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Date : 20000505

Dossier : 1999-1517-EI

ENTRE :

DIANE MOREAU,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge Tardif, C.C.I.

[1]            Il s'agit d'un appel d'une détermination en vertu de laquelle l'intimé a refusé de verser des prestations d'assurance-emploi à l'appelante pour le motif que cette dernière n'avait accumulé aucune heure assurable.

[2]            Les faits pris pour acquis pour soutenir la détermination ont tous été admis; il y a lieu de les reproduire :

                ...

a)             Le payeur exploite une clinique dentaire;

b)             avant la période en litige, l'appelante était au service du payeur depuis une dizaine d'années à titre de secrétaire- réceptionniste;

c)              jusqu'en novembre 1997, l'appelante travaillait habituellement 30 heures par semaines;

d)             entre le 8 décembre 1997 et le 28 juin 1998, l'appelante était en congé de maladie;

e)              durant cette période l'appelante recevait des prestations d'assurance-salaire;

f)               au moment de son retour prévu au travail, le 29 juin 1999, le payeur abolissait le poste de l'appelante et mettait fin à son emploi;

g)             en juillet 1998, le payeur a versé à l'appelante une indemnité au montant de 6 571,26$, soit l'équivalent de trois mois de salaire;

h)             l'appelante n'a rendu aucun service au payeur après le 4 décembre 1997.

[3]            L'appelante, après avoir admis les faits ci-avant mentionnés, a expliqué qu'elle avait dû s'absenter de son travail durant plusieurs mois pour cause de maladie. Elle a indiqué que durant cette absence, elle avait reçu des prestations d'assurance-maladie.

[4]            Après avoir recouvré sa santé, et en mesure de reprendre son travail, elle apprenait que son poste avait été aboli à la suite d'une réorganisation administrative.

[5]            Attristé par la situation d'autant plus que l'appelante travaillait pour lui depuis une dizaine d'années, l'employeur lui remettait une indemnité représentant trois mois de salaire. Avant de ce faire, l'employeur avait vérifié avec le bureau de l'emploi si cela permettrait de qualifier l'appelante aux prestations prévues par l'assurance-emploi.

[6]            Selon l'appelante, les autorités consultées auraient alors confirmé son éligibilité aux prestations.

[7]            Or, à la suite de la demande formelle accompagnée de sa cessation d'emploi et du relevé d'emploi, l'appelante s'est vu refuser ce droit aux prestations d'assurance-emploi pour le motif qu'elle n'avait pas suffisamment d'heures assurables lui permettant de recevoir de telles prestations.

[8]            Pour ajouter à sa frustration, elle apprenait que l'indemnité qu'elle avait reçue de son employeur était assujettie aux paiements des cotisations étant donné qu'il s'agissait selon l'intimé de gains assurables.

[9]            L'appelante, qui a témoigné d'une manière franche, spontanée et très honnête, a reconnu qu'elle n'avait pas travaillé à la fin de la période d'absence pour cause de maladie. Elle a aussi reconnu que son employeur avait tout fait pour lui permettre de recevoir des prestations d'assurance-emploi.

[10]          Elle a ajouté que si son employeur avait été bien informé par la représentante de l'intimé, il aurait été sans doute possible de faire en sorte qu'elle se qualifie en se rendant à la clinique de son employeur pour y effectuer un quelconque travail et ainsi se faire créditer les heures assurables requises.

[11]          À cet égard, il m'apparaît important de rappeler que ce Tribunal doit décider à partir des faits réels révélés par la preuve, et non pas en s'appuyant sur des hypothèses ou sur des faits qui auraient pu constituer la réalité si les parties avaient su ou connu certaines exigences de la Loi sur l'assurance-emploi (la « Loi » ).

[12]          En l'espèce, les faits sont très simples et ne prêtent à aucune confusion ou interprétation. Ils peuvent être résumés comme suit : le poste de l'appelante est aboli; le moment de la cessation de l'emploi correspond avec la période où l'appelante est en mesure de reprendre son travail. Travaillant depuis dix ans pour le même employeur, ce dernier, dans un geste d'appréciation et collaboration, lui a versé une indemnité correspondant à trois mois de salaire croyant après vérification auprès des représentants de l'intimé que cela qualifierait l'appelante aux prestations de l'assurance-emploi. Il a été admis et reconnu qu'il s'agissait d'une compensation, l'appelante n'ayant effectué aucun travail en contrepartie de ce montant forfaitaire.

[13]          Certes, l'appelante et son employeur auraient pu convenir que celle-ci se rende tous les jours au bureau et qu'elle y effectue des tâches ou besognes diverses durant la période couverte par la compensation, ce qui aurait fait en sorte qu'il se serait alors agi d'heures effectivement travaillées. En effet, il se serait agi essentiellement de salaire payé pour du travail effectivement exécuté ou, en d'autres termes, pour des heures effectivement travaillées.

[14]          Or, tant la preuve testimoniale que documentaire établit clairement qu'il s'agit d'une compensation équivalant à trois mois de salaire versée en considération des loyaux services rendus durant dix ans auprès de son employeur. Le dossier de l'appelante est particulièrement sympathique d'autant plus qu'elle est en quelque sorte victime de la période transitoire conséquente aux changements majeurs de la Loi.

[15]          Ce constat n'est malheureusement pas suffisant pour qualifier l'appelante aux prestations d'assurance-emploi, d'autant plus que la Loi est très claire.

[16]          La réalité dégagée par la preuve ne donne pas ouverture aux bénéfices de la Loi et cela pour deux raisons. Tout d'abord, il ne s'agit pas de gains assurables; en effet le législateur a précisé ce qui constituait une rémunération assurable.

[17]          Dans le Règlement sur la rémunération assurable et la perception des cotisations à la rubrique « Définitions et interprétations » , l'article 1(1) prévoit ce qui suit :

Les définitions qui suivent s'appliquent au présent règlement.

« allocation de retraite » somme qu'une personne reçoit :

                a) soit en reconnaissance de longs états de service au moment où elle prend sa retraite d'une charge ou d'un emploi ou par la suite;

                b) soit à l'égard de la perte de sa charge ou de son emploi, que la somme soit reçue ou non à titre de dommages-intérêts ou conformément à une ordonnance ou un jugement d'un tribunal compétent. (retiring allowance)

« Loi » La Loi sur l'assurance-emploi. (Act)

« ministre » Le ministre du Revenu national.(Minister)

« période de paie » Période pour laquelle une rémunération est versée à un assuré ou touchée par celui-ci. (pay period)

[18]          En l'espèce, la preuve est à l'effet que la compensation ou l'indemnité correspondant à trois mois de salaire a été versée à la suite de la perte de son emploi. À ce titre, ce montant doit être exclu des gains assurables. En d'autres termes, il ne s'agit pas d'une rémunération assurable comme l'a décidé l'intimé.

[19]          Dans un deuxième temps, le législateur a très clairement exprimé sa volonté quant aux exigences « d'assurabilité d'un travail » . Les nouvelles dispositions ciblent désormais les heures assurables et non plus les semaines assurables

[20]          L'article 9.1 du Règlement sur l'assurance-emploi a été libellé comme suit :

9.1 Lorsque la rémunération d'une personne est versée sur une base horaire, la personne est considérée comme ayant exercé un emploi assurable pendant le nombre d'heures qu'elle a effectivement travaillées et pour lesquelles elle a été rétribuée.

                                                                                ( Je souligne. )

[21]          Pour éviter que les travailleurs ne soient pénalisés à cause de certains congés payés dans le cadre de leur emploi, le législateur a prévu les dispositions suivantes :

10.1 (1) Lorsqu'un assuré est rétribué par l'employeur pour une période de congé payé, il est réputé avoir exercé un emploi assurable pendant le nombre d'heures qu'il aurait normalement travaillées et pour lesquelles il aurait normalement été rétribué durant cette période.

   (2) Lorsqu'un assuré est rétribué par l'employeur pour une période de congé par un paiement forfaitaire déterminé sans égard à la durée de la période, il est réputé avoir exercé un emploi assurable pendant le moins élevé des nombres d'heures suivants :

a) le nombre d'heures qu'il aurait normalement travaillées et pour lesquelles il aurait normalement été rétribué durant cette période;

b) le nombre d'heures obtenu par division du montant du paiement forfaitaire par le taux normal de salaire horaire.

   (3) Lorsqu'un assuré est rétribué par l'employeur pour un jour ouvrable, il est réputé par l'employeur pour un jour non ouvrable, il est réputé avoir exercé un emploi assurable pendant le nombre d'heures suivant :

a) s'il travaille ce jour-là, le plus élevé du nombre d'heures travaillées ce jour-là ou du nombre d'heures qu'il aurait normalement travaillées ce jour-là;

b) s'il ne travaille pas ce jour-là, le nombre d'heures qu'il aurait normalement travaillées ce jour-là.

10.2 Pour l'application des articles 9.1, 10, 10.1 et 22, les règles suivantes s'appliquent :

a) une heure de travail accomplie dans un emploi assurable compte pour une seule heure d'emploi assurable, même si elle a été rétribuée au taux applicable aux heures supplémentaires;

b) lorsque le total des heures d'emploi assurable accumulées entre le premier et le dernier jour de travail d'une période d'emploi donnée comporte une fraction d'heure, celle-ci est considérée comme une heure complète.

[22]          À la lecture des différentes exigences prévues par la Loi, il n'y a aucun doute que la compensation équivalant à trois mois de salaire ne répond pas aux exigences de la Loi. Cela est d'autant plus vrai et clair que le relevé d'emploi (pièce I-1), aux cases 17 et 18, indique précisément qu'il s'agit d'une compensation représentant trois mois de salaire payée à la suite de la rupture contractuelle entre l'appelante et son employeur. Au relevé d'emploi, l'employeur a d'ailleurs très clairement exprimé le motif de la mise à pied par l'utilisation des mots suivants :

« Trois mois de salaire - Compensation »

« Abolition de poste et fusion de 2 postes »

[23]          Pour toutes ces raisons, je ne peux faire autrement que de rejeter l'appel de l'appelante.

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de mai 2000.

« Alain Tardif »

J.C.C.I.

No DU DOSSIER DE LA COUR :        1999-1517(EI)

INTITULÉE DE LA CAUSE :              Diane Moreau et M.R.N.

LIEU DE L'AUDIENCE :                      Sherbrooke (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                    le 6 mars 2000

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :         l'honorable juge Alain Tardif

DATE DU JUGEMENT :                      le 5 mai 2000

COMPARUTIONS :

Pour l'appelante :                                  L'appelante elle-même

Pour l'intimé :                                         Me Yanick Houle

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelante :

                                Nom :                      

                                Étude :                    

                                                                               

Pour l'intimé :                                         Morris Rosenberg

                                                                                Sous-procureur général du Canada

                                                                                Ottawa, Canada

1999-1517(EI)

ENTRE :

DIANE MOREAU

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Appel entendu le 6 mars 2000 à Sherbrooke (Québec) par

l'honorable juge Alain Tardif

Comparutions

Pour l'appelante :                                  L'appelante elle-même

Avocate de l'intimé :                            Me Yanick Houle

JUGEMENT

L'appel est rejeté et la décision rendue par le Ministre est confirmée selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de mai 2000.

« Alain Tardif »

J.C.C.I.


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