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Date: 19980319

Dossier: 96-1523-IT-G

ENTRE :

GUERINO MOLINARO,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs supplémentaires de jugement

Le juge Bowman, C.C.I.

[1]            J'ai signé et rendu le jugement dans cette affaire en tenant pour acquis qu'aucune autre observation ne serait reçue de l'avocat de l'appelant sur la question du montant à soustraire du revenu de M. Molinaro du fait qu'un montant de 1 500 000 $ a été inclus deux fois. L'avocat de l'appelant a communiqué avec la Cour et a expliqué que, pour un certain nombre de raisons, il avait dû remettre la préparation d'observations écrites et qu'il avait l'intention d'en préparer. J'accepte que le retard était compréhensible. L'avocat a envoyé ses observations écrites à la Cour.

[2]            Je ne crois pas avoir le droit de revenir sur mon jugement. La question n'est pas visée par la règle concernant les erreurs énoncée aux articles 168 et 172 des Règles de la Cour canadienne de l'impôt.

[3]            Même s'il m'était loisible de modifier mon jugement, je ne serais pas disposé à le faire simplement parce que je ne souscris pas, avec égards, aux observations de l'avocat. Je ne juge pas nécessaire d'entendre l'avocate de l'intimée.

[4]            L'avocat de l'appelant fait valoir ce qui suit pour étayer sa thèse selon laquelle le montant à soustraire du revenu de M. Molinaro devrait être de 750 000 $, et non pas de 1 500 000 $, comme l'a affirmé l'intimée :

a)              Bluevest a admis que le montant de 1 500 000 $ en question était un produit de disposition;

b)             Bluevest a effectué un calcul des gains en capital en tenant pour acquis que 50 p. 100 du produit de disposition (moins, je suppose, le coût de disposition) étaient du revenu et que 50 p. 100 devaient être inclus dans son compte de dividende en capital;

c)              si le montant de 1 500 000 $ versé par Catelli à M. Molinaro n'est pas un produit de disposition, mais plutôt un salaire versé par Catelli, il s'ensuit :

                (i)             que le produit de disposition reçu par Bluevest est diminué de 1 500 000 $;

                (ii)            qu'il y a 750 000 $ en moins dans le compte de dividende en capital de Bluevest;

                (iii)           qu'il y a 750 000 $ de moins à verser comme gratification à M. Molinaro;

                (iv)           que s'il y avait 750 000 $ de moins à verser comme gratification à M. Molinaro, son revenu ne devrait alors être réduit que de 750 000 $;

d)             par conséquent, fait valoir l'avocat, en soustrayant 1 500 000 $ du revenu de l'appelant, on diminue de 1 500 000 $ la gratification versée par Bluevest, ce qui fait donc augmenter le revenu de Bluevest de 1 500 000 $. Pour que cela soit vrai, il faudrait que le produit de disposition reçu par Bluevest ait été de 3 000 000 $, et non pas de 1 500 000 $.

[5]            Avec égards, je crois que ce raisonnement ne tient debout ni du point de vue de la logique ni du point de vue économique. Les conséquences sont, en grande partie, essentiellement les mêmes que celles exposées au paragraphe 34 de mes motifs. Le fait est que M. Molinaro a reçu 1 500 000 $ en salaire de Catelli et qu'il se voit imposer sur ce montant dans les trois années en question. À l'origine, il a été imposé sur une gratification de 4 000 000 $ versée par Bluevest, mais la soustraction de 1 500 000 $ de ce montant ramène le montant imposable reçu de Bluevest à 2 500 000 $, ce qui élimine l'élément de la double imposition dans le cas de M. Molinaro.

[6]            L'avocat fonde son argumentation sur le fait qu'en n'attribuant pas, dans les faits, le montant de 1 500 000 $ à Bluevest, le produit de disposition, le gain en capital, le gain en capital imposable et le compte de dividende en capital de celle-ci s'en trouvent réduits. Il en va de même du montant déductible à titre de gratification. Il est probable que cela est vrai. Mais c'est là un effet inévitable sur Bluevest, ce qui est un point dont je ne suis pas saisi. Cela ne peut influer sur le calcul du revenu de M. Molinaro. Soustraire uniquement 750 000 $ du revenu de M. Molinaro, plutôt que 1 500 000 $, désavantage manifestement l'appelant, mais cela ne concorde pas avec les faits et vise, je suppose, à un effet généralement avantageux sur les divers comptes de Bluevest, dont le calcul a été effectué à l'origine à partir d'une hypothèse erronée, à savoir que le salaire de M. Molinaro était un produit de disposition. Ce n'est pas une raison de fausser le salaire de M. Molinaro.

Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour de mars 1998.

" D. G. H. Bowman "

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 28e jour d'août 1998.

Erich Klein, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

96-1523(IT)G

ENTRE :

GUERINO MOLINARO,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus les 10, 11 et 12 décembre 1997 et les 26 et 27 janvier 1998, à

Toronto (Ontario), par

l'honorable juge D. G. H. Bowman

Comparutions

Avocat de l'appelant :         Me Jeff Shaw

                Avocate de l'intimée :           Me Kathryn Philpott

Jugement

                Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1989 et 1990 sont rejetés.

                L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1988 est admis et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation afin que soit soustrait du revenu de l'appelant la somme de 1 500 000 $.

                L'intimée a droit à ses frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour de mars 1998.

" D. G. H. Bowman "

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 28e jour d'août 1998.

Erich Klein, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date: 19980316

Dossier: 96-1523(IT)G

ENTRE :

GUERINO MOLINARO,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Bowman, C.C.I.

[1]            Il s'agit d'appels de cotisations établies pour les années d'imposition 1988, 1989 et 1990. Même si l'avis d'appel modifié mentionne également l'année 1987, il semble qu'aucun d'avis d'opposition n'a été déposé pour cette année. Je ne suis donc pas saisi de la cotisation établie pour l'année 1987. L'avocat a toutefois informé la Cour qu'une renonciation a été déposée pour l'année 1987, et je suppose qu'en ce qui concerne l'année 1987, le ministre agira en conformité avec la décision rendue relativement aux appels pour les années d'imposition 1988, 1989 et 1990.

[2]            La question à trancher est de savoir si la somme de 1 500 000 $ versée à titre de salaire par Catelli Inc. à l'appelant sur une période de 36 mois doit être incluse dans son revenu à titre de salaire, comme cela a été fait dans la cotisation établie par le ministre du Revenu national, ou s'il s'agit d'une rentrée de capital représentant le produit de la vente d'actions.

[3]            M. Molinaro est un fabricant de pâtes très prospère. Il possède la totalité des actions de Bluevest Holdings Limited qui, pour sa part, était propriétaire de la totalité des actions de Canadian Pizza Crust Company Limited. Catelli Inc., qui fabrique des pâtes et d'autres types d'aliments italiens, était une filiale à cent pour cent de l'entreprise de brassage John Labatt Limited. M. Molinaro, par le truchement d'autres sociétés, exerçait d'autres activités aux États-Unis et au Royaume-Uni.

[4]            Catelli voulait acheter à Bluevest les actions de Canadian Pizza, et un prix de 10 000 000 $ a été négocié. Une lettre d'intention a été signée le 6 août 1997 par M. England, président-directeur général, au nom de Catelli et, le 7 août 1997, par M. Molinaro, au nom de Canadian Pizza. L'annexe de la lettre contenait un certain nombre de dispositions dont voici les plus pertinentes :

[TRADUCTION]

Vendeur :                Gino Molinaro

Acheteur :              Catelli Inc., ou une société liée à celle-ci.

La convention d'achat :        La transaction s'effectuera conformément à une entente finale rédigée à l'origine par l'avocat de l'acheteur et reprenant les dispositions énoncées dans les présentes ainsi que toutes autres dispositions dont conviennent les parties.

Titres de la société

à acquérir :              L'acheteur achètera toutes les actions ordinaires du vendeur représentant les biens meubles et immeubles de Canadian Pizza Crust Company Limited (la société), y compris la dénomination sociale, les noms commerciaux, les marques, les formules, les secrets commerciaux, les droits découlant de licences, les droits de contrat, les livres et registres, les baux de matériel et d'immeubles, les comptes débiteurs, les stocks et tous les autres éléments d'actif de la société utilisés relativement à son entreprise.

Prise en charge du

passif :    L'acheteur prendra en charge toutes les obligations de la société. Nonobstant cette prise en charge, le vendeur sera redevable à l'acheteur de tous les éléments de passif non divulgués de la société, en conformité avec les dispositions relatives à la compensation et à l'indemnisation énoncées dans les présentes.

Date d'entrée en vigueur :    À compter du 1er juillet 1987, l'entreprise sera réputée être exploitée au bénéfice de l'acheteur, bien que la date réelle de transfert soit la date de signature.

[...]

Conditions de signature :

[...]

(3)            Contrat de travail avec G. Molinaro L'acheteur conservera M. Molinaro comme employé pendant une période d'au moins trois ans après la signature. Le contrat de travail prévoira la prestation de services à temps plein pendant toute la durée de celui-ci. Les services se rapporteront à la gestion organique de l'entreprise existante et au développement d'une entreprise de pizza en Europe. M. Molinaro sera le président de la société et, à ce titre, il sera normalement assujetti à des directives générales de Catelli et non pas à une supervision quotidienne.

Aux termes du contrat, M. Molinaro participera à tout programme d'avantages qui sera encore en vigueur ou qui sera mis en place par l'acheteur après la signature. Le contrat de travail (le cas échéant) actuel de M. Molinaro avec le vendeur prend fin à la date de signature.**

(4)            Entente de non-concurrence : M. Molinaro signera, en faveur de l'acheteur, une entente de non-concurrence appropriée.

** Outre le salaire mentionné au paragraphe (4) sous la rubrique " prix d'achat ", M. Molinaro recevra un salaire annuel de 100 000 $ payable en versements mensuels égaux, auquel s'ajoutera une gratification aux cadres pouvant atteindre 50 000 $ par année.

[5]            À l'annexe A (" Information de base "), on peut lire ce qui suit :

[TRADUCTION]

5.              M. Molinaro souhaite demeurer président pendant les trois prochaines années au moins. Il a été convenu que le président continuera d'assumer la responsabilité principale et qu'il sera assujetti à des directives générales et non pas à une supervision quotidienne.

[6]            La convention d'achat d'actions a suivi la lettre d'intention. Elle était signée par Bluevest en tant que partie vendeuse, par Catelli en tant que partie acheteuse, et par M. Molinaro.

[7]            Les clauses 2.02 et 2.03 sont ainsi formulées (la société y mentionnée est Canadian Pizza) :

[TRADUCTION]

2.02          Signature. La signature aura lieu à la date de signature, chez Goodman & Goodman, bureau 3000, 20, rue Queen Ouest, Toronto, à l'heure de signature. En supposant que toutes les conditions énoncées à l'article 6 des présentes auront soit été remplies, soit fait l'objet d'une renonciation, à la signature :

a)              L'acheteur prêtera à la société la somme de 1 329,945 $ et la société utilisera ce montant pour rembourser tous les billets à vue non productifs d'intérêt, dont le montant total s'élève à 1 329 945 $.

b)             L'acheteur achètera au vendeur et le vendeur vendra à l'acheteur, au prix de 6 305 055 $, les actions achetées.

c)              Le prix d'achat sera payé de la façon suivante :

(i)             Un montant de 4 305 055 $ payable conformément aux directives du vendeur énoncées à l'annexe 2.02 des présentes, conformément aux nouvelles directives de V & F Leasing Ltd. et de G & A Driver Services Inc. énoncées à l'annexe 2.02 des présentes, et conformément aux nouvelles directives de la société énoncées à l'annexe 2.02 des présentes. Les parties conviennent que le paiement des fonds conformément aux directives et aux nouvelles directives énoncées à l'annexe 2.02 servira aux fins suivantes :

(A)           le remboursement à la société par V & F Leasing Ltd. du montant de 862 350 $ dû à la société par V & F Leasing Ltd. (le " compte débiteur de V & F "), comme il est indiqué dans le bilan de fin d'exercice;

(B)            le remboursement à la société par G & A Driver Services Inc. de 756 324 $, qui est le montant qui, d'après les auteurs des engagements, est dû par G & A Driver Services Inc. à la société à la date de signature (le " compte débiteur de G & A ");

(C)            le remboursement au vendeur, par la société, du montant de 1 170 055 $ dû par la société au vendeur, comme il est indiqué dans le bilan de fin d'exercice;

(ii)            l'acheteur versera 2 000 000 $ au dépositaire légal, le paiement devant être fait à la date de signature, par chèque certifié ou traite bancaire, et devant être utilisé par le dépositaire légal de la manière décrite dans le contrat de dépôt.

2.03          Après la signature. L'acheteur fera signer par la société le contrat de travail et l'entente de non-concurrence qui auront précédemment été signés par l'auteur de l'engagement et par l'acheteur et remettra une copie dûment signée de chacun de ces documents à l'auteur de l'engagement et à l'acheteur, ainsi qu'une copie certifiée conforme d'une résolution de la société autorisant la signature desdites ententes.

[8]            En passant en revue la convention, je mentionne les clauses 8.01 et 8.02, sans les reproduire. Ces clauses limitent le droit de compensation de l'acheteur à 9 100 000 $. L'avocat de l'appelant soutient que ce montant doit obligatoirement englober le montant de 1 500 000 $ que Catelli doit verser à M. Molinaro à titre de salaire.

[9]            En outre, il y a eu signature d'un contrat de travail en date du 20 octobre 1987. Les parties étaient Canadian Pizza, Catelli et M. Molinaro. Dans ce contrat, Catelli est appelée par " Catelli ", Canadian Pizza, " la société ", et M. Molinaro, " le cadre de direction ".

[10]          Les modalités de ce contrat qui sont pertinentes en l'occurrence sont les suivantes :

[TRADUCTION]

ATTENDU QUE :

(i)             Conformément à une entente (la " convention d'achat d'actions ") datée du 20 octobre 1987 entre Catelli, le cadre de direction et Bluevest Holdings Limited (une société dont toutes les actions appartiennent au cadre de direction), Bluevest Holdings Limited accepte de vendre et Catelli accepte d'acheter toutes les actions émises et en circulation de la société;

(ii)            Comme condition de signature de la convention d'achat d'actions, Catelli et le cadre de direction doit avoir signé le présent contrat de travail qui énonce les modalités de l'engagement, par Catelli, du cadre de direction comme président de la société, et Catelli a convenu de faire signer le présent contrat par la société après la signature;

                À ces causes, le présent contrat de travail atteste qu'en échange de ce qui est énoncé dans les clauses liminaires, des engagements mutuels et des ententes contenus dans les présentes, et d'autres contreparties de valeur (dont la réception par chacune des parties aux présentes est ici reconnue), il est convenu de ce qui suit :

1.              DURÉE

                Catelli emploiera le cadre de direction, et le cadre de direction sera employé par Catelli, pour une période de trois (3) ans commençant à la date de signature du présent contrat de travail et se terminant au troisième anniversaire de cette date (la " durée initiale "), à moins que l'emploi prenne fin auparavant conformément aux dispositions du paragraphe 6 des présentes ou à moins que le paragraphe 7 s'applique, et cet emploi est définitivement réputé être la continuation de l'emploi actuel du cadre de direction dans la société comme président de celle-ci.

2.              SERVICES ATTENDUS

                Le cadre de direction servira la société et Catelli, et Catelli emploiera le cadre de direction comme président de la société. À ce titre, le cadre de direction aura la responsabilité principale de l'entreprise de la société et sera responsable des activités quotidiennes de la société sous la direction générale du directeur général de Catelli ou de la personne désignée par le directeur général de Catelli, comme il est prévu dans la phrase suivante. Le cadre de direction relève du directeur général de Catelli ou de tout autre cadre de direction de Catelli ou d'un membre du groupe Catelli que le directeur général de Catelli peut désigner par écrit comme représentant de la direction du conseil d'administration de la société, et il a le droit de s'appuyer sur les directives en émanant. Sans préjudice de la portée générale de ce qui précède, les parties reconnaissent qu'elles désirent que le cadre de direction s'occupe initialement de la gestion de l'entreprise existante de la société et de la recherche d'occasions d'affaires en Europe sur les marchés de la pizza fraîchement préparée, de la pizza congelée et des constituants de la pizza, ainsi que dans des segments de marché connexes et pour des produits connexes.

3.              EXCLUSIVITÉ DES SERVICES

a)              Pendant la durée du présent contrat de travail, le cadre de direction consacrera essentiellement la totalité de ses heures de travail, de son attention et de ses capacités à l'entreprise et aux affaires de la société et de Catelli et aux tâches exposées dans les présentes, sauf dans la mesure où il est expressément autorisé, aux termes de l'alinéa 3b), à agir autrement, et il servira fidèlement et de façon consciencieuse la société et Catelli et favorisera leurs intérêts.

b)             Le cadre de direction déclare, et la société et Catelli reconnaissent, que le cadre de direction détient, par le truchement d'une société de portefeuille ou de sociétés de portefeuille, des actions représentant une participation d'environ 78 p. 100 dans Canadian Pizza Crust Company (U.K.) Limited (la " société du R.-U.), qui s'occupe de la fabrication, au Royaume-Uni, et de la vente, au Royaume-Uni et ailleurs (à l'exclusion de l'Amérique du Nord), de croûtes de pizza, et que le cadre de direction participe à la gestion de la société du R.-U. Le cadre de direction peut, pendant la durée du présent contrat de travail, continuer de participer à la gestion de la société du R.-U., à la condition qu'il ne permette jamais que ces activités nuisent à son obligation de consacrer essentiellement la totalité de ses heures de travail, de son attention et de ses capacités à l'entreprise et aux affaires de la société et de Catelli ou qu'elles entrent en conflit avec cette obligation.

c)              Le cadre de direction admet et convient que, nonobstant la permission accordée ci-dessus, son expérience et ses compétences relatives aux marchés de l'Europe et du Royaume-Uni doivent être utilisées au bénéfice de la société, de Catelli et des sociétés liées de leur groupe (selon la définition donnée ci-après) pendant la durée du présent contrat de travail. Toute occasion d'affaires dont le cadre de direction apprend l'existence pendant la durée du présent contrat de travail doit être offerte à la société et à Catelli par le cadre de direction, et celui-ci convient de ne pas prendre ou omettre de prendre toute mesure qui aurait pour résultat de faire perdre à la société, à Catelli ou à toute société liée du même groupe une occasion qui relève du champ de ses ou de leurs activités commerciales actuelles ou futures, dont le cadre de direction pourra être au courant à un moment donné. Aux fins du présent contrat, " groupe " a le sens qui lui est attribué dans la Loi sur les sociétés commerciales canadiennes, et " société liée " désigne une société liée à Catelli qui exerce ses activités dans le même segment de l'industrie des aliments préparés ou emballés que Catelli ou la société, ou dans un segment semblable.

4.              RÉMUNÉRATION ET AVANTAGES

a)              Catelli paiera au cadre de direction pour les services rendus aux termes du présent contrat de travail un salaire de 600 000 $ par année pendant chacune des trois (3) années du présent contrat. Le salaire annuel est payable en versements mensuels à terme échu commençant un mois après la date de signature du présent contrat de travail. Le salaire est versé au cadre de direction sans compensation, contre-revendication, déduction ou réduction de quelque nature ou quelque genre que ce soit, qu'elle soit fondée sur l'equity ou sur la common law, ou sur le présent contrat ou sur autre chose, sauf si la loi ou le cadre de direction l'exigent, relativement à l'impôt, à l'assurance-maladie, au régime de pensions et au régime d'assurance-chômage. Catelli et la société renoncent par les présentes à tout moyen de défense de quelque nature ou de quelque genre que ce soit, qu'il soit fondé sur le présent contrat ou sur autre chose, ou sur l'equity ou sur la common law, et qu'il naisse avant ou après la date du présent contrat de travail, relativement au paiement de ce salaire.

b)             En plus de la rémunération prévue à l'alinéa a), le cadre de direction pourra toucher une gratification aux cadres dont le montant (ne dépassant pas 50 000 $ par année pendant chacune des trois (3) années de la durée initiale) sera déterminé par le directeur général de Catelli en fonction de la réalisation des objectifs de la société, notamment quant aux profits, fixés par le directeur général de Catelli.

c)              Le cadre de direction a le droit de continuer à participer à tout programme d'avantages de la société qui est actuellement en vigueur ou qui sera mis en place par la société pendant la durée du présent contrat de travail, à la condition que son droit aux avantages soit calculé comme si la société versait au cadre de direction un salaire annuel de 100 000 $. Le cadre de direction a droit également à quatre (4) semaines de vacances par année pendant la durée du présent contrat de travail, qu'il pourra prendre au(x) moment(s) prévu(s) selon les politiques de Catelli à cet égard. Au cours de ces périodes de vacances, le cadre de direction continue de recevoir de Catelli le salaire mentionné à l'alinéa 4a).

5.              FRAIS DE VOYAGE

                Catelli remboursera au cadre de direction tous les frais raisonnables de voyage, d'hôtel et de repas ainsi que les autres dépenses habituelles, dont une allocation d'automobile, qu'il a engagés réellement et légitimement dans l'exécution des fonctions décrites dans les présentes et qui sont attestés par des factures, des reçus, des justificatifs ou tout autre document que la société peut exiger.

6.              CESSATION D'EMPLOI

a)              Catelli peut mettre fin à l'emploi du cadre de direction à n'importe quel moment en donnant un préavis écrit de deux mois signifié par Catelli au cadre de direction.

b)             L'emploi du cadre de direction prend fin à son décès ou en raison d'une incapacité physique ou mentale qui, de l'avis d'un médecin qualifié, rend le cadre de direction dans une grande mesure incapable de remplir ses obligations en vertu des présentes pour une période de 90 jours ou plus. La cessation d'emploi pour incapacité prend effet à la date où l'avis écrit de cessation d'emploi est signifié par Catelli au cadre de direction.

c)              Le cadre de direction peut, s'il le désire, quitter son emploi n'importe quand au cours de la durée initiale pour une " raison valable ". La cessation d'emploi prend effet deux mois après la remise du préavis écrit à Catelli, à moins d'indication contraire dans les présentes. Dans le présent contrat, " raison valable " veut dire :

(i)             l'attribution au cadre de direction de tâches ne concordant pas avec son poste, ses pouvoirs, ses responsabilités et son statut au sein de la société, qui sont décrits dans le présent contrat et qu'il avait et/ou exerçait immédiatement avant la signature du présent contrat de travail; ou

(ii)            le fait pour Catelli d'imposer au cadre de direction l'obligation de travailler ailleurs que dans la région urbaine de Toronto, sauf pour ce qui est des voyages qu'il peut raisonnablement avoir à effectuer pour la société; ou

(iii)           la violation, par Catelli ou la société, de toute modalité du présent contrat; ou

(iv)           le changement de " contrôle " de la société ou de Catelli, sauf pour des raisons de réorganisation interne, lorsque " contrôle " s'entend du droit d'élire une majorité de ses administrateurs; ou

(v)            le départ de chez Catelli de son directeur général et d'une majorité des sept principaux dirigeants de Catelli en l'espace de trois mois; ou

(vi)           l'annonce, par communiqué ou par note de service interne, de façon confidentielle ou non, de tout arrangement ou de toute entente qui entraînera l'un ou l'autre des changements envisagés aux sous-alinéas 6c)(iv) ou 6c)(v), à la condition que dans cette éventualité le cadre de direction donne trois mois de préavis avant de quitter son emploi; ou

(vii)          une incapacité physique ou mentale, ou tout autre événement indépendant de la volonté du cadre de direction, qui rend ce dernier incapable de remplir ses obligations aux termes des présentes pendant plus de 30 jours au cours d'une période de six mois, à la condition que dans cette éventualité le cadre de direction ne soit pas tenu de donner de préavis de son départ.

d)             Si la cessation de l'emploi du cadre de direction avant l'expiration de la durée initiale est décidée par Catelli conformément à l'alinéa 6a) ou en raison de l'incapacité du cadre de direction en conformité avec le paragraphe 6d) ou en raison du décès du cadre de direction, ou si elle est décidée par le cadre de direction en conformité avec le paragraphe 6c), le cadre de direction (ou, dans l'éventualité de son décès, sa succession) reçoit la somme de 41 666,67 $ à la fin de chaque mois à compter du mois de la cessation d'emploi, et ce, pour le reste de la durée initiale, sans que le cadre de direction ait à accomplir de formalités procédurales. Catelli et la société reconnaissent que le paiement de ces montants pour le reste de la durée initiale est raisonnable dans les circonstances d'une telle cessation d'emploi et elles conviennent que le cadre de direction n'a pas obligation de limiter les dommages qui pourraient résulter de cette cessation d'emploi. Les montants susmentionnés payables pendant le reste de la durée initiale doivent être versés sans compensation, contre-revendication, déduction ou réduction de quelque nature ou de quelque genre que ce soit, qu'elle soit fondée sur le présent contrat ou sur autre chose, ou sur l'equity ou sur la common law, sauf si la loi l'exige relativement à l'impôt. Catelli et la société renoncent par les présentes à tout moyen de défense de quelque nature et de quelque genre que ce soit, qu'il soit fondé sur le présent contrat ou sur autre chose, ou sur l'equity ou sur la common law, et qu'il naisse avant ou après la date du présent contrat de travail, relativement au paiement de ces sommes.

[11]          La clause 10 contenait une entente de non-concurrence.

[12]          L'alinéa a) de la clause 12 se lit comme suit :

                                [TRADUCTION]

a)              Le présent contrat de travail constitue la totalité de l'entente entre le cadre de direction, la société et Catelli portant sur la matière traitée dans les présentes, et il ne peut être modifié qu'au moyen d'un accord écrit signé par toutes les parties aux présentes. La totalité des accords, ententes et arrangements antérieurs, écrits ou verbaux, conclus entre les parties aux présentes ou en leur nom, concernant l'engagement du cadre de direction par Catelli ou la société sont par les présentes résiliés, annulés et remplacés, et le cadre de direction met la société à l'abri de toute action, cause d'action, réclamation et demande en tout genre fondée sur l'une ou la totalité desdits accords antérieurs ou relative à ceux-ci.

[13]          J'ai cité longuement le contrat pour montrer qu'il s'agissait d'un document officiel, rédigé avec soin, et qu'il traduisait un véritable rapport juridique.

[14]          Pendant les négociations et au moment de la signature, M. Molinaro et Bluevest étaient représentés par des comptables agréés et des avocats chevronnés, tout particulièrement par M. Peter Szewczyk, un comptable agréé, et par Me James Rossiter, un fiscaliste d'expérience.

[15]          L'affaire a été conclue. L'état des revenus et des bénéfices non répartis de Bluevest pour l'exercice clos le 31 décembre 1987 faisait ainsi état de la transaction :

[TRADUCTION]

REVENU

                Produit de la vente — Actions de

                Canadian Pizza Crust Company Limited            9 135 000 $

COÛT DE DISPOSITION     126 632 $

COÛT DES ACTIONS VENDUES      109 794 $

                236 426 $

   GAIN SUR LA VENTE DES ACTIONS          8 898 574 $

PLUS — Revenu d'intérêt    113 204 $

                9 011 778 $

DÉPENSES

Salaires des cadres               4 551 000 $

Honoraires             5 729 $

Impôt sur le capital               4 998 $

                4 561 727 $

        REVENU NET                4 450 051 $

BÉNÉFICES NON RÉPARTIS — Début de l'exercice      1 264 158 $

MOINS — Dividende en capital payé               5 714 209 $

                3 500 000 $

BÉNÉFICES NON RÉPARTIS — Fin de l'exercice          2 214 209 $

[16]          Catelli a versé à l'appelant 1 629 574 $ sur une période de 36 mois, de 1987 à 1990, et a établi des feuillets T-4 indiquant ce montant total. L'appelant est d'avis que de ce montant, seulement 129 574 $ représentaient du salaire, et que le reste était le produit de disposition d'actions. La thèse de l'appelant est exposée aux paragraphes 12, 13 et 14 de l'avis d'appel modifié :

                                [TRADUCTION]

12.            La transaction a été conclue le 20 octobre 1987. Entre octobre 1987 et septembre 1990, l'appelant a reçu les paiements suivants, lesquels font l'objet du présent appel :

Total sur le feuillet T-4

Montants

représentant

le produit de disposition

Montants

représentant

le salaire

1987

(2 mois)

100 000 $

83 333 $

16 667 $

1988

(12 mois)

600 000 $

500 000 $

100 000 $

1989

(12 mois)

512 907 $

500 000 $

12 907 $

1990

(10 mois)

416 667 $

416 667 $

---

Totaux

1 629 574 $

1 500 000 $

129 574 $

13.            L'appelant a réellement fourni à Catelli au cours des années en question des services correspondant aux montants indiqués, dans le tableau qui précède, sous la rubrique " Montants représentant le salaire ". L'appelant a mis fin à son emploi chez Catelli en 1989, ce qui explique pourquoi la colonne des montants représentant le salaire s'arrête en 1989.

14.            Les montants indiqués sous la rubrique " Montants représentant le produit de disposition " dans le tableau ci-dessus, représentent le solde du prix d'achat payable à l'appelant au fil du temps, conformément au contrat de travail, au titre de ses actions de Canadian Pizza. L'appelant affirme donc que les montants représentant le produit de disposition sont des rentrées de capital de Bluevest.

[17]          Il ressort de ce qui précède, ainsi que des témoignages de vive voix, ce qui suit :

a)              Bluevest a inclus la totalité du montant de 9 135 000 $ dans le calcul du produit de disposition des actions de Canadian Pizza. Ce montant englobait la somme de 1 500 000 $ payable par Catelli à M. Molinaro aux termes du contrat de travail.

b)             Elle a passé en charges à titre de salaires des cadres un montant de 4 551 000 $, duquel une somme de 4 000 000 $ a été traitée comme un montant payable à M. Molinaro.

c)              M. Molinaro a inclus les 4 000 000 $ dans son revenu pour 1988.

d)             Il n'a pas inclus dans son revenu à titre de salaire le montant total de 1 500 000 $ que lui a versé Catelli au cours des années 1987, 1988, 1989 et 1990.

e)              Le salaire de cadre de 4 000 000 $ qu'a reçu M. Molinaro, même s'il a été passé en charges en 1987, ne lui a pas été versé en totalité cette année-là. Plus particulièrement, il figure dans un compte appelé " avances d'actionnaire ". À mesure que Catelli versait le salaire à M. Molinaro au cours de la période de quatre ans, Bluevest réduisait d'autant le compte des prêts de l'actionnaire dans ses registres comptables et réduisait aussi le montant indiqué comme lui étant dû par Catelli au titre du prix d'achat des actions.

f)              En outre, Bluevest a versé un dividende en capital de 3 500 000 $, probablement à M. Molinaro, et a fait un choix aux termes du paragraphe 83(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

[18]          N'a pas été mentionné, dans l'avis d'appel modifié, le fait que le salaire de 4 000 000 $ indiqué comme payable à M. Molinaro par Bluevest incluait, si étrange que cela puisse paraître, le salaire de 1 500 000 $ versé par Catelli.

[19]          En fait, au cours de l'interrogatoire préalable, on a demandé à M. Molinaro de préciser comment le montant de 1 500 000 $ avait été comptabilisé. Voici la réponse qui a été fournie :

[TRADUCTION]

D'après ce que le comptable de M. Molinaro comprend de la transaction, le montant de 1,5 million de dollars a été dûment comptabilisé. M. Molinaro n'a fait état d'aucune partie de ce montant dans sa propre déclaration de revenu parce que cet argent représentait un produit de disposition reçu par Bluevest.

[20]          J'aurais cru que, si M. Molinaro avait déjà payé, en 1988, de l'impôt sur le montant de 1 500 000 $ compris dans les 4 000 000 $, cela aurait été signalé au ministère du Revenu national ou à l'avocate de l'intimée, et la Cour n'aurait jamais été saisie de l'affaire. Me Philpott a été prise tout a fait au dépourvu.

[21]          J'ai ajourné l'affaire pour que les parties puissent se pencher sur la question des modifications qu'il pourrait être nécessaire d'apporter et sur celle de savoir s'il y avait lieu de procéder à d'autres interrogatoires préalables.

[22]          Lorsque l'affaire a repris en janvier, Me Philpott a déclaré qu'elle était convaincue que M. Molinaro avait payé deux fois de l'impôt sur le montant de 1 500 000 $ — une fois en 1988, du fait qu'il était compris dans les 4 000 000 $, et une autre fois, à titre de salaire versé par Catelli. Elle a déclaré que l'intimée était prête à soustraire 1 500 000 $ du revenu de M. Molinaro pour 1988, mais qu'elle maintenait sa position selon laquelle les montants versés par Catelli à M. Molinaro étaient du salaire et qu'ils étaient à bon droit imposables comme revenu de M. Molinaro dans les années en question.

[23]          J'aurais cru que cela résoudrait la question, mais l'appelant continue de maintenir qu'il ne devrait pas être imposé à l'égard du montant de 1 500 000 $ et que ce montant représente plutôt un produit de disposition reçu par Bluevest. Même si on retient la théorie de l'appelant, le montant de 1 500 000 $ représente néanmoins un montant que, d'une façon ou d'une autre, M. Molinaro a eu en sa possession et à l'égard duquel il est imposable, quelle qu'en soit l'origine. Il ne s'agit certainement pas d'un produit de disposition pour lui, comme il est allégué au paragraphe 14 de l'avis d'appel modifié. Peut-être y a-t-il une subtilité qui m'échappe ici, mais il y a un point qui ressort comme le nez dans le milieu de la figure, c'est que les actions vendues n'étaient pas les siennes, mais celles de Bluevest.

[24]          Me Shaw attire l'attention sur certaines particularités du contrat de travail sur lesquelles il s'appuie pour soutenir que je devrais retenir la primauté du fond sur la forme et conclure que le montant de 1 500 000 $ reçu aux termes du contrat de travail était essentiellement un produit de disposition des actions de Bluevest. Il fait valoir que Bluevest l'a inclus dans son produit de disposition et a calculé son gain en capital sur le montant plus élevé de 9 135 000 $, qui incluait le montant de 1 500 000 $. Il souligne qu'aux termes du contrat les avantages sociaux de M. Molinaro doivent être calculés seulement sur le salaire additionnel de 100 000 $. Il insiste plus particulièrement sur le fait que, peu importe que M. Molinaro quitte son emploi, qu'il soit congédié ou qu'il décède, le salaire de 500 000 $ par année continue d'être versé. Il soutient que je devrais appliquer le raisonnement suivi dans l'affaire Farm Business Consultants Inc. v. The Queen, 95 DTC 200 (confirmé par 96 DTC 6085 (C.A.F.)), où il est dit, aux pages 203 et 204 :

                Point n'est besoin de réitérer la jurisprudence relative au principe de la primauté du fond sur la forme. Cela a été fait dans d'autres causes. On ne peut modifier la nature essentielle d'une opération pour des fins liées à l'impôt sur le revenu en lui donnant un nom différent. C'est la relation juridique véritable qui est déterminante, et non la terminologie employée. C'est le président de l'appelante, M. Ibbotson qui avait eu l'idée de faire passer les paiements relatifs à la liste des clients pour des honoraires de consultation parce qu'il voulait transformer les paiements relatifs à l'achalandage en des dépenses déductibles au cours des différents exercices. À l'évidence, les Whalls étaient disposés à suivre cette idée, mais leur acquiescement, et le fait qu'ils étaient disposés à inclure les paiements dans leur revenu, n'aident pas la cause de l'appelante, pas plus que le fait que le ministre n'a pas contesté l'inclusion par les Whalls des paiements dans leurs revenus. Après tout, pourquoi le ferait-il?

[25]          Les témoins appelés par l'intimée ont déclaré qu'ils considéraient que l'arrangement pris avec M. Molinaro sur le plan salarial était raisonnable et essentiel, et je peux voir pourquoi. M. Molinaro m'a fait l'effet d'une personne dynamique et énergique qui était essentielle au succès de l'entreprise.

[26]          Dans un tout autre ordre d'idées, je trouve très anormal que, dans un cas où une personne conclut un contrat ayant force obligatoire avec une personne avec qui elle n'a aucun lien de dépendance qui compte sur le maintien d'une relation juridique, comme il est précisé dans les documents officiels, et où la première personne est informée des conséquences légales et fiscales de ce qu'elle signe, cette première personne puisse avoir le droit de répudier le contrat au détriment tant du ministre du Revenu national que de l'autre partie. Je suppose qu'en théorie on pourrait faire valoir qu'une partie à une entente peut invoquer le principe de la primauté du fond sur la forme, mais cela semble aller à contre-courant de tous les principes de moralité commerciale et, de fait, de sens commun, qu'une personne puisse, après avoir signé solennellement et officiellement des documents juridiques rédigés avec soin sur lesquels l'autre partie s'appuie, simplement tout balayer du revers de la main et déclarer : " Cette relation juridique n'est pas à mon goût. Elle ne répond pas à mes objectifs fiscaux. Par conséquent, je lui donnerai un nom différent qui me convient mieux. " Je ne peux croire que les conseillers de M. Molinaro lui auraient dit d'aller de l'avant et de signer les ententes parce qu'il était nécessaire de conclure l'affaire, tout en lui disant que ce n'était pas la véritable transaction et qu'il pouvait ne pas en tenir compte et en concevoir une autre qui faisait davantage son affaire et, chose peut-être encore plus importante, qui faisait davantage l'affaire de Bluevest.

[27]          Je n'ai pas besoin de ressusciter l'ancienne doctrine de la préclusion du fait d'acte formaliste, bien qu'elle puisse s'appliquer en l'espèce (le contrat de travail était en fait scellé, ce qui est une condition essentielle à remplir pour pouvoir invoquer cette vénérable règle). Je préfère plutôt fonder mon raisonnement sur un principe encore plus ancien, à savoir celui voulant que comme on fait son lit — particulièrement si l'on a eu l'aide de comptables et d'avocats pour le faire — on se couche. Dans l'affaire Collins v. The Queen, 96 DTC 1034, à la page 1039, la Cour cite le passage suivant tiré de la décision Savoie v. The Queen, 93 DTC 552 :

                En l'espèce, la situation diffère de celle des époux qui, en toute connaissance des effets juridiques de leurs gestes, choisissent de détenir un bien conjointement ou individuellement, ou selon tout autre mode de propriété. Des choix aussi réfléchis doivent être respectés puisque la forme juridique correspond alors à la réalité économique et aux intentions averties des parties.

[28]          La Cour poursuit ensuite en ces termes :

                Bien que M. Collins ait qualifié la structure juridique complexe que ses conseillers avaient élaborée aux fins de la possession de l'entreprise comme un "tas de charabia", sa femme et lui sont trop intelligents pour ne pas tenir compte du fait que chacun possédait des parties différentes de l'empire de sociétés, et ce, pour de bonnes raisons. Quelle qu'ait été l'idée qu'ils aient pu avoir de "tout partager également", leur intention réelle était celle qui se manifestait dans la structure juridique qu'ils ont sciemment adoptée sur les conseils de leurs avocats et de leurs comptables. Cette intention est également mise en évidence par la façon dont les dividendes et les salaires étaient payés par les diverses personnes morales. Le revenu des diverses corporations était traité comme étant celui du conjoint auquel il était versé. De même, les procès-verbaux des sociétés montrent jusqu'à quel point la structure du capital a été soigneusement élaborée. Le contribuable qui, sciemment et intentionnellement, adopte une structure juridique pour en arriver à un résultat fiscal ou commercial particulier, doit présenter une preuve beaucoup plus convaincante que celle dont je dispose pour être en mesure de rejeter en partie cette structure lorsque cela ne lui convient pas sur le plan fiscal.

[29]          Dans l'affaire Bell v. M.N.R., 62 DTC 1155, le président Thorson a déclaré à la page 1161 :

[TRADUCTION]

En outre, les termes de l'accord sont clairs et ne comportent aucune ambiguïté. Par conséquent, il n'est pas permis de produire des preuves visant à en modifier ou à en contredire les modalités, ou indiquant que l'accord était différent de ce qu'il était censé être.

[30]          Bien que ce passage puisse être considéré davantage comme un énoncé de la règle d'exclusion de la preuve extrinsèque que comme un énoncé du principe de la primauté du fond sur la forme, les faits de l'affaire Bell ressemblent beaucoup à ceux de la présente affaire.

[31]          J'adopte avec égards le raisonnement du juge en chef adjoint Christie dans l'affaire Pallan et al. v. M.N.R., 90 DTC 1102, à la page 1107 :

                À mon sens, lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, les appelants cherchent à contester de nouvelles cotisations d'impôt en répudiant, à toutes fins pratiques, ce qu'ils ont dit et ce que d'autres ont dit dans une entente consignée par écrit ainsi que les choses qui découlent de ce contrat et qui sont attestées par des documents, comme les résolutions par lesquelles Holdings et la société fusionnée ont offert d'acheter leurs actions de leurs actionnaires, l'acceptation par les appelants de ces offres par écrit, l'émission de billets à ordre à l'égard des actions achetées et vendues et les cessions de créances découlant de ces opérations, ils doivent présenter une preuve établissant selon un degré élevé de vraisemblance que leurs contestations sont bien fondées. Seule cette preuve constituera une preuve correspondant à la gravité des allégations formulées. À mon avis, les appelants répudient non seulement leur propre conduite, mais aussi celle des autres parties et celle des conseillers professionnels qui, de toute évidence, ont joué un rôle important dans ce qui a été dit et fait. Ils allèguent que ce qui a été fait pour conclure un règlement final entre les membres de la famille était moralement blâmable, parce qu'il s'agissait dans une grande mesure d'un artifice. De plus, le fait de dire que les parties n'ont jamais eu l'intention que Holdings et la société fusionnée achètent des actions de leurs actionnaires doit nécessairement nuire à l'intégrité des procureurs et des comptables concernés, parce que, si telle était l'intention, la formulation de l'entente et ce qui a été fait en vertu de celle-ci contredisent cette intention et n'auraient pu se produire simplement par inadvertance. De plus, j'estime que les appelants ne peuvent s'acquitter de leur fardeau en présentant simplement leur témoignage verbal, et c'est ce qu'ils tentent de faire.

[32]          Vont dans le même sens les décisions Privitera v. M.N.R., 92 DTC 1122 et Inshore Investments Ltd. v. The Queen, 92 DTC 6162.

[33]          Il est vrai qu'il semble y avoir, en surface, deux principes concurrents et peut-être contradictoires qui entrent en jeu en l'espèce. Le premier est celui énoncé dans la décision Dale et al. v. The Queen, 94 DTC 1100 (C.C.I.), 97 DTC 5252, à la page 5255 (C.A.F.). Selon ce principe, le ministre du Revenu national doit prendre les relations juridiques entre les parties telles quelles. Il ne peut, par exemple, dire qu'une relation juridique lie les parties, mais qu'il n'est pas lui-même lié par cette relation. L'autre principe est celui selon lequel le ministre peut invoquer le principe de la primauté du fond sur la forme, comme il l'a fait dans l'affaire Farm Consultants. Je ne trouve pas les deux principes contradictoires. Ils sont tout simplement différents. En l'occurrence, je crois que les relations juridiques créées reflètent avec exactitude le fond de la transaction.

[34]          Je conclus, par conséquent, que le ministre a inclus à bon droit dans le revenu de l'appelant le salaire reçu de Catelli. Puisqu'il est reconnu que ce montant était aussi inclus dans le revenu de l'appelant pour 1988 du fait qu'il faisait partie des 4 000 000 $ traités comme du salaire par Bluevest, le montant de 1 500 000 $ devrait être soustrait de son revenu pour 1988, comme l'a convenu l'intimée. Je n'ai vu aucune raison probante de soustraire uniquement 750 000 $, comme l'avocat de l'appelant soutient qu'il convient de faire1. Or, il est possible que Bluevest en subisse des retombées, mais je ne suis pas saisi du cas de Bluevest, et, bien entendu, je ne peux dire au ministre quoi faire au sujet de cette société, bien qu'à ce que je sache il soit possible de revenir sur les années en question si elles font l'objet de renonciations. Il semble toutefois que la somme de 1 500 000 $ devrait être soustraite du produit de disposition de Bluevest. Cela influera sur le montant de son gain en capital et de son gain en capital imposable de même que sur son compte de dividende en capital. Cela pourrait aussi influer sur le montant du dividende en capital que Bluevest avait le droit de déclarer et de payer. En outre, la somme de 1 500 000 $ devrait être soustraite du montant déductible par Bluevest à titre de salaires aux cadres. J'ai peut-être tort sur ces points, et il est possible qu'il y ait d'autres ajustements à apporter. Je ne voudrais pas que mes propos soient considérés comme concluants sur ces points, mais c'est ainsi que je vois la situation. Une chose qui m'a frappé c'est le fait que le véritable bénéficiaire de la tentative de l'appelant de requalifier la transaction est censé être Bluevest, et non pas M. Molinaro.

[35]          Les appels pour les années 1989 et 1990 sont rejetés. L'appel pour l'année 1988 est admis et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation afin que soit soustrait du revenu de l'appelant le montant de 1 500 000 $.

[36]          L'intimée a droit à ses frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour de mars 1998.

" D. G. H. Bowman "

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 28e jour d'août 1998.

Erich Klein, réviseur



1                Les débats ont pris fin le 27 janvier 1998. J'ai invité l'avocat à me soumettre des observations écrites sur ce point. Le 9 février 1998, l'avocat de l'appelant m'a demandé de lui accorder plus de temps pour des raisons personnelles et, bien entendu, c'est ce que j'ai fait. Nous sommes maintenant le 16 mars, et je suis toujours sans nouvelles de l'avocat. En conséquence, je suppose que l'avocat n'a rien à ajouter à ce qu'il a présenté au procès.

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