Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19980122

Dossier: APP-344-97-IT

ENTRE :

ELEANOR ADLER,

requérante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Comparutions

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Avocat de la requérante :                    Me Howard J. Alpert

Avocate de l'intimée :                          Me Christine Mohr

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Motifs de l'ordonnance

(Rendus à l'audience à Toronto (Ontario), le 5 janvier 1998.)

Le juge Hamlyn, C.C.I.

[1]            Il s'agit de l'affaire Eleanor Adler et Sa Majesté la Reine. Une demande de prolongation du délai dans lequel un appel peut être interjeté a été présentée.

[2]            Revenu Canada allègue qu'un avis de cotisation a été expédié par la poste à la requérante le 16 octobre 1995. La requérante nie avoir reçu cet avis de cotisation. Dans son témoignage, elle déclare qu'elle n'a été mise au courant de l'existence de l'avis de cotisation qu'après l'expiration du délai imparti aux fins de l'introduction d'un appel devant la Cour de l'impôt. La requérante n'a découvert l'existence de l'avis de cotisation que le 28 juillet 1997.

[3]            Dans son témoignage et dans le paragraphe 11 de l'affidavit qu'elle a déposé et qui faisait partie de la preuve, Eleanor Adler a déclaré ceci :

[TRADUCTION]

11.            En mai 1997, j'ai commencé à m'inquiéter du fait que Revenu Canada tardait apparemment à traiter un remboursement d'impôt que j'attendais pour mon année d'imposition 1996. Le 26 mai 1997 ou vers cette date, j'ai téléphoné à Revenu Canada et on m'a informé que le remboursement était bloqué à cause d'une lettre qui m'avait apparemment été envoyée par la poste en octobre 1995, selon laquelle je devais la somme de 192 000 $ à Revenu Canada. Je nie avoir reçu cette lettre de Revenu Canada, et je crois fermement qu'elle n'a jamais en fait été expédiée par la poste ou qu'elle ne m'a jamais été livrée, de quelque façon que ce soit.

[4]            Au paragraphe 17 dudit affidavit, la requérante ajoute ceci :

[TRADUCTION]

17.            Le 24 juillet 1997, j'ai été informée que mes procureurs avaient communiqué par téléphone avec M. Takahashi. Par suite d'une demande que mes procureurs avaient faite à celui-ci pendant cette conversation téléphonique, le 28 juillet 1997 ou vers cette date, M. Takahashi a envoyé par télécopie à mes procureurs une copie de l'avis de cotisation à l'égard de mon année d'imposition 1992, indiquant comme soi-disant " date d'expédition par la poste ", la date du 16 octobre 1995. La copie de l'avis de cotisation dit qu'une cotisation de 175 000 $ a été établie à mon égard par suite du transfert de la propriété située au 61, chemin Willowbrook que mon mari avait effectué en ma faveur.

[5]            La requérante ajoute ceci :

[TRADUCTION]

Une copie de la télécopie et de l'avis de cotisation est jointe aux présentes à l'annexe " F " du présent affidavit [...]

[6]            Au paragraphe 18, la requérante dit ceci :

[TRADUCTION]

18.            Pendant la période pertinente, je n'ai jamais eu connaissance de l'existence de l'avis de cotisation, je nie avoir reçu cet avis de cotisation et, en fait, je crois fermement que cet avis n'a jamais été expédié par la poste ou qu'il ne m'a jamais été livré par l'intimée, de quelque façon que ce soit.

[7]            Le ministre du Revenu national (le " ministre ") a soutenu que l'avis avait été expédié par la poste, tel qu'il en était fait mention, le 16 octobre 1995 ; selon la preuve qu'il a présentée, le ministère avait de fait expédié l'avis par la poste à ce moment-là et cela était suffisant pour satisfaire aux exigences du paragraphe 160(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la " Loi ").

[8]            Le ministre affirme que la requérante ne lui a pas signifié un avis d'opposition à cette cotisation, que la demande de prolongation du délai imparti pour interjeter appel devant cette cour a été déposée le 9 septembre 1997 et que cette demande devrait être rejetée parce que la requérante n'a pas signifié au ministre un avis d'opposition à la cotisation du 16 octobre 1995 conformément aux exigences de l'article 169 de la Loi, de sorte qu'une ordonnance faisant droit à la demande ne devrait donc pas être rendue.

[9]            Dans le cadre de l'analyse, je conclus que la preuve présentée par le ministre montre que l'avis de cotisation a été expédié par la poste à l'adresse de la requérante le 16 octobre 1995. La requérante a déclaré n'avoir jamais reçu la cotisation et n'avoir été mise au courant de son existence qu'en juillet 1997.

[10]          La requérante a présenté une demande afin d'obtenir une ordonnance prolongeant le délai dans lequel elle peut interjeter appel contre la cotisation établie par Revenu Canada. Je retiens la preuve selon laquelle la requérante n'avait pas connaissance de l'existence de l'avis de cotisation et qu'elle n'a jamais reçu cette cotisation de Revenu Canada.

[11]          Selon la preuve présentée par Revenu Canada, l'avis a été expédié par la poste le 16 octobre 1995 et, selon l'interprétation qu'il convient de donner à la Loi, cet avis est réputé avoir été donné à la date où il a été mis à la poste, c'est-à-dire que la date figurant sur l'avis de cotisation est réputée être celle où l'avis a été expédié par la poste. Cette présomption établie par la Loi est réfutable.

[12]          Je conclus que la requérante avait le plein contrôle de sa boîte aux lettres au moment en question, qu'elle était la seule personne à ramasser le courrier et que, selon le témoignage non contesté qu'elle a présenté sous serment, elle n'a pas reçu la cotisation. À mes yeux, cela est très important.

[13]          Je parlerai maintenant du jugement Antoniou v. M.N.R., 88 DTC 1415 (C.C.I.), auquel la requérante m'a référé. Dans cette affaire-là, en novembre 1985, le ministre a envoyé par la poste des avis de nouvelle cotisation au contribuable à l'adresse appropriée. Le contribuable avait allégué n'avoir jamais reçu les avis et n'avoir été mis au courant de l'existence des nouvelles cotisations qu'en mars 1987 lorsqu'on l'avait indirectement informé de la chose. Le contribuable voulait s'opposer aux nouvelles cotisations et il a demandé à la Cour canadienne de l'impôt de rendre une ordonnance prorogeant le délai imparti pour signifier les avis d'opposition. Le ministre a soutenu que le délai d'un an prévu au paragraphe 167(5) avait expiré avant que le contribuable eût présenté sa demande.

[14]          Dans la décision Antoniou, précitée, le juge Brulé a dit ceci, à la page 1418 :

                À la lumière des preuves présentées, la Cour est persuadée que l'avis de nouvelle cotisation a été envoyé par courrier et adressé à l'appelant à une adresse qui était la bonne le 4 novembre 1985. La Cour considère également que l'appelant a établi suivant la prépondérance des probabilités qu'il n'a jamais reçu l'avis de nouvelle cotisation qui lui avait été envoyé.

                La date de l'envoi d'un avis de cotisation est présumée être la date figurant sur l'avis [paragraphe 244 (14)]. Ceci vaut, bien évidemment, en l'absence de preuve contraire. Aucune preuve n'a été présentée quant à l'envoi si ce n'est l'affidavit d'un agent des dossiers de Revenu Canada. Étant donné que le requérant a nié avoir reçu la nouvelle cotisation et que son témoignage n'a pas été ébranlé lors du contre-interrogatoire et qu'aucune preuve contraire n'a été produite, la Cour conclut que l'avis n'a pas été reçu.

[15]          Le juge a ensuite fait la remarque suivante :

                En l'espèce, et bien que les nouvelles cotisations aient sans doute été valablement fixées, étant donné que la réception valable de l'avis n'a pas été démontrée et qu'une déposition a fait valoir qu'il n'avait pas été reçu, le délai d'opposition à la nouvelle cotisation, limité par les paragraphes 165(1) et 167(1) de la Loi, n'était pas venu à expiration. Il n'y a aucun motif de demander une prolongation du délai de dépôt d'un avis d'opposition étant donné que, par la manière dont elles ont été fixées, les prétendues nouvelles cotisations pour les années 1982 et 1983 ne répondent pas aux conditions prévues pour leur établissement. Par conséquent, la présente requête est nulle.

[16]          Je conclus donc qu'en l'espèce, étant donné que la requérante n'a pas reçu la cotisation, le délai imparti, qui commence à courir le jour où l'avis est mis à la poste, n'est pas expiré. Puisque la requérante n'a pas reçu l'avis, il n'y a pas de date de mise à la poste. Par conséquent, la demande en vue de l'obtention d'une ordonnance prolongeant le délai imparti pour interjeter appel devant cette cour est nulle.

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de janvier 1998.

" D. Hamlyn "

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 6e jour de mai 1998.

Benoît Charron, réviseur

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