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Date: 20021011

Dossier : 2002-1676-IT-I

ENTRE :

DANIEL MICHAUD,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

ET

Dossier : 2002-1678(IT)I

ENTRE :

JOSÉE MICHAUD,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Tardif, C.C.I.

[1]            Il a été convenu par les parties de procéder au moyen d'une preuve commune pour les deux dossiers, soit Daniel Michaud (2002-1676(IT)I) et Josée Michaud (2002-1678(IT)I).

[2]            Il s'agit d'appels relatifs aux années d'imposition 1998 et 1999.

[3]            Pour les deux dossiers, les cotisations ont été établies par la méthode de l'avoir net, auxquelles furent ajoutées les pénalités prévues par l'article 163 de la Loi de l'impôt sur le Revenu (la « Loi » ).

[4]            L'appelante n'était pas présente pour soutenir son appel; elle avait mandaté son frère, également appelant et le comptable Richard Ruet pour la représenter, le tout au moyen d'une procuration.

[5]            La preuve des appelants a été constituée par le témoignage de l'appelant, de son père et de celui du comptable Richard Ruet.

[6]            Tous ont témoigné d'une manière sympathique. L'appelant a expliqué que son père avait voulu créer un emploi pour sa soeur, appelante, en achetant le restaurant du village.

[7]            Peu fiable, voire même irresponsable dans ses nouvelles fonctions, sa soeur a en quelque sorte perdu les pédales, son père avait dû solliciter la collaboration de son fils, alors boucher à Montréal, pour prendre la charge du restaurant qui n'allait pas très bien.

[8]            L'appelant a expliqué que bien qu'il ait agi comme gérant de son département de viande, il avait très peu d'expérience en administration et comptabilité. Il a affirmé avoir fait son possible pour gérer le restaurant d'une façon correcte et adéquate; à cause de son manque de connaissance et d'expérience dans la restauration, il a affirmé avoir été à l'origine de la confusion totale de la comptabilité.

[9]            Il a expliqué que les revenus additionnels qui lui furent imputés par la méthode de l'avoir net, provenaient essentiellement de revenus du restaurant qui ne lui appartenaient pas et qui avaient transité par son compte pour éviter que sa soeur ne se les accapare à des fins non souhaitables.

[10]          En d'autres termes, devant l'irresponsabilité de sa soeur, l'appelant déposait dans son propre compte les revenus du restaurant pour en interdire l'accès à sa soeur. Il a soutenu qu'il ne s'agissait pas de revenus lui étant attribuables, d'où le calcul de ses avoirs a été faussé pour l'équivalent des dépôts appartenant au restaurant.

[11]          Quant aux revenus additionnels attribués à sa soeur, Josée Michaud, l'appelant a expliqué que l'intimée avait confondu revenus et mises de fonds effectués par son père. Selon l'appelant, son père avait dû injecter des fonds par le biais de prêts et d'avances pour assurer les opérations; le restaurant ne générait pas suffisamment de revenus pour faire face à toutes les dépenses et encore moins, pour justifier les ajouts de revenus.

[12]          À l'appui de ses prétentions, quant au dossier de sa soeur, il a déposé un document décrivant les dates et divers montants déboursés par son père avec des précisions et explications (pièce A-1), le tout totalisant approximativement 23 404,85 $ pour l'année 1998. Il y a lieu de reproduire la pièce A-1 :

Restaurant du Lac

À              Lac des Aigles reconnaissance

    Josée Michaud -Lac-des-Aigles

Date : 28 avril 1998

À la demande de cette date 28 avril 1998 je promets de payer à Gratien Michaud les montants suivants :

28 avril 98

donnné Langis Dubé à l'achat resto

5 000,00 $

4 mai 98

donné pour le fond de roulement

3 000,00 $

31-7-98

payé T.P.S. et T.V.Q.

3 000,00 $

30-9-98

payé pour le système d'incendie

1 500,00 $

5-8-98

payé pour frais d'avocat et Josée

1 500,00 $

2-11-98

payé T.P.S. et T.V.Q.

5 000,00 $

3-12-98

assurance du restaurant du Lac

2 904,85 $

4-6-98

payé pour le contrat du notaire

1 500,00 $

Total :

23 404,85 $

[13]          Le comptable Richard Ruet est ensuite venu confirmer le témoignage de l'appelant; il a témoigné à l'effet que le commerce n'avait pas généré suffisamment de revenus pour justifier ceux attribués aux appelants par la méthode avoir net; il a soutenu que les écarts constatés entre les revenus déclarés et les revenus attribués provenaient essentiellement de nombreuses injections de fonds du père des appelants, monsieur Gratien Michaud.

[14]          Il a aussi affirmé avoir constaté plusieurs erreurs manifestes, quant au traitement de certaines données comptables fournies par les appelants à la Firme comptable Malette Maheu. Il a indiqué avoir fait les correctifs appropriés.

[15]          Il n'a toutefois fourni aucune donnée comptable détaillée et cohérente pour discréditer les cotisations établies par avoir net. Il a essentiellement prétendu que les appelants n'avaient aucune notion d'administration et que le commerce ne générait pas suffisamment de revenus pour justifier les ajouts établis par avoir net.

[16]          Finalement, le père des appelants a confirmé le témoignage de son fils appelant, et il a décrit les circonstances ayant entouré l'acquisition du restaurant. Il a expliqué qu'au moment de l'acquisition, les vendeurs étaient sur le point de faire faillite avec leur commerce, d'où, en plus d'assumer la dette se chiffrant à plus de 75 000 $, il avait dû payer plusieurs comptes, dont notamment les frais de notaire, compte de la taxe sur les produits et services (TPS), le gicleur, etc.

[17]          Sa capacité de payer étant modeste, il a fait des déboursés seulement lors de la première année, soit en 1998, après quoi il a dû cesser d'intervenir ayant épuisé ses ressources disponibles. Tous les déboursés auraient été faits en argent comptant et il n'y a pas eu de preuve documentaire pour en attester la véracité tel, reçu, bordereau de dépôt, retrait, chèque, etc.

[18]          Le vérificateur responsable des revenus additionnels établis par avoir net a expliqué avoir fait l'analyse de plusieurs caisses de documents, avoir rencontré et discuté avec les appelants et avoir effectué plusieurs corrections suite aux explications fournies par ces derniers.

[19]          Lors du contre-interrogatoire, le comptable des appelants a fait ressortir un document qu'il avait lui-même préparé et soumis lors de l'opposition relatant divers apports ou avances déboursés par le père des appelants. Le document en question faisait état de déboursés totaux totalisant près de 45 000 $, échelonnés sur les deux années en litige, soit 1998 et 1999.

[20]          Bien que sympathique, la preuve a cependant fait ressortir de très sérieux doutes quant à la vraisemblance des explications soumises. En effet, comment expliquer que le comptable Richard Ruet, parfaitement aux faits du dossier, ait soumis un document indiquant que le père des appelants avait investi près de 45 000 $ en 1998 et 1999, alors que la personne directement concernée a, lors d'une question du Tribunal, affirmé sans équivoque, que sa participation financière n'avait été que pour l'année 1998, ce que d'ailleurs la pièce A-1 a attesté et non pas pour un montant de 45 000 $, mais plutôt 23 404,85 $. Il s'agit là d'un écart substantiel surtout pour une personne retraitée dont la capacité financière était limitée, voire même modeste.

[21]          Globalement, le vérificateur a ajouté aux revenus déclarés des appelants les revenus non déclarés suivants pour les années en cause :

REVENUS ADDITIONNELS DES APPELANTS

ÉTABLIS PAR AVOIR NET

1998

1999

TOTAUX

Madame Josée Michaud

17 291 $

39 271 $

56 562 $

Monsieur Daniel Michaud

12 113 $

1 719 $

13 832 $

Total

29 404 $

40 990 $

70 394 $

Ainsi, des revenus totaux de 70 394 $ ont été ajoutés aux revenus déclarés des appelants. Si les explications communiquées par le comptable à l'étape des oppositions étaient dignes de foi, un montant de plus de 25 000 $ demeurerait inexpliqué, soit le total des revenus ajoutés moins toutes les mises de fonds indiquées.

[22]          Chose assez étonnante, lors du procès, les avances du père des appelants avaient fondu à 23 404,85 $, laissant un solde inexpliqué de 46 989,15 $, soit 70 394 $ - 23 404,85 $.

[23]          Le père des appelants a-t-il fait des avances au montant de 45 000 $ ou 23 404 $? Lui-même n'a soutenu que le montant de 23 404 $ tout en ajoutant qu'une partie de ces montants n'avait pas été injectée dans le compte d'opération de l'entreprise.

[24]          Outre ces révélations assez surprenantes, la preuve a aussi établi que les opérations comptables du commerce étaient un véritable fouillis; tout était confondu au point que même les comptables avaient des difficultés à y voir clair.

[25]          L'appelant a aussi admis qu'il n'avait pas de salaire hebdomadaire régulier; sa rémunération était constituée de retraits à même la caisse et ce, pour payer des dépenses telles, essence, réparations d'automobile, etc. Comment cela était-il contrôlé et comptabilisé ? Les réponses ne sont jamais venues.

[26]          Les appelants n'ont donc pas relevé le fardeau de preuve qui leur incombait. Ils ont tenté d'expliquer une partie de la provenance des fonds considérés par l'intimée comme des revenus, mais les explications ont été incohérentes et surtout contradictoires.

[27]          Non seulement la preuve soumise a été déficiente, elle a été incomplète. Pour avoir gain de cause, il ne suffisait pas de créer un doute quant à une petite partie de la provenance des fonds attribués. Les appelants devaient au moyen d'une prépondérance de la preuve démontrer d'une manière vraisemblable que les revenus ajoutés n'étaient pas justifiés. La seule preuve soumise a consisté à soutenir que le père des appelants avait fait certaines avances dont les montants sont demeurés nébuleux.

Pénalités

[28]          Des pénalités ont été ajoutées aux cotisations, le tout en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi, qui se lit comme suit :

Faux énoncés ou omissions

(2)            Toute personne qui, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration, un formulaire, un certificat, un état ou une réponse (appelé "déclaration" au présent article) rempli, produit ou présenté, selon le cas, pour une année d'imposition pour l'application de la présente loi, ou y participe, y consent ou y acquiesce est passible d'une pénalité égale, sans être inférieure à 100 $, à 50 % du total des montants suivants:

...

[29]          La prépondérance de la preuve est à l'effet que les appelants n'avaient aucune compétence pour s'occuper adéquatement de la comptabilité. Périodiquement les revenus du commerce étaient, semble-t-il, déposés dans le compte personnel de l'appelant. À un autre moment, le père des appelants avait signé les chèques ayant trait aux affaires du restaurant. L'appelant a admis qu'il payait des dépenses personnelles à même les revenus du restaurant.

[30]          Tous ces faits sont largement suffisants pour conclure à une négligence grossière équivalente à une faute lourde.

[31]          L'indifférence totale de l'appelante, l'ignorance, l'absence d'une comptabilité cohérente sont des éléments qui cumulativement constituent une incurie telle qu'il s'agit certainement de faute lourde; les montants ajoutés aux revenus des appelants n'étaient ni marginaux ou insignifiants, ils étaient, au contraire, considérables eu égard à l'ensemble des faits.

Signé à Ottawa, Canada ce 11e jour d'octobre 2002.

« Alain Tardif »

J.C.C.I.

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR : 2002-1676(IT)I et 2002-1678(IT)I

INTITULÉS DES CAUSES :                                Daniel Michaud c. Sa Majesté la Reine

                                                                                                Josée Michaud c Sa Majesté la Reine

                                                                                               

LIEU DE L'AUDIENCE :                      Matane (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                    le 5 septembre 2002

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :         l'honorable juge Alain Tardif

DATE DU JUGEMENT :                      le 11 octobre 2002

COMPARUTIONS :

Représentant des appelants :                              Daniel Michaud

Avocate de l'intimée :                                          Me Stéphanie Côté

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour les appelants :

Pour l'intimée :                                       Morris Rosenberg

                                                                                Sous-procureur général du Canada

                                                                                Ottawa, Canada

2002-1676(IT)I

ENTRE :

DANIEL MICHAUD,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu sur preuve commune avec l'appel

de Josée Michaud (2002-1678(IT)I)

le 5 septembre 2002 à Matane (Québec),

par l'honorable juge Alain Tardif

Comparutions

Pour l'appelant :                                                     L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :                                          Me Stéphanie Côté

JUGEMENT

                L'appel des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1998 et 1999 est rejeté, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 11e jour d'octobre 2002.

« Alain Tardif »

J.C.C.I.

2002-1678(IT)I

ENTRE :

JOSÉE MICHAUD,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu sur preuve commune avec l'appel

de Daniel Michaud (2002-1676(IT)I)

le 5 septembre 2002 à Matane (Québec),

par l'honorable juge Alain Tardif

Comparutions

Représentant de l'appelante :                             Daniel Michaud

Avocate de l'intimée :                                          Me Stéphanie Côté

JUGEMENT

                L'appel des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1998 et 1999 est rejeté, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 11e jour d'octobre 2002.

« Alain Tardif »

J.C.C.I.

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