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Date: 20000926

Dossiers: 1999-2248-EI, 1999-2249-CPP

ENTRE :

MASTECH QUANTUM INC.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Weisman, C.C.I.

[1]            Il s'agit d'appels interjetés à l'encontre de la décision de l'intimé selon laquelle Glenn Wallace exerçait un emploi assurable ouvrant droit à pension alors qu'il gérait des systèmes informatiques pour Dofasco Inc. ( « Dofasco » ), du 1er janvier 1996 au 14 janvier 1998.

[2]            La présente affaire met en cause l'interprétation de l'alinéa 6g) du Règlement sur l'assurance-emploi[1] et du paragraphe 34(1) du Règlement sur le Régime de pensions du Canada[2], qui sont ainsi formulés :

6. Sont inclus dans les emplois assurables, s'ils ne sont pas des emplois exclus conformément aux dispositions du présent règlement, les emplois suivants :

                [...]

                g) l'emploi exercé par une personne appelée par une agence de placement à fournir des services à un client de l'agence, sous la direction et le contrôle de ce client, en étant rétribuée par l'agence.

34. (1)      Lorsqu'une personne est placée par une agence de placement pour la fourniture de services ou dans un emploi auprès d'un client de l'agence, et que les modalités régissant la fourniture des services et le paiement de la rémunération constituent un contrat de louage de services ou y correspondent, la fourniture des services est incluse dans l'emploi ouvrant droit à pension, et l'agence ou le client, quel que soit celui qui verse la rémunération, est réputé être l'employeur de la personne aux fins de la tenue de dossiers, de la production des déclarations, du paiement, de la déduction et du versement des contributions payables, selon la Loi et le présent règlement, par la personne et en son nom.

[3]            Il n'est pas contesté que M. Wallace a obtenu son emploi auprès de Dofasco grâce à Silverside Computer Systems Inc., le prédécesseur de l'appelante, suivant des modalités analogues à celles d'un contrat de louage de services, que Silverside était une agence de placement et que Dofasco était une cliente de cette agence.

[4]            Les questions en litige sont celles de savoir si Silverside a placé M. Wallace sous la direction et le contrôle de Dofasco et si M. Wallace a été rémunéré par Silverside.

La question de la direction et du contrôle

[5]            L'appelante soutient que rien dans la preuve n'indique une intention de la part de Silverside de placer M. Wallace sous la direction et le contrôle de Dofasco. Elle renvoie à l'entente essentielle intervenue entre Dofasco et Silverside et datée du 27 août 1996, où l'on peut notamment lire ceci : [TRADUCTION] « Le client sera responsable de désigner la nature des services à être fournis par un sous-traitant et de vérifier que le résultat obtenu par un sous-traitant est satisfaisant. Il est entendu que la manière dont les services seront fournis par un sous-traitant est laissée à l'appréciation exclusive de ce dernier » .

[6]            L'appelante prétend également que M. Wallace était la seule personne compétente pour gérer le système informatique archaïque alors utilisé par Dofasco afin de contrôler ses fourneaux à oxygénation. Il n'y avait en conséquence personne chez Dofasco qui pouvait gérer et contrôler la façon dont les services de M. Wallace étaient fournis.

[7]            M. Wallace a témoigné au nom de l'intimé. Il a décrit les dangers extrêmes inhérents à un procédé d'oxygénation. Si l'un de ses systèmes informatiques tombait en panne, de l'acier liquide chaud pouvait s'échapper, ce qui pouvait provoquer des blessures ou la mort. En conséquence, il était assujetti de diverses façons à la gestion et au contrôle de la prudente Dofasco.

[8]            Dofasco a trois équipes de soutien qui se partagent deux directeurs. M. Wallace est l'un des six membres de la première équipe qui participe à la fabrication de l'acier. Les cinq autres membres sont des employés à plein temps de Dofasco. M. Wallace a un bureau chez Dofasco, où il est tenu de porter des bottes à embouts d'acier, des lunettes de sécurité et des chemises à manches longues pour sa propre protection. Il fait rapport à trois différentes personnes, et son travail est supervisé par les deux directeurs susmentionnés, qu'il appelle ses « patrons » . Il existe une liste de personnes qui doivent être consultées pour toutes les décisions importantes. Il est fort possible que M. Wallace reçoive des appels téléphoniques à la maison 24 heures sur 24, sept jours sur sept. La qualité de son travail est vérifiée par son équipe, ses directeurs et son client. La filiale de Dofasco connue sous le nom d'Information Systems est sa cliente, et Steelmaking, l'entité commerciale de Dofasco pour laquelle il travaille. Il a décrit une variété de rencontres auxquelles il est obligé de participer chez Dofasco. Cela comprend des rencontres portant sur la sécurité, sur des projets et sur la situation du client.

[9]            L'une des fonctions principales de M. Wallace chez Dofasco est de présenter des rapports de situation concernant les principaux systèmes informatiques qu'il gère. Ces rapports indiquent ce sur quoi il a travaillé au cours des 30 derniers jours, tout problème, toute action ou demande ainsi que son programme pour les 30 prochains jours. Si des questions sont soulevées, son client consulte ses patrons qui passent en revue ses rapports avec lui. Selon lui, tout ce qu'il fait est contrôlé par Dofasco. Le témoin a déclaré ceci : [TRADUCTION] « J'effectue le travail qu'on me demande de faire. Je satisfais à leurs demandes. »

[10]          À mon avis, il faut distinguer la manière dont M. Wallace a fourni des services que lui seul pouvait fournir et qui ne pouvaient par conséquent être sous la direction ou le contrôle de Dofasco, des conditions dans lesquelles M. Wallace travaillait et de la direction et du contrôle exercés sur lui par Dofasco, lui qui faisait partie d'une équipe participant à une opération importante, dangereuse et à multiples facettes.

[11]          Bien que personne chez Dofasco ne fût compétent pour orienter et contrôler la mise en pratique des connaissances informatiques de M. Wallace, la preuve démontre qu'il était obligé de faire face à une bureaucratie importante et compliquée chez Dofasco. En tant que membre d'une équipe supervisée par des directeurs, au sein de l'entité commerciale Steelmaking, au service d'Information Systems comme cliente, il était autant sous la direction et le contrôle de Dofasco que l'étaient les autres employés. Bien que ses patrons chez Dofasco n'eussent pu directement résilier son contrat, une plainte déposée auprès de Silverside aurait eu le même résultat.

[12]          Je ne peux accepter que M. Wallace ait été placé chez Dofasco par Silverside en étant soustrait à la direction et au contrôle de quiconque. Au contraire, je conclus que M. Wallace a été placé par Silverside chez Dofasco sous la direction et le contrôle de ce client de l'agence.

La question de la rémunération

[13]          M. Mike Leacy, directeur général de l'appelante, a témoigné au nom de cette dernière. Au cours de la période en cause, Silverside était l'une des filiales possédées en propriété exclusive par l'appelante. Pour des raisons de trésorerie, il a été décidé de centraliser la fonction de la paie pour toutes les filiales de l'appelante dans les bureaux de cette dernière à Montréal (Québec). En conséquence, pendant toute la période pertinente, la rémunération de M. Wallace a été payée non pas par Silverside ou Dofasco, mais par l'appelante.

[14]          L'alinéa 6g) du Règlement sur l'assurance-emploi s'applique lorsqu'une personne placée dans un emploi par une agence de placement est rémunérée par cette agence. Le paragraphe 34(1) du Règlement sur le Régime de pensions du Canada s'applique lorsque la rémunération d'une telle personne est payée par l'agence ou son client. Par conséquent, selon l'appelante, M. Wallace n'exerçait pas un emploi assurable ouvrant droit à pension au sens de l'un ou l'autre de ces règlements.

[15]          Le ministre du Revenu national soutient qu'il s'agit d'une interprétation trop technique des règlements, pouvant entraîner des résultats non souhaités par le législateur. Les agences de placement peuvent se soustraire à l'application de ces règlements en prenant de simples dispositions pour faire en sorte que quelqu'un d'autre qu'elles-mêmes ou leurs clients paie la rémunération des personnes qu'elles ont placées dans l'emploi. On me demande de conclure que les règlements s'appliquent lorsque la rémunération est versée par un représentant de l'agence de placement ou par quelqu'un en son nom.

[16]          L'appelante réplique que, si le législateur avait souhaité que des mots comme « directement ou indirectement » fassent partie des règlements, il les aurait inclus.

[17]          À mon avis, l'argument de l'appelante est convaincant. Il n'est pas nécessaire de chercher bien loin pour trouver un exemple. L'alinéa 5(1)a) de la Loi sur l'assurance-emploi[3] lui-même stipule ceci :

5(1)          Sous réserve du paragraphe (2), est un emploi assurable :

                a) l'emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, aux termes d'un contrat de louage de services ou d'apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l'employé reçoive sa rémunération de l'employeur ou d'une autre personne et que la rémunération soit calculée soit au temps ou aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces, soit de toute autre manière;

[18]          La maxime expressio unius est exclusio alterius s'applique en l'espèce :

                                [TRADUCTION]

Un argument d'exclusion implicite existe chaque fois qu'il y a un motif de croire que, si le législateur avait voulu inclure une chose en particulier dans son domaine de législation, il aurait mentionné cette chose expressément. En raison d'une telle attente, le défaut du législateur de mentionner la chose donne des raisons de conclure qu'elle a été volontairement exclue[4].

[19]          Puisque M. Wallace n'a pas été rémunéré par Silverside ou par Dofasco pendant la période en cause, je conclus qu'il n'exerçait pas un emploi assurable ouvrant droit à pension au sens des règlements.

[20]          Si ce résultat ne concorde pas avec l'intention du législateur, il appartient à ce dernier d'y remédier et non aux tribunaux.

[21]          Les appels sont accueillis.

Signé à Toronto (Ontario), ce 26e jour de septembre 2000.

« N. Weisman »

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 20e jour de mars 2001.

Philippe Ducharme, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

1999-2248(EI)

ENTRE :

MASTECH QUANTUM INC.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Appel entendu sur preuve commune avec l'appel de Mastech Quantum Inc. (1999-2249(CPP)) le 30 août 2000 à Toronto (Ontario) par

l'honorable juge suppléant N. Weisman

Comparutions

Avocats de l'appelante :                       Me Martin Sorensen

                                                Me Jacques Bernier

Avocate de l'intimé :                            Me Kelly Smith-Wayland

JUGEMENT

          L'appel est accueilli et la décision du ministre est modifiée selon les motifs de jugement ci-joints.

Signé à Toronto (Ontario), ce 26e jour de septembre 2000.

« N. Weisman »

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour de mars 2001.

Philippe Ducharme, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

1999-2249(CPP)

ENTRE :

MASTECH QUANTUM INC.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Appel entendu sur preuve commune avec l'appel de Mastech Quantum Inc. (1999-2248(EI)) le 30 août 2000 à Toronto (Ontario) par

l'honorable juge suppléant N. Weisman

Comparutions

Avocats de l'appelante :                       Me Martin Sorensen

                                                          Me Jacques Bernier

Avocate de l'intimé :                            Me Kelly Smith-Wayland

JUGEMENT

          L'appel est accueilli et la décision du ministre est modifiée selon les motifs de jugement ci-joints.

Signé à Toronto (Ontario), ce 26e jour de septembre 2000.

« N. Weisman »

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour de mars 2001.

Philippe Ducharme, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]



[1]           DORS/96-332.

[2]           C.R.C. 1978, vol. IV, ch. 385, dans sa version modifiée.

[3]           L.C. 1996, ch. 28.

[4]           Driedger on the Construction of Statutes (Toronto, Butterworths, 1994) p. 168.

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