que cette voiture avait fait deux voyages vers le Portugal. En s'informant auprès de la SAAQ, elle a obtenu l'information concernant la Mercedes et en questionnant les assureurs, elle a su qu'il y avait eu deux transports maritimes.

[43]     L'appelant lui a dit qu'il n'en avait pas parlé parce que la voiture appartenait à son cousin multimillionnaire. Elle a demandé à voir le compte en banque du cousin montrant les entrées d'argent nécessaires pour en arriver à un total de 65 000 $. Elle voulait s'assurer que l'argent provenait bien du cousin et non de l'appelant.

[44]     La vérificatrice a dit qu'il n'existait pas de convention fiscale entre le Canada et le Portugal et qu'il n'était pas possible pour l'ADRC d'obtenir les informations bancaires pertinentes.

[45]     Pour elle, le document paraissant à l'onglet 8 de la pièce A-2 est une conversion de devises sans plus. Elle ne connaît pas la provenance de l'argent, ni le cousin Fernando Santos José.

[46]     Elle a aussi relaté qu'au cours des années précédentes, l'appelant avait été cotisé par avoir net à partir des soldes de ses comptes de banque à la fin de l'année. Dans les années subséquentes, elle a constaté que l'appelant ne faisait plus de dépôts dans ses comptes de banque.

Analyse

[47]     En ajoutant le revenu de 9 190 $ pour l'année 1993 et celui de 6 057 $ pour l'année 1995, le revenu total de l'appelant pour ces années est de 20 550 $ et de 23 652 $ respectivement (onglets 12 et 14 de la pièce I-2). En ajoutant le montant de 63 618 $ pour l'année 1994, le revenu de l'appelant est de 81 618 $ (onglet 13 de la pièce I-2). Les revenus établis par avoir net pour les années 1986 à 1991 étaient d'environ 20 000 $ (pièce I-5).

[48]     En ce qui concerne l'année 1994, on peut se demander s'il est plausible que l'appelant ait eu une telle augmentation de revenu dans une année. Je me suis posé la même question dans l'affaire Badaan c. Canada, [2000] A.C.I. no 701 (Q.L.). Dans cette affaire, pour l'année 1994, il y avait une augmentation de 169 382 $ du revenu non déclaré comparativement à une augmentation moyenne de 33 962,66 $ pour les années 1992 et 1993. En 1994, le contribuable qui désirait se départir de son dépanneur et se créer une autre source de revenus avait acquis des valeurs mobilières d'une valeur importante, ce qui avait augmenté de beaucoup sa valeur en capital.

[49]     J'avais conclu que l'explication du contribuable voulant qu'il ait acquis ses valeurs mobilières avec la vente d'une propriété en Israël et ses économies amassées au cours des ans était plus plausible que la position de l'intimée voulant que ce revenu substantiel provienne subitement cette année-là du dépanneur sans autre élément de preuve.

[50]     L'explication donnée par l'appelant dans la présente instance est que la voiture Mercedes a été achetée pour son cousin avec de l'argent provenant de son cousin. L'intimée prétend qu'il en est le véritable propriétaire. S'il avait été le propriétaire, il aurait pu donner comme explication, que la voiture avait été achetée à partir de ses propres économies. Ce n'est pas la voie qui a été suivie.

[51]     Tout n'est pas aussi clair qu'on le souhaiterait au sujet de la propriété de cette voiture. La première énigme est le paiement en espèces liquides remises à l'appelant par son cousin au Portugal. Il est étrange que l'appelant ait transporté sur lui à bord de l'avion 65 000 $ en espèces liquides alors qu'il manifeste autrement une prudence normale. Ainsi, il a assuré la voiture pour les deux trajets. Une autre énigme est de savoir qui a payé les transports maritimes de la voiture? Il y a un manque de preuve déconcertant à ce sujet.

[52]     Comme j'étais sur le point de croire que l'appelant était bien le véritable propriétaire de la voiture, j'ai lu et relu sa déposition pour y trouver des contradictions ou des bribes de témoignage qui prouveraient qu'il était en fait le véritable propriétaire. Je n'ai pu trouver un seul passage où l'appelant se serait comporté à l'égard de cette voiture comme un propriétaire. Les décisions sont prises par son cousin. Ainsi, celle de ramener la voiture au Canada est prise par le cousin (page 113 des Notes sténographiques). Jamais la version des faits de l'appelant n'a flanché. On ne peut déceler aucune contradiction dans le témoignage. C'est la position qu'il a toujours tenue devant la vérificatrice. C'est elle qui avait découvert la propriété de cette voiture. Interrogé à cet égard par la vérificatrice, c'est l'explication qu'il a, sur-le-champ, donnée. Il n'en a jamais changé.

[53]     Je n'ai pas de preuve non plus de la part de l'intimée que la société appelante ait pu en 1994 faire un bénéfice caché de l'ampleur alléguée.

[54]     En ce qui concerne les dépenses personnelles pour l'année 1993, l'appelant les avait estimées à un montant de 2 580 $. La vérificatrice, en se basant sur les données conservatrices de Statistiques Canada, tout en tenant compte que l'appelant ne payait rien pour son logement, est arrivée à un montant de 8 904 $. Pour l'année 1994, l'appelant avait estimé ses dépenses personnelles à 2 580 $, la vérificatrice à 8 654 $. Pour l'année 1995, l'appelant avait estimé ses dépenses personnelles à 2 765 $, la vérificatrice à 8 844 $. L'état des dépenses personnelles estimées par l'appelant se trouve à l'onglet 1 de la pièce I-1 et celui de la vérificatrice se trouve à l'onglet 3 de la même pièce.

[55]     De plus, l'état des dépenses personnelles ne tient pas compte des dépenses faites par l'appelant lors de ses voyages au Portugal.

[56]     Je suis d'avis que le montant des dépenses personnelles est au moins celui qui a été établi par la vérificatrice.

[57]     En ce qui concerne les pénalités, je suis d'avis qu'elles ont été correctement imposées. C'est sciemment que l'appelant prend des méthodes pour cacher son véritable revenu. Ainsi, il ne dépose pas son argent dans des comptes de banque ou s'il le fait, il ne révèle pas au Ministre ces comptes de banque. L'avocat des appelants a mentionné dans sa plaidoirie que l'intimée n'avait pas pris en compte les années antérieures 1990 et 1991 pour le calcul de l'avoir net. Le Ministre a tenu compte de l'année 1992, cela suffit.

[58]     L'appel est accordé et les cotisations sont déférées au Ministre pour nouvelles cotisations sur la base que le coût de la voiture Mercedes, soit 62 105 $, ne doit pas être inclus dans le calcul du capital relatif à l'avoir net de l'appelant. Autrement, les autres éléments de l'avoir net sont corrects. L'appelant est aussi sujet aux pénalités, sauf sur le montant admis par l'avocat des appelants au début de l'audience.

[59]     Les appelants auront droit à la moitié des frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 31e jour de janvier 2003.

« Louise Lamarre Proulx »

J.C.C.I.


Noa DES DOSSIERS DE LA COUR :

1999-4511(IT)G

1999-4534(IT)G

INTITULÉS DES CAUSES :

Manuel José et Sa Majesté la Reine

Terrassement Portugais Inc. et

Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Québec (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE

12 juin 2002

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

l'hon. juge Louise Lamarre Proulx

DATE DU JUGEMENT :

le 31 janvier 2003

COMPARUTIONS :

Avocat des appelants :

Me Pierre G. Gingras

Avocate de l'intimée :

Me Nathalie Lessard

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER:

Pour les appelants :

Nom :

Me Pierre G. Gingras

Étude :

Des Rivières,Vermette et Associés

Québec (Québec)

Pour l'intimée :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.