Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 20010423

Dossiers: 2000-581-IT-I,

2000-2030-IT-I

ENTRE :

ALI ENOW ALI,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Pour l'appelant : L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée : Me Jenna Clark

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MOTIFS DU JUGEMENT

(Rendus oralement à l'audience

à Toronto (Ontario) le 12 janvier 2001.)

Le juge McArthur

[1]            Pour les années d'imposition 1995, 1996 et 1997, les appels sont identiques, sauf en ce qui concerne les montants en litige. L'appelant cherche à obtenir pour ces trois années la déduction d'une pension alimentaire de 5 950 $, de 5 985 $ et de 6 500 $, respectivement. La déduction de 5 380 $ à titre d'équivalent du montant pour conjoint lui a de plus été refusée dans le calcul du crédit d'impôt non remboursable. La question en litige se résume à savoir si l'appelant a vraiment envoyé de l'argent à son épouse, à sa mère et à sa soeur, qui vivaient toutes au Kenya pendant les années en cause.

[2]            L'appelant a épousé Sacdiyo Adan Ahmned en 1994, et ce fait n'est pas contesté. Toutefois, afin de souligner les différences culturelles qui existent par rapport à notre pays, je donnerai certains détails. L'appelant n'a jamais rencontré son épouse, bien qu'ils soient mariés depuis six ans. Il s'agissait d'un mariage arrangé effectué par téléphone. Pourtant, l'appelant a convaincu le ministre du Revenu national, grâce à un certificat provenant de son pays d'origine, qu'il était bel et bien marié. L'appelant a quitté la Somalie pour immigrer au Canada en 1991 et il est maintenant un citoyen canadien. Son témoignage a été traduit par un interprète somalien. Pendant les années en litige, il travaillait dans un entrepôt de fabricant et y gagnait environ 25 000 $ annuellement. Sa mère, sa soeur et son épouse vivaient dans un camp de réfugiés au Kenya, après avoir quitté la Somalie, le pays voisin, pendant une guerre civile. L'appelant a parlé de la culture musulmane relative au partage et il a déclaré qu'il se sentait obligé d'aider sa famille restée là-bas. Son mariage a eu lieu alors qu'il était au Canada et que son épouse se trouvait en Afrique. Jusqu'à maintenant, il n'a pas pu économiser suffisamment d'argent pour se rendre au Kenya pour une cérémonie de mariage, mais il prévoit être en mesure de le faire dans moins d'un an.

[3]            Encore une fois, la question en litige n'est pas de savoir si l'appelant est marié, mais plutôt de savoir s'il a droit au crédit d'impôt en vertu de l'alinéa 118(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu, qui prévoit que :

118(1)      Le produit de la multiplication du total des montants visés aux alinéas a) à e) par le taux de base pour l'année est déductible dans le calcul de l'impôt payable par un particulier en vertu de la présente partie pour une année d'imposition;

a)             si, à un moment de l'année, le particulier est marié ou vit en union de fait et subvient aux besoins de son époux ou conjoint de fait [...].

[4]            Les hypothèses de fait du ministre auxquelles l'appelant souscrit sont les suivantes :

                [TRADUCTION]

a)              pendant toute la période pertinente, l'appelant était marié à Sacdiyo Adan Ahmned;

b)             pendant toute la période pertinente, Sacdiyo n'était pas une résidente du Canada;

c)              pendant les années d'imposition 1995 et 1996, l'appelant ne vivait pas séparé de son épouse pour cause d'échec de son mariage, à la fin de l'année ou pendant une période d'au moins 90 jours commençant au cours de l'année;

d)             un tribunal compétent n'a pas rendu une ordonnance ou un jugement prévoyant le paiement des montants;

e)              les montants n'ont pas été payés en vertu d'une ordonnance ou d'un jugement rendu par un tribunal compétent à titre de pension alimentaire ou autre allocation payable périodiquement pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, des enfants issus du mariage ou à la fois du bénéficiaire et des enfants issus du mariage.

Le ministre reconnaît que l'appelant est marié, mais il nie qu'il a subvenu aux besoins de son épouse, et il s'agit là de la question en litige des appels en l'instance.

[5]            Il est évident que l'appelant n'a pas le droit de déduire les montants demandés à titre de pension alimentaire. Il ne le conteste pas, et je suppose qu'il s'agissait d'une erreur dans son avis d'appel. Il déclare qu'il subvenait aux besoins de son épouse, de sa mère et de sa soeur. Il a présenté un affidavit, dans lequel son épouse prétend déclarer sous serment avoir reçu de l'appelant environ 6 000 $ par année en monnaie canadienne pendant les trois années en litige. L'affidavit déposé sous la cote A-1 paraît avoir été reçu et attesté par un notaire public à Nairobi. Tout comme l'intimée, j'estime qu'il faut accorder peu d'importance à l'affidavit, parce que l'épouse de l'appelant ne peut pas être contre-interrogée.

[6]            L'appelant a paru être un témoin crédible, malgré un contre-interrogatoire soigné. Ma décision aurait été beaucoup plus facile à prendre s'il avait appelé des témoins pour corroborer son témoignage en ce qui concerne les différences culturelles de son pays et l'argent en espèces qu'il a fait parvenir à son épouse et à sa famille grâce à des messagers de sa collectivité. Il a présenté des documents justificatifs dont les passeports déposés sous la cote A-2 de deux de ces messagers qui paraissent avoir beaucoup voyagé, mais ces documents, encore une fois, constituaient du ouï-dire. Il a déclaré que son épouse et sa mère étaient analphabètes et n'avaient accusé réception des sommes d'argent qu'il leur avait envoyées que lors d'appels téléphoniques occasionnels.

[7]            En outre, l'appelant a présenté son relevé de compte de la Banque Royale du Canada, soit la pièce A-3, où, en date du 1er décembre 1997, il avait un solde créditeur de 6 326 $ et dans lequel des retraits de 500 $ et de 1 200 $ ont été effectués le 16 et le 17 décembre, respectivement. Selon l'appelant, ces sommes ont été envoyées à son épouse et à sa mère. Bien qu'il s'agisse d'un cas limite, j'admets ce témoignage.

[8]            En contre-interrogatoire, l'appelant a déclaré que l'Organisation des Nations Unies fournissait à son épouse, à sa mère et à sa soeur, alors qu'elles se trouvaient dans un camp de réfugiés au Kenya, de la nourriture et un abri. Pourtant, j'admets que l'appelant a subvenu aux besoins de son épouse pendant les années en cause et qu'il ne vivait pas séparé d'elle pour cause d'échec du mariage. Bien que j'admette qu'il a envoyé de l'argent à chacune des trois années en cause afin de subvenir aux besoins de son épouse, je conclus que le montant n'est pas d'environ 6 000 $ par année, mais plutôt de 2 000 $. En conclusion, l'appelant a le droit de demander ce crédit d'impôt en vertu de l'alinéa 118(1)a) de la Loi, en ce qui concerne son épouse, pour les années d'imposition 1995, 1996 et 1997, et, à tous les autres égards, les appels de l'appelant sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour d'avril 2001.

" C. H. McArthur "

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 8e jour de novembre 2001.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Martine Brunet, réviseure

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