Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20000822

Dossier : 1999-1529-EI

ENTRE :

MUNICIPALITÉ D'EASTMAN,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

DENIS LARAMÉE,

intervenant.

Motifs du jugement

Le juge Tardif, C.C.I.

[1]            Il s'agit d'un appel d'une détermination en date du 5 février 1999. En vertu de cette décision, l'intimé arrivait à la conclusion qu'il avait existé une relation employeur-employé entre l'appelante et le travailleur " Denis Laramée ", entre le 1er janvier 1997 et le 30 septembre 1998, alors que ce dernier agissait comme chef des pompiers volontaires.

[2]            Le représentant de l'appelante et l'intervenant ont convenu de procéder au moyen d'une preuve commune. L'appelante a admis tous les faits pris pour acquis par l'intimé pour soutenir la détermination au centre du présent litige.

[3]            Ces faits sont les suivants :

a)              l'appelante opérait un service de lutte aux incendies avec 13 à 15 pompiers volontaires et 3 officiers;

b)             l'appelante offrait aussi son service de lutte aux incendies, suite à une entente, à la municipalité voisine de Bolton-Est;

c)              les dispositions du paragraphe 3.1 du règlement 9-96 de l'appelante prévoyaient la nomination d'un chef pompier par le Conseil municipal;

d)             le travailleur était employé à titre de chef des pompiers volontaires;

e)              les fonctions du travailleur consistaient, entre autres, à coordonner et superviser les effectifs durant le combat des incendies, à organiser des pratiques mensuelles, à rédiger des rapports, à gérer le service, à voir aux respects des exigences et des règlements reliés à la sécurité, à s'assurer que les équipements sont en bon état;

f)              l'appelante fournissait tous les outils et le matériel pour la lutte aux incendies au travailleur et aux pompiers volontaires;

g)             l'appelante fournissait un téléphone cellulaire et un télé-avertisseur au travailleur;

h)             le travailleur recevait une rémunération horaire de 9 $ pendant les exercices et de 15,02 $ pendant la lutte aux incendies;

i)               le travailleur devait organiser une pratique mensuelle de 3 heures à chaque mois pour l'ensemble des pompiers volontaires;

j)               à chaque mois, le travailleur recevait une rémunération additionnelle de 203 $ de l'appelante pour l'exécution de ses différentes fonctions et pour participer aux réunions;

k)              le travailleur était payé par chèque à chaque mois;

l)               le travailleur n'avait aucun risque de perte financière ou chance de profit autre que son paiement mensuel;

m)             le travailleur devait donner un préavis écrit de 30 jours s'il voulait quitter son poste.

[4]            Madame Deslongchamps, secrétaire-trésorière de l'appelante et monsieur Denis Laramée en sa qualité d'intervenant, ont témoigné au soutien de l'appel. Il est ressorti de leurs témoignages que l'appelante avait prévu, défini et encadré le travail exécuté par le chef-pompier intervenant au moyen d'un règlement très élaboré, portant le numéro 9-96.

[5]            Ils ont insisté sur l'aspect volontariat et disponibilité; il s'agissait d'un travail effectué de façon continue dont le but premier était évidemment de s'assurer qu'une équipe, adéquatement préparée avec du matériel approprié et en bon état, soit toujours et en tout temps prête à intervenir pour sauver et protéger tant les biens que les personnes concernés par l'intervention.

[6]            Monsieur Laramée a d'abord indiqué qu'il était charpentier-menuisier appelé à travailler à l'extérieur dans l'exercice de cette fonction qui était son gagne-pain. Facile à rejoindre lors d'un appel nécessitant une intervention, il a indiqué qu'il prenait les décisions appropriées en fonction de plusieurs facteurs dont la disponibilité, les distances à parcourir, etc. À l'occasion, il pouvait tout simplement demander l'intervention d'un groupe de pompiers extérieurs, à l'emploi d'une autre municipalité.

[7]            En qualité de chef des pompiers volontaires, il s'assurait que les équipements et le matériel soient toujours en bon état par le biais de visites au local où le tout était remisé. Il coordonnait la disponibilité d'un groupe d'une quinzaine de pompiers volontaires tant au niveau des pratiques qu'au niveau des divers cours de formation occasionnellement offerts.

[8]            À la suite de chaque intervention, le chef préparait et soumettait un compte-rendu à l'appelante. Quant à lui, il recevait un tarif horaire de 9 $ pour les pratiques et de 15 $ lors d'une intervention concrète. Il recevait en outre un montant mensuel de plus ou moins 200 $.

[9]            Le représentant de l'appelante a expliqué que ce montant constituait essentiellement une bonification pour compenser les différents déboursés effectués dans l'exercice de ses fonctions, dont l'usage d'une automobile.

[10]          Il n'y a aucun doute que le contenu du règlement 9-96 milite très fortement pour une conclusion à l'effet que le travail exécuté par monsieur Laramée était un travail assurable. En effet, ce règlement est très explicite et prévoit toutes les composantes requises pour l'existence d'un contrat de louage de services, notamment au niveau de la rémunération, de la description de tâches, des diverses responsabilités, du coût des vêtements et des outils de travail. En outre, à la lecture de ce règlement, il est également tout aussi manifeste que l'appelante avait un droit de regard et d'intervention sur la façon dont le travail était exécuté.

[11]          Il y a lieu d'annexer ledit règlement au présent jugement.

DROIT APPLICABLE

Le législateur a exclu de façon très spécifique certains emplois : l'exclusion pertinente se retrouve au paragraphe 7e du Règlement sur l'assurance-emploi, le tout se lisant comme suit :

                7. Sont exclus des emplois assurables les emplois suivants :

                      ...

e) l'emploi exercé par une personne chargée d'opérer un sauvetage, si celle-ci n'exerce pas régulièrement un emploi au service de l'employeur qui l'a embauchée à cette fin;

[12]          Selon l'intimé, l'exclusion ne s'applique pas, étant donné que l'appelante versait régulièrement un montant de 203 $ par mois. L'intimé soutient que le versement de ce montant mensuel régulier fait en sorte qu'il s'agissait d'un emploi régulier, stable et continu.

[13]          Je ne crois pas que le paiement de ce montant mensuel permette une telle interprétation puisqu'il s'agissait essentiellement d'une allocation, d'une prime d'encouragement, d'une sorte de bonification et d'incitation à bien faire le travail, une compensation pour couvrir les faux frais dont l'utilisation d'une automobile, le temps dépensé pour la préparation de la coordination des opérations, etc.

[14]          D'ailleurs, il s'agit d'un montant essentiellement marginal qui ne peut pas être suffisant pour conclure que le chef-pompier exerçait régulièrement un emploi au service de l'appelante et qu'il avait été embauché à cette fin.

[15]          Rémunéré à raison de 9 $ l'heure pour les pratiques et à 15 $ pour les travaux exécutés sur les lieux d'une urgence, l'allocation moyenne correspond à un tarif horaire de plus ou moins 12 $ l'heure. Conséquemment, la prime mensuelle représentait environ 17 heures par mois, soit plus ou moins 4 heures par semaine. Comment prétendre qu'il s'agissait là d'un poste régulier, d'autant plus qu'une partie de ce montant tenait lieu de remboursement de dépenses ?

[16]          Larousse définit " régulièrement "comme suit :

1o                    D'une manière régulière, légale.

2o             Avec régularité, uniformité.

3o             Normalement d'ordinaire.

[17]          Le législateur a expressément prévu l'exclusion de certains emplois des emplois assurables. Je ne crois pas qu'il soit possible et approprié de contourner les exceptions formellement prévues par le législateur en ayant recours à des interprétations non soutenues par des faits déterminants. L'intimé fonde ses prétentions sur un élément circonstanciel mis en place par l'appelante pour faciliter le bon fonctionnement d'un service essentiel à la communauté.

[18]          La seule régularité étant le paiement de l'allocation mensuelle de 203 $, cela est-il un élément suffisant pour rendre inopérante l'exclusion prévue par la Loi sur l'assurance-emploi (la " Loi ") ? Je ne le crois pas. Je suis d'avis que cet élément doit s'apprécier dans le cadre de l'ensemble des faits.

[19]          En l'espèce, il y a lieu de conclure qu'il s'agissait là d'une pratique administrative pour simplifier et faciliter une saine administration.

[20]          D'autre part, ce seul fait ne constitue pas une composante significative dans l'entente intervenue entre l'appelante et le chef-pompier; il s'agit là d'une modalité secondaire qui doit s'apprécier dans le contexte global.

[21]          La preuve a révélé que monsieur Laramée avait la totale discrétion de se rendre ou ne pas se rendre sur les lieux d'une urgence, pourtant localisée sur le territoire dont il était responsable. Cette flexibilité, conforme à la qualité particulière de son statut avec l'appelante, confirme une indépendance tout à fait inconciliable avec le détenteur d'un emploi régulier.

[22]          Tout ce qui était régulier était le paiement du montant mensuel puisque l'intervenant pouvait se rendre ou ne pas se rendre vérifier l'état du matériel, il s'agissait là d'une initiative laissée à sa pleine et entière discrétion, commandée par son seul intérêt à faire un bon travail et à s'assurer que l'équipe pourrait éventuellement compter sur de l'équipement en bon état.

[23]          La prépondérance de la preuve a établi que le travail exécuté par l'intervenant était un emploi exercé par une personne chargée d'opérer un sauvetage. Il ne s'agissait pas d'un emploi que l'intervenant exerçait régulièrement. De par sa fonction, il assurait la continuité et assumait la direction de ce service de protection contre les incendies; il n'était pas pour autant un employé régulier puisque seules les urgences le contraignaient.

[24]          En l'espèce, le travail exécuté par l'intervenant, Denis Laramée, était conforme à celui défini à l'exception prévue par la Loi et de ce fait, doit être exclu des emplois assurables.

[25]          L'appel est donc accueilli.

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour d'août 2000.

" Alain Tardif "

J.C.C.I.

No DU DOSSIER DE LA COUR :        1999-1529(EI)

INTITULÉ DE LA CAUSE :                 MUNCIPALITÉ D'EASTMAN et M.R.N.

                et DENIS LARAMÉE

LIEU DE L'AUDIENCE :                      SHERBROOKE (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :    le 12 juin 2000

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :         l'honorable juge Alain Tardif

DATE DU JUGEMENT :                      le 22 août 2000

COMPARUTIONS :

Représentant de l'appelante :             Maurice Friard

Avocate de l'intimé :                            Me Diane Lemery

Pour l'intervenant :                                L'intervenant lui-même

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelante :

                                Nom :                      

                                Étude :                    

Pour l'intimé :                                         Morris Rosenberg

                                                                Sous-procureur général du Canada

                                                                Ottawa, Canada

1999-1529(EI)

ENTRE :

MUNICIPALITÉ D'EASTMAN,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

DENIS LARAMÉE,

intervenant.

Appel entendu le 12 juin 2000 à Sherbrooke (Québec) par

l'honorable juge Alain Tardif

Comparutions

Représentant de l'appelante :                Maurice Friard

Avocate de l'intimé :                            Me Diane Lemery

          Pour l'intervenant :                     L'intervenant lui-même

JUGEMENT

L'appel est accueilli et la décision rendue par le Ministre est infirmée selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour d'août 2000.

" Alain Tardif "

J.C.C.I.


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.