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Date: 20000316

Dossier: 2000-1632-IT-I

ENTRE :

DONATILLE MUJAWAMARIYA,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

La juge Lamarre, C.C.I.

[1]            Il s'agit d'un appel d'une cotisation établie par le ministre du Revenu national ( « Ministre » ) pour l'année d'imposition 1998 par laquelle le Ministre a refusé à l'appelante un crédit équivalent pour personne entièrement à charge d'un montant de 5 380 $ en application de l'alinéa 118(1)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu ( « Loi » ).

[2]            En cotisant l'appelante, le Ministre s'est fondé sur les faits suivants que l'on retrouve au paragraphe 11 de la Réponse à l'avis d'appel et qui se lisent comme suit :

a)              dans le calcul de son impôt à payer pour l'année d'imposition 1998, l'appelante a déduit un montant de 5 380 $, à titre de crédit équivalent pour personne entièrement à charge pour sa fille, Gisèle Uwawe ( « l'Enfant » );

b)             durant l'année d'imposition 1998, l'appelante détenait un établissement domestique autonome à l'appartement 404, 10 avenue Henderson, Ottawa, Ontario;

c)              durant l'année d'imposition 1998, l'appelante demeurait à l'établissement domestique autonome décrit au sous-paragraphe 11(b), ci-dessus;

d)             durant l'année d'imposition 1998, l'Enfant demeurait au Rwanda;

e)              durant l'année d'imposition 1998, l'Enfant a demeuré dans un logis appartenant à ses grands-parents;

f)              durant l'année d'imposition 1998, l'Enfant ne demeurait pas avec l'appelante dans l'établissement domestique autonome décrit au sous-paragraphe 11(b), ci-dessus;

g)             durant l'année d'imposition 1998, l'Enfant n'était pas entièrement à la charge de l'appelante dans l'établissement domestique autonome décrit au sous-paragraphe 11(b), ci-dessus; et

h)             l'appelante n'a pas droit au crédit équivalent pour personne entièrement à charge pour l'Enfant pour l'année d'imposition 1998.

[3]            L'alinéa 118(1)b) sur lequel le Ministre s'appuie pour refuser la déduction se lisait comme suit au cours de l'année en litige :

ARTICLE 118: Crédits d'impôt personnels.

                (1) Le produit de la multiplication du total des montants visés aux alinéas a) à e) par le taux de base pour l'année est déductible dans le calcul de l'impôt payable par un particulier en vertu de la présente partie pour une année d'imposition;

                b)              Crédit équivalent pour personne entièrement à charge -- le total de 6 000 $ et du résultat du calcul suivant :

5 000 $ - (D – 500 $)

                                où :

                                D              représente 500 $ ou, s'il est supérieur, le revenu d'une                                                  personne à charge pour l'année,

                si le particulier ne demande pas de déduction pour l'année par l'effet de l'alinéa a) et si, à un moment de l'année :

                (i) d'une part, il n'est pas marié ou, s'il l'est, ne vit pas avec son conjoint ni ne subvient aux besoins de celui-ci, pas plus que son conjoint ne subvient à ses besoins,

                (ii) d'autre part, il tient, seul ou avec une ou plusieurs autres personnes, et habite un établissement domestique autonome où il subvient réellement aux besoins d'une personne qui, à ce moment, remplit les conditions suivantes :

                                (A) elle réside au Canada, sauf s'il s'agit d'un enfant du particulier,

                                (B) elle est entièrement à la charge soit du particulier, soit du particulier et d'une ou plusieurs de ces autres personnes,

                                (C) elle est liée au particulier,

                                (D) sauf s'il s'agit du père, de la mère, du grand-père ou de la grand-mère du particulier, elle est soit âgée de moins de 18 ans, soit à charge en raison d'une infirmité mentale ou physique;

[4]            L'intimée ne conteste pas que l'enfant Gisèle était mineure et entièrement à la charge de l'appelante, et que cette dernière ne vivait pas avec un conjoint au cours de l'année d'imposition 1998. L'intimée refuse à l'appelante le crédit équivalent pour personne entièrement à charge au motif que les autres conditions pour avoir droit à ce crédit ne sont pas respectées. Plus particulièrement, l'intimée soutient que parce que l'enfant Gisèle habitait chez ses grands-parents maternels au Rwanda au cours de l'année 1998, la condition exigée au sous-alinéa 118(1)b)(ii) n'est pas rencontrée. En d'autres termes, l'intimée soutient que puisque l'enfant ne vivait pas avec sa mère en 1998 dans l'établissement domestique autonome que cette dernière détenait au Canada, l'appelante n'a pas droit au crédit en question pour cette même année.

[5]            Il ressort de la preuve que l'appelante a eu droit à ce crédit pour les années d'imposition 1996 et 1997. Dans ces deux années, l'enfant Gisèle est venue passer quelques mois au Canada et est restée pendant ce temps avec sa mère.

[6]            En 1998, c'est l'appelante qui s'est déplacée au Rwanda pour y passer un mois avec sa fille. Toutes deux habitaient alors avec les grands-parents maternels au Rwanda dans un établissement domestique financé par l'appelante. Selon un document provenant de l'Ambassade de la République Rwandaise au Canada déposé sous la pièce A-2, c'est l'appelante qui subvient financièrement aux besoins de ses parents et de sa fille.

[7]            Pour avoir droit au crédit demandé pour l'année 1998 aux termes de l'alinéa 118(1)b), l'appelante doit prouver, entre autres, qu'à un moment de l'année, elle tenait, seule ou avec une ou plusieurs autres personnes, et habitait un établissement domestique autonome où elle subvenait réellement aux besoins d'une personne entièrement à sa charge. La Loi spécifie que si cette personne à charge est un enfant, cet enfant n'est pas requis par la Loi de résider au Canada. Dans l'affaire Narsing c. La Reine, [1998] A.C.F. no 156 (Q.L.) au paragraphe 2, la Cour d'appel fédérale affirmait ce qui suit :

[...] Il ressort de la Loi que le crédit ne peut être réclamé qu'à l'égard d'une personne "entièrement à charge", ce qui signifie, sous le régime de cette disposition, qu'elle doit habiter avec le contribuable le même "établissement domestique".

[8]            Je ne vois aucune indication à l'alinéa 118(1)b) précisant que l'établissement domestique doit être au Canada. D'ailleurs, c'est ce qui ressort du bulletin d'interprétation IT-513R daté du 24 février 1998, au paragraphe 18, qui se lit comme suit :

18. Un particulier qui est un résident de fait du Canada n'a pas droit à l'équivalent du montant pour conjoint à l'égard d'une personne non résidente, sauf dans le cas d'un enfant non résident. Toutefois, dans la plupart des cas, l'équivalent du montant pour conjoint n'est pas accordé à l'égard d'un enfant non résident étant donné que l'enfant ne vit généralement pas avec le particulier dans un logement que ce dernier maintient.

Si un particulier n'est pas un résident de fait mais que, conformément au paragraphe 250(1), il est réputé être un résident du Canada et que les autres conditions d'admissibilité aux fins de l'équivalent du montant pour conjoint sont remplies, il a droit à l'équivalent du montant pour conjoint à l'égard de l'une des personnes suivantes :

                • de l'un de ses enfants;

                • d'un parent admissible (voir le numéro 13 ci-dessus) qui est également réputé être un résident du Canada en vertu du paragraphe 250(1).

[9]            Ainsi, on y précise qu'un particulier qui ne réside pas dans les faits au Canada mais qui est réputé être résident du Canada conformément au paragraphe 250(1) de la Loi, peut avoir droit au crédit équivalent pour personne entièrement à charge si les autres conditions d'admissibilité sont remplies. Ceci inclut la condition que la personne à charge habite avec le particulier qui demande le crédit dans un logement que ce dernier maintient. Or, si le particulier ne réside pas dans les faits au Canada, il faut forcément qu'il habite dans un établissement domestique situé à l'extérieur du Canada, et qu'il habite avec la personne à charge qui est son enfant, pour avoir droit au crédit.

[10]          À la lecture de l'alinéa 118(1)b), il ne semble pas que le droit au crédit pour un particulier qui tient et habite un établissement domestique autonome à l'extérieur du Canada soit limité au cas où la présomption de résidence au Canada s'applique. À mon avis, le crédit peut tout aussi bien être accordé à un particulier qui réside dans les faits au Canada (comme c'est le cas pour l'appelante) mais qui tient et habite à un moment de l'année un établissement à l'étranger où il subvient aux besoins de son enfant. Rien n'empêche le particulier de détenir plus d'un établissement domestique autonome. La Loi précise qu' « à un moment de l'année » , ou selon la version anglaise « at any time in the year » , le particulier doit tenir et habiter un établissement domestique autonome où il subvient aux besoins de la personne à charge. Selon moi, cet établissement ne doit pas nécessairement être au Canada et ce, même si dans les faits, le particulier réside au Canada le restant de l'année.

[11]          Dans la présente affaire, l'appelante qui est résidente du Canada, a vécu un mois au Rwanda avec sa fille dans un établissement domestique tenu par l'appelante et ses parents et financé par cette dernière. À mon avis, l'appelante rencontre les conditions de l'alinéa 118(1)b) de la Loi puisque à un moment de l'année, elle tenait avec ses parents et habitait un établissement domestique autonome où elle subvenait aux besoins de son enfant Gisèle qui était entièrement à sa charge à ce moment. Le fait qu'elle détenait également un établissement domestique autonome au Canada n'affecte pas, à mon avis, son droit au crédit équivalent pour personne entièrement à charge.

[12]          Les décisions de cette Cour auxquelles s'est référé l'avocat de l'intimée, soit Baltazar c. La Reine, [1995] A.C.I. no 67 (Q.L.) et Ruzicka c. La Reine, [1993] A.C.I. no 820 (Q.L.), ne vont pas, à mon avis, dans le sens contraire. Dans ces deux affaires, il n'y avait aucune preuve que la personne à charge avait habité à un moment de l'année avec le particulier qui demandait le crédit. Dans les circonstances, le crédit n'avait pas été accepté.

[13]          Pour ces motifs, je suis d'avis d'accueillir l'appel et de déférer au Ministre la cotisation pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant pour acquis que l'appelante a droit à un crédit équivalent pour personne entièrement à charge d'un montant de 5 380 $ pour l'année d'imposition 1998 en application de l'alinéa 118(1)b) de la Loi.

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour de mars 2001.

« Lucie Lamarre »

J.C.C.I.

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