Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19971010

Dossier: 96-4781-IT-I

ENTRE :

MARY M. AYLWARD,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge McArthur, C.C.I.

[1]            Cet appel se rapporte aux années d'imposition 1992, 1993 et 1994 de Mary M. Aylward. Il s'agit de savoir si l'appelante a le droit de déduire des pertes locatives, d'un montant de 5 251 $ en 1992, de 4 997 $ en 1993 et de 5 225 $ en 1994, à l'égard d'une habitation unifamiliale.

[2]            En 1989, l'appelante a acheté pour la somme de 260 000 $ le 3 220, Turnstone Crescent, à Mississauga (Ontario), qu'elle a financé à l'aide d'une hypothèque de premier rang de 193 761 $. Lorsque la maison était en voie de construction, l'appelante avait conclu une convention d'achat dans l'intention de la revendre rapidement à profit au moment de la conclusion de la convention ou auparavant. La baisse marquée du marché et une clause d'interdiction figurant dans la convention l'ont empêchée de réaliser son intention. En 1990, l'appelante s'est installée dans la maison avec une cousine. La cousine ayant omis de verser un loyer pendant deux ans, l'appelante l'a expulsée et a loué l'une des quatre chambres à coucher à un étudiant, tout en continuant à occuper le reste de la maison. Le loyer était de 400 $ par mois.

[3]            De 1992 à 1994, l'appelante a déclaré, à l'égard du bien, un revenu de location ainsi que des dépenses et pertes locatives comme suit :

ANNÉE REVENU                 FRAIS     DÉPENSES            FRACTION           PERTE

                                D'INTÉRÊTS         TOTALES              IMPUTABLE

                                                                À LA

                                                                LOCATION

                                                                (33 %)

1992         4 800 $    22 221 $ 30 154 $ 10 051 $ 5 251 $

1993         4 800 $    21 784 $ 29 392 $ 9 797 $    4 997 $

1994         4 800 $    20 654 $ 30 165 $ 10 055 $ 5 225 $

[4]            L'appelante a également déclaré des pertes locatives nettes à l'égard d'autres biens qu'elle possédait pendant les années d'imposition qui ont précédé l'année 1992.

ANNÉE                   REVENU BRUT                    DÉPENSES            PERTE NETTE

1987         3 900 $    7 767 $    3 867 $

1988         7 675 $    9 727 $    2 052 $

1989         13 350 $ 23 629 $ 10 279 $

1990         12 600 $ 22 218 $ 9 618 $

1991         1 050 $    6 368 $    5 318 $

[5]            Depuis 1994, l'appelante loue toute la maison à un locataire moyennant un loyer mensuel d'environ 1 450 $. Depuis 1994, le taux d'intérêt s'appliquant à l'hypothèque de 194 000 $ est passé de plus de 10 p. 100 l'an à moins de 5 p. 100. La maison, qui valait initialement 260 000 $, est maintenant évaluée à 217 000 $. L'appelante a expliqué qu'elle exerçait trois emplois pour combler les sorties nettes de fonds liées à la propriété. En disant à la Cour quelle était sa profession, l'appelante s'est présentée, en blaguant plus ou moins, comme exerçant la profession de préposée au nettoyage de toilettes. Il est certain que l'appelante travaillait très fort et qu'elle a en bonne partie consacré ses économies aux versements hypothécaires et aux autres frais.

[6]            L'appelante ne s'y connaissait pas en comptabilité; elle s'en remettait à son comptable pour préparer ses déclarations de revenu, en croyant en toute bonne foi que celui-ci faisait état de ses affaires de la façon appropriée.

[7]            Voici ce que l'intimée a soutenu :

-                l'appelante n'avait pas d'expectative raisonnable de tirer profit de la location du bien dans les années d'imposition 1992, 1993 et 1994; les dépenses qui ont été déduites étaient des frais personnels ou des frais de subsistance de l'appelante et l'appelante avait à juste titre fait l'objet d'une nouvelle cotisation conformément aux alinéas 18(1)a) et 18(1)h) de la Loi;

-                les dépenses locatives n'ont pas été engagées en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien au sens de l'alinéa 18(1)a) de la Loi;

-                la déduction des dépenses locatives qui ont fait l'objet d'un rejet est interdite par l'article 67 de la Loi étant donné qu'il ne s'agit pas de dépenses raisonnables eu égard aux circonstances;

-                l'appelante a à juste titre fait l'objet d'une nouvelle cotisation pour l'année d'imposition 1993 et le montant du crédit qu'elle avait demandé pour sa mère conformément à l'alinéa 118(1)b) de la Loi a été ramené à 4 502 $.

[8]            L'appelante a produit en preuve un plan de la maison à deux étages, qui comprend quatre chambres à coucher. Il semblerait qu'il eût été plus réaliste d'imputer 20 p. 100 de la superficie au locataire plutôt que les 33 p. 100 imputés par l'appelante.

Analyse

[9]            En imputant dans une proportion de 33 p. 100 les dépenses totales à l'activité de location, l'appelante n'avait clairement pas d'expectative raisonnable de profit. Comme l'intimée l'a dit, le loyer annuel brut de 4 800 $ ne couvrait pas un tiers des frais d'intérêts annuels, qui s'élevaient à environ 7 000 $.

[10]          Dans l'arrêt A.G. of Canada v. Mastri et al., 97 DTC 5420, la Cour d'appel fédérale a confirmé la décision qu'elle avait rendue dans l'affaire Tonn et al. v. M.N.R., 96 DTC 600. Dans l'arrêt Mastri, précité, la Cour a réitéré le principe fondé sur le sens commun selon lequel les tribunaux ne doivent pas apprécier d'une façon rétrospective le sens des affaires d'un contribuable dont l'entreprise se révèle moins rentable que ce qu'il avait prévu.

[11]          Dans l'arrêt Tonn, précité, la Cour a statué que le contribuable n'avait obtenu aucun avantage personnel. En l'espèce, l'appelante a habité la maison pendant plusieurs années jusqu'en 1993, année où elle a quitté les lieux et où sa mère et d'autres parents se sont installés dans la maison, le locataire sans lien de dépendance continuant à occuper environ 20 p. 100 de la superficie de la maison.

[12]          Dans l'arrêt Mastri, précité, la Cour a dit que dans l'arrêt Moldowan c. La Reine, [1978] 1 R.C.S. 480, il avait été décidé que, pour avoir une source de revenu, le contribuable doit avoir une expectative raisonnable de profit. Deuxièmement, " [...] on doit s'appuyer sur tous les faits pour déterminer objectivement si un contribuable a une expectative raisonnable de profit ". Si en fait il est conclu que le contribuable n'a pas d'expectative raisonnable de profit, il n'existe aucune source de revenu et il n'existe donc aucun fondement permettant au contribuable de déduire une perte locative.

[13]          La Cour a ajouté que le renvoi au critère de l'arrêt Moldowan, précité, étant appliqué " avec modération " n'est pas destiné à devenir une règle de droit, mais à être une ligne directrice fondée sur le bon sens pour les juges de la Cour de l'impôt. En d'autres termes, l'expression " avec modération " visait à expliquer que dans certains cas, par exemple, où il n'y a aucun élément personnel, le juge devrait appliquer le critère de l'attente raisonnable de profit de façon moins assidue qu'il ne l'aurait fait en présence d'un tel facteur. C'est dans ce sens que la Cour dans l'arrêt Tonn, précité, a fait une mise en garde en ce qui concerne l'appréciation rétrospective des décisions commerciales des contribuables.

[14]          En l'espèce, il ne m'est pas difficile de conclure qu'étant donné que les dépenses étaient imputées à la location dans une proportion de 33 p. 100, il n'y avait pas d'expectative raisonnable de profit. Il n'existait pas de source de revenu et il n'existait donc aucun fondement permettant au contribuable de calculer le montant de la perte locative. En outre, il existe en l'espèce un élément personnel. L'appelante a occupé presque toute la résidence pendant une bonne partie de la période en cause et sa mère a occupé la résidence pendant le reste de cette période.

[15]          L'appelante a initialement acheté la propriété dans l'intention de la revendre rapidement à profit. Il n'est pas nécessaire de se demander si le montant aurait été imputable au revenu ou au capital. Ce projet ne s'est pas concrétisé; l'appelante s'est installée dans la maison pour en faire sa résidence principale et elle a essayé de rentrer en partie dans ses frais en louant une chambre. Elle aurait peut-être été en mesure de s'attendre à un profit si une imputation raisonnable avait été effectuée. Elle a tenté d'une façon déraisonnable d'imputer 33 p. 100 de la superficie à la location, de sorte que l'expectative de profit était déraisonnable. L'appelante a peut-être faussement fait état de sa situation d'une façon fort innocente en se fondant sur les conseils qu'elle avait reçus, mais les pertes locatives qu'elle a déduites sont déraisonnables.

[16]          Pour ces motifs, les appels sont rejetés.

" C. H. McArthur "

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 14e jour de mai 1998.

Benoît Charron, réviseur

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