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Date: 20010119

Dossier: 2000-2373-EI

ENTRE :

JASON MILLER,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

ET

Dossier: 2000-2374-EI

JAMES MILLER,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

ET

Dossier: 2000-2375-EI

JONATHAN MILLER,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Rowe, C.C.I.

[1]            Le ministre du Revenu national (le « ministre » ) avait — par des lettres en date du 24 février 2000 — déterminé que l'emploi exercé par chaque appelant pour Milbrandt Homes Ltd. (MHL) au cours de la période allant du 1er janvier au 1er octobre 1999 était un emploi assurable exercé en vertu d'un contrat de louage de services et le ministre était convaincu que chaque appelant et MHL — le payeur — auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s'ils n'avaient pas eu de lien de dépendance. L'avocat des appelants et l'avocate de l'intimé ont convenu que les appels pourraient être entendus sur preuve commune.

[2]            Doreen Miller a témoigné qu'elle habite à Saskatoon (Saskatchewan) et que — le 31 octobre 1973 — elle et son mari — Edward Miller — ont procédé à la constitution de Milbrandt Homes Ltd., dont les détails sont énoncés dans le document — pièce A-1 — obtenu du bureau d'enregistrement des sociétés de la province de Saskatchewan. Elle a dit qu'elle et Edward Miller continuaient à exploiter MHL — une société de construction d'immeubles d'habitation — et qu'ils utilisaient de l'espace dans leur propre résidence comme bureau pour l'entreprise. Doreen Miller a confirmé que, durant toute la période pertinente, les actions ordinaires avec droit de vote de MHL étaient détenues comme suit : Jason Miller — 16 p. 100; James Miller — 16 p. 100; Jonathan Miller — 16 p. 100; Golden Key Estates Ltd. (Golden Key) — 52 p. 100. Doreen Miller et Edward Miller détenaient ensemble — à parts égales — 100 p. 100 des actions avec droit de vote de Golden Key. Les appelants sont frères, et Doreen Miller et Edward Miller sont leurs parents. En tout temps, les administrateurs de MHL étaient Jason Miller, James Miller, Jonathan Miller, Edward Miller, Doreen Miller, Lisa Miller, Anna Marie Miller et Semyra Miller. Doreen Miller a dit qu'elle s'occupait des fonctions bancaires et comptables pour MHL et que, le 30 septembre 1999, un profit supplémentaire de la société a été divisé entre les actionnaires et que des chèques ont été émis, soit des chèques dont les montants sont indiqués dans les photocopies déposées sous la cote A-2. Doreen Miller et son mari, Edward Miller, ont reçu chacun 6 401,75 $. Anna Marie Miller a reçu un chèque de 18 776,25 $, et son mari — James Miller — a reçu 26 387,80 $. Jason Miller a reçu 26 387,80 $, et sa femme — Lisa Miller — a reçu un chèque de 18 776,25 $. Le chèque fait par MHL à Jonathan Miller était de 26 387,80 $, et la somme de 18 776,25 $ a été versée à l'épouse de Jonathan Miller — Semyra Miller. La note figurant sur tous les chèques — tous datés du 27 mars 2000 — indiquait que le paiement était une prime. En annexe à la liste de chèques photocopiés — pièce A-2 — figurait une feuille sur laquelle avait été reproduit un bordereau de dépôt indiquant que chaque chèque — émis en faveur de chaque bénéficiaire à titre de prime comme je l'ai mentionné précédemment — faisait partie du dépôt total — en date du 3 avril 2000 — fait dans le compte bancaire de MHL à la Banque Nationale du Canada, à Saskatoon. Les sommes versées comme primes étaient incluses dans le dépôt de 148 552,78 $. Doreen Miller a dit qu'elle et son époux — Edward Miller — étaient les principaux actionnaires de MHL du fait qu'ils étaient propriétaires de Golden Key mais que leurs fils — les appelants — prenaient toutes les décisions importantes et exploitaient l'entreprise de construction de MHL comme s'ils étaient les actionnaires majoritaires. Doreen Miller a dit que les chèques représentant des primes n'auraient pas été émis en faveur des actionnaires si ces derniers n'avaient pas été des personnes liées à la famille Miller. Des primes semblables ont été versées aux mêmes particuliers par voie de chèques de MHL en date du 28 décembre 1999, qui sont indiqués sur une feuille — pièce A-3 —, et tous ces chèques — sauf le chèque à l'ordre de Jonathan Miller — ont, le 30 décembre 1999, également été déposés dans le compte bancaire d'affaires de MHL. Les primes indiquées dans la liste figurant sous la cote A-3 ont été versées avant la fin de l'exercice, et les épouses des appelants étaient toutes administratrices de MHL, bien qu'aucune n'ait détenu d'actions dans cette société. Doreen Miller disait qu'elle considérait toutefois que les chèques relatifs aux primes qui ont été rendus par Anna Marie Miller, Lisa Miller et Semyra Miller pour être déposés dans le compte bancaire du payeur représentaient des prêts d'actionnaires et qu'elle les a enregistrés comme tels dans les livres de la société.

[3]            Au cours du contre-interrogatoire, Doreen Miller a dit que Golden Key —dont elle est propriétaire à parts égales avec son époux — épaule MHL et que, si Golden Key « se retirait » de MHL, il serait difficile pour cette dernière de continuer ses activités. Tous les instruments de travail, l'équipement et les véhicules nécessaires pour exploiter l'entreprise de construction appartiennent à MHL; Golden Key oeuvre dans le domaine de la location et est propriétaire de deux appartements.

[4]            Jason Miller — âgé de 30 ans — a témoigné qu'il est un appelant en l'espèce et qu'il est président de MHL. Ses fonctions concernent le financement, l'établissement de prix et la présentation de soumissions. Il prend des décisions relatives aux activités quotidiennes de la société et reçoit un salaire de 3 000 $ par mois, ainsi que des primes dont les montants, non basés sur son rendement personnel, sont calculés par le comptable de la société selon la rentabilité annuelle de la société. Jason Miller a dit que, s'il avait besoin d'une somme d'argent, il la retirait simplement du compte d'affaires de MHL et en déduisait le montant du solde de son prêt d'actionnaire. Il discutait avec ses deux frères de tout retrait du compte bancaire de MHL. Les trois frères — et leur mère, Doreen Miller — étaient signataires autorisés, et l'autorisation bancaire exigeait que deux d'entre eux apposent leur signature pour qu'un chèque soit tiré sur le compte de MHL. Jason Miller a dit qu'il avait constitué une hypothèque — de 110 000 $ — sur sa résidence personnelle pour qu'un prêt aux fins de l'entreprise soit consenti — à MHL — par un établissement financier. A été déposée sous la cote A-4 une copie d'une mise en garde enregistrée par le prêteur, qui, en tant que créancier hypothécaire, faisait valoir un intérêt dans le bien de Jason Miller. Jason Miller a dit que, si l'un des appelants devait quitter la société, les deux autres rempliraient simplement ses fonctions jusqu'à ce qu'une autre personne soit embauchée. À son avis, cela coûterait plus cher à MHL, car une nouvelle personne — non liée à la famille Miller — exigerait une rémunération pour les heures supplémentaires ainsi qu'une paie de vacances et, certes, elle ne recevrait pas autant sous forme de primes que les membres de la famille Miller, mais elle ne serait pas disposée à ce qu'un chèque représentant une prime soit simplement déposé dans les coffres de MHL. Il a dit qu'il était difficile de prendre des congés durant les mois d'été mais que, si l'un quelconque des frères le faisait, MHL lui versait quand même sa paie mensuelle normale. La période de grande activité dans le domaine de la construction allait d'avril à décembre inclusivement et, bien qu'il y ait souvent eu du travail à accomplir après cela, les appelants prenaient des congés au cours de la période de ralentissement.

[5]            Au cours du contre-interrogatoire, Jason Miller a dit que, malgré le fait que lui et ses deux frères détenaient chacun 16 p. 100 des actions de MHL, soit 48 p. 100 à eux trois, ils se considéraient comme les propriétaires effectifs de la société. L'intention de la famille Miller est que, si Golden Key se retire de l'actionnariat de MHL, lui et ses deux frères détiennent chacun 33 1/3 p. 100 des actions. C'est MHL qui achète les instruments de travail, l'équipement et les véhicules nécessaires pour l'exploitation de l'entreprise de construction, et les véhicules arborent le logo de MHL. Tous les frais relatifs à l'entreprise de construction sont payés directement par MHL. Jason Miller a dit qu'il discute des questions d'affaires avec ses frères mais que — comme président de MHL — il doit remplir de nombreuses fonctions et qu'il serait difficile de former quelqu'un pour l'accomplissement de ces tâches. Il se fie de temps en temps aux conseils de son père, mais ce sont ses frères et lui qui s'occupent de l'exploitation effective de MHL. Chacun des frères, outre qu'il reçoit un salaire mensuel régulier, retire 800 $ par mois de son compte de prêt d'actionnaire. Jason Miller a dit qu'il ne pouvait imaginer une situation dans laquelle ses parents, qui, en tant que propriétaires de Golden Key, sont les actionnaires majoritaires de MHL, le congédieraient. Il a dit qu'il avait demandé des prestations d'assurance-emploi en 1997.

[6]            James Miller — âgé de 27 ans — a témoigné qu'il est un appelant en l'espèce et qu'il occupait le poste de vice-président de MHL. Il est responsable de la construction proprement dite, supervise les hommes de métier, embauche des travailleurs et traite avec les clients qui achètent les maisons construites par la société. Si la société réalise un bénéfice dépassant 200 000 $, il reçoit une prime — tout comme les autres membres de la famille — il endosse le chèque et le dépose dans le compte bancaire de MHL. Il a parlé de la pièce A-4 et a dit que la mise en garde qui avait été enregistrée s'appliquait également à un terrain dont il était propriétaire et qui avait été donné en garantie pour qu'un prêt à terme soit consenti à MHL par la Banque Nationale. Il avait initialement accordé sur sa maison une hypothèque de 50 000 $, qu'il a ensuite portée à 110 000 $ pour donner une garantie suffisante à l'égard du prêt à MHL. Il a dit que chacun des frères exerçait deux ou trois fonctions en même temps, y compris l'accomplissement de travaux physiques sur le chantier, ainsi que la prise de décisions courantes en matière de gestion, à commencer par la décision de faire acheter par MHL un terrain qu'ils jugeaient approprié pour fins de mise en valeur. À son avis, une personne non liée serait en droit de recevoir une rémunération pour les heures supplémentaires et elle conserverait — évidemment — toute prime qui lui serait versée par la société et ne permettrait probablement pas qu'une somme ainsi versée soit rendue à la société. Dans le cadre de l'exploitation d'entreprise de construction, les appelants procèdent comme suit : ils trouvent un terrain approprié, prennent les dispositions en matière de financement pour acheter le terrain, retiennent les services d'un architecte, puis obtiennent l'approbation de l'autorité réglementaire compétente. Une fois le permis pertinent délivré, la construction effective est entamée; le projet le plus récent de MHL était la construction d'un immeuble en copropriété de 100 unités. Pour ce qui est du fait que Golden Key pourrait éventuellement se retirer de MHL, il croyait que cela était prévu dans des documents. Il prend les principales décisions de la société en consultation avec ses frères, et MHL le rembourse de tous frais qu'il engage au nom de la société. Le paiement mensuel de 800 $ qu'il reçoit et qui est habituellement attribuable à une réduction du solde de son compte de prêt d'actionnaire est parfois enregistré comme s'appliquant au compte de prêt d'actionnaire de son épouse, Anna Marie Miller.

[7]            L'avocate de l'intimé n'a pas contre-interrogé ce témoin.

[8]            Jonathan Miller — âgé de 23 ans — a témoigné qu'il est un appelant en l'espèce et qu'il occupait le poste de secrétaire-trésorier de MHL. Il va au bureau de la société une ou deux fois par semaine et s'occupe des livres et registres. Le reste du temps, il travaille sur le chantier. Bien qu'il ait sa propre maison depuis l'an dernier seulement, il a dit qu'il est disposé à l'hypothéquer pour obtenir tout financement nécessaire pour MHL. En 1999, en deux mois et demi, il a construit sa maison et, pendant ce temps, il a reçu de MHL son salaire mensuel régulier — de 2 500 $. Qu'il travaille plus ou moins d'heures dans une période de paie donnée, il reçoit ce même montant, a-t-il dit. Sa mère — Doreen Miller — s'était occupée pendant les 25 dernières années des tâches relatives à l'administration de la société dont il est maintenant responsable et, s'il n'était pas disponible pour accomplir le travail effectif de construction afférent aux projets de MHL, une autre personne devrait être embauchée, mais elle ne serait pas payée pour des heures non travaillées et serait mise à pied pour la période de ralentissement.

[9]            Au cours du contre-interrogatoire, Jonathan Miller a dit qu'il travaille pour MHL depuis sept ans et qu'il a reçu des prestations d'assurance-emploi en 1997. Il a dit qu'il avait présenté une demande de prestations à une autre occasion mais que l'on avait refusé sa demande parce qu'il fournissait encore des services pour MHL.

[10]          Stan Morin a témoigné que, depuis un an et demi, il est agent d'assurabilité concernant l'assurance-emploi et le Régime de pensions du Canada à l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) et que, pendant six ans, il avait travaillé pour le prédécesseur de l'ADRC — Revenu Canada — à Saskatoon. En examinant la question relative aux appelants, il avait conclu que les appelants exerçaient un emploi pour MHL en vertu d'un contrat de louage de services. À son avis, tout risque couru par les appelants était attribuable non pas à leur relation de travail, mais au fait qu'ils étaient des actionnaires de MHL. Il considérait que la rétribution était raisonnable selon les normes de l'industrie de la construction et que le travail accompli par les appelants était requis par le payeur. Les primes versées aux appelants se fondaient sur le fait qu'ils étaient des actionnaires et/ou des administrateurs de la société et non sur le fait qu'ils en étaient des travailleurs.

[11]          Au cours du contre-interrogatoire, Stan Morin a reconnu que, souvent, un salarié n'est pas lié par des contraintes de temps de la même manière qu'un travailleur rémunéré à l'heure.

[12]          L'avocat des appelants soutenait que la preuve révélait que les actionnaires majoritaires — Doreen Miller et Edward Miller — recevaient une petite proportion — entre 8 et 21 p. 100 — des primes versées par MHL, malgré le fait qu'ils étaient en droit d'en recevoir 52 p. 100 vu les actions qu'ils détenaient dans MHL par l'intermédiaire de Golden Key, dont ils étaient propriétaires. À son avis, la preuve a établi que les paiements disproportionnés qui étaient faits à leurs fils — les appelants — et aux épouses de ces derniers ne leur étaient faits que parce qu'ils étaient des personnes liées au payeur. De plus, l'avocat faisait remarquer que les appelants recevaient une paie régulière, indépendamment du fait que plus ou moins d'heures soient travaillées dans une période donnée, et que les appelants pouvaient même continuer à recevoir un chèque de paie normal quand ils ne travaillaient pas pour la société. Il soutenait qu'il n'est pas possible de distinguer les appelants en tant qu'employés et actionnaires de MHL, car tout cela est basé sur la relation familiale.

[13]          L'avocate de l'intimé a répliqué que les décisions du ministre se situaient bien en deçà des limites permises par la jurisprudence pertinente et que la Cour n'a pas à intervenir.

[14]          Le ministre avait conclu que les appelants et le payeur étaient des personnes liées au sens de l'article 251 de la Loi de l'impôt sur le revenu, soit la disposition utilisée par l'alinéa 5(3)a) de la Loi sur l'assurance-emploi (la « Loi » ) comme mécanisme pour déterminer si des personnes ont un lien de dépendance. Aucun différend ne résulte de cette conclusion. De même, il n'y a pas de doute que les appelants exerçaient un emploi pour le payeur en vertu d'un contrat de louage de services.

[15]          En vertu de l'alinéa 5(2)i) de la Loi, un emploi assurable n'inclut pas « l'emploi dans le cadre duquel l'employeur et l'employé ont entre eux un lien de dépendance » . À ce stade — sans plus — les appelants, soit les trois frères employés par une société contrôlée par leurs parents, entreraient dans la catégorie des personnes considérées comme exerçant un emploi exclu ou — plus précisément — un emploi non inclus dans la catégorie des emplois assurables. Le processus ne s'arrête toutefois pas là, et le ministre doit en vertu de l'alinéa 5(3)b) de la Loi examiner certains indices dudit emploi conformément au libellé de la disposition, soit :

b) l'employeur et l'employé, lorsqu'ils sont des personnes liées au sens de cette loi, sont réputés ne pas avoir de lien de dépendance si le ministre du revenu national est convaincu qu'il est raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d'emploi ainsi que la durée, la nature et l'importance du travail accompli, qu'ils auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s'ils n'avaient pas eu de lien de dépendance.

[16]          La première question est de savoir si la preuve révèle un fondement me permettant de remettre en cause la décision du ministre.

[17]          Dans Crawford and Company Ltd. et M.R.N., rapporté dans [1999] A.C.I. no 850 (QL), une décision rendue le 8 décembre 1999, le juge suppléant Porter, de la C.C.I., examinait les appels interjetés par trois employés d'une compagnie, dont deux frères, qui faisaient partie de la catégorie de personnes liées au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu. L'autre appelant n'étant pas une personne liée avec la compagnie, le juge avait dû procéder à un examen distinct des faits puisque aucun pouvoir discrétionnaire n'avait été exercé par le ministre en application de l'alinéa 5(3)b) de la Loi sur l'assurance-emploi. L'analyse effectuée par le juge Porter en ce qui concerne les deux frères est détaillée et pertinente à celle qui doit être nécessairement effectuée dans les présents appels. C'est pourquoi je cite de longs extraits de Crawford parce que le jugement est conforme à ma compréhension du droit et que les faits dans cette affaire et dans les appels en l'instance sont à peu près semblables. À la page 21, en commençant au paragraphe 58, le juge Porter dit :

[58]          Dans le cadre du régime établi par la Loi sur l'a.-e., le Parlement a prévu que certains emplois sont assurables et donnent droit à des prestations s'ils cessent, et que d'autres emplois, qui sont « exclus » , ne donnent droit à aucune prestation s'ils cessent. Lorsque des personnes qui ont un lien de dépendance concluent une convention d'emploi, il s'agit d'un « emploi exclu » . Des conjoints, des parents et leurs enfants, des frères, et des sociétés contrôlées par ces personnes sont réputés avoir entre eux un lien de dépendance suivant le paragraphe 251(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, qui régit cette situation. Cette disposition législative a manifestement pour but d'éviter au régime d'avoir à payer une multitude de prestations fondées sur des conventions d'emploi factices ou fictives; voir les observations de la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Paul c. Le Ministre du Revenu national, (A-223-86) inédite, où le juge Hugessen a déclaré :

                Nous sommes tous disposés à présumer, comme nous y invite l'avocat de l'appelante, que l'alinéa 3(2)c) de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage, et le paragraphe 14a) du Règlement sur l'assurance-chômage visent entre autres à éviter les emplois abusifs de la Caisse d'assurance-chômage par la création de soi-disant rapports « employeurs-employés » entre des personnes dont les rapports sont, de fait, très différents. Cet objectif se révèle tout à fait pertinent et rationnellement justifiable dans le cas des époux qui vivent ensemble maritalement. Mais même si, comme le soutient l'appelante, nous ne sommes en présence que d'époux légalement séparés et qui peuvent traiter entre eux sans lien de dépendance, la nature de leurs rapports en qualité de conjoints est telle qu'elle justifie, à notre avis, d'exclure de l'économie de la Loi l'emploi de l'un par l'autre.

[...]

Nous n'écartons pas la possibilité que les dispositions susmentionnées aient d'autres objectifs, comme par exemple la décision conforme à une politique sociale visant à écarter du champ d'application de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage tous les emplois exercés au sein de l'unité familiale, comme l'a suggéré l'avocat de l'intimé. (C'est moi qui souligne.)

[59]          La rigueur de cette disposition a toutefois été atténuée par l'alinéa 5(3)b) de la Loi sur l'a.-e., lequel prévoit qu'un emploi dans un cas où l'employeur et l'employé sont des personnes liées est réputé être exercé sans lien de dépendance et peut donc être considéré comme un emploi assurable, s'il remplit toutes les autres conditions, c'est-à-dire si le ministre est convaincu, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d'emploi ainsi que la durée, la nature et l'importance du travail accompli, qu'il est raisonnable de conclure qu'ils auraient conclu entre eux un contrat à peu près semblable s'ils n'avaient pas eu (en fait) un lien de dépendance.

[60]          Il pourrait être utile que je reformule la façon dont je comprends cet alinéa. Pour les personnes qui sont liées, la Loi exclut tout droit à des prestations d'assurance, à moins qu'on ne puisse convaincre le ministre que la convention d'emploi est bel et bien la même qu'auraient conclue des personnes non liées, c'est-à-dire des personnes qui n'ont manifestement aucun lien de dépendance. Le Parlement a jugé que, s'il s'agit d'un contrat de travail à peu près semblable, il devrait en toute équité être inclus dans le régime. Toutefois, c'est le ministre qui décide. Sauf s'il est convaincu qu'il y a lieu de l'inclure, l'emploi reste exclu et l'employé n'a pas droit à des prestations.

[61]          Le paragraphe 93(3) de la Loi sur l'a.-e. porte sur les appels au ministre et sur le règlement de questions par celui-ci. Il dispose que « [l]e ministre règle la question soulevée par l'appel ou la demande de révision dans les meilleurs délais et notifie le résultat aux personnes concernées. »

[62]          Le ministre est donc tenu de régler la question. La Loi l'exige. Si le ministre n'est pas convaincu, l'emploi reste exclu et l'employé n'a pas droit aux prestations. Si toutefois il est convaincu, sans plus de cérémonie et sans prise d'aucune mesure par le ministre (sauf la communication de la décision), l'employé a droit à des prestations, pourvu qu'il remplisse les autres exigences. Il ne s'agit pas d'un pouvoir discrétionnaire au sens que, si le ministre est convaincu, il peut alors juger que l'emploi est assurable. Il doit « régler la question » et, selon ce qu'il décide, aux termes de la Loi l'emploi est réputé soit comporter un lien de dépendance, soit ne pas en comporter. En ce sens, le ministre n'a pas à proprement parler de pouvoir discrétionnaire à exercer car, en prenant sa décision, il doit agir de façon quasi judiciaire et il n'a pas le droit de faire le choix qui lui plaît. Il ressort des décisions de la Cour d'appel fédérale sur cette question que le même critère s'applique à une multitude d'autres fonctionnaires qui prennent des décisions quasi judiciaires dans de nombreux domaines différents. Voir Tignish Auto Parts Inc. v. M.N.R., 185 N.R. 73, Ferme Émile Richard et Fils Inc. v. M.N.R., 178 N.R. 361, Attorney General of Canada and Jencan Ltd. (1997), 215 N.R. 352 et Her Majesty the Queen and Bayside Drive-in Ltd. (1997), 218 N.R. 150.

[18]          Dans l'arrêt Adolfo Elia c. M.R.N., [1997] A.C.F. no 316 (QL), soit une décision de la Cour d'appel fédérale en date du 3 mars 1998, le juge d'appel Pratte disait, à la page 2 de sa décision :

Contrairement à ce qu'a pensé le juge, il n'est pas nécessaire, pour que le juge puisse exercer ce pouvoir, qu'il soit établi que la décision du Ministre était déraisonnable ou prise de mauvaise foi eu égard à la preuve que le Ministre avait devant lui. Ce qui est nécessaire, c'est que la preuve faite devant le juge établisse que le Ministre a agi de mauvaise foi, ou de façon arbitraire ou illégale, a fondé sa décision sur des faits non pertinents ou n'a pas tenu compte des faits pertinents. Alors, le juge peut substituer sa décision à celle du Ministre.

[19]          Dans l'arrêt Légaré c. Canada (ministre du Revenu national), [1999] A.C.F. no 878, soit une autre décision de la Cour d'appel fédérale, le juge d'appel Marceau, au nom de la Cour, disait à la page 2 :

                La Cour est ici saisie de deux demandes de contrôle judiciaire portées à l'encontre de deux jugements d'un juge de la Cour canadienne de l'impôt dans des affaires reliées l'une à l'autre et entendues sur preuve commune où se soulevaient une fois de plus les difficultés d'interprétation et d'application de cette disposition d'exception du sous-aliéna 3(2)c)(ii). Une fois de plus, en effet, car plusieurs décisions de la Cour canadienne de l'impôt et plusieurs arrêts de cette Cour se sont déjà penchés sur le sens pratique à donner à ce sous-alinéa 3(2)c)(ii) depuis son adoption en 1990. On voit tout de suite en lisant le texte les problèmes qu'il pose par delà la pauvreté de son libellé, problèmes qui ont trait principalement à la nature du rôle attribué au ministre, à la portée de sa détermination et, par ricochet, à l'étendue du pouvoir général de révision de la Cour canadienne de l'impôt dans le cadre d'un appel sous l'égide des articles 70 et suivants de la Loi.

                Les principes applicables pour la solution de ces problèmes ont été abondamment discutés, encore qu'apparemment, à en juger par le nombre de litiges soulevés et les opinions exprimées, leur exposé n'ait pas toujours été pleinement compris. Pour les fins des demandes qui sont devant nous, nous voulons reprendre, en des termes qui pourront peut-être rendre plus compréhensibles nos conclusions, les principales données que ces multiples décisions passées permettent de dégager.

                La Loi confie au ministre le soin de faire une détermination à partir de la conviction à laquelle son examen du dossier peut le conduire. L'expression utilisée introduit une sorte d'élément de subjectivité et on a pu parler de pouvoir discrétionnaire du ministre, mais la qualification ne devrait pas faire oublier qu'il s'agit sans doute d'un pouvoir dont l'exercice doit se fonder pleinement et exclusivement sur une appréciation objective des faits connus ou supposés. Et la détermination du ministre n'est pas sans appel. La Loi accorde, en effet, à la Cour canadienne de l'impôt le pouvoir de la réviser sur la base de ce que pourra révéler une enquête conduite, là, en présence de tous les intéressés. La Cour n'est pas chargée de faire la détermination au même titre que le ministre et, en ce sens, elle ne saurait substituer purement et simplement son appréciation à celle du ministre : c'est ce qui relève du pouvoir dit discrétionnaire du ministre. Mais la Cour doit vérifier si les faits supposés ou retenus par le ministre sont réels et ont été appréciés correctement en tenant compte du contexte où ils sont survenus, et après cette vérification, elle doit décider si la conclusion dont le ministre était « convaincu » paraît toujours raisonnable.

[20]          Les hypothèses de fait invoquées par le ministre sont énoncées au paragraphe 3 de chaque réponse à l'avis d'appel et — avec des adaptations mineures — elles sont les mêmes pour chaque appelant. Les hypothèses figurant aux alinéas a) à l), inclusivement, indiquaient la structure de la société payeuse, mentionnaient les postes occupés par les appelants et faisaient état de l'autorisation bancaire concernant le compte bancaire de la société. Au cours de la période en question — qui va du 1er janvier au 1er octobre 1999 — Jason Miller et James Miller ont gagné chacun un salaire de 2 500 $ par mois — qui leur était versé à toutes les deux semaines — et, le 28 décembre 1999, chacun a reçu une prime de 19 510 $. Jonathan Miller a reçu un salaire de 2 500 $ par mois et, le 28 décembre 1999, on a émis en sa faveur un chèque représentant une prime de 23 134,50 $. Le ministre a présumé que les primes de Jason Miller et de James Miller étaient de 25 500 $ et que celle de Jonathan était de 36 000 $. La différence est probablement attribuable au montant de l'impôt sur le revenu retenu dans chaque cas par le payeur. Le système de primes partait du principe que MHL devait gagner un profit de plus de 200 000 $ par année avant toute distribution aux administrateurs ou actionnaires. Le ministre a en outre tenu compte du fait que chaque appelant était couvert par un régime d'assurance-invalidité au cas où il ne pourrait fournir de services au payeur. Le ministre s'est également fondé sur le fait qu'il n'était jamais arrivé durant la période pertinente qu'un appelant ne reçoive pas sa paie régulière. Les heures de travail de chaque appelant n'étaient pas consignées, et la semaine de travail variait entre 30 et 60 heures l'été et était d'environ 30 heures l'hiver, selon la quantité de travail à accomplir. Jonathan Miller a — pendant deux mois et demi au cours de l'été 1999 — travaillé à la construction de sa résidence personnelle et a quand même reçu son salaire régulier, et le ministre a reconnu que Jonathan Miller avait pris des vacances au cours de l'été et pouvait prendre des jours supplémentaires de congé les longs week-ends. Le ministre a également présumé qu'aucun des appelants ne prenait de décisions importantes — y compris en matière de finances — sans en discuter avec les autres et que les décisions étaient prises seulement si les parties étaient unanimes. En ce qui a trait à Jason Miller, le ministre a présumé que la société lui avait versé un salaire de 68 748 $ en 1996 et qu'elle avait ramené son salaire à 32 243 $ en 1998 et lui avait versé une prime de 9 300 $. De plus, Jason Miller a reçu au cours de ces années-là des prestations d'assurance-emploi de 6 768 $ et de 3 668 $ respectivement. À l'alinéa 3hh) de la réponse à l'avis d'appel de Jason Miller, le ministre invoquait l'hypothèse que — en 1999 — les salaires de cadres supérieurs dans l'industrie de la construction à Saskatoon allaient de 37 000 à 78 000 $ par an. Le ministre — à l'alinéa 3ii) de la même réponse — reconnaissait que l'appelant avait dit que lui et ses frères, James Miller et Jonathan Miller, exploitaient MHL — la société — dans le même esprit, comme s'il s'était agi d'une société appartenant entièrement à une seule personne, et que chacun d'eux avait les avantages et les responsabilités d'un propriétaire plutôt que d'un employé. En examinant la question de savoir si le salaire de James Miller était raisonnable, le ministre se fondait sur le fait que — en 1996 — James Miller avait reçu un salaire de 68 854 $ et que — en 1998 — il avait reçu un salaire de 32 243 $ ainsi qu'une prime de 9 300 $. En 1996 et en 1998, James Miller a reçu des prestations d'assurance-emploi de 6 768 $ et 4 032 $ respectivement. Pour 1999, le ministre a présumé que les salaires de gestionnaires dans l'industrie de la construction — à Saskatoon — se situaient entre 31 000 $ et 67 000 $ par an. En ce qui concerne Jonathan Miller, le ministre a pris en compte le fait que MHL lui avait versé en 1998 un salaire de 25 883 $ et une prime de 36 000 $. Cette année-là, Jonathan Miller avait également reçu des prestations d'assurance-emploi de 3 064 $. Le ministre a présumé que — en 1999 — les salaires de teneurs de livres à Saskatoon se situaient entre 12 000 $ et 34 000 $ par an. Le ministre a tenu compte du fait que Jonathan Miller fournissait également des services sur le chantier et que, s'il n'était pas disponible pour accomplir ce travail, une autre personne devrait être embauchée, mais que sa mère — Doreen Miller — pourrait prendre ses fonctions de tenue de livres. De même, si James ou Jason Miller devait quitter son emploi à MHL, les frères restants pourraient s'acquitter de ses responsabilités pendant un certain temps, mais une autre personne serait nécessaire pour remplir ses fonctions. Les faits relatifs au risque que James Miller et Jason Miller couraient en donnant leurs résidences personnelles en garantie à un prêteur pour que soit accordé un prêt à MHL étaient considérés par Stan Morin — de l'ADRC — comme une obligation résultant de leur identité comme actionnaires de la société. En outre, M. Morin considérait que le versement des primes n'était pas lié au rendement et se fondait plutôt uniquement sur le fait qu'il s'agissait d'administrateurs et/ou d'actionnaires de MHL. À la conclusion de l'examen des circonstances entourant l'emploi exercé par chaque appelant pour le payeur, le ministre a — dans chaque cas —conclu que l'emploi était assurable, car le ministre était convaincu que chaque appelant et le payeur auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s'ils n'avaient pas eu de lien de dépendance.

[21]          Un aspect curieux des présents appels est que des paiements — décrits sur les chèques comme étant des primes — ont été faits en 1999 et en l'an 2000 aux épouses des appelants. Comme les épouses des appelants n'étaient pas des employées ni des actionnaires de la société, les primes devaient se fonder sur leur capacité en tant qu'administratrices de MHL. Un concept comptable étrange a été révélé par la preuve lorsque James Miller a dit que, bien qu'il ait habituellement retiré 800 $ par mois de son compte de prêt d'actionnaire, la même somme lui était occasionnellement payée par MHL non pas sur ce compte, mais sur le « compte de prêt d'actionnaire » de son épouse. Anna Marie Miller n'était pas actionnaire de MHL ni de Golden Key, soit la société détenant 52 p. 100 des actions en circulation de MHL. D'après les chèques qui font partie de la pièce A-3 et qui représentent des primes, Doreen Miller et Edward Miller ont reçu de MHL une prime nette de 18 591,50 $ chacun le 28 décembre 1999. Ni l'un ni l'autre n'étaient directement actionnaires de MHL, et leur influence sur cette société résultait du fait que chacun d'eux détenait 50 p. 100 des actions de Golden Key. Cependant, d'après le bordereau de dépôt faisant partie de ladite pièce, ces chèques faisaient partie du dépôt effectué en faveur de MHL à la Banque Nationale le 30 décembre 1999. La note figurant sur ledit bordereau de dépôt indiquait que la contribution provenant de Doreen Miller et d'Edward Miller était également attribuable à un prêt d'actionnaire. Pour ce qui est du fait que de l'argent était versé aux administrateurs de MHL une fois atteinte la limite de 200 000 $ de profit, il semble que les actionnaires dominants — par l'intermédiaire de Golden Key — aient choisi cette méthode particulière pour avantager la société, probablement eu égard à certains taux supérieurs devant être payés par des sociétés une fois cette limite dépassée. En versant des primes à l'épouse de chaque appelant, on reconnaissait que ces personnes — qui n'étaient pas des employées de MHL — participaient à un processus consistant à recevoir des fonds de la société conformément à des décisions comptables qui reflétaient une politique de la société et en vertu desquelles les chèques étaient rendus à Doreen Miller pour qu'elle les dépose — trois jours plus tard — dans le compte bancaire du payeur.

[22]          Dans l'affaire Craig Brothers Limited c. M.R.N., 95-991(UI), j'ai entendu l'appel d'une société et de membres d'une famille qui n'étaient pas liés à la société selon la Loi de l'impôt sur le revenu mais avaient été considérés par le ministre comme exerçant un emploi assurable parce que la société et les membres de la famille avaient en fait un lien de dépendance. La preuve présentée dans cette cause révélait que les deux frères Craig et les autres membres de la famille traitaient la société comme une banque familiale et que chaque particulier appelant, qui était le directeur de l'un des magasins de la société, pouvait retirer de l'argent du compte de la société à volonté. J'ai conclu que les directeurs — comme membres de la famille Craig élargie — et la société étaient inextricablement liés de sorte que l'entreprise était exploitée conformément à des valeurs familiales plutôt qu'en vertu de procédures qu'exige une structure de société, si souple soit-elle. La politique commerciale était déterminée par eux en tant que membres de la famille plutôt qu'en tant qu'administrateurs de la société. J'ai conclu que les particuliers appelants exerçaient un emploi exclu du fait que la société et eux avaient un lien de dépendance.

[23]          Dans l'affaire David Putter c. M.R.N., 1999-457(EI), entendue avec les appels Daniel Putter c. M.R.N., 1999-456(EI), et Equinox Industries Ltd. c. M.R.N., 1999-458(EI), j'ai examiné la situation de deux frères qui travaillaient depuis longtemps dans une entreprise familiale et j'ai conclu qu'ils n'exerçaient pas un emploi assurable. Au paragraphe 18 (page 16), j'écrivais ceci :

                Je n'ai pas l'intention de reprendre tous les éléments de preuve dans les appels en l'instance parce que je les ai examinés durant le processus au terme duquel j'ai décidé d'intervenir. Il est raisonnable de conclure que, David et Daniel Putter, après avoir travaillé respectivement 21 ans et 15 ans pour la compagnie, n'étaient pas employés... en vertu de circonstances-...notamment leur rétribution, (inférieure aux normes de l'industrie), la quantité de travail effectué, le manque de vacances, la capacité à contrôler leur rémunération, l'absence de toute obligation de se plier à la volonté des actionnaires majoritaires, le risque qu'ils ont couru pendant de nombreuses années en se rendant personnellement responsables des dettes de la compagnie... et ont clairement établi qu'ils n'auraient pas conclu un contrat de travail semblable avec Equinox s'ils n'avaient pas eu de lien de dépendance avec la compagnie. Il m'apparaît que le ministre peut difficilement déterminer, d'une manière objective, s'il est raisonnable de conclure que les parties auraient conclu un contrat de travail à peu près semblable, à moins d'avoir devant lui une preuve sur les salaires ou les conditions de travail comparables au sein de la même industrie ou d'une industrie connexe. Il est certainement possible d'utiliser un critère à partir duquel est évalué un emploi en particulier, parce que, autrement, il serait loisible aux parties de prétendre que, en dépit du fait qu'elles n'ont pas suivi les pratiques normales des entreprises dans un marché semblable, elles ont tout de même conclu le contrat d'emploi sur une base purement subjective. C'est, sans aucun doute, la manière dont les choses se passent, dans la situation inverse, quand la demande de prestation est rejetée pour le motif que les modalités de l'emploi du prestataire auprès d'un employeur lié, une fois que tous les faits ont été examinés, ne correspondent pas aux modalités qui s'appliquent normalement, ou que l'on s'attendrait voir s'appliquer dans le cas d'employés non liés ayant conclu un contrat de travail à peu près semblable.

[24]          Dans les présents appels, le ministre a bel et bien invoqué le critère susmentionné, et les hypothèses à cet égard n'ont pas été contestées. Contrairement à la situation de fait dans l'affaire Craig Brothers, précitée, on adhérait ici à une structure de société et, malgré certaines particularités tenant au fait d'étiqueter et d'enregistrer des paiements comme des espèces de primes, puis d'indiquer — sur des dépôts à MHL relatifs aux chèques émis en faveur des épouses des appelants — que l'opération devait faire partie d'un compte de prêt d'actionnaire, il n'y avait pas d'effort concerté pour faire fi de l'effet juridique ou pratique de l'exploitation d'une entreprise par l'intermédiaire d'une société. Dans les présents appels, une proportion de 52 p. 100 des actions de MHL était détenue par une autre société, Golden Key, laquelle appartenait aux parents des appelants. Il n'y avait aucune preuve solide de l'existence d'une entente concernant l'effet d'un retrait, par Golden Key, de sa participation dans MHL, et il a été concédé que la présence de Golden Key était essentielle pour la continuation de l'entreprise de construction. À moins qu'il puisse être prouvé que Doreen et Edward Miller détenaient ces actions simplement comme fiduciaires au profit de leurs fils, il faut interpréter la structure de la société comme celle d'une société normale avec l'effet qui s'ensuit sur les diverses parties. Bien qu'il puisse y avoir des cas dans lesquels il n'est pas possible de déterminer si la conduite d'un particulier était attribuable au fait qu'il était un employé ou un administrateur/actionnaire de la société payeuse, dans ce cas-ci le ministre a examiné la question et a conclu que le risque couru par James Miller et Jason Miller résultait du fait qu'ils étaient actionnaires de la société et que ce risque n'était pas directement lié à leur emploi. Jonathan Miller — qui n'est devenu propriétaire d'un immeuble qu'au milieu de 1999, n'avait pas été appelé à donner des biens personnels en garantie à l'égard du prêt à MHL.

[25]          Le fait que des prestations d'assurance-emploi aient été versées aux appelants au cours d'années précédentes n'est pas particulièrement important, si ce n'est qu'il indique bel et bien que c'est depuis relativement peu de temps que la famille Miller considère qu'elle fait pratiquement corps avec la société MHL au lieu de la considérer comme une entité juridique distincte qui joue le rôle d'un employeur ordinaire payant les cotisations requises en vertu de la Loi sur l'assurance-emploi. Dans l'affaire Le Ministre du Revenu national c. Emily Standing, C.A.F., no A-857-90, 29 septembre 1992 (147 N.R. 238), le juge d'appel Stone disait à la page 2 (N.R. : aux pages 239 et 240) :

...Rien dans la jurisprudence ne permet d'avancer l'existence d'une telle relation du simple fait que les parties ont choisi de la définir ainsi sans égards aux circonstances entourantes appréciées en fonction du critère de l'arrêt Wiebe Door. (87 DTC 5025)

[26]          Dans les présents appels, il y avait quand même une indépendance de vues entre les appelants et la société, et chacun des appelants détenait seulement 16 p. 100 des actions de MHL. En droit, chacun des appelants pouvait être mis à pied, et les trois auraient pu être évincés si leurs parents — par l'intermédiaire de Golden Key — avaient exercé les droits qu'ils avaient du fait qu'ils étaient propriétaires de 52 p. 100 des actions de MHL. La protection contre un retrait involontaire du marché du travail — ainsi que la possibilité de verser des prestations à des travailleurs mis à pied — a toujours été la raison d'être du système national d'assurance-chômage/assurance-emploi. Je ne peux conclure sur la foi de la preuve que le ministre n'a pas tenu compte de faits pouvant amener à la conclusion qu'il n'y avait pas d'intérêts économiques opposés entre chaque appelant et le payeur. Chose certaine, Jonathan Miller — le travailleur le plus jeune et le moins expérimenté — recevait un salaire inférieur à celui de ses frères. De plus, il était en voie de prendre toutes les fonctions administratives liées à l'entreprise que Doreen Miller avait remplies pendant 25 ans et il accomplissait certaines tâches sur le chantier.

[27]          Je signale que, dans l'examen de cette affaire, je n'ai pas pour rôle de substituer mon opinion à celle du ministre. La question de savoir si je serais arrivé à la même conclusion au départ n'est pas pertinente. La jurisprudence pertinente établit qu'une intervention doit être basée sur une conclusion que le ministre a agi de mauvaise foi ou d'une manière capricieuse ou non conforme à la loi ou qu'il a fondé sa décision sur des faits non pertinents ou qu'il n'a pas tenu compte de faits pertinents.

[28]          Ayant examiné la preuve dans son ensemble, je ne peux conclure que le ministre s'est trompé en concluant que les appelants exerçaient un emploi assurable pour le payeur durant la période pertinente, et les décisions en date du 24 février 2000 sont confirmées. L'appel de chaque appelant est par les présentes rejeté.

Signé à Sidney (Colombie-Britannique), ce 19e jour de janvier 2001.

« D. W. Rowe »

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 27e jour de juin 2001.

Mario Lagacé, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-2373(EI)

ENTRE :

JASON MILLER,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de James Miller (2000-2374(EI)) et de Jonathan Miller (2000-2375(EI)), le 21 novembre 2000,

à Saskatoon (Saskatchewan), par

l'honorable juge suppléant D. W. Rowe

Comparutions

Avocat de l'appelante :                         Me Brent R. Hillestad

Avocate de l'intimé :                            Me Suzanne Lalonde

JUGEMENT

          L'appel est rejeté et la décision du ministre est confirmée, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Sidney (Colombie-Britannique), ce 19e jour de janvier 2001.

« D. W. Rowe »

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 27 e jour de juin 2001.

Mario Lagacé, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-2374(EI)

ENTRE :

JAMES MILLER,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de Jason Miller (2000-2373(EI)) et de Jonathan Miller (2000-2375(EI)), le 21 novembre 2000,

à Saskatoon (Saskatchewan), par

l'honorable juge suppléant D. W. Rowe

Comparutions :

Avocat de l'appelant :                          Me Brent R. Hillestad

Avocate de l'intimé :                            Me Suzanne Lalonde

JUGEMENT

          L'appel est rejeté et la décision du ministre est confirmée, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Sidney (Colombie-Britannique), ce 19e jour de janvier 2001.

« D. W. Rowe »

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour de juin 2001.

Mario Lagacé, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-2375(EI)

ENTRE :

JONATHAN MILLER,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de Jason Miller (2000-2373(EI)) et de James Miller (2000-2374(EI)), le 21 novembre 2000,

à Saskatoon (Saskatchewan), par

l'honorable juge suppléant D. W. Rowe

Comparutions :

Avocat de l'appelant :                          Me Brent R. Hillestad

Avocate de l'intimé :                            Me Suzanne Lalonde

JUGEMENT

          L'appel est rejeté et la décision du ministre est confirmée, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Sidney (Colombie-Britannique), ce 19e jour de janvier 2001.

« D. W. Rowe »

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour de juin 2001.

Mario Lagacé, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

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