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Date: 20020506

Dossier: 2001-2189-IT-I

ENTRE :

MONCEF BEN MABROUK,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Beaubier, C.C.I.

[1]            L'appel en l'espèce, interjeté sous le régime de la procédure informelle, a été entendu à Fort McMurray (Alberta), le 22 avril 2002. L'appelant a témoigné et a demandé la comparution de Hechemi Ben Kheled. L'intimée a demandé la comparution de la vérificatrice du dossier, Lynda Dombroski.

[2]            Les questions en litige sont exposées aux paragraphes 3 à 6 inclusivement de la réponse à l'avis d'appel. Ils sont libellés comme suit :

                                [TRADUCTION]

3.              Lors du calcul de son revenu pour les années d'imposition 1998 et 1999, l'appelant a déclaré un revenu d'entreprise brut respectif de 17 125 $ et de 23 120 $.

4.              Lorsqu'il a établi une nouvelle cotisation à l'encontre de l'appelant pour les années d'imposition 1998 et 1999, le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a augmenté le revenu d'entreprise brut respectivement de 23 800 $ et de 23 183 $. Les tableaux A et B ci-joints indiquent les montants ajoutés au revenu.

5.              Lorsqu'il a établi une nouvelle cotisation à l'égard de l'appelant, le ministre s'est appuyé sur les hypothèses de fait suivantes :

(a)            pendant les années d'imposition 1998 et 1999, l'appelant était chauffeur de taxi à Fort McMurray (Alberta);

(b)            l'appelant faisait environ 89 064 kilomètres par année en moyenne au volant de son taxi;

(c)            les tarifs minimums perçus par les taxis de Fort McMurray étaient de 2,57 $ pour les 90 premiers mètres et de 0,10 $ par tranche de 90 mètres par la suite;

(d)            l'appelant n'a pas comptabilisé les recettes reçues;

(e)            une fois par semaine, l'appelant dépose à la banque l'argent comptant et les bordereaux de cartes de crédit provenant de la compagnie de taxis;

(f)             l'appelant règle au comptant les dépenses telles que l'essence et les réparations du taxi;

(g)            l'appelant ne fournit pas de dossiers à son comptable pour la préparation de sa déclaration de revenus, il lui fait savoir verbalement combien il a gagné et quelles ont été ses dépenses;

(h)            l'appelant n'a pas emprunté d'argent auprès d'amis ou de membres de sa famille pendant les années d'imposition 1998 et 1999;

(i)             l'argent reçu par l'appelant et par sa femme relativement à la Prestation fiscale pour enfants était déposé à un compte à la Banque Scotia dont la femme de l'appelant était l'unique titulaire.

B.             QUESTIONS EN LITIGE

6.              Il s'agit de savoir s'il était justifié d'inclure les montants de 23 800 $ et de 23 183 $ dans le revenu d'entreprise brut de l'appelant respectivement pour les années d'imposition 1998 et 1999.

[3]            Les hypothèses 5(a), (c), (d), (f), (g) et (i) n'ont pas été réfutées par la preuve. En ce qui concerne les autres hypothèses :

5(b)          L'appelant a témoigné que d'autres personnes que lui conduisaient son taxi. Par conséquent, la Cour estime qu'il conduisait son taxi pour la moitié des kilomètres présumés par année. Il a également attiré notre attention sur le fait que le taxi n'a de passager que pour l'aller du trajet, et qu'il est vide pour le retour, ce qui réduit encore le kilométrage de 50 pour cent. Cette explication est acceptée. Donc, le kilométrage payant réel est de 1/4 x 89 064 kilomètres par année = 22 266 kilomètres par année, sur quoi doit reposer la cotisation de l'appelant.

5(e) et (h)                L'appelant a témoigné que ces dépôts consistaient également en emprunts ou dons d'argent provenant de deux amis. L'un des deux amis, Hechemi Ben Kheled, a témoigné, confirmant cette dernière affirmation au sujet de ces transactions. D'ailleurs, Hechemi Ben Kheled est crédible. Il a encouragé l'appelant à quitter Montréal pour se rendre à Fort McMurray, où M. Ben Kheled se faisait fort de procurer à l'appelant un emploi de mécanicien d'engins lourds. L'appelant est donc arrivé, mais, en raison de ses difficultés en anglais, il n'a réussi à trouver qu'un emploi de chauffeur de taxi à très faible revenu. M. Ben Kheled se sent, à juste titre, responsable, et la Cour accepte le témoignage de l'appelant et de M. Ben Kheled, puisqu'il est logique, et elle considère M. Ben Kheled, en particulier, comme un témoin fiable.

[4]            Mme Dombroski a présenté la pièce R-20, soit les calculs de l'agent des appels à l'appui de la cotisation. En ce qui concerne les coûts de l'essence, l'agent a fait un calcul fondé sur une consommation de 10 kilomètres par litre pour justifier le calcul du kilométrage à déduire du revenu pour les frais d'essence. De l'avis de la Cour, une consommation de 10 kilomètres par litre est erronée. Une grosse berline ordinaire, comme le sont les taxis, consomme à peu près 12 litres aux 100 kilomètres sur la route, dans des circonstances optimales. À plus forte raison en ville, où l'on consomme plus d'essence, sans compter les moments où le moteur tourne au ralenti, hiver comme été, consommant de l'essence alors que le véhicule est immobilisé et ne rapporte rien à son chauffeur. Compte tenu de ces trois facteurs (une grosse berline, l'utilisation du véhicule en ville et le régime du moteur au ralenti), la consommation d'essence est compatible avec les chiffres proposés par l'appelant, qui représentent le 1/4 du kilométrage. D'autre part, le style de vie de l'appelant et de sa famille est très modeste, ce que confirment les déclarations de l'appelant concernant son revenu. Ce sont des locataires qui s'habillent à l'Armée du Salut, et M. Ben Kheled dit qu'ils vivent dans le besoin.

[5]            M. Mabrouk a témoigné qu'il avait également emprunté de l'argent à un autre ami, Rafik Agili, un compatriote et immigrant tunisien comme lui. Toutefois, M. Agili n'a pas témoigné. Il a quitté Fort McMurray pour s'établir à Calgary. Il n'a pas répondu aux lettres de l'intimée. Puisque M. Agili n'a pas répondu aux lettres de l'Agence des douanes et du revenu du Canada pour attester la vérité des affirmations de l'appelant, et puisque nous ne disposons pas de chèques à l'appui de celles-ci, ses prêts allégués ne sont pas acceptés comme valides. Pour valider les déclarations de l'appelant concernant M. Agili, il aurait fallu pouvoir contre-interroger ce dernier ou produire une preuve documentaire satisfaisante, ou les deux. Par conséquent, le soi-disant affidavit de M. Agili n'est pas accepté par la Cour.

[6]            En raison des conclusions précédentes, la Cour en vient aux conclusions suivantes :

1998

1999

Recettes totales déposées en banque selon le tableau A

43 790,00$

49 545,25$

Moins les dons et prêts de M. Ben Kheled

15 000,00$

3 000,00 $

28 790,00$

46 545,25$

[7]            L'agent des appels a calculé les recettes brutes tirées du taxi à 50 cents le kilomètre x 89 064 par année, compte tenu des trajets aller simple. Toutefois, les tarifs de taxis autorisés pendant les années 1998 et 1999 prévoient en moyenne à peu près 1,00 $ le kilomètre. La Cour conclut, d'après les conditions décrites ci-dessus, que le kilométrage payant moyen de l'appelant se situe aux alentours de 22 266 kilomètres, ce qui donne un revenu brut approximatif de 22 266 $ par année. Cela se compare plus ou moins aux chiffres établis au paragraphe [6] des présentes, quoique le chiffre de 1999 au paragraphe [6] soit plus élevé. Néanmoins, les chiffres au paragraphe [6] sont estimés corrects parce qu'ils sont fondés sur la preuve concernant l'argent en banque appartenant à l'appelant, qui a été présenté à la Cour et qui est accepté comme preuve.

[8]            À partir de ces chiffres, et à l'aide du mode de calcul employé par l'intimée et décrit aux tableaux A et B de la réponse, la Cour formule les conclusions suivantes :

1998

1999

Recettes totales

28 790,00 $

46 545,21$

Moins la TPS sur les recettes totales

-1 883,46

-3 045,01

Recettes nettes

26 906,54 $

43 500,20$

Recettes déclarées

-17 125,00

23 120,00

Divergence

9 781,54 $

20 380,20$

[9]            Les appels sont admis. Ces cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation pour le motif que le revenu d'entreprise brut accru de l'appelant pour ces années est de :

                1998                         9 781,54 $

                1999                         20 380,20 $

Signé à Saskatoon (Saskatchewan), ce 6e jour de mai 2002.

« D. W. Beaubier »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 10e jour de janvier 2003.

Mario Lagacé, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2001-2189(IT)I

ENTRE :

MONCEF BEN MABROUK,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus le 22 avril 2002, à Fort McMurray (Alberta), par

l'honorable juge D. W. Beaubier

Comparutions

Pour l'appelant :                                                     L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :                                           Me Brooke Sittler

JUGEMENT

                Les appels interjetés à l'encontre des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1998 et 1999 sont admis sans frais et les nouvelles cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Saskatoon (Saskatchewan), ce 6e jour de mai 2002.

« D. W. Beaubier »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 10e jour de janvier 2003.

Mario Lagacé, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

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