Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date: 20020116

Dossier: 2001-2079-IT-I

ENTRE :

KEVIN M. AUSTIN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

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Pour l'appelant : l'appelant lui-même

Avocat de l'intimée : Me Mark Heseltine

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Motifs du jugement

(Rendus oralement à l'audience à

Calgary (Alberta), le 9 novembre 2001)

Le juge McArthur

[1]      Le présent appel concerne la cotisation établie pour l'année d'imposition 1999 relativement à la demande, par l'appelant, d'un crédit d'impôt pour personnes handicapées en vertu de l'article 118.3 de la Loi de l'impôt sur le revenu. L'appelant s'est désisté de ses appels pour les années d'imposition de 1987 à 1998 parce qu'il n'a présenté aucun avis d'opposition pour ces années et, par conséquent, la Cour n'était pas valablement saisie des appels. Pour l'année d'imposition 1999, la question est de savoir si l'enfant à charge de l'appelant, Jessica, avait d'une déficience mentale ou physique grave et prolongée au sens des articles 118.3. et 118.4 de la Loi.

[2]      Le paragraphe 118.3(1) se lit comme suit :

118.3(1) Un montant est déductible dans le calcul de l'impôt payable par un particulier en vertu de la présente partie pour une année d'imposition, si les conditions suivantes sont réunies :

a)          le particulier a une déficience mentale ou physique grave et prolongée;

a.1)       les effets de la déficience sont tels que la capacité du particulier d'accomplir une activité courante de la vie quotidienne est limitée de façon marquée ou le serait [...]

a.2)       l'une des personnes suivantes atteste, sur le formulaire prescrit, qu'il s'agit d'une déficience mentale ou physique grave et prolongée dont les effets sont tels que la capacité du particulier d'accomplir une activité courante de la vie quotidienne est limitée de façon marquée ou le serait [...]

(i)          un médecin en titre, [...]

(ii)         s'il s'agit d'une déficience visuelle, un médecin en titre ou un optométriste;

(iii)        s'il s'agit d'une déficience auditive, un médecin en titre ou un audiologiste;

(iv)        s'il s'agit d'une déficience quant à la capacité à marcher ou à s'alimenter et à s'habiller, un médecin en titre ou un ergothérapeute;

(v)         s'il s'agit d'une déficience sur le plan de la perception, de la réflexion et de la mémoire, un médecin en titre ou un psychologue;

b)          le particulier présente au ministre l'attestation visée à l'alinéa a.2) pour une année d'imposition;

c)          aucun montant représentant soit une rémunération versée à un préposé aux soins du particulier, soit des frais de séjour du particulier dans une maison de santé ou de repos, n'est inclus par le particulier ou par une autre personne dans le calcul d'une déduction en application de l'article 118.2 pour l'année (autrement que par application de l'alinéa 118.2(2)b.1).

Le montant déductible est déterminé selon la formule suivante : [...]

Le paragraphe 118.3(2) permet à un parent comme l'appelant de demander un crédit pour une personne à charge. Les alinéas 118.4(1)a) et b) et le sous-alinéa c)(i) se lisent comme suit :

118.4(1)            Pour l'application du paragraphe 6(16), des articles 118.2 et 118.3 et du présent paragraphe:

a)          une déficience est prolongée si elle dure au moins 12 mois d'affilée ou s'il est raisonnable de s'attendre à ce qu'elle dure au moins 12 mois d'affilée;

b)          la capacité d'un particulier d'accomplir une activité courante de la vie quotidienne est limitée de façon marquée seulement si, même avec des soins thérapeutiques et l'aide des appareils et des médicaments indiqués, il est toujours ou presque toujours aveugle ou incapable d'accomplir une activité courante de la vie quotidienne sans y consacrer un temps excessif;

c)          sont des activités courantes de la vie quotidienne pour un particulier:

                        (i)          la perception, la réflexion et la mémoire;

                       

                        [...]

L'appelant s'appuie principalement sur l'argument que la capacité de réflexion, la perception et la mémoire de Jessica sont limitées de façon marquée, tout le temps ou la majorité du temps, ou qu'elle doit y consacrer un temps excessif.

[3]      Jessica est maintenant âgée de 14 ans. Son père, l'appelant, et Gregory M. Bullivant ont témoigné. Son père est directeur à Telus Corporation et sa mère est chiropraticienne. M. Bullivant, psychologue clinicien, est un éducateur hautement qualifié auprès d'enfants présentant des difficultés d'apprentissage. Jessica, naturellement, n'a pas témoigné. Elle va à l'école à Foothills Academy, une école privée pour les enfants présentant des difficultés d'apprentissage. Visiblement, les meilleurs juges de son état mental sont ses parents et son professeur. L'intimée n'a appelé aucun témoin. Jessica est la seule enfant de Sherry Austin et de son ancien conjoint, Mark Dochtermann. Ils ont mis fin à leur relation lorsque Jessica avait 9 mois seulement, et Mark n'a eu aucun contact avec celle-ci depuis. Sherry est maintenant mariée à Kevin Austin et ils ont une autre enfant, une fille de 6 ans du nom d'Alexandra.

[5]      Jessica a des difficultés scolaires en mathématiques, ainsi que de la difficulté à lire et à écrire depuis sa première année. Elle a reçu les services d'un professeur particulier en mathématiques une fois ou deux par semaine pendant des années. Dans un rapport psychologique daté du 11 octobre 1998[1], Dre Linda J. Matsalla indiquait ce qui suit :

          [TRADUCTION]

            La conversation normale et le langage de Jessica étaient appropriés pour son âge. Elle avait de la difficulté à comprendre les questions et les directives énoncées ainsi qu'à s'en rappeler, et avait besoin qu'on répète souvent. Elle cherchait également ses mots lorsqu'elle tentait de répondre aux questions verbalement.

En ce qui a trait au fonctionnement scolaire, Dre Matsalla a ajouté ce qui suit :

          [TRADUCTION]

... Les capacités de lecture de Jessica sont actuellement celles d'un élève de niveau 5.2, ce qui représente presque un an de retard par rapport à sa classe, mais qui est dans les limites de la moyenne. Elle devenait confuse et utilisait des techniques d'appréhension directe inappropriées lorsque la longueur des mots augmentait. Elle avait le visage très près de la feuille, bougeait la tête et lisait un mot à la fois. Plus les phrases étaient longues, plus elle avait de la difficulté à trier l'information et à se rappeler ce qu'elle avait lu.

            En mathématiques, elle a obtenu un score général de niveau 4.9, ce qui est inférieur à la moyenne pour sa classe. Elle avait de la difficulté avec le calcul et les problèmes écrits. Pour ce qui est du calcul écrit, elle avait du mal à se rappeler la séquence des étapes de résolution du problème et transposait les chiffres. Elle avait de la difficulté avec les fractions et les décimales. Elle avait également de la difficulté à trier les données pertinentes et non pertinentes ainsi qu'à élaborer un plan de résolution du problème logique pour les problèmes écrits.

Encore une fois, l'accent est mis sur la perception, la réflexion et la mémoire de Jessica en 1999. À l'heure actuelle, elle lit comme un élève de 8e ou de 9e année, mais ne comprend pas le texte ou ne se souvient pas de ce qu'elle a lu. Depuis 1998, elle fréquente l'école spéciale de M. Bullivant pour les personnes aux prises avec le même type de difficultés d'apprentissage.

[6]      Son père a témoigné qu'elle ne pouvait pas se rappeler les directives qu'on lui donnait. Si on lui demande d'aller chercher trois choses, elle revient peu de temps après et a oublié complètement les directives. M. Bullivant a déclaré qu'en classe, si on lui dit que la toilette est au bout du couloir à gauche, elle ne la trouve pas. Elle observe les autres et les suit. Elle est très secrète ou repliée sur elle-même et souffre d'un grave complexe d'infériorité ou d'une très mauvaise estime de soi. Elle ne peut utiliser le réseau d'autobus toute seule parce qu'elle ne retient pas les directives et ne sait pas où monter et descendre, bien qu'elle prenne l'autobus tous les jours entre l'école et la maison toute seule.

[7]      Sur une note positive, elle s'intéresse à l'art et à la cuisine. Elle regarde les émissions de cuisine à la télé. Elle s'entend très bien avec sa soeur de 6 ans et elle peut s'en occuper toute seule pendant une heure au plus. M. Bullivant l'a décrite comme étant une fille charmante qui requiert des directives consciencieuses et qui est très passive. Elle n'est pas spontanée. Elle a fait du progrès à l'école depuis 1999. Elle peut manger et s'habiller toute seule et achète ses vêtements avec sa mère.

[8]      Dans le certificat pour le crédit d'impôt pour personnes handicapées daté du 3 février 2000[2], M. Bullivant a coché les réponses suivantes aux questions spécifiques posées :

4.          Facultés mentales

Votre patient est-il capable de réfléchir, de percevoir et de se souvenir, à l'aide de médicaments ou d'une thérapie si nécessaire?

            « Difficulté d'apprentissage grave »                    Coché « Non »

8.          La déficience a-t-elle duré, ou devrait-elle durer au moins 12 mois consécutifs?

                                                                        Coché « Oui »

9.          La déficience est-elle suffisamment grave pour limiter, en tout temps ou presque, l'activité essentielle de la vie quotidienne même si le patient utilise des appareils appropriés, prend des médicaments ou suit une thérapie?

                                                                        Coché « Oui »

J'accepte le témoignage de l'appelant et de M. Bullivant. L'appelant était très émotif au cours de ce témoignage. Je ne peux qu'imaginer l'amour et la préoccupation qu'il a pour Jessica et les sacrifices que lui et Mme Austin ont dû faire et qu'ils font pour leur fille.

[9]      Selon moi, les faits du présent appel sont comparables à ceux de l'affaire Radage c. Canada,[3] et je fais miens le raisonnement du juge Bowman à tout égard. Il ne fait aucun doute que la capacité de Jessica d'exercer une activité courante de la vie quotidienne est limitée de façon marquée en tout temps. Dans le même ordre d'idées que la décision Radage, qui a été confirmée par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Johnson c. Canada[4], je conclus que la gravité de son incapacité donne droit au crédit d'impôt pour personnes handicapées à l'appelant. Par conséquent, l'appel est admis avec dépens, le cas échéant.

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour de janvier 2002.

« C. H. McArthur »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour d'août 2002.

Mario Lagacé, réviseur



[1]           Pièce A-1.

[2]           Pièce A-2.

[3]           [1996] A.C.I. no 730.

[4]           [1998] A.C.F. no 169.

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