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Date: 20010418

Dossier: 2000-2579-IT-I

ENTRE :

KIM L. S. MADSEN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifsdu jugement

Le juge Beaubier, C.C.I.

[1]            L'appel en l'espèce, interjeté sous le régime de la procédure informelle, a été entendu à Victoria (Colombie-Britannique), le 2 avril 2001. L'appelant a été le seul témoin. Il a interjeté appel à l'encontre de la déduction non admise d'un salaire de 12 000 $ qu'ilaffirme avoir payé à son épouse en 1996 et en 1997. Les paragraphes 7 et 8 de la réponse à l'avis d'appel établissent les questions en litige. Ils sont ainsi rédigés :

                                [TRADUCTION]

7.              Pour établir cette nouvelle cotisation à l'égard de l'appelant, le ministre s'est fondé sur les hypothèses de fait suivantes :

a)              les dépenses supérieures au montant admis par le ministre n'ont pas été engagées en vue de tirer un revenu d'emploi; elles étaient plutôt des frais personnels ou de subsistance de l'appelant;

b)             l'appelant qui travaille comme vendeur est rémunéré, en partie, sous forme de commissions;

c)              l'appelant devait payer ses propres frais;

d)             l'appelant se faisait rembourser les frais qui avaient été approuvés par son employeur;

e)              l'appelant se rendait en Alberta et en Colombie-Britannique;

f)              l'appelant devait travailler ailleurs que dans des locaux de l'employeur;

g)             l'appelant se faisait rembourser ses frais s'il fournissait à son employeur une preuve de paiement;

h)             l'appelant devait louer un bureau ou utiliser une partie de son domicile comme bureau;

i)               l'appelant n'était pas tenu selon son contrat de travail d'embaucher un adjoint ou un remplaçant;

j)               l'appelant n'a pas payé son épouse pour son aide.

B.             QUESTIONS EN LITIGE

8.              Les questions sont les suivantes :

a)              l'appelant a-t-il payé son épouse pour des services de bureau;

b)             si l'appelant a payé son épouse, ce qui n'est pas admis, mais expressément nié, a-t-il le droit de déduire le montant de 12 000 $ pour chaque année?

[2]            Les hypothèses 7b), c), e), f) et h) sont justes.

[3]            Pour ce qui est des autres hypothèses, la Cour conclut ce qui suit :

a)              L'appelant vend de l'équipement sophistiqué pour la fabrication de pâtes et papiers, ce qui lui demande de procéder à un examen hautement technique de 65 usines de pâtes et papiers en Alberta et en Colombie-Britannique, d'effectuer des estimations, de préparer des soumissions, de les présenter à son employeur aux États-Unis et d'inspecter les usines de temps à autre. Son employeur ne possède pas de bureau au Canada. L'appelant met à la disposition de son employeur une pièce et un espace d'entreposage dans son domicile, qui représentent l'unique source de stockage d'informations de son employeur au Canada. Le numéro de téléphone permanent de l'appelant est également celui du domicile. Son épouse répond au téléphone et recherche et vérifie des renseignements pour l'appelant dans les dossiers qui se trouvent au domicile lorsqu'il est sur la route. Selon la Cour, les services rendus par l'épouse étaient nécessaires au travail de l'appelant, l'établissement d'un lieu de travail au domicile de l'appelant l'était aussi. Les sommes d'argent qui y ont été consacrées ne constituaient pas des frais personnels ou de subsistance, mais étaient destinées à son travail.

d) et g) Ces dépenses ou d'autres n'ont pas été remboursées à l'appelant. Il recevait un salaire de base de 25 000 $ par année. Son revenu réel se composait de ses commissions provenant des ventes pour son travail effectué dans une industrie très technique et compétitive, où chaque vente constituait une soumission compétitive dans une industrie sophistiquée. L'appelant serait congédié s'il ne réalisait pas un nombre suffisant de ventes.

(i)             Pour les deux années en litige, on a répondu " non " à la question suivante du formulaire T-2200 :

a)              Avez-vous exigé que cet employé, selon son contrat :

[...] embauche un adjoint ou un remplaçant?

Cette réponse est exacte. Toutefois, la nécessité d'avoir un bureau au domicile jumelée au fait que le travail de l'appelant requiert de nombreux déplacements, des journées consécutives sur la route pour se rendre à des usines éloignées chaque semaine, signifient que son épouse ou une autre personne doit éventuellement rechercher des renseignements et répondre au téléphone chaque jour ouvrable. Son épouse le faisait, et son employeur n'avait pas à payer pour ce service. En réalité, la nature de son contrat de travail faisait en sorte que son épouse ou quelqu'un comme elle devait faire ce travail. La pièce A-1, onglet 2, une lettre de son employeur, en fait état de manière négative :

                                [TRADUCTION]

Stowe Woodward n'a pas d'objection à ce que Kim Madsen embauche son épouse pour l'aider à faire son travail, pourvu qu'il n'y ait aucune responsabilité ni obligation de la part de Stowe Woodward.

La Cour conclut qu'en réalité Mme Madsen devait, en vertu du contrat de travail de Kim, remplacer ce dernier ou lui servir d'adjointe lorsqu'il était à l'extérieur de chez lui et du bureau. Les actions de Stowe Woodward témoignent simplement des exigences juridiques de la législation gouvernementale en matière d'emploi et de fiscalité qui pourraient porter atteinte aux sociétés internationales exerçant leurs activités au Canada ou ailleurs dans le monde.

j)                     Le paiement était versé à l'épouse pour son travail de la manière suivante : l'employeur de Kim le payait en déposant son salaire dans le compte conjoint des Madsen. L'épouse de Kim, Diana, utilisait simplement le compte, pour des retraits et des chèques, à sa guise. Il s'agissait là de son salaire. Elle ne recevait pas de chèque officiel par mois ou toutes les deux semaines ou d'autre forme de paiement direct. Leur comptable a inscrit le montant de 12 000 $ par année à titre de paiement versé à Diana pour le travail accompli en vertu du contrat, de sorte que des retenues n'étaient pas nécessaires et que les stipulations normales relatives aux employés ne s'appliquaient pas.

Ainsi, la question dont la Cour est saisie est correctement énoncée aux alinéas 8a) et b) de la réponse. Les montants payés par Kim étaient-ils visés par l'alinéa 8(1)i) de la Loi de l'impôt sur le revenu? Les éléments de preuve présentés ne contredisent pas le témoignage de Kim selon qui son épouse n'était pas son employée, mais bien une travailleuse à contrat.

[4]            L'alinéa 8(1)i) permet à un employé de déduire

les sommes payées par le contribuable au cours de l'année au titre :

[...]

(ii) [...] du salaire d'un adjoint [...] que le contrat d'emploi [...] l'obligeait à payer [...].

(Je souligne.)

[5]            Le terme " salaire " est défini dans le Oxford Dictionary comme un [TRADUCTION] " paiement fixe régulier versé par un employeur à un employé en échange du travail de ce dernier ". L'appelant n'a pas invoqué l'existence d'une relation employeur-employé et il n'a pas versé à Diana de paiement fixe régulier. Les services de Diana ne constituaient pas non plus des fournitures consommées au sens du sous-alinéa 8(1)i)(iii) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

[6]            Selon la Cour, les services rendus par Diana et le poste de Kim sont pratiquement identiques à ceux décrits par la juge Lamarre Proulx, C.C.I., dans l'affaire Baillargeon c. Ministre de Revenu national, [1990] A.C.I. no 712 (Q.L.), qui a déclaré ce qui suit :

                                Tel que soulevé par l'agent de l'appelant, l'intimé ne conteste pas que l'épouse de l'appelant ait travaillé pour ce dernier, ni que le montant de la rémunération ait été raisonnable en l'espèce, ni que la somme ait été payée à cette dernière. Le seul argument soulevé par l'intimé est que l'appelant n'était pas tenu, en vertu de son contrat d'emploi, de payer le salaire d'un adjoint.

                                S'il s'agissait d'un contrat d'emploi à rémunération fixe, je ne doute pas qu'il faudrait que cette obligation soit mentionnée dans le contrat d'emploi. Dans un cas d'emploi où la personne est rémunérée entièrement à commission, toutes les dépenses que l'employé peut ou doit faire pour gagner son revenu ne sont pas nécessairement énumérées dans le contrat d'emploi.

                                D'après la preuve, il n'y avait pas de contrat d'emploi écrit. Un petit bureau ou emplacement avec téléphone était fourni à l'appelant par son employeur. Pour une vingtaine d'employés, il y avait une secrétaire. D'après le témoignage de l'appelant, l'emplacement du bureau n'était pas permanent. On pouvait faire déménager les employés d'un lieu à l'autre. Le seul bureau permanent se trouvait à la maison de l'appelant ainsi que sa seule assistante permanente. Elle faisait la réception et la délivrance des titres, la perception des paiements, la remise des chèques en paiement de leur revenu aux détenteurs de titres, le maintien des contrats, les réceptions, les appels téléphoniques.

[7]            Toutefois, en l'espèce, l'intimée conteste le fait que Kim ait payé Diana. Le salaire de Kim était déposé dans ce qui constitue de toute évidence le compte conjoint du ménage, dans lequel Kim ou Diana pouvait effectuer des retraits. Aucune preuve satisfaisante n'a été présentée pour établir que Diana a retiré le montant annuel de 12 000 $ du compte pour son propre profit ni qu'elle a autrement utilisé ce montant. Il est certain qu'aucun paiement officiel du montant de 12 000 $ par année n'a été effectué et, selon la preuve déposée devant la Cour, il se pourrait qu'aucune somme n'ait été versée. Kim avait autant de droits à l'égard du contenu de leur compte conjoint que Diana.

[8]            La seule preuve qu'un paiement a été versé à Diana figure dans les énoncés produits à des fins d'impôt sur le revenu par leur comptable. Comme le juge Bowman l'a déclaré dans l'affaire Ed Sinclair Construction & Supplies Ltd. et autres c. Le ministre du Revenu national, C.C.I., no 86-1337(IT), 8 janvier 1992, aux pages 16 et 17 (92 DTC 1163, à la page 1169) :

En outre, le ministre a cherché à imposer M. Sinclair sur la somme de 50 750 $ que Prosperous Investments avait portée au crédit de son compte de prêts. Il découlerait des paragraphes 6p) et q) de la réponse, qui énoncent les prétendues " hypothèses " du ministre, qu'il a présumé que le simple fait de porter quelque chose au crédit d'un compte de prêts aux actionnaires donne lieu à une imposition aux mains de l'actionnaire principal, indépendamment de la question de savoir si l'actionnaire ou l'employé s'est approprié des fonds du compte ou si le fait de créditer le compte touche de quelque façon que ce soit le rapport juridique avec la corporation ou, en fait, de la question de savoir si l'actionnaire a fermé les yeux sur l'écriture comptable ou même en a connaissance. Une simple inscription comptable dans un compte de prêts ne constitue pas en soi un événement imposable, à moins de l'existence de quelque chose de plus, un reçu par exemple. Dans l'affaire Gresham Life Society Co. Ltd. v. Bishop, (1902) 4 TC 464, à la page 476, lord Brampton s'est prononcé en ces termes :

" Votre Honneur, je conviens avec la Cour d'appel qu'une somme d'argent peut être reçue de plus d'une façon, p. ex. au moyen du transfert d'argent ou d'un titre négociable ou de tout autre document qui représente et produit de l'argent, et qui est considéré comme tel par les hommes d'affaires. Même un règlement dans un compte peut équivaloir à la réception d'une somme d'argent, bien qu'il n'y existe aucun mouvement monétaire; et, moi-même, je ne suis pas disposé à dire que ce qui est, pour les hommes d'affaires, l'équivalent de la réception d'une somme d'argent ne constitue pas une réception au sens de la loi que Votre Honneur doit interpréter. Pour qu'il y ait réception d'une chose, il doit y avoir une personne qui reçoit et une personne de laquelle elle reçoit ainsi que quelque chose que la première reçoit de la seconde; dans ce cas-ci, ce quelque chose doit être une somme d'argent. Une simple inscription dans un compte qui ne représente pas cette opération ne prouve aucune réception, même si elle peut avoir par ailleurs une certaine valeur. "

En l'espèce, il ne s'agit pas non plus d'une preuve de l'existence d'un paiement.

[9]            Pour ces motifs, l'appel est rejeté.

                Signé à Regina (Saskatchewan), ce 18e jour d'avril 2001.

" D. W. Beaubier "

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 23e jour d'octobre 2001.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Martine Brunet, réviseure

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-2579(IT)I

ENTRE :

KIM L. S. MADSEN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus le 2 avril 2001 à Victoria (Colombie-Britannique), par

l'honorable juge D. W. Beaubier

Comparutions

Avocat de l'appelant :                 Me D. Laurence Armstrong

Avocate de l'intimée :                 Me Jasmine Sidhu

JUGEMENT

          Les appels interjetés à l'encontre des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1996 et 1997 sont rejetés selon les motifs du jugement ci-joints.


          Signé à Regina (Saskatchewan), ce 18e jour d'avril 2001.

" D. W. Beaubier "

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour d'octobre 2001.

Martine Brunet, réviseure


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