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Date: 20010607

Dossier: 2000-2690-EI

ENTRE :

PIERRE ARPIN,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

BELL CANADA INTERNATIONAL INC.,

intervenante.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Charron, C.C.I.

[1]            Cet appel a été entendu à Montréal (Québec), le 24 janvier 2001, dans le but de déterminer si l'appelant exerçait un emploi assurable, au sens de la Loi sur l'assurance-emploi (la "Loi") et de l'article 5 du Règlement sur l'assurance-emploi, durant les années 1998 et 1999, alors qu'il était à l'emploi de Bell Canada International Inc., le payeur.

[2]            Par lettre du 10 novembre 1999, le ministère du Revenu national informa l'appelant et le payeur que cet emploi était assurable en vertu de l'alinéa 5(1)a) de la Loi et de l'article 5 du Règlement sur l'assurance-emploi.

[3]            Par lettre du 10 février 2000, le payeur porte cette décision en appel.

[4]            Par lettre du 19 mai 2000, l'intimé informa l'appelant et le payeur qu'il a changé d'idée et que l'emploi de celui-là n'était pas assurable, parce qu'il n'existait pas de relation employeur-employé entre eux durant les périodes en litige.

Exposé des faits

[5]            Les faits sur lesquels s'est basé l'intimé pour rendre sa décision sont énoncés au paragraphe 7 de la Réponse à l'avis d'appel comme suit :

"a)            Télinor Axtel se spécialise dans le développement de systèmes de communication à l'étranger. (nié)

b)             Télinor Axtel ne réside pas au Canada et n'a pas d'établissement au Canada. (admis)

c)              Le payeur fournit aux entreprises qui se spécialisent dans le développement de systèmes de communication à l'étranger, dont Télinor Axtel, des consultants ayant une vaste expérience des systèmes de communication. (nié)

d)             Le payeur réside au Canada (admis)

e)              Le payeur est actionnaire minoritaire de Télinor Axtel. (admis)

f)              Le Mexique voulait établir un système téléphonique moderne. (nié)

g)             Télinor Axtel était responsable de l'établissement de ce système téléphonique moderne au Mexique. (nié)

h)             L'appelant a pris sa retraite en 1994 de Bell Canada. (admis)

i)               L'appelant réside au Canada. (admis)

j)               Le 2 juin 1998, l'appelant a signé un contrat avec le payeur. (admis)

k)              La durée du contrat de travail était de trois mois. (admis)

l)               Le contrat de travail a été renouvelé à plusieurs reprises. (admis)

m)             Le lieu de travail était situé au Mexique. (admis)

n)             Les frais de transport étaient payés par le payeur. (admis sauf à parfaire)

o)             Les tâches de l'appelant étaient d'écrire des procédures afin d'établir un système de communication semblable à celui de Bell Canada au Canada. (admis sauf à parfaire)

p)             Les tâches de l'appelant s'intégraient dans le projet de Télinor Axtel qui était l'établissement d'un système téléphonique moderne au Mexique. (nié)

q)             Norma Hietanen et Dany Le Siège coordonnaient le travail de l'appelant au Mexique. (admis)

r)              Norma Hietanen et Dany Le Siège étaient des employés de Télinor Axtel. (nié)

s)              L'appelant faisait approuver certaines dépenses par Norma Hietanen afin d'être remboursé par le payeur. (admis)

t)              L'appelant était rémunéré 400 $ cdn par journée de travail. (admis)

u)             Une journée de travail comportait 10 heures de travail. (admis)

v)             L'appelant recevait également une allocation de 60 $ us par jour pour ses frais d'existence. (admis)

w)             L'appelant était payé aux deux semaines par le payeur. (admis)

x)              L'appelant n'était pas couvert par le régime d'assurance collective du payeur. (admis)

y)             L'appelant devait défrayer le coût de ses propres assurances. (admis)

z)              Le payeur facturait Télinor Axtel pour les services rendus par l'appelant. (admis)

aa)            En avril 1999, le projet de Télinor Axtel a été abandonné parce que l'équipement informatique du Mexique était trop vieux et qu'il était impossible de faire fonctionner le système téléphonique." (nié)

[6]            L'appelant a reconnu la véracité de tous les faits allégués aux alinéas du paragraphe 7 de la Réponse à l'avis d'appel, sauf ceux qu'il a niés, ainsi qu'il est indiqué entre parenthèses, à la fin de chaque alinéa.

Témoignage de Pierre Arpin

[7]            Cet individu demeure 861, rue de Sérigny à Boucherville (Québec), Canada (J4B 5C5).

[8]            Axtel est une corporation privée qui appartient à des intérêts mexicains, canadiens et américains et qui ne réside pas au Canada et n'y a pas d'établissement. C'est une compagnie de téléphone en compétition avec d'autres compagnies mexicaines.

[9]            Comme les compagnies partenaires recrutent souvent les employés spécialisés de leurs compagnies soeurs quand elles en ont besoin, Bell Canada Inc. dépêcha une trentaine d'experts en téléphonie, dont l'appelant, auprès d'Axtel pour l'aider à établir un système téléphonique en amélioration et réparation. Le 2 juin 1998, Pierre Arpin signe un contrat avec le payeur pour une durée de trois mois qui a été renouvelé à plusieurs reprises. Le lieu du travail est situé au Mexique et avait pour but de faire compétition aux petites compagnies existantes dans ce pays. Le payeur assumait les frais de transport, l'hébergement et le salaire des employés. La tâche de l'appelant était décrite au contrat intervenu entre lui et Bell Canada Inc. déposé à la cote A-1. Norma Hietanen et Dany Le Siège coordonnaient le travail de l'appelant au Mexique. Certaines dépenses encourues par l'appelant étaient remboursées par le payeur. L'appelant recevait une rémunération de 400 $ par jour et la journée de travail était de 10 heures. Le payeur versait à l'appelant une allocation de 60 $ par jour pour ses frais de subsistance. Le salaire et les frais étaient payés aux deux semaines en espèces mexicaines. Le payeur envoyait à Axtel une facture pour réclamer le remboursement de ses dépenses et déboursés faits pour l'appelant. Les salaires de l'appelant et ceux de Norma Hietanen étaient révisés annuellement sur les recommandations d'Axtel. L'appelant était sous les ordres et la surveillance de Norma Hietanen : il n'avait pas droit à des vacances, ni de compensation pour en tenir lieu. Il devait fournir à chaque semaine des rapports à madame Hietanen et/ou madame Le Siège et travailler pour le client. Ce dernier pouvait lui demander d'accomplir des tâches qui ne relevaient pas de son contrat de travail. Arpin n'avait pas de rapport à faire à Bell Canada Inc. à Montréal; il avait seulement des contacts. C'est Axtel qui décidait de la date du commencement du travail ou de sa fin; madame Hietanen était son porte-parole auprès des employés. C'est Axtel qui fournit les outils de travail tels que le téléphone, la papeterie, l'ordinateur, les meubles, la secrétaire et le bureau, tout cela étant situé dans un édifice d'Axtel. Arpin habitait à l'hôtel durant son séjour et la facture était acquittée par Axtel. Son transport de l'hôtel au bureau était fait par autobus conduit par un chauffeur privé, en même temps que d'autres passagers jusqu'aux locaux d'Axtel. À son retour au Canada, après la fin de son contrat, Arpin n'a pas réintégré les locaux de Bell Canada International Inc., ni ceux de Bell Canada Inc. parce qu'il était à sa retraite depuis 1994. Les employés d'Axtel au Mexique provenaient de tous les continents et ont été recrutés par d'autres entrepreneurs. Les rapports fournis par l'appelant étaient remis à Raoul Pineda Cardenas qui les remettait à madame Hietanen ou madame Le Siège. Cardenas était un employé d'Axtel. Arpin avait comme tâche supplémentaire de former un autre consultant qui le remplacerait lors de son départ. L'appelant remettait sa facture d'honoraires et de frais de subsistance aux deux semaines, sans retenues à la source, à madame Hietanen pour recevoir son approbation. Cette dernière y apposait sa signature et l'expédiait à Montréal pour paiement des honoraires et autres frais par Bell Canada International Inc. Ces honoraires étaient par la suite imputés à Axtel pour remboursement suivant les termes du document composé et rédigé par madame Hietanen pour le compte d'Axtel.

Témoignage de Michel Jalbert

[10]          Directeur des ressources humaines chez Bell Canada International Inc., monsieur Jalbert explique que l'intervenante investit dans des compagnies étrangères et doit à l'occasion s'engager à fournir des ressources pour aider ces compagnies à démarrer. L'intervenante agit donc comme recruteur pour envoyer des experts canadiens en télécommunication à ces compagnies. Lorsqu'Axtel a besoin d'une ressource, elle fait une demande de services spécifiant le type d'expertise désiré, la durée du mandat et l'intervenante fait des recherches pour trouver ces gens à l'intérieur de Bell Canada International Inc. ou Bell Canada Inc. qui font partie de la famille Bell Canada. Ayant eu une demande de consultant ayant l'expertise de monsieur Arpin, la durée de son expérience et sa disponibilité, monsieur Jalbert soumit la candidature de l'appelant à Axtel et elle fut acceptée. La demande spécifiait un salaire de 400 $ par jour (pièce A-4) et l'appelant devait rapporter ses heures et jours travaillés et faire approuver ce rapport par un employé d'Axtel, en l'occurence Norma Hietanen et, une fois ce rapport approuvé, il était envoyé à Bell Canada International Inc. pour paiement. Par la suite, Bell Canada International Inc. refacturait tous les frais et dépenses encourus; la facture était accompagnée d'un facteur administratif sans aucun profit (cost plus) et en réclamait le remboursement à Axtel. Lorsque le contrat de l'appelant fut terminé, il revint au Canada et n'eût aucun lien professionnel avec Bell Canada International Inc. par la suite. Au Mexique, c'est Axtel qui payait les frais d'hôtel de l'appelant.

Analyse des faits en regard du droit

[11]          Il y a lieu maintenant de déterminer si l'activité de l'appelant est incluse dans la notion d'emploi assurable, c'est-à-dire s'il existe un contrat de travail ou non.

[12]          La jurisprudence a énoncé quatre critères indispensables pour reconnaître un contrat de travail. La cause déterminante en cette matière est celle de City of Montreal c. Montreal Locomotive Works Ltd., [1947] 1 D.L.R. 161. Ces critères sont les suivants : 1) le contrôle; 2) la propriété des instruments de travail; 3) la possibilité de profit et le risque de perte. 4) La Cour d'appel fédérale y a ajouté le degré d'intégration dans l'arrêt Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N., [1986] 3 C.F. 553, mais cette énumération n'est pas exhaustive.

[13]          Or, la preuve a démontré que le travail exécuté par l'appelant n'était pas sous la direction du payeur et qu'il n'existait aucun lien de subordination entre eux. En vertu du contrat intervenu (pièce A-1), l'appelant a été embauché comme consultant pour Axtel.

[14]          Axtel est une corporation privée qui appartient à des intérêts mexicains, canadiens et américains qui ne réside pas au Canada et n'y a pas d'établissement. C'est une compagnie de téléphone en compétition avec d'autres compagnies mexicaines. Dans cette cause, l'intimé a décidé qu'il n'y a pas de relation employeur-employé entre l'intervenante et l'appelant. Ayant 30 ans d'expérience pour l'intervenante, l'appelant a soumis sa candidature et été choisi pour faire le travail pour Axtel.

[15]          Les motifs de l'intimé sont les suivants : l'appelant résidait normalement au Canada; le payeur était un résident du Canada ou avait un établissement au Canada; l'emploi aurait été assurable s'il avait été exercé au Canada; et l'emploi n'était pas assurable dans le pays où il était employé (lettre du 10 novembre 1999). Donc, l'emploi de l'appelant n'est pas assurable, parce qu'il n'est rien d'autre qu'un travailleur autonome.

[16]          Subsidiairement, s'il existe un emploi, c'est avec Axtel et dès lors il serait assurable au Mexique, parce qu'exécuté pour une compagnie mexicaine exécutant un travail au Mexique.

[17]          Le fardeau de la preuve repose sur les épaules de l'appelant. Il doit démontrer, selon la prépondérance de la preuve, qu'il y avait effectivement, entre lui et le payeur, un contrat de louage de services, mais il ne l'a pas fait. Toute la preuve de l'appelant dépend de la crédibilité des témoins.

[18]          En conséquence, l'appel est rejeté et la décision rendue par le ministre du Revenu national est confirmée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de juin 2001.

" G. Charron "

J.S.C.C.I.

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