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Date: 19980302

Dossier: 94-3199-IT-G

ENTRE :

LA SUCCESSION DE FEU JAN REISS,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Garon, C.C.I.

[1]            Cet appel a été interjeté à l'encontre d'une nouvelle cotisation établie à l'égard de feu Jan Reiss pour l'année d'imposition 1990. Par cette nouvelle cotisation, le ministre du Revenu national a calculé le gain en capital imposable réalisé par M. Jan Reiss sur la disposition réputée avoir été faite de sa part de 50 p. 100 dans une parcelle située à Dartmouth (Nouvelle-Écosse), en se fondant sur le fait que la juste valeur marchande de cette parcelle " était d'au plus 131 000 $ " le 31 décembre 1971 et " d'au moins 1 700 000 $ " le 12 janvier 1990, soit le jour du décès de M. Jan Reiss.

[2]            À l'audition de cet appel, les parties convenaient que la superficie totale des terrains dont les justes valeurs marchandes doivent être établies est de 25,89 acres.

[3]            Compte tenu de la superficie révisée des terrains considérés en l'espèce, l'appelante a, à l'audition de cet appel, soutenu que les justes valeurs marchandes du bien en cause étaient, aux dates indiquées ci-dessous, les suivantes :

                                                           375 000 $                     —                             au 31 décembre 1971

                                                         1 168 000 $                     —                             au 12 janvier 1990.

[4]            Pour sa part, l'intimée a, compte tenu du même facteur, déterminé que les justes valeurs marchandes du bien considéré en l'espèce étaient les suivantes :

                                                           129 500 $                     —                             au 31 décembre 1971

                                                         1 700 000 $                     —                             au 12 janvier 1990.

[5]            Les parties convenaient en outre des points suivants :

A)            Les terrains considérés en l'espèce — plus une partie qui a été expropriée à un moment donné après le 31 décembre 1971 — avaient été acquis en 1956 par Anne Hammerling, pour elle-même et son cousin, M. Jan Reiss, chacun détenant une part de 50 p. 100 dans ce bien.

B)             Au moment de son décès, M. Reiss détenait encore une part de 50 p. 100 dans la parcelle susmentionnée. Les 50 p. 100 restants appartenaient encore à Anne Hammerling.

C)             En vertu du paragraphe 70(5) de la Loi de l'impôt sur le revenu, M. Reiss est réputé avoir disposé de sa part dans le bien immédiatement avant son décès à la juste valeur marchande.

[6]            Comme l'indique ce qui précède, la question, dans cet appel, se rapporte à la détermination des justes valeurs marchandes des terrains en question au 31 décembre 1971 (" valeur au jour de l'évaluation ") et au 12 janvier 1990 (" valeur en 1990 ").

[7]            Deux rapports d'expertise ont été déposés auprès de la Cour au nom de l'appelante. Le rapport d'expertise évaluant le terrain au 31 décembre 1971 était signé par M. Lee Weatherby, de l'entreprise Turner Drake & Partners Ltd. Le second rapport d'expertise estimant la valeur du terrain au 12 janvier 1990 était cosigné par M. Paul A. Hare et M. Lee Weatherby, de la même entreprise, soit Turner Drake & Partners Ltd.

[8]            M. Lee Weatherby a témoigné pour l'appelante comme expert.

[9]            En ce qui a trait à l'intimée, un seul et unique rapport d'expertise, dans lequel une opinion est exprimée quant aux valeurs des biens considérés en l'espèce au 31 décembre 1971 et au 12 janvier 1990, a été déposé en preuve.

[10]          M. Bill Chappell, de Revenu Canada, a déposé comme témoin expert pour l'intimée.

Preuve de l'appelante

[11]          Je traiterai d'abord de la preuve concernant la valeur du bien en question au jour de l'évaluation.

[12]          M. Weatherby est membre associé de la Royal Institution of Chartered Surveyors (RICS) du Royaume-Uni. Il a travaillé pendant quatre ans au Royaume-Uni comme expert en évaluation auprès du Board of Inland Revenue. Il s'est installé au Canada en 1981. En 1983, il est devenu évaluateur accrédité auprès de l'Institut canadien des évaluateurs. En 1991, il a été fait membre de la RICS.

[13]          En 1981, M. Weatherby s'était joint à Turner Drake & Partners Ltd., soit une entreprise d'expertise oeuvrant dans les provinces de l'Atlantique. Cette entreprise, lancée en 1976, compte aujourd'hui 13 employés. Elle a diversifié ses activités et comporte maintenant une division de courtage et une division de crédit-bail. Néanmoins, elle offre surtout des services d'expertise immobilière et de conseil en la matière.

[14]          Lorsque, en 1981, M. Weatherby s'est joint à Turner Drake & Partners Ltd., il était consultant principal; en 1983, il est devenu vice-président de Turner Drake & Partners Ltd., soit l'un des trois vice-présidents. À cette époque, il menait " des missions d'expertise et de conseil concernant une vaste gamme d'immeubles et de terrains, soit principalement des immeubles et des terrains commerciaux, industriels et d'investissement ". Dans cette entreprise, les responsabilités de M. Weatherby ont, au cours des dix ou douze dernières années, également englobé la supervision et l'aide à la formation d'autres employés.

[15]          M. Weatherby a donné une description générale de la région où se trouve le bien considéré en l'espèce.

[16]          M. Weatherby a expliqué que le bien considéré en l'espèce est situé à Dartmouth (Nouvelle-Écosse), qui était la ville jumelle d'Halifax avant la fusion de 1996. Halifax est située du côté ouest du port, et Dartmouth, du côté est. Deux ponts relient les deux côtés. Le centre des affaires est situé à l'extrémité sud de la péninsule d'Halifax.

[17]          À Dartmouth, la principale route est la route 111, qu'on appelle le périphérique, et le bien considéré en l'espèce y fait face. Le plus gros de la circulation se fait en direction du nord, puis de l'ouest, c'est-à-dire vers la ville d'Halifax, où vont travailler les banlieusards. Le périphérique a été construit pour desservir le parc industriel Burnside, soit le plus grand parc industriel à l'est de Montréal, et pour faciliter les déplacements des banlieusards en direction d'Halifax.

[18]          Dans les années 50 et 60, il y a eu une certaine mise en valeur à l'est du périphérique, entre la rue Main et la rue Bottom. Le centre commercial Penhorn, d'une superficie de 300 000 à 400 000 pieds carrés, est situé en face du bien considéré en l'espèce et a été ouvert en 1973, après un retard dans la construction. Le Penhorn et le Micmac sont les principaux centres commerciaux de Dartmouth. Le centre commercial Micmac est à trois ou quatre minutes de route du bien considéré en l'espèce.

[19]          D'une manière générale, les maisons sont plus vieilles dans cette partie de Dartmouth, sauf pour ce qui est du lotissement Manor Park, soit des parcelles qui avaient été mises en valeur en 1974. Ce lotissement, situé immédiatement à l'ouest du centre commercial Penhorn, comprend 80 acres d'habitations unifamiliales. Depuis 1971, le gros de la mise en valeur se fait à l'est du périphérique, à cause d'un nombre limité de terrains en-deçà des limites du périphérique. Une mise en valeur plus importante s'est faite dans le secteur de Cole Harbour, y compris Colby Village et Willowdale du côté sud de la rue Portland. Il y a un lotissement résidentiel important à Forest Hills et à Sunset Acres, du côté nord de la rue Portland et du chemin Cole Harbour. En 1972 et en 1973, le lotissement Nantucket de la région d'Ellenvale prenait forme. Une mise en valeur plus récente s'est faite à la droite de Russell Lake, plus près du périphérique. Le lotissement Portland Estates, soit des habitations unifamiliales et des petits immeubles d'appartements, remonte au début des années 80.

[20]          Parmi les grandes artères reliées au périphérique, il y a la route 118, également appelée promenade Lakeview, qui conduit à l'aéroport international d'Halifax; il s'agit d'une route divisée, à quatre voies. La rue Portland a été élargie; c'est maintenant une rue à quatre voies, soit la principale artère qu'empruntent les banlieusards pour accéder au périphérique en vue de se rendre à Halifax, en passant par le parc industriel Burnside.

[21]          En 1970, les terrains situés près du bien considéré en l'espèce étaient principalement des terres agricoles ou des terrains non bâtis. Il n'y avait pas une forte intensité d'utilisation commerciale en 1970.

[22]          Le bien considéré en l'espèce est situé en bordure du périphérique et de la rue Portland, tout près de la promenade Summit Heights et de la promenade Marilyn. Il y a aussi l'extension de l'avenue MacRae. Avec la rue Portland, ces rues permettent d'accéder à l'emplacement. L'accès est impossible à partir du périphérique, qui est une route à accès limité.

Rapport de l'appelante concernant la valeur au jour de l'évaluation

[23]          M. Weatherby avait présenté son rapport le 22 juin 1995, après que son entreprise eut reçu pour instructions, le 15 janvier 1994, de déterminer la valeur du bien en cause au jour de l'évaluation.

[24]          Dans ce rapport, M. Weatherby avait déterminé qu'un lotissement résidentiel, avec une composante commerciale mineure pour desservir l'emplacement, représentait l'utilisation optimale du bien au 31 décembre 1971. Il en était à peu près de même en 1990.

[25]          D'après M. Weatherby, les différences entre 1971 et 1990 concernant le voisinage du bien considéré en l'espèce sont les suivantes : le centre commercial Penhorn était en construction en 1971 et a été achevé en 1973. Le regroupement de parcelles aux fins de la construction de ce centre commercial s'était fait en 1965. La mise en valeur de Manor Park s'est faite en 1974. Un autre projet de mise en valeur le long de la promenade Marilyn a été réalisé en 1971, soit des maisons jumelées ou des duplex. Il convient aussi de mentionner la ruelle Nicole, qui couvre une petite superficie. Ces exceptions mises à part, il n'y a guère eu de projets de mise en valeur du côté ouest du périphérique dans l'intervalle.

[26]          Du côté est du périphérique, des changements très importants ont eu lieu. Tous les projets de mise en valeur à l'est de la promenade Forest Hills et dans la section sud-est du chemin Cole Harbour ont été réalisés vers le début des années 70, c'est-à-dire qu'ils ont été entrepris en 1971 ou en 1972. Il y a également eu une certaine mise en valeur dans la région de Nantucket. Des projets de mise en valeur se poursuivent en outre au sud de la rue Portland; le regroupement de parcelles aux fins du lotissement Portland Estates a été fait durant les années 80. C'est après 1971 qu'il y a eu une croissance urbaine importante dans la partie est de Dartmouth et dans le comté d'Halifax.

[27]          En matière d'habitation, le principal changement a été le lotissement Manor Park, qui a été mis en valeur en 1974, soit surtout des maisons unifamiliales. Ce lotissement est maintenant complètement mis en valeur. On y trouve aussi 104 condominiums et des immeubles bas.

[28]          La topographie du bien considéré en l'espèce était en 1990 la même qu'en 1971. Il n'y avait aucune différence concernant le service d'adduction d'eau. Toutefois, une canalisation d'égout a été installée en 1975, à l'époque où la rue Portland a été réalignée, par suite d'une expropriation ayant eu lieu en 1975. En 1971, le réseau d'égout le plus près était à environ 3 000 pieds. Avec l'aménagement de Manor Park, les services d'égout étaient beaucoup plus près : ils étaient à une distance de 1 000 pieds et, grâce à la gravité, le bien considéré en l'espèce se trouvait desservi, sauf une petite partie. On a également déterminé qu'il aurait été possible de raccorder les services d'égout en 1971 en direction de la promenade Penhorn, mais pas sous la rue Portland ni sous le périphérique. M. Weatherby a dit que, d'après la discussion qu'il avait eue avec un ingénieur, cela n'aurait pas été un gros obstacle à l'époque. Par contre, le promoteur pouvait attendre que, du fait de la croissance urbaine naturelle, le terrain soit viabilisé.

[29]          En ce qui concerne l'accès à l'emplacement, il n'y a aucune différence notable entre décembre 1971 et janvier 1990.

[30]          En 1971, le zonage était le même, " R-1 — Habitations unifamiliales ", mais la gamme des utilisations déterminées était légèrement différente. La grande différence tenait au fait que, en 1971, " un secteur commercial local, moyennant approbation par voie de règlement du Conseil ", pouvait être inclus. Cela n'existait pas en 1990. En fait, le seul lotissement qui se soit fait de cette manière en vertu du règlement alors en vigueur est le lotissement Nantucket.

[31]          M. Weatherby a expliqué que le bien considéré en l'espèce faisait partie d'un petit nombre de parcelles à Dartmouth qui pouvaient être mises en valeur dans le périmètre d'aménagement qui existait en 1971, soit le périmètre que la ville avait déterminé. En 1971, un schéma d'aménagement municipal avait été adopté par la ville de Dartmouth, schéma dans lequel les terrains considérés en l'espèce étaient indiqués comme faisant partie des dernières parcelles importantes disponibles pour fins de mise en valeur.

[32]          L'approche fondée sur les ventes comparables est la seule approche qu'ait utilisée M. Weatherby pour déterminer quelle était la valeur en 1971, et ce, à cause d'une quantité de données limitée. Les prix de vente n'étaient pas indiqués dans les actes et n'avaient pas été consignés aux bureaux d'enregistrement. M. Weatherby s'était donc basé sur des renseignements qu'il avait trouvés dans la base de données établie par son entreprise.

[33]          Les ventes examinées couvrent une période allant de 1965 à 1976. M. Weatherby a utilisé un taux de 6 p. 100 comme facteur de rajustement en fonction du temps. Ce taux est basé sur deux règlements d'indemnisation judiciaires relatifs à l'expropriation de biens en 1972 et en 1975. D'après M. Weatherby, chaque transaction était une " vente forcée ", mais ne représentait pas un " prix de vente forcée " ou un " prix de liquidation ". Les transactions comparables 1 et 8 indiquées dans le rapport de M. Weatherby désignent ces deux transactions. Ces deux " ventes ", selon M. Weatherby, indiquent que les prix augmentaient au taux de 6 p. 100 par année. Le bien comparable no 8 est situé du côté est du périphérique; il s'agissait de 9,7 acres situés le long du périphérique. Trois ans plus tard, le bien comparable no 1, soit environ cinq acres, était exproprié aux fins de la construction de rampes d'accès de l'autre côté du périphérique. M. Weatherby considérait que ces deux lopins de terre avaient une valeur à l'acre semblable. Le taux de 6 p. 100 était basé sur ces deux " ventes ", parce qu'il n'y avait pas assez de renseignements pour contrôler le taux d'accroissement à partir de ventes sur le marché libre. Il est à noter que les règlements d'indemnisation relatifs aux expropriations de 1972 et de 1975 ont été déterminés par le même tribunal.

[34]          M. Weatherby a examiné dix transactions, mais considérait que la transaction comparable no 3 représentait la limite inférieure de la valeur à l'acre, soit 10 567 $, et que la transaction comparable no 4 représentait la limite supérieure de la valeur à l'acre, soit 19 421 $.

[35]          M. Weatherby a dit que les transactions comparables 1 et 8 indiquent qu'une valeur à l'acre de 14 500 $ au jour de l'évaluation est raisonnable pour le bien considéré en l'espèce.

[36]          Concernant les terrains comparables 2a et 2b, M. Weatherby mentionnait dans son rapport qu'il n'avait accordé aucun poids aux offres examinées aux pages 14 et 15 de son rapport.

[37]          Le bien comparable no 3 se rapporte au lotissement Manor Park, qui est situé tout près des terrains considérés en l'espèce. Il s'est vendu 1 000 000 $ en août 1974, ce qui donne, selon un rajustement en fonction du temps, un prix à l'acre de 10 567 $. La superficie du terrain en cause dans cette transaction était égale à environ 81 acres. On y trouvait presque uniquement des maisons unifamiliales. À l'entrée du lotissement, il y a par contre 104 appartements et condominiums. Il s'agissait principalement d'un lotissement de maisons unifamiliales de prestige, " à prix assez élevés ". Ce lotissement ne présentait pas les mêmes possibilités que les terrains considérés en l'espèce pour ce qui est de l'existence d'une composante commerciale. D'après M. Weatherby, les terrains considérés en l'espèce permettraient une densité d'aménagement plus grande que ces terrains-là et se vendraient à un prix plus élevé.

[38]          Le bien comparable no 4 correspond au regroupement de parcelles de 1965 aux fins de la construction du centre commercial Penhorn. Ce bien comparable est important en ce qu'il est situé près du bien considéré en l'espèce et près de l'intersection de la rue Portland et du périphérique au coin nord-ouest. Le prix global payé en 1965 était de 532 800 $ pour environ 40 acres. Cela donne un prix de référence à l'acre de 19 421 $ rajusté au 31 décembre 1971. D'abord zoné R-1, ce bien avait été rezoné C-3 avant la vente, pour permettre la construction du centre commercial. Il s'agit de la vente d'un terrain commercial, qui détermine une limite supérieure pour ce qui est de la valeur du bien considéré en l'espèce.

[39]          Les autres transactions que M. Weatherby analyse dans son rapport n'ont été utilisées, selon lui, que comme informations documentaires.

[40]          M. Weatherby a conclu de ce qui précède qu'une valeur à l'acre de 14 500 $ était raisonnable dans le cas du bien considéré en l'espèce. Ainsi, 25,89 acres à 14 500 $ l'acre, cela donne une valeur de 375 405 $, que M. Weatherby a arrondie à 375 000 $. Ce prix reflète l'utilisation optimale du bien, et on n'a nullement tenté d'isoler quelque composante commerciale que ce soit comme on l'a fait pour déterminer quelle était la valeur en 1990. Cela serait impossible vu l'insuffisance des données, selon M. Weatherby.

Valeur en 1990

[41]          Je passe maintenant au témoignage présenté par M. Weatherby concernant la valeur au 12 janvier 1990 des terrains considérés en l'espèce.

[42]          Le rapport est signé par M. Weatherby et par M. Paul Hare, que M. Weatherby supervisait à cette époque. Le rapport, établi suivant les instructions reçues le 27 novembre 1991, a été achevé le 10 janvier 1992. La plupart des travaux ont été menés à bien par M. Paul Hare, mais M. Weatherby a passé en revue l'analyse et les conclusions.

[43]          La topographie des terrains considérés en l'espèce a été décrite par M. Weatherby. Ce dernier a dit que la partie haute des terrains se trouve le long de la limite ouest. Les terrains descendent ensuite, selon une déclivité de 11 à 13 p. 100, vers le périphérique. Ils descendent aussi vers la parcelle en bordure de la rue Portland, le point élevé étant à la limite ouest, au tiers ou à la moitié de l'emplacement. Cependant, cela n'entraverait pas la mise en valeur de l'emplacement parce que l'inclinaison maximale admise est de 11 p. 100 d'après le règlement de la ville de Dartmouth en matière de lotissement. De plus, les travaux d'excavation et d'enlèvement de la terre seraient relativement faciles et peu coûteux à cet emplacement. Il y avait un important couvert végétal. Il n'y a pas eu d'aménagements de terrain, si ce n'est un terrassement général concernant une voie d'accès à la partie de l'emplacement située tout au nord. Cela n'ajoute toutefois aucune valeur à l'emplacement.

[44]          M. Weatherby a spécifié que, en 1990, des services électriques et téléphoniques étaient disponibles du côté de la rue Portland et le long des promenades Summit Heights et Marilyn. Il y avait une conduite principale d'eau le long de toute la façade du bien considéré en l'espèce du côté de la rue Portland, ainsi qu'un service d'adduction d'eau le long des promenades Summit Heights et Marilyn. L'écoulement de l'eau pluviale d'orage était assuré grâce à l'inclinaison des terrains, qui descendent vers l'est en direction de Russell Lake. Ce bien n'était pas raccordé directement au réseau central d'égout, mais il y avait un égout vanne du côté nord de la rue Portland. Cependant, M. Weatherby a signalé deux problèmes non insurmontables, qui sont mentionnés à la page 6 du rapport d'expertise de M. Weatherby concernant la valeur en 1990, soit :

1.              La canalisation d'égout passerait sous la rue Portland, et le bout de la canalisation serait raccordé au bien considéré en l'espèce;

2.              Il faudrait un raccordement à partir de la canalisation d'égout jusqu'au lotissement viabilisé le plus près, soit Manor Park.

[45]          De plus, 4,42 acres du bien ne pourraient être viabilisés à cause de la gravité. Il faudrait qu'une station de pompage soit construite et entretenue par le promoteur. Tous les frais concernant les raccords au système d'égout municipal devraient être pris en charge par le promoteur ou par le propriétaire du terrain. Le coût estimé de ce projet établi par Project Consultants Limited était de 140 000 $.

[46]          Concernant l'accès à l'emplacement via la rue Portland, il faudrait aligner l'entrée sur la voie existante donnant accès au centre commercial Penhorn du côté nord de la rue Portland.

[47]          Le bien était zoné R-1 aussi bien en 1971 qu'en 1990, mais les dispositions relatives au zonage n'étaient pas les mêmes. Le règlement de zonage a été modifié dans l'intervalle.

[48]          Au cours des années 1989-1990, la ville de Dartmouth effectuait une révision de la planification, et les terrains considérés en l'espèce seraient entrés dans une nouvelle zone de lotissement résidentiel complet R-11 qui aurait permis des habitations d'autres types ainsi que des utilisations commerciales complémentaires, soit des utilisations commerciales locales ou mineures d'après des conversations que M. Weatherby a eues avec M. Glen L'Espérance, qui travaillait comme agent d'aménagement pour la ville de Dartmouth à l'époque où le rapport a été établi. Le conseil municipal de Dartmouth avait apparemment des préoccupations concernant le zonage R-11, notamment au sujet de l'importance de l'utilisation commerciale. La densité maximale d'aménagement à l'emplacement pour ce qui est des habitations résidentielles proposées était de 25 unités par acre. Un règlement révisé concernant l'utilisation avait été rédigé, mais n'a jamais été adopté. Le bien considéré en l'espèce était donc resté zoné R-1.

[49]          En ce qui a trait au bien considéré en l'espèce, trois demandes de changement de zonage avaient été présentées dans les années 80. La première demande, présentée en novembre 1985, visait à ce que l'ensemble du bien soit rezoné " résidentiel mixte ", de manière à permettre la construction de 623 maisons unifamiliales, maisons jumelées, maisons en rangée et appartements. Cette demande avait été retirée en juin 1986. La deuxième demande, présentée en février 1988 par First City Trust, visait à ce que 10 acres soient rezonés C-3, pour fins d'utilisations commerciales générales, ce qui aurait permis une vaste gamme d'utilisations commerciales. La proposition avait été rejetée par le conseil municipal en septembre 1988. En novembre 1989, une troisième demande avait été présentée, par First City Trust, pour que les dix acres de façade soient rezonés, mais elle avait été mise en attente, car la ville n'avait pas fini de réviser sa stratégie d'aménagement. Cette demande est simplement devenue caduque.

[50]          Un représentant de Turner Drake & Partners Ltd. avait rencontré M. L'Espérance, qui lui avait alors expliqué que le zonage R-11 du bien considéré en l'espèce permettrait divers types d'habitations — soit des maisons unifamiliales en bordure du chemin Summit Heights, des maisons jumelées et/ou des maisons en rangée en bordure de la promenade Marilyn et des constructions résidentielles à unités multiples en bordure du périphérique — ainsi qu'une certaine mise en valeur commerciale le long de la rue Portland. M. L'Espérance avait en outre expliqué que ce genre de lotissement serait appuyé par le personnel de la ville.

[51]          Un plan exprimant les points de vue de M. L'Espérance avait été établi, et cela est devenu une partie importante de la détermination de la valeur du bien au 12 janvier 1990. Ce plan, daté du 15 novembre 1977, s'intitule " projet résidentiel de densité moyenne suivant le concept d'expropriation ". Il a été établi après l'expropriation que le ministère provincial de la voirie avait effectuée pour créer les rampes d'accès entre la rue Portland et le périphérique.

[52]          En 1991, M. Paul Hare, de l'entreprise Turner Drake & Partners Ltd., avait élaboré un plan d'ensemble concernant les terrains en question, après l'expropriation. Ce plan était basé sur l'information que M. L'Espérance lui avait donnée en 1991, lorsqu'il établissait son rapport d'expertise, quant à savoir où les différents types de lotissement seraient situés sur les terrains considérés en l'espèce.

[53]          Dans son rapport d'expertise sur la valeur en 1990, à la page 12, et au cours de son témoignage, M. Weatherby disait que l'utilisation optimale au 12 janvier 1990 était " une combinaison d'utilisations résidentielles avec une composante commerciale mineure le long du terrain en bordure de la rue Portland "1. Il ne s'agissait pas d'une mise en valeur " de plein droit ", mais il était fort probable que ce changement de zonage serait adopté. Il a dit qu'une période de 18 mois serait nécessaire pour obtenir ce changement de zonage. Il a fait remarquer qu'une période de 6 mois est nécessaire pour le rezonage de petits terrains quand il n'y a pas de problèmes ni d'appels. La demande relative au bien considéré en l'espèce aurait exigé non seulement une modification du règlement de zonage, mais aussi une modification de la stratégie municipale d'aménagement. Cette dernière étape aurait ajouté au moins 4 mois. Il y aurait eu des retards dans toute demande présentée au conseil municipal, car le conseil était engagé dans sa propre révision en matière de planification. Ce conseil municipal n'était pas bien placé pour traiter d'importantes demandes de rezonage différant de ce qu'il proposait lui-même. M. Weatherby croyait qu'un délai de 18 mois était plutôt optimiste. Au cours de son témoignage, il a même dit que, rétrospectivement, il considérait que le processus aurait probablement demandé plus de deux ans. Le processus de révision entrepris par la municipalité n'était pas encore terminé en janvier 1992. M. Weatherby a également dit que la demande risquerait d'être rejetée s'il y avait beaucoup d'opposition de la part des résidents locaux et que, du moins, cela retarderait le processus.

[54]          M. Weatherby a ensuite discuté de la méthodologie. Il présumait qu'il serait possible de faire changer le zonage de manière à permettre diverses utilisations résidentielles, d'une densité plus grande que dans le cas de maisons unifamiliales, et une composante commerciale mineure le long du terrain en bordure de la rue Portland. Ainsi, il considérait qu'environ deux acres de ce bien seraient utilisés à des fins commerciales et que le reste, soit environ 24 acres, servirait à des fins résidentielles. Le facteur temps utilisé par M. Weatherby concernant le processus de changement de zonage était de 1,5 an.

Approche fondée sur les ventes comparables

[55]          L'approche fondée sur les ventes comparables exige la recherche et l'analyse de ventes de parcelles comparables, que l'on peut utiliser comme points de référence relativement à la valeur du bien en question. Les terrains considérés en l'espèce ont été répartis en deux à cette fin, soit la composante résidentielle et la composante commerciale.

Approche fondée sur les ventes comparables — partie résidentielle

[56]          Les biens comparables les plus indicatifs ou représentatifs concernant la partie résidentielle du bien considéré en l'espèce étaient les biens comparables 1 à 7. Les détails relatifs aux biens comparables 8 à 13 constituent une information de base. Le facteur de rajustement en fonction du temps qui a été utilisé représentait un taux de 5 p. 100, calculé annuellement, soit l'estimation de la hausse des prix des terrains en 1990 dans la région de Dartmouth. Cette estimation était basée sur les données relatives à des transactions comparables tenues à l'interne par Turner Drake & Partners Ltd., selon les ventes de maisons rapportées par la chambre d'immeuble.

[57]          Voici un résumé de l'information donnée par M. Weatherby dans son rapport et dans son témoignage concernant les transactions mentionnées par lui comme étant les transactions comparables 1 à 5 inclusivement.

[58]          Le bien comparable no 1 s'est vendu 39 555 $ l'acre, soit 7 574 $ par lot — il était divisé en 47 lots. Aucun rajustement en fonction du temps n'a été pris en compte relativement à cette vente puisque celle-ci a eu lieu en décembre 1989, seulement un mois avant la date d'évaluation. Il s'agissait d'une parcelle de 9 acres. Le terrain était viabilisé et avait été aménagé en lotissement résidentiel pour maisons unifamiliales. Il est plus éloigné du centre de la ville que les terrains considérés en l'espèce. Plus précisément, il est situé dans la région de Willowdale, hors de la ville de Dartmouth, dans le comté d'Halifax. Ce serait assurément un emplacement moins central. Toutefois, pour ce qui est de la qualité des habitations avoisinantes, ce terrain serait supérieur au terrain considéré en l'espèce.

[59]          Le bien comparable no 2 s'est vendu 1 000 000 $; il incluait une habitation. Une partie du terrain, soit un acre, y compris l'habitation, s'est vendue par la suite 200 000 $. Le prix rajusté tenait compte de la partie du terrain vendue 200 000 $, ainsi que du coût d'une station de pompage devant desservir le bien. Le prix rajusté de ce bien était de 905 000 $, soit 49 407 $ l'acre. Une partie de ce bien donnait sur un lac. Ce bien, situé promenade Astral, dans le district de Willowdale, a servi à la construction de maisons unifamiliales; il était divisé en 84 lots, dont 15 donnaient sur le lac. Les lots donnant sur le lac exigeaient une prime importante.

[60]          Le terrain comparable no 3 est plus près des terrains considérés en l'espèce; il s'agit d'une petite rue sans issue où l'on trouve des duplex ou des maisons jumelées. Ce terrain est beaucoup plus petit que le bien considéré en l'espèce, s'étendant sur seulement 2,9 acres. Il avait néanmoins été inclus dans la liste de terrains comparables de M. Weatherby, parce qu'il est situé à moins de 0,5 kilomètre du bien considéré en l'espèce, vers l'ouest. Il avait fallu une grande quantité de remblai, dont le coût n'est pas connu. Le prix à l'acre était de 25 665 $. M. Weatherby considérait toutefois ce montant comme " trompeur ", car il n'y avait eu aucun rajustement de prix au titre du coût de la quantité de remblai nécessaire. Il dit que ce prix de vente établit une limite inférieure aux fins qui nous occupent, car les terrains considérés en l'espèce valent beaucoup plus.

[61]          Le terrain comparable no 4 donne sur la promenade Braemar. Il est au nord du périphérique, mais juste à l'extérieur de la zone du périphérique. Il est situé du côté est de la promenade Braemar, assez près de la principale intersection du périphérique et de la rue Main. Il comprenait 56 maisons en rangée et 4 maisons unifamiliales. Le prix rajusté était de 39 985 $ l'acre. Le terrain s'étendait sur 6,23 acres. M. Weatherby a expliqué que, toutes choses étant égales par ailleurs, plus un terrain est petit, plus il vaut cher l'unité.

[62]          Le terrain comparable no 5 est situé près des limites est de la ville de Dartmouth; il donne sur le chemin Mount Edward. Il comptait 60 lots résidentiels à bâtir. Le prix de vente rajusté était de 33 283 $ l'acre. L'accès à l'emplacement était jugé bon. Ce bien est légèrement inférieur au bien considéré en l'espèce parce qu'il est isolé et qu'il est loin du centre de Dartmouth. Il est moins susceptible de donner lieu à des utilisations de forte intensité, ce qui est généralement le cas de terrains situés près des secteurs centraux.

[63]          M. Weatherby a conclu, concernant l'évaluation de la partie résidentielle du bien en question sur la base des cinq ventes que je viens de mentionner, que le montant de 35 000 $ l'acre représente la valeur de la partie résidentielle des terrains considérés en l'espèce aux fins du rapport d'expertise quant à la valeur en 1990. Donc, selon un prix de 35 000 $ l'acre, M. Weatherby attribuait une valeur de 836 500 $ à cette partie du bien, qui s'étend sur 23,9 acres.

Approche fondée sur les ventes comparables — partie commerciale

[64]          L'analyse de M. Weatherby commence à la page 15 de son rapport d'expertise concernant 1990 pour ce qui est de cette partie du bien. Cette section du rapport traite des biens comparables 14 à 20. La nature de l'information présentée dans le tableau des ventes de terrains commerciaux est essentiellement la même que dans le cas du tableau des ventes de terrains résidentiels, sauf que les prix de vente sont indiqués selon le nombre de pieds carrés. Les ventes vont de 1985 à décembre 1989.

[65]          Les prix des terrains ont connu des augmentations rapides au cours de cette dernière période. Avant 1985, les prix, estimait M. Weatherby, progressaient de 6 p. 100 par année. Entre janvier 1985 et décembre 1987, d'après son estimation, les prix ont connu une progression de 35 p. 100 par année, ce qui correspond à la croissance rapide enregistrée le long de la rue Portland. Depuis 1987, la mise en valeur commerciale était constante, mais le taux d'augmentation des prix était beaucoup plus modéré, soit un taux estimé à 8 p. 100. Aucune vente comparable de terrains situés le long de la rue Portland n'a été faite entre 1987 et 1990, ce qui a amené M. Weatherby à conclure que la récession s'était fait sentir vers la fin des années 80 dans la région de Dartmouth. Toutefois, ce n'est qu'en 1993 ou 1994 que la baisse est réellement survenue. Jusqu'à maintenant, il n'y a pas encore eu de redressement des prix, ce qui semblerait indiquer que la correction des prix était permanente.

[66]          M. Weatherby a expliqué que, lorsqu'il avait établi son rapport, l'hypothèse était que les prix des terrains continuaient à augmenter entre 1987 et 1990, mais il était difficile de déterminer la valeur de cette hypothèse, parce qu'il n'y avait au cours de cette période aucune vente permettant de préciser la tendance. Cependant, en 1993 ou 1994, la tendance à la baisse était devenue évidente. L'absence de ventes vers la fin des années 80 et le début des années 90 montre que le marché était stagnant et que les prix baissaient probablement.

[67]          M. Weatherby estimait que, pour 1,5 an, le coût de détention du bien considéré en l'espèce — alors que la demande de changement de zonage suivait son cours — devait se fonder sur un taux d'intérêt de 13,75 p. 100. Ce taux d'intérêt était supérieur de 1,5 p. 100 au taux de crédit préférentiel de la Banque de Montréal au 17 janvier 1990, soit la date la plus rapprochée de la date d'évaluation en cause. Telle est la prime que les promoteurs payaient en général à l'époque pour emprunter de l'argent aux fins de projets de mise en valeur de terrains. La valeur du bien devrait être réduite de 0,8243 pour tenir compte du fait que la valeur de ce bien ne se réalisera pas avant 18 mois.

[68]          M. Weatherby avait en outre appliqué un facteur de probabilité à la composante commerciale pour prendre en compte la possibilité qu'un changement de zonage ne soit pas accepté par le conseil municipal. Il estimait qu'il était probable à 90 p. 100 qu'un changement de zonage soit adopté. M. Weatherby a expliqué que " l'introduction d'un " facteur de probabilité " introduit aussi un facteur d'aversion pour le risque, car les investisseurs et promoteurs immobiliers sont toujours " peu disposés au risque " et non pas " neutres par rapport au risque ". " Il a poursuivi en disant que les promoteurs, étant peu disposés au risque, n'achètent pas de terrains sans préciser parmi les conditions que le zonage devra être approuvé. Le facteur supplémentaire de 70 p. 100 prend cet élément en compte. M. Weatherby a reconnu que, ainsi, il appliquait 63 p. 100 à la valeur à laquelle il serait par ailleurs arrivé sans le facteur de probabilité et le facteur d'aversion pour le risque.

[69]          M. Weatherby avait ensuite procédé à une analyse des ventes et des inscriptions de terrains comparables situés dans la localité pour établir la valeur de la composante commerciale du bien considéré en l'espèce.

[70]          En parvenant à une valeur de 11 $ le pied carré, M. Weatherby a accordé plus de poids aux terrains comparables 18, 19 et 20 du tableau des ventes de terrains commerciaux figurant aux pages 24 et 25 de son rapport, car ces terrains étaient plus représentatifs de la valeur de la composante commerciale du bien considéré en l'espèce. La sorte d'utilisation pouvant être envisagée, d'après ce qu'on a appris de l'agent d'aménagement, serait une utilisation pour dépanneurs, pizzerias, salons de coiffure et autres établissements du genre. Il était peu probable que l'on approuverait un changement de zonage de ces terrains permettant un type d'utilisation commerciale pour des établissements du genre de ceux qu'on trouve en bordure d'une grande route, par exemple des établissements de restauration rapide ou des postes d'essence.

[71]          Le terrain comparable no 18 mentionné dans le rapport de M. Weatherby était considéré par ce dernier comme correspondant à la limite supérieure du point de référence quant à la valeur. Ce terrain est situé tout près des terrains considérés en l'espèce, sur la rue Portland, à l'est du bien considéré en l'espèce. Il s'agit d'une parcelle d'angle qui est située dans une zone résidentielle et qui avait été achetée en vue de la construction d'une pizzeria avec un appartement à l'étage. Ce terrain s'étend sur seulement 5 000 pieds carrés à peu près. Le prix rajusté a été fixé à 13,05 $ le pied carré.

[72]          Le terrain comparable no 19 est situé sur le chemin Wyse, soit une vieille rue commerciale d'un quartier du centre-ville, près du port, à l'est du périphérique. Cette rue comptait presque uniquement des établissements commerciaux. Il reste très peu de terrains commerciaux vacants le long de cette rue. Il n'y aurait pas le même taux de croissance rapide que dans le cas de la rue Portland. Le prix de vente rajusté, soit 11,43 $ le pied carré, représente une valeur de référence.

[73]          Le bien comparable no 20 représente la valeur plancher, soit une valeur de 7,45 $ le pied carré, rajustée à la date d'évaluation. M. Weatherby a dit que le bien considéré en l'espèce se vendrait beaucoup plus cher, car le bien comparable no 20 est situé dans une zone industrielle très peu passante et offre très peu de possibilités de mise en valeur commerciale.

[74]          Maintenant, pour ce qui est des biens comparables 14, 15a et 15b, les prix rajustés dépassaient tous 20 $ le pied carré. Le prix rajusté du bien comparable 16 était de presque 20 $ le pied carré. Le bien comparable 17 vaut un peu plus de 15 $ le pied carré, compte tenu du facteur de rajustement en fonction du temps. M. Weatherby a affirmé que ces ventes reflètent des utilisations commerciales en bordure de route et des utilisations de terrains commerciaux d'intensité assez forte. Les ventes comparables 14, 15a, 15b et 16 se rapportent à des biens situés à l'est du périphérique. M. Weatherby a accordé beaucoup plus de poids à des ventes qui avaient eu lieu ailleurs dans la ville et qui étaient plus indicatives de l'utilisation commerciale qu'il y aurait sur une partie des terrains considérés en l'espèce. M. Weatherby a fait remarquer, dans le cas de la vente comparable 17, qu'il ne s'agissait pas d'une vente effective; le tableau des ventes de terrains commerciaux indique le prix qui avait été offert en avril 1988, mais l'offre n'a pas été acceptée.

[75]          Sur la foi des éléments de preuve précités, M. Weatherby a conclu, concernant la valeur de la composante commerciale du bien, soit 1,99 acre, déterminée selon l'approche fondée sur les ventes comparables, que la valeur du terrain serait de 529 316 $, compte tenu des trois facteurs mentionnés précédemment, soit le coût de détention, le facteur de probabilité et le facteur d'aversion pour le risque. M. Weatherby a également déduit du montant de 529 316 $ un montant arbitraire de 10 000 $ au titre des frais juridiques, des frais architecturaux, des frais d'arpentage et des frais relatifs aux travaux d'ingénierie. Il est arrivé à un montant final de 519 316 $ pour ce qui est de la valeur de la composante commerciale du bien selon la méthode fondée sur les ventes comparables.

Valeur totale en 1990 du bien considéré en l'espèce — approche fondée sur les ventes comparables

[76]          Donc, M. Weatherby a conclu, selon l'approche fondée sur les ventes comparables, que la partie résidentielle du bien valait 836 500 $ et que la partie commerciale valait 519 316 $, soit en tout 1 355 816 $. De ce dernier chiffre, il a déduit le montant de 140 000 $ représentant les frais relatifs au raccordement du bien considéré en l'espèce aux services d'égout. Il est arrivé à un chiffre final de 1 215 816 $, qu'il a arrondi à 1 216 000 $, soit la valeur totale des biens considérés en l'espèce selon l'approche fondée sur les ventes comparables. Les calculs détaillés relatifs à la valeur des deux composantes de ce bien figurent aux pages 16 et 17 du rapport de l'appelante concernant la valeur au 12 janvier 1990.

Approche fondée sur la mise en valeur

[77]          Je vais maintenant traiter de la preuve de M. Weatherby concernant l'utilisation de l'approche fondée sur la mise en valeur aux fins de la détermination de la valeur en 1990 du bien considéré en l'espèce.

[78]          L'approche fondée sur la mise en valeur tient compte de la densité probable et des différents types d'habitations pouvant être construits. Dans cette approche, M. Weatherby est parti de l'hypothèse que deux acres de ce bien seraient affectés à une utilisation commerciale.

[79]          Il a expliqué comme suit l'application de ce mode d'évaluation du bien en question, aux pages 26 et 27 de son rapport :

[TRADUCTION]

APPROCHE FONDÉE SUR LA MISE EN VALEUR

VALEUR SELON L'AMÉNAGEMENT DE PLEIN DROIT

La valeur selon l'aménagement " de plein droit " se fonde sur un scénario dans lequel seules des maisons unifamiliales sont construites sur l'ensemble du terrain. La valeur est basée sur la formule suivante : densité de 4 unités/acre brut (voir la rubrique " Densité " ci-dessous) x 25,89 acres = 103,56 unités. Nous avons utilisé un prix par unité de 6 000 $ en nous fondant sur une analyse des biens comparables du tableau des ventes de terrains résidentiels en cause dans l'approche fondée sur les ventes comparables. La valeur représente ce qu'un acheteur éventuel paierait pour une superficie brute si la probabilité d'un changement de zonage permettant une utilisation d'intensité plus forte était de 0 p. 100. Nos calculs sont les suivants :

Valeur du terrain 104 unités x 6 000 $/unité    624 000 $

VALEUR SELON L'UTILISATION OPTIMALE

On peut aussi déterminer la valeur du terrain en analysant les possibilités qu'il présente quant au type de mise en valeur et en attribuant des valeurs, tirées du marché, à chaque type d'aménagement. Les détails relatifs à nos calculs sont indiqués dans le tableau figurant aux pages suivantes.

Densité

La densité représente le nombre d'unités par acre brut (y compris les parcs et les routes). Elle est issue d'une analyse d'autres aménagements et tient compte des exigences en matière de densité énoncées dans le règlement de zonage de la ville de Dartmouth. Par exemple, le lotissement Manor Park, situé de l'autre côté du bien considéré en l'espèce — rue Portland — compte 307 lots de maisons unifamiliales sur 74,35 acres, soit une densité brute de 4,13 unités par acre. En général, les immeubles d'appartements sans ascenseur ont une densité brute de 25 unités par acre, et ainsi de suite.

Demande

La demande est d'abord exprimée en pourcentage du nombre maximal d'unités qui serait admis à l'emplacement. Comme nous l'avons déjà mentionné, l'aménagement " de plein droit " relatif au bien considéré en l'espèce permet uniquement la construction d'habitations unifamiliales. Nous avons cependant présumé que le bien serait rezoné de manière à prendre en compte une combinaison d'utilisations résidentielles et d'utilisations commerciales mineures. Dans le projet de règlement relatif à l'utilisation des terrains, il est prévu que le bien considéré en l'espèce sera rezoné R-11, soit une zone de lotissement résidentiel complet qui permet des utilisations résidentielles mixtes et certaines utilisations commerciales. La densité d'aménagement et la combinaison d'utilisations concernant le bien considéré en l'espèce se fondent sur des discussions avec M. Glen L'Espérance, du service de planification et d'aménagement de la ville de Dartmouth, de même que sur des discussions avec des promoteurs locaux, et tiennent compte de la demande existante pour des habitations à Dartmouth et de la combinaison existante d'utilisations dans le voisinage du bien considéré en l'espèce. La densité maximale permise dans la zone R-11 est de 25 unités à l'acre, ce qui est en cours de révision. La densité ultime du bien dépend de ce que le conseil municipal permettra dans le cadre d'un accord de rezonage ou d'aménagement sous contrat. Nous avons estimé, à partir de notre analyse, ce qui serait à notre avis acceptable comme combinaison et comme densité pour le bien considéré en l'espèce. Nous avons basé la combinaison d'utilisations sur un scénario dans lequel on autorise une utilisation commerciale sur 2 acres du terrain en bordure de la rue Portland. Cette superficie serait suffisante pour des utilisations commerciales mineures, et cela serait physiquement possible le long du terrain en bordure de la rue Portland compte tenu de l'accès à l'emplacement, de la configuration, de la topographie, etc. Une parcelle plus grande que cela entraverait le lotissement résidentiel restant. Nous nous attendons que ce soit principalement de la rue Portland qu'on accède à l'emplacement (voir la section du rapport concernant l'accès à l'emplacement). Nous avons estimé que, suivant la mise en valeur commerciale, 5 immeubles d'appartements de + 24 unités seraient construits le long de la principale route collectrice. Ces immeubles seraient situés près du terrain en bordure du périphérique. Un plus grand nombre d'unités dominerait la plus faible intensité d'aménagement du reste du bien. Nous envisageons des maisons unifamiliales le long de la limite avec le chemin Summit Height, s'harmonisant avec le voisinage existant. On ne pourrait accéder à cette partie du bien qu'à partir de l'extension de l'avenue MacRae. D'après nos prévisions, pour ce qui est du reste de l'emplacement le long de la limite avec la promenade Marilyn et vers l'est, il y aurait une combinaison de maisons jumelées et de maisons en rangée. La combinaison effective d'utilisations correspond dans le tableau suivant à la formule " nombre d'unités en pourcentage ". La demande en pourcentage est convertie en " nombre d'unités " pour chaque type d'aménagement, chaque pourcentage étant multiplié par le maximum d'unités admissible (selon la formule suivante : 25 unités/acre x 23,9 acres = 598 unités). La demande quant au " nombre d'acres " est obtenue en divisant le " nombre d'unités " par la densité (unités/acre).

Offre

Comme la demande, exprimée selon le " nombre d'acres ", est supérieure à l'offre — la demande correspond à 56,44 acres, tandis que l'offre correspond à 23,9 acres — nous l'avons réduite proportionnellement. Elle est exprimée selon le " nombre d'acres correspondant à l'offre ". Nous avons fait la conversion au " nombre d'unités correspondant à l'offre " en multipliant le " nombre d'acres correspondant à l'offre " par la " densité brute ". La densité résidentielle totale égale 10,58 unités/acre.

Prix par unité

Le prix par unité est basé sur le marché et est obtenu en divisant les prix de vente de biens comparables par le nombre d'unités construites sur ces terrains après l'achat. Par exemple, les 9 acres des terrains de Willowdale (bien comparable no 1) se sont vendus à un prix rajusté de 39 555 $ l'acre. Cela représente 7 575 $ par unité selon une densité de terrains aménagés de 5,2 lots par acre (voir le tableau des ventes de terrains). La valeur des terrains commerciaux est la même que celle qui a été déterminée dans l'approche fondée sur les ventes comparables.

Prix total

Le prix total est l'apport total à la valeur du terrain de chaque type d'aménagement. Il s'obtient en multipliant le " prix par unité " par le " nombre d'unités ".

La valeur totale du bien est indiquée dans le tableau suivant :

Valeur totale indiquée selon l'utilisation optimale                                  1 865 238 $

À partir de ce montant de 1 865 238 $, M. Weatherby a entrepris de faire les opérations suivantes, qui figurent à la page 28 de son rapport :

[TRADUCTION]

Valeur selon l'utilisation optimale                                                                1 865 238 $

                Moins valeur selon l'aménagement de plein droit                          624 000 $

                Valeur indiciaire                                                                                   1 241 238 $

                Coût de détention pour 1,5 an @ 13,75 % p.a.                                   x 0,8243

                                                                                                                              1 023 152 $

                Probabilité d'atteindre

                une utilisation optimale @ 90 %                                                                x 0,90

                                                                                                                                 920 837 $

                Aversion pour le risque                                                                              x 0,70

                                                                                                                                 644 586 $

                Plus valeur selon l'aménagement de plein droit                                624 000 $

                                                                                                                               1 268 586 $

                Moins honoraires professionnels pour

                l'obtention du rezonage (1)                                                                     10 000 $

                Moins coût de canalisation d'égout (2)                                              140 000 $

Valeur totale indiquée                                                                                         1 118 586 $

Arrondie à                                                                                                          1 119 000 $

Comme l'indique ce qui précède, la valeur totale du bien considéré en l'espèce que M. Weatherby a déterminée selon la méthode fondée sur la mise en valeur était de 1 119 000 $.

Corrélation entre l'approche fondée sur les ventes comparables et l'approche fondée sur la mise en valeur

[80]          M. Weatherby a expliqué que, au bout du compte, un poids égal a été accordé à l'approche fondée sur la mise en valeur et à l'approche fondée sur les ventes comparables. Ainsi, il a pris la moyenne des deux valeurs, soit 1 168 000 $, qu'il considérait comme son estimation finale de la valeur du bien considéré en l'espèce.

[81]          L'approche fondée sur les ventes comparables, comme dit M. Weatherby, représente une approche plus directe de la détermination du prix à l'acre, sauf pour ce qui est de la composante commerciale, qui introduit un écart. La deuxième approche, plus complexe, inclut un plus grand nombre de variables et d'hypothèses et est donc beaucoup plus subjective. La première approche est plus certaine; la deuxième méthode peut comporter des erreurs de jugement et d'opinion de la part de l'évaluateur effectuant le travail. M. Weatherby a dit que les tribunaux s'écartent de l'approche fondée sur la mise en valeur pour cette raison même. Il a toutefois mentionné que cette méthode est adoptée par les tribunaux lorsque l'approche fondée sur les ventes comparables est inadéquate.

Preuve de l'intimée

[82]          Je vais maintenant passer en revue les éléments de preuve présentés par M. Bill Chappell, témoin expert de l'intimée.

[83]          M. Bill Chappell est évaluateur immobilier principal à Revenu Canada, c'est-à-dire à la section immobilière, qui fournit des services aux sections de la vérification, des appels, du recouvrement et des enquêtes spéciales.

[84]          M. Chappell a obtenu un baccalauréat en administration des affaires, avec majeure en comptabilité et en économie, en 1978, de l'université Mount Saint Vincent. Les deux années suivantes, il a travaillé à la Banque de Montréal. Il est retourné ensuite à l'université Mount Saint Vincent, où il a obtenu, en 1982, un baccalauréat en éducation. L'année d'après, il a enseigné à temps partiel et, les deux années suivantes, il oeuvrait dans la vente d'immeubles. En 1985, il s'est joint à Turner Drake & Partners Ltd. comme évaluateur. Il a travaillé dans cette entreprise pendant huit ans, effectuant tous les types d'évaluations immobilières, évaluant ainsi des habitations unifamiliales, des terrains non aménagés, des biens industriels ou commerciaux et des immeubles d'appartements. Il estimait qu'il avait fait entre 250 et 400 évaluations durant cette période. En 1993, il s'est joint à Revenu Canada, où il accomplissait essentiellement le même travail, soit déterminer la valeur marchande d'une vaste gamme de biens immobiliers. Il a effectué entre 75 et 125 évaluations depuis qu'il travaille à Revenu Canada. Il est accrédité comme évaluateur par l'Institut canadien des évaluateurs. Il était compétent pour témoigner comme expert aux fins de cet appel.

Valeur au jour de l'évaluation

[85]          M. Chappell a terminé son rapport le 15 novembre 1993.

[86]          Tout comme M. Weatherby, M. Chappell a dit que, au jour de l'évaluation, le plus gros de l'aménagement résidentiel à Dartmouth était à l'est du périphérique, au nord de la rue Portland et au sud de la rue Main. À la même époque, la Nova Scotia Housing Commission achetait de grands terrains en vue de la construction de logements à prix abordables. La mise en valeur commerciale se limitait à cette époque en grande partie à des terrains situés dans le secteur du centre-ville, près du port d'Halifax, le long du chemin Wyse et du chemin Window. Il y avait aussi une importante mise en valeur commerciale le long du premier kilomètre de la rue Main. Le centre commercial Woodland était en place; la rue Portland n'était pas une rue commerciale achalandée à cette époque. La mise en valeur commerciale ne faisait que commencer alors. Par exemple, on commençait à construire le centre commercial Penhorn, qui a été achevé en 1973. À part cela, il n'y avait que quelques commerces du genre magasins du coin dans le secteur est, le long de la rue Portland, à partir de la région de Mirror Lake.

[87]          M. Chappell était d'accord sur les données relatives à l'emplacement que M. Weatherby avait présentées dans son témoignage. Il n'avait pas d'observations supplémentaires à formuler concernant l'accès à l'emplacement. En ce qui a trait aux services d'égout, il a fait remarquer qu'une option aurait été de les prolonger vers l'ouest, le long de l'emplacement de la rue Portland, puis de les raccorder à Manor Park. Il a dit qu'il s'agissait d'une solution de rechange potentiellement moins coûteuse que M. Weatherby n'avait pas mentionnée dans son rapport. D'après lui, il pourrait également y avoir un service d'égout qui traverse la rue et passe par le stationnement de Sears immédiatement au nord des terrains considérés en l'espèce. Cela n'entraverait pas la rue Portland, car une canalisation d'égout partant du bien considéré en l'espèce et passant sous la rue Portland existe déjà.

[88]          M. Chappell a dit que, au jour de l'évaluation ainsi qu'en 1990, le bien considéré en l'espèce était zoné R-1, soit une zone de lotissement résidentiel pour maisons unifamiliales. De plus, d'après lui, les mêmes utilisations étaient permises aux deux dates. Il a ajouté qu'il pourrait y avoir d'autres utilisations, y compris " certaines utilisations institutionnelles ", en 1990.

[89]          M. Chappell a alors expliqué que l'utilisation optimale du bien considéré en l'espèce au jour de l'évaluation consistait à détenir le bien jusqu'à ce que les conditions économiques justifient une mise en valeur résidentielle. Il se préoccupait du fait que le bien n'était nullement raccordé à des services d'égout. En outre, si un nouveau lotissement comme Forest Hills était aménagé, ce serait à l'est d'Halifax et de Dartmouth, dans le comté d'Halifax. La mise en valeur immédiate aurait lieu ailleurs, et ce ne serait pas à proximité du bien considéré en l'espèce. Il a également souligné que la mise en valeur se faisait plus loin, du côté de Cole Harbour, à l'est du périphérique.

[90]          M. Chappell a dit que, pour évaluer le bien considéré en l'espèce, il s'était servi de l'approche fondée sur les ventes comparables, qui utilise des renseignements relatifs à des ventes de terrains comparables dont l'importance est comparable. Il n'a pas employé la méthode fondée sur la mise en valeur parce qu'il serait particulièrement difficile de déterminer rétrospectivement ce qui était une mise en valeur acceptable et quelle était la demande pour les différents types de terrains. Il a utilisé l'approche fondée sur les ventes comparables pour déterminer la valeur du bien considéré en l'espèce aux deux dates pertinentes, soit le 31 décembre 1971 et le 12 janvier 1990.

[91]          Pour parvenir à une évaluation, la première étape consistait à " repérer des ventes de superficies brutes réalisées en 1971 ou à peu près ", afin de déterminer une valeur par unité. Des données relatives à des ventes allant d'août 1971 à octobre 1972 ont été trouvées. Aucun rajustement en fonction du temps n'a été fait, car il y avait seulement 10 mois entre le jour de l'évaluation et la date de la vente la plus éloignée du jour de l'évaluation. M. Chappell ne considérait pas qu'il était déraisonnable d'utiliser les valeurs telles quelles.

[92]          M. Chappell a entrepris de passer en revue cinq transactions qu'il a utilisées dans le cadre de la méthode fondée sur les ventes comparables.

[93]          Le bien comparable no 1, situé à l'est du périphérique, à environ deux minutes de route, est plus gros que le bien considéré en l'espèce. Son prix de vente a été payé en quatre versements. Pour en déterminer la valeur, M. Chappell a réduit le montant des paiements pour tenir compte du fait qu'une part importante du prix de vente n'était pas payable comptant, un taux d'intérêt de 9,375 p. 100, calculé semestriellement, étant prévu. Il a dit que Revenu Canada garde les taux d'escompte d'années précédentes et que, pour la période en question, le taux pertinent était de 9,375 p. 100. Les quatre paiements étaient des paiements de 100 000 $, de 50 000 $, de 50 000 $ et de 247 600 $, ce qui, compte tenu du rajustement en fonction du temps, donne une valeur totale de 375 348 $, soit une valeur à l'acre de 5 231 $. Il a aussi expliqué que l'aménagement de ce dernier emplacement était plus imminent que l'aménagement du bien considéré en l'espèce, car la mise en valeur prévue allait se faire en direction est, dans le comté d'Halifax, plutôt que dans la ville. De plus, ce bien bénéficiait des services d'adduction d'eau et d'égout. En contre-interrogatoire, il a également dit qu'il ne se rappelait pas si des intérêts étaient payables sur le solde du prix. Il a dit en outre que les terrains allaient en montant et que la pente était assez prononcée.

[94]          Le bien comparable no 2 est situé non loin du bien comparable no 1 utilisé par M. Chappell, plus à l'est et au nord du bien considéré en l'espèce. Ce bien était également supérieur au bien considéré en l'espèce, car il était doté des services d'adduction d'eau et d'égout et était situé dans un secteur où il y avait une mise en valeur constante. Le tableau des ventes de terrains au jour de l'évaluation indique qu'il s'agit d'une parcelle de 12 acres qui s'est vendue 68 750 $, soit 5 729 $ l'acre.

[95]          Le bien comparable no 3 est à environ un kilomètre à l'est du bien considéré en l'espèce. Il était probablement plus adapté à une mise en valeur commerciale; il était zoné de manière à permettre une utilisation commerciale. Il est situé non loin, à l'est de la route 111, et donne sur la rue Portland. Le prix de vente égalait 4 095 $ l'acre. M. Chappell a dit que ce bien était raisonnablement nivelé, mais il a reconnu en contre-interrogatoire que, complètement à l'arrière, il avait été remblayé, et il y avait une pente abrupte de 22 pieds en direction du lac. Ce terrain a, depuis, été mis en valeur, mais pas entièrement. En outre, M. Chappell faisait remarquer que c'était marécageux dans ce secteur, particulièrement au bout des terrains, à l'arrière. M. Chappell disait dans son rapport " que le terrain comportait un certain nombre de bâtiments agricoles et d'habitations au moment de la vente. " Il ajoutait que " le vendeur avait conservé un droit viager sur le bien, et tous les bâtiments avaient été démolis, sauf la maison du vendeur, soit une dame qui avait plus de 80 ans à l'époque de la vente. "

[96]          Le bien comparable no 4, semblable au bien comparable no 3 utilisé par M. Chappell, est situé un peu plus à l'est; le bien comparable no 3 correspond au bien comparable no 5 utilisé par l'appelante. Contrairement au rapport de M. Weatherby, le rapport de M. Chappell mentionnait seulement la partie de 28,3 acres. M. Chappell considérait cette vente comme représentant la limite supérieure de la valeur, soit 7 951 $ l'acre, et il estimait que ce bien, vu " son emplacement et ses possibilités commerciales ", était supérieur au bien considéré en l'espèce, qui est situé à un kilomètre à l'ouest de ce bien comparable. Cette supériorité tenait au fait que la circulation allait en direction est, vers les nouveaux lotissements. En outre, un nouveau concessionnaire d'automobiles s'était installé dans ce secteur; il y avait à cet endroit plus de circulation commerciale ou de circulation en provenance de la grande route. Le bien comparable no 4 avait par la suite été commercialement mis en valeur. En contre-interrogatoire, M. Chappell a révisé le prix de vente, qu'il a établi à 8 700 $ l'acre, compte tenu des deux parties de ce bien. Cependant, en excluant la partie du terrain où était situé un immeuble, le montant serait de 7 302 $ l'acre.

[97]          M. Chappell a ensuite formulé des observations au sujet du bien comparable no 5; il a dit qu'il était mal indiqué sur la carte, qu'il est situé juste au-dessous de Willowdale. De l'avis de M. Chappell, ce bien comparable représente la limite inférieure de la valeur du bien considéré en l'espèce, soit 3 150 $ l'acre, car il est situé hors des limites de la ville de Dartmouth, loin des services modernes d'égout.

[98]          M. Chappell a expliqué que le bien comparable no 1 était à son avis le meilleur indicateur de la valeur du bien considéré en l'espèce et qu'il en avait arrondi la valeur à 5 000 $ l'acre. C'est le meilleur indicateur parce qu'il est situé près de la rue Portland, tout comme le bien considéré en l'espèce, dans un secteur où il y avait une mise en valeur, tandis que le bien considéré en l'espèce était dans un secteur où il n'y avait pas de mise en valeur immédiate. Comme le bien considéré en l'espèce ne comportait aucun accès immédiat aux services d'égout et d'adduction d'eau, il avait, estimait M. Chappell, une valeur moindre que le bien comparable no 1.

[99]          Avec une valeur de 5 000 $ l'acre et une superficie de 25,8936 acres, le terrain devrait être évalué à 129 468 $, montant qui a été arrondi à 129 500 $.

[100]        Au sujet du rapport de M. Weatherby, dans lequel une valeur à l'acre de 14 500 $ était déterminée, M. Chappell a dit que les années considérées dans ce rapport allaient de 1965 à 1976. Il a aussi fait remarquer que les biens comparables nos 1 et 8 utilisés par M. Weatherby correspondaient à des ventes forcées et que les valeurs attribuées à ces deux biens (qui ont été expropriés en 1972 et en 1975) avaient été déterminés par le juge; ces règlements d'indemnisation peuvent ne pas être une indication de la valeur marchande. M. Chappell a ajouté qu'il n'était pas juste d'utiliser ces chiffres pour déterminer la valeur marchande, car ils ne répondent pas aux critères de la définition de " valeur marchande " devant régir l'établissement de la valeur marchande d'un bien.

[101]        Pour ce qui est du bien comparable no 8 mentionné dans le rapport de M. Weatherby, concernant le règlement d'indemnisation de 144 000 $ pour une parcelle de 9,7 acres, soit une valeur de 14 845 $ l'acre, M. Chappell a expliqué que cette valeur était une des principales valeurs utilisées dans le rapport de M. Weatherby pour évaluer le bien considéré en l'espèce. À cet égard, il a fait remarquer qu'il y avait une différence de zonage par rapport au bien considéré en l'espèce. Le bien comparable no 8 était zoné pour utilisations générales et commerciales de plein droit, tandis que les terrains considérés en l'espèce étaient zonés R-1. Il a fait remarquer que les utilisations générales et commerciales permettent aussi des utilisations industrielles. Donc, aucune demande de changement de zonage n'était nécessaire dans le cas du bien comparable no 8 pour qu'il y ait une utilisation commerciale. Cette considération factuelle, d'après M. Chappell, fait que le bien comparable no 8 a une plus grande valeur que le bien considéré en l'espèce. De plus, dans sa décision, le juge disait que l'utilisation optimale correspondait à une utilisation commerciale. M. Chappell a conclu que le bien considéré en l'espèce était inférieur au bien comparable no 8, et ce, en se fondant sur ces observations.

[102]        M. Chappell a aussi traité du bien comparable no 3 mentionné dans le rapport de M. Weatherby, soit une vente qui avait eu lieu environ deux ans et demi après le jour de l'évaluation. M. Chappell considérait que ce n'était pas une mauvaise transaction comparable, mais il a ajouté que le taux de rajustement de 6 p. 100 déterminé par M. Weatherby n'était pas raisonnable.

[103]        M. Chappell a aussi mentionné que le bien comparable no 7 de M. Weatherby comportait une dimension commerciale puisque " l'acheteur avait égalé une offre de Shell Oil ". Ce bien devait selon lui avoir une certaine valeur commerciale.

[104]        Tout compte fait, M. Chappell estimait que les biens comparables les plus fiables du tableau des ventes de terrains figurant dans le rapport de M. Weatherby étaient les biens comparables nos 3, 5, 6 et 7. Il a dit que les biens comparables nos 1, 2, 4, 8 et 9 utilisés par M. Weatherby étaient moins intéressants comme comparables à cause de leur zonage, qui prévoyait une utilisation commerciale, ou parce que, dans deux cas, il s'agissait de règlements d'indemnisation judiciaires, c'est-à-dire que ce n'était pas des ventes entre parties sans lien de dépendance.

[105]        M. Chappell était également d'avis que le rajustement en fonction du temps de 6 p. 100 utilisé par M. Weatherby était trop faible, comme nous l'avons mentionné précédemment. Il estimerait à environ 14 p. 100 ce pourcentage.

Valeur en 1990

[106]        M. Chappell a formulé quelques observations générales qui influent sur la détermination de la valeur en 1990 du bien considéré en l'espèce.

[107]        En 1990, une mise en valeur résidentielle avait lieu dans le secteur du bien considéré en l'espèce. Cette mise en valeur, qui se poursuit, se fait au nord de Bell Lake, qui est au nord de la rue Portland, à l'est du périphérique. Il y avait en outre une mise en valeur de moindre envergure à l'est du bien considéré en l'espèce, le long de la rue Portland et du chemin Cole Harbour. Concernant le chemin Cole Harbour, il y avait une certaine mise en valeur le long des côtés nord et sud, à peu de distance à l'est du bien considéré en l'espèce, soit à environ trois ou quatre minutes de route. M. Chappell fait remarquer que le bien comparable no 3 dont il est question dans le rapport de M. Weatherby avait été mis en valeur. Il s'agit du lotissement Manor Park, soit des terrains achetés en août 1974. De plus, il y avait eu une explosion en ce qui a trait au potentiel commercial de la rue Portland dans les années 80. Sauf pour ce qui est de l'exception notable que représente la construction d'un " supermagasin ", il n'y avait guère de mise en valeur le long du côté sud de la rue Portland. L'ensemble de cette mise en valeur, d'après M. Chappell, donnait lieu à de grandes possibilités, et les pressions étaient grandes pour que ces terrains soient mis en valeur. Les valeurs de ces terrains commerciaux ont grimpé très rapidement jusqu'à la fin des années 80. Les pouvoirs publics provinciaux et municipaux avaient entrepris des réalignements touchant les grandes artères, en réponse à une augmentation de la circulation. Cela avait créé de plus grandes possibilités que les terrains considérés en l'espèce soient mis en valeur en 1990. Toutefois, il a concédé que les fonds nécessaires à une mise en valeur commerciale étaient difficiles à obtenir après 1988, car, à ce stade, l'offre était supérieure à la demande. Les vendeurs de biens immeubles devaient réduire leurs prix s'ils voulaient vendre.

[108]        Les terrains considérés en l'espèce étaient encore zonés R-1. Toutefois, il avait été proposé au sein de la municipalité qu'ils puissent être rezonés " zone de lotissement résidentiel complet ", ce qui inclurait des utilisations commerciales, ainsi que des habitations unifamiliales, des immeubles de deux unités, des maisons jumelées et des duplex. Tout changement exigerait l'approbation du conseil municipal de Dartmouth, et M. Chappell a conclu, en se fondant sur les conversations qu'il avait eues avec les représentants compétents de la ville, qu'un tel changement de zonage serait selon toute vraisemblance approuvé. Ainsi, dans une utilisation optimale, il y aurait une mise en valeur commerciale le long des terrains en bordure de la rue Portland et une mise en valeur résidentielle dans la partie arrière des terrains.

Valeur en 1990 — partie résidentielle

[109]        Je passe maintenant au témoignage de M. Chappell concernant la valeur, au 12 janvier 1990, de la partie résidentielle du bien considéré en l'espèce.

[110]        M. Chappell dit que les biens comparables 6 et 7 qu'il a utilisés étaient l'équivalent des biens comparables 1 et 2, respectivement, qui sont mentionnés dans le tableau des ventes de terrains résidentiels figurant dans le rapport de M. Weatherby. Il a dit que ces biens avaient vraiment fait augmenter les valeurs. En ce qui a trait à la partie résidentielle, il était arrivé à une valeur de 35 000 $ l'acre, soit au total 818 776 $. Il a mentionné que le bien comparable no 7 est particulier, car il y avait une parcelle sur laquelle on avait bâti un immeuble, mais le coût d'une station de pompage avait été ajouté. Concernant le bien comparable no 6, il y avait deux prix différents. Ces lots, qui pouvaient facilement être aménagés, c'est-à-dire viabilisés, commandaient le prix supérieur de 34 300 $. Les autres, qui avaient besoin de services d'égout, ne commandaient que le prix inférieur de 28 930 $. Le même principe pourrait s'appliquer aux terrains du bien comparable no 7. Une valeur de 47 932 $ était attribuée aux acres qui étaient prêts pour fins de mise en valeur, tandis qu'une valeur de 42 365 $ était attribuée à la partie nécessitant l'installation de services d'égout. M. Chappell a également expliqué qu'il y avait des frais non pas pour amener les services au terrain considéré en l'espèce, mais plutôt pour distribuer les services sur le terrain. À cause de la topographie, un facteur avait été prévu au titre d'une station de pompage pour les parcelles considérées en l'espèce.

[111]        M. Chappell croit que les terrains considérés en l'espèce sont analogues à la partie du bien comparable 6 évaluée à 28 930 $ l'acre et à la partie du bien comparable 7 évaluée à 42 365 $ l'acre. Il a fait la moyenne de ces deux chiffres et est arrivé au montant de 35 648 $, qu'il a arrondi à 35 000 $. Toutefois, si les terrains considérés en l'espèce avaient été facilement aménageables, les valeurs plus élevées des biens comparables 6 et 7 auraient été utilisées. Concernant le bien comparable 6 utilisé par M. Chappell, une autre partie, soit précisément 10,5 acres, s'est vendue un an plus tard 300 000 $, ce qui équivaut à un prix de 28 571 $ l'acre.

[112]        Il a ensuite dit que le bien comparable 8 représente une vente qui a eu lieu cinq mois après la date d'évaluation. Il s'agit d'une parcelle de 82 acres zonée R-1 qui s'est vendue environ 52 000 $ l'acre. Elle est située à l'est du bien considéré en l'espèce et d'une partie du lotissement Portland Estates. À son avis, ce n'est pas une transaction comparable fiable.

[113]        Le bien comparable 9 ne représentait pas une très bonne vente comparable, car il est situé assez loin à l'ouest du bien considéré en l'espèce. Cependant, M. Chappell l'avait inclus dans son rapport parce que c'était une vaste parcelle assortie d'une composante commerciale à l'avant. Ce bien aurait une valeur plus élevée que le bien considéré en espèce, car il se trouve près de deux artères très passantes. Le prix de vente était de 84 873 $ l'acre.

[114]        Les biens comparables 10a, 10b et 10c avaient une valeur marchande globale de 24 000 $ l'acre. Cette faible valeur s'explique du fait que ces biens sont situés sur un terrain rocailleux et seraient difficiles à aménager. De plus, les élévations ont une incidence négative sur l'approvisionnement en eau. Ces biens se situent donc complètement au bas de toute la gamme.

[115]        Le bien comparable 11 du rapport de M. Chappell ne vaut pas la peine d'être considéré; le prix du tableau des ventes de terrains selon le nombre d'acres (1990) représente le prix mentionné dans une option d'achat qui a été abandonnée.

[116]        Concernant la partie résidentielle du terrain, M. Chappell a dit en conclusion que les biens comparables 6 et 7 sont les meilleurs indicateurs quant à la valeur, à l'époque pertinente, du bien considéré en l'espèce. Comme nous l'avons fait remarquer précédemment, M. Chappell est arrivé à une valeur, au 10 janvier 1990, de 35 000 $ pour ce qui est de la partie résidentielle du bien considéré en l'espèce.

Valeur en 1990 — partie commerciale

[117]        Concernant la partie commerciale du bien considéré en l'espèce, M. Chappell a expliqué pourquoi il était arrivé à 2,5 acres, tandis que M. Weatherby estimait que la partie commerciale aurait une superficie de 1,99 acre. M. Chappell a simplement déterminé à l'échelle la profondeur de la partie commerciale d'autres lotissements commerciaux le long de la rue Portland et a appliqué cet élément au bien considéré en l'espèce. Cela lui a donné une profondeur de 200 pieds le long de la façade du bien. Il a ensuite divisé cela en deux parties, ce qui a donné 1,4 acre et 1,1 acre, soit en tout 2,5 acres de terrain commercial. M. Chappell estimait que la mise en valeur commerciale qu'il proposait ne rencontrerait pas d'opposition de la part des résidents du quartier, en dépit du fait qu'elle entraînerait un accroissement de la circulation. Il a également mentionné que les représentants de la ville ne lui avaient pas dit qu'une partie de 2,5 acres du terrain considéré en l'espèce était déraisonnable ou excessive aux fins d'une mise en valeur commerciale.

[118]        La mise en oeuvre de ce plan exigerait toutefois un rezonage du bien qui prendrait entre 6 et 12 mois d'après les conversations que M. Chappell avait eues avec une certaine Cathy Spencer, du service de planification de la ville de Dartmouth. Dans ses discussions avec les urbanistes de la ville, il avait appris qu'il y avait plus de 50 p. 100 des chances que le rezonage soit adopté. Il était arrivé à un facteur de probabilité de 70 p. 100. Après avoir mentionné qu'on ne peut jamais parvenir à 100 p. 100 dans l'évaluation d'une probabilité, il a utilisé un chiffre se situant entre 50 et 90 p. 100. Il a également dit qu'il n'avait pas utilisé de facteur d'aversion pour le risque parce qu'il ne savait pas comment ce facteur était calculé. Cependant, il a dit qu'il avait déjà utilisé le facteur d'aversion pour le risque, lorsqu'il travaillait pour Turner Drake & Partners Ltd., et qu'il n'avait toutefois jamais compris comment ce facteur était déterminé.

[119]        M. Chappell a ensuite discuté des biens comparables. Il a dit qu'il avait utilisé quatre ventes différentes, qui correspondent aux biens comparables 12 à 15 de son rapport. Tous ces biens sont situés à l'est du bien considéré en l'espèce. Il a précisé que les biens comparables 12 à 14 du tableau de ventes de terrains commerciaux de l'intimée (1990) étaient situés dans la partie commerciale de la rue Portland, qui connaissait une croissance rapide dans les années 80, et il considère qu'ils représentent la limite supérieure de la valeur du bien considéré en l'espèce. Le bien comparable 15 est situé à cinq minutes de route à l'est du bien considéré en l'espèce, sur le chemin Cole Harbour, et devrait être considéré comme représentant la limite inférieure de la valeur, parce qu'il est à cette distance-là de la partie commerciale de la rue Portland. Il a ajouté que le bien comparable 14 est supérieur aux terrains considérés en l'espèce. Ainsi, la valeur du bien considéré en l'espèce devrait se situer entre les limites supérieure et inférieure correspondant à la valeur de ces deux biens. Il a donc conclu que la valeur du bien considéré en l'espèce devrait être fixée à 15 $ le pied carré.

[120]        M. Chappell a ensuite expliqué qu'il avait réduit de 14,6 p. 100 la valeur qui vient d'être mentionnée, parce que le bien considéré en l'espèce n'était pas viabilisé. Il avait réduit la valeur résidentielle du même pourcentage. Ainsi, il était arrivé à une valeur finale de 12,80 $ le pied carré concernant la partie commerciale du bien considéré en l'espèce.

[121]        M. Chappell a alors expliqué comment il était parvenu à une valeur finale relativement à cette partie du bien. Aux 2,5 acres correspond le chiffre de 108 899 pieds carrés; à 12,80 $ le pied carré, cela signifie une valeur de 1 393 907 $. Le calcul détaillé de la valeur de la partie commerciale du bien considéré en l'espèce figure à la page 31 du rapport de M. Chappell, soit :

[TRADUCTION]

Terrain commercial

                Superficie commerciale (2,5 acres)      108 899 pi2

(2)            Valeur par pi2         12,80/pi2

                Valeur estimée       1 393 907 $

                Moins valeur résidentielle :

                2,5 acres @ 35 000 $/acre     87 500 $

                Supplément commercial potentiel       1 306 407 $

(3)            Probabilité de rezonage @ 70 %            x 0,70

                Valeur                      914 485 $

(4)            Coût de détention (1 an @ 13,5 %)    x 0,8811

                Valeur                      805 753 $

                Plus : " valeur résidentielle de plein droit "       87 500 $

                Valeur indiquée totale         893 253 $

[122]        Comme l'indique l'extrait susmentionné de son rapport, M. Chappell évaluait la partie commerciale du bien à 893 253 $.

[123]        Enfin, M. Chappell a discuté du rapport de l'appelante et de la valeur de 11 $ le pied carré à laquelle M. Weatherby était arrivé avant de tenir compte du coût des services d'égout. M. Chappell a fait remarquer que les biens comparables 18, 19 et 20 de l'appelante avaient été utilisés par M. Weatherby comme fondement de la valeur de 11 $ le pied carré. Il estimait que tous ces biens étaient inférieurs au bien considéré en l'espèce. Pour ce qui est du bien comparable 18, celui-ci est entouré d'habitations modernes de densité faible à élevée là où la rue Portland ne comporte que deux voies, alors que le bien considéré en l'espèce est juste en face du centre commercial Penhorn, qui génère beaucoup d'activité commerciale; la rue Portland, à ce point, comporte quatre voies. Il a fait remarquer que, bien qu'étant un endroit encore très achalandé, le bien comparable 19 n'était pas près du secteur commercial qui connaissait une expansion rapide. En ce qui a trait au bien comparable 20, M. Chappell était d'accord avec M. Weatherby pour dire que c'était un bien inférieur au bien considéré en l'espèce.

[124]        Au sujet de la composante résidentielle du terrain considéré en l'espèce, M. Weatherby et M. Chappell étaient tous les deux arrivés à une valeur de 35 000 $ l'acre. Cependant, dans le rapport de M. Weatherby, le coût des services d'égout n'était pas inclus dans la valeur de 35 000 $ l'acre. Compte tenu de cet élément factuel, M. Weatherby a ramené la valeur à environ 29 000 $ l'acre en soustrayant 140 000 $ de la valeur totale de la partie résidentielle et de la partie commerciale du bien.

[125]        En outre, M. Chappell a fait remarquer qu'il n'avait pas utilisé l'approche fondée sur la mise en valeur, parce qu'il ne considérait pas qu'il y avait assez de données pour étayer une telle approche. Il a également dit que lui faisait problème le fait que M. Weatherby avait utilisé le chiffre de 4 unités par acre, multiplié par 25,89 acres, alors que, pour les biens comparables 1, 2 et 5 de M. Weatherby, la densité était de 5,2, 4,42 et 5 unités par acre, respectivement. Le prix de vente par unité allait de 6 657 $ à 11 000 $.

[126]        Ainsi, M. Chappell a déterminé les valeurs suivantes concernant la partie résidentielle et la partie commerciale du bien considéré en l'espèce :

                Partie résidentielle                 818 776 $

                Partie commerciale                893 253 $

                Total       1 712 029 $

Ce dernier chiffre a été arrondi à 1 700 000 $.

Arguments de l'appelante

[127]        On a fait remarquer pour l'appelante, en guise de contexte général, que le bien considéré en l'espèce est situé près du périphérique et des principales artères de la municipalité régionale d'Halifax et des alentours. Il a dit que le centre commercial Penhorn, soit un grand centre commercial, était en construction en 1971, en face du bien considéré en l'espèce. Les années suivantes, la plupart des projets de mise en valeur étaient réalisés le long de la rue Portland, vers l'est. Il a mentionné que, en 1971, la mise en valeur du bien considéré en l'espèce était imminente, car le bien situé de l'autre côté de la rue Portland faisait l'objet d'une mise en valeur. On avait donc de bonnes raisons de croire que, à court terme, le bien considéré en l'espèce serait mis en valeur. Il a toutefois ajouté que, malgré le fait qu'une mise en valeur semblait imminente en 1971, le bien, 26 ans plus tard, n'a toujours pas été mis en valeur, et les secteurs qui connaissent une croissance sont situés à 2 kilomètres plus loin à l'est. Il était allégué pour l'appelante qu'il n'y avait plus de mise en valeur dans les secteurs situés près du bien considéré en l'espèce et que la mise en valeur se faisait plus à l'est. Les avocats faisaient également remarquer que, vers 1971, certains des terrains situés dans le périmètre du périphérique n'étaient pas disponibles pour fins de mise en valeur. Depuis, certaines de ces parcelles sont prêtes pour fins de mise en valeur; ce fait diminue la valeur des terrains considérés en l'espèce et de toutes les autres parcelles situées dans ce périmètre.

[128]        À l'appui de la thèse de l'appelante, il était également mentionné que la récession de la fin des années 80 avait affecté le marché immobilier, et ce, jusqu'en 1993. Aucune transaction commerciale importante ne se faisait à cette époque.

[129]        Me Barette, soit l'un des avocats de l'appelante, a mentionné les trois taux d'augmentation différents quant à la valeur des terrains durant les années 80 et 90 dans la région de Dartmouth. M. Weatherby avait déterminé que, vers le début des années 80, et ce, jusqu'en décembre 1984, le taux d'augmentation était de 6 p. 100, qu'il y avait ensuite eu un taux de 35 p. 100 entre janvier 1985 et décembre 1987, puis un taux de 8 p. 100. Me Barette a comparé les taux de M. Weatherby avec ceux de M. Chappell, qui avait utilisé un taux annuel de 30 p. 100 pour la période allant jusqu'en 1987, puis une augmentation de zéro pour la période subséquente.

[130]        Après avoir discuté dans les grandes lignes des trois questions générales qui viennent d'être mentionnées, Me Barette a entrepris d'abord d'analyser plus en détail les éléments de preuve concernant la valeur au 31 décembre 1971 du bien considéré en l'espèce.

Valeur au jour de l'évaluation

[131]        En ce qui a trait à la valeur en 1971, il a été mentionné pour l'appelante que les deux experts divergeaient d'opinion sur plusieurs points.

[132]        M. Weatherby avait conclu qu'un lotissement résidentiel était possible en 1971, ainsi qu'un lotissement commercial mineur devant desservir les résidences bâties sur le bien considéré en l'espèce. C'était là, d'après lui, l'utilisation optimale du bien. Il justifiait cela dans une large mesure par le fait que, en 1971, un gros lotissement commercial était en construction de l'autre côté de la rue. Par contre, selon l'appelante, M. Chappell aurait affirmé que, en 1971, l'utilisation optimale du bien consistait à le détenir dans l'attente d'une mise en valeur résidentielle. Pour l'appelante, on alléguait que M. Weatherby avait raison, vu le degré élevé, à l'époque, de mise en valeur de biens avoisinants.

[133]        Quoique les deux experts aient utilisé l'approche fondée sur les ventes comparables, ils n'ont pas utilisé les mêmes taux pour réduire le montant des ventes compte tenu du temps séparant la date de vente d'un bien comparable particulier et le jour de l'évaluation, soit le 31 décembre 1971. M. Weatherby avait utilisé un taux de 6 p. 100 basé sur deux biens adjacents qui avaient été expropriés à deux dates différentes, soit, premièrement, la partie du bien qui avait été acquise avec le bien considéré en l'espèce par M. Jan Reiss et Mme Hammerling (parcelle appelée ci-après le " bien appartenant précédemment à M. Reiss et à Mme Hammerling ") et, deuxièmement, le bien situé de l'autre côté du périphérique (ci-après appelé le " bien Purdy ").

[134]        M. Weatherby a accordé plus de poids à ses biens comparables 1, 3, 4 et 8 pour ce qui est du jour de l'évaluation. Le bien comparable 1 est la partie du bien appartenant précédemment à M. Reiss et à Mme Hammerling, et le bien comparable 8 est le bien Purdy. M. Weatherby a accordé un poids particulier aux règlements d'indemnisation en cause, en raison de la nature spécialisée du tribunal d'expropriation, qui a déterminé ces valeurs. On a souligné que le tribunal, dans le cas du bien comparable 1, avait conclu que la partie avant de ce dernier bien, égale à 1,4 acre, pourrait être utilisée à des fins commerciales.

[135]        Me Barette a critiqué le rapport de M. Chappell, dans lequel M. Chappell utilisait le bien comparable no 1, dont la pente était de 20 p. 100. Ce bien a été utilisé à des fins résidentielles, et il a fallu engager des frais considérables pour égaliser le terrain. En ce qui a trait au bien comparable no 3 du rapport de M. Chappell, M. Weatherby soulignait que presque 17 acres sur un total de 21 étaient marécageux. En ce qui a trait au bien comparable no 5 du rapport de M. Chappell, on faisait valoir que ce bien représentait une mauvaise comparaison à cause de son emplacement et parce que la partie donnant sur la rue n'était pas très grande. Pour l'intimée, on a également souligné que, d'après M. Weatherby, le règlement de zonage en vigueur au jour de l'évaluation aurait permis à un promoteur de demander une utilisation résidentielle assortie d'une composante commerciale mineure.

Valeur au 12 janvier 1990

[136]        Pour l'appelante, on a fait remarquer que les deux experts avaient utilisé l'approche fondée sur les ventes comparables. Le premier point litigieux entre les deux experts a trait à la répartition du bien entre une utilisation commerciale et une utilisation résidentielle. Le deuxième point litigieux a trait à la valeur au pied carré de la partie commerciale du bien considéré en l'espèce.

[137]        L'expert de l'intimée était d'avis que 2,5 acres du bien pourraient servir à des fins commerciales, tandis que l'expert de l'appelante disait que, au plus, deux acres pourraient être affectés à une utilisation commerciale. Le témoin expert de l'appelante arrive à ce chiffre vu les particularités du bien considéré en l'espèce et étant donné que la rue MacRae ne pourrait se rendre jusqu'au bien considéré en l'espèce, ce qui limite la superficie pouvant donner lieu à une mise en valeur commerciale. À cet égard, M. Weatherby avait envisagé un plan d'aménagement du bien considéré en l'espèce. Ce plan indique l'extension de la rue MacRae et, d'après les avocats de l'appelante, il démontre clairement que le témoin expert de l'intimée se trompait au sujet de la superficie de la partie des terrains considérés en l'espèce pouvant donner lieu à une utilisation commerciale. M. Weatherby a également dit dans son témoignage que la partie du bien considéré en l'espèce qui ne donne pas sur la rue Portland ne pourrait réalistement donner lieu à une mise en valeur commerciale et que, pour cette raison, il n'avait pas inclus cette partie dans le secteur commercial.

[138]        Il y avait également une divergence entre les deux experts sur la valeur au pied carré à utiliser concernant le secteur commercial. M. Weatherby était arrivé à un chiffre de 11 $, tandis que M. Campbell était parvenu à un chiffre de 12,80 $. M. Weatherby était arrivé à ce montant en utilisant les biens comparables 18, 19 et 20. Sur les trois, seul le bien comparable no 18 était situé en-deçà du périphérique.

[139]        On a également mentionné pour l'appelante une autre question sur laquelle les deux experts ne s'entendaient pas. Cette question se rapporte au calcul du coût de détention du bien considéré en l'espèce, qui tient compte du temps nécessaire pour faire changer le zonage. Le différend sur cette question a trait à deux aspects, soit la durée de la période de détention et le taux d'intérêt à utiliser dans le calcul du coût de détention.

[140]        M. Weatherby avait utilisé une période de détention de 1,5 an, tandis que M. Chappell avait utilisé une période de détention d'un an seulement. M. Weatherby avait utilisé un taux d'intérêt de 13,75 p. 100, alors que M. Chappell avait utilisé un taux de 13,5 p. 100. Les deux experts avaient employé le même taux bancaire de base, mais n'avaient pas ajouté le même pourcentage pour ce qui est du taux supplémentaire qu'un promoteur immobilier aurait dû payer à l'époque pertinente.

[141]        Concernant l'approche fondée sur la mise en valeur utilisée par M. Weatherby pour évaluer le bien considéré en l'espèce, on a souligné que, d'après ce qu'il avait dit, M. Chappell lui-même ne contestait pas la valeur de cette approche. M. Chappell a expliqué qu'il n'avait pas utilisé cette approche parce qu'il n'avait pas assez de données, mais il a affirmé que l'entreprise Turner & Drake Partners Ltd. aurait pu être fondée à utiliser cette approche si elle avait eu des données suffisantes.

Arguments de l'intimée — valeur au jour de l'évaluation

[142]        L'avocate de l'intimée, Me Legault, a souligné que, d'après M. Chappell, l'utilisation optimale à cette époque consistait à détenir le bien considéré en l'espèce pour une mise en valeur résidentielle future. M. Chappell justifiait ce point de vue en disant que, à l'époque, la mise en valeur tendait à se faire davantage en direction est par rapport au bien considéré en l'espèce, là où les services étaient déjà disponibles. À cet égard, Me Legault a également fait remarquer que M. Weatherby reconnaissait que deux possibilités s'offraient au promoteur : attendre que les services soient amenés jusqu'au bien ou engager les frais nécessaires pour assurer l'accès au réseau d'égout. À ce sujet, elle a mentionné que M. Weatherby n'avait pas tenu compte du coût du raccordement au réseau d'égout dans la détermination de la valeur au jour de l'évaluation, alors qu'il avait insisté pour que la valeur de l'ensemble du bien en 1990 soit réduite de 140 000 $ compte tenu de ce coût. De plus, elle a mentionné que les travaux auraient été plus importants et plus coûteux en 1971, parce que la distance entre le bien considéré en l'espèce et le réseau municipal était plus grande à cette époque, car le réseau d'égout passant sous la rue Portland n'était pas en place.

[143]        Concernant le zonage, Me Legault a fait remarquer que le zonage mixte (zone résidentielle assortie d'une mise en valeur commerciale mineure) n'était pas un zonage de plein droit au jour de l'évaluation. Il fallait l'approbation du conseil municipal, qui doit adopter le règlement. Aucun rajustement ou réduction n'a été prévu de manière à tenir compte de ces frais comme l'avaient fait les deux témoins experts dans le cas du rapport relatif à la valeur en 1990. De plus, aucun facteur de probabilité de rezonage, d'aversion pour le risque ou de coût de détention n'a été pris en compte quant à la valeur au jour de l'évaluation des terrains considérés en l'espèce.

[144]        L'avocate de l'intimée a également discuté des biens comparables utilisés par M. Weatherby. Les ventes que ce dernier avait considérées s'étalaient sur une période de 10 ans, soit de 1965 à 1976. L'avocate de l'intimée contestait l'utilisation, comme ventes comparables, de ventes réalisées assez longtemps après la date effective d'évaluation, pour le motif que les prix de biens vendus après le jour de l'évaluation peuvent tenir compte de tendances qui n'existaient pas à l'époque. L'évaluateur avait l'avantage de voir les choses avec un certain recul. En formulant ces observations, l'avocate de l'intimée se fondait sur les pratiques normalisées en matière d'expertise professionnelle. Elle a également attiré mon attention sur les décisions rendues par notre cour dans les affaires Grove Crest Farms Ltd. v. Canada2 et Gulliver's Travels Motor Hotel Ltd. v. M.N.R.3.

[145]        L'avocate de l'intimée a également dit que le témoin expert de l'appelante avait déterminé le rajustement en fonction du temps en se fondant sur des règlements d'indemnisation judiciaires concernant deux expropriations survenues en 1972 et en 1975 respectivement. En examinant 20 ventes et reventes de maisons unifamiliales effectuées entre 1971 et 1974, M. Chappell avait estimé le taux d'augmentation à 20 p. 100 par année en moyenne. Toutefois, l'inflation annuelle globale étant de 8,3 p. 100 à cette époque, M. Chappell avait déterminé qu'un pourcentage de 14 p. 100 représentait un meilleur rajustement concernant les augmentations des prix de lots vacants. Me Legault a aussi mentionné que M. Weatherby avait utilisé un " indice des prix résidentiels " pour déterminer le facteur de rajustement dans son rapport relatif à la valeur en 1990, mais pas dans son rapport relatif à la valeur en 1971.

[146]        En ce qui a trait à la liste de biens comparables utilisée par M. Weatherby, Me Legault a d'abord dit que les biens comparables 1 et 8 utilisés par M. Weatherby ne représentaient pas des ventes réelles puisqu'il s'agissait de ventes forcées. Elle concluait donc que cela n'entrait pas dans la définition de la juste valeur marchande. Elle a également souligné que le bien comparable no 8 du rapport de M. Weatherby se distingue du bien considéré en l'espèce à d'autres égards mentionnés par M. Chappell. Elle a également dit que les biens comparables 4 et 9 utilisés par M. Weatherby ne devraient pas être considérés, car ils étaient zonés de manière à permettre une utilisation commerciale, ce qui, intrinsèquement, leur confère une valeur plus élevée que celle de terrains zonés R-1. Le bien comparable no 4 a ultérieurement donné lieu à la construction d'un grand centre commercial, soit le centre commercial Penhorn. Le bien comparable no 9 a une superficie beaucoup plus petite que le bien considéré en l'espèce, ce qui donne une valeur à l'acre plus élevée.

[147]        L'avocate de l'intimée a fait valoir avec force à la Cour que les biens comparables nos 3, 5, 6 et 7 utilisés par M. Weatherby étaient très indicatifs de la valeur au jour de l'évaluation du bien considéré en l'espèce. Ces biens étaient tous zonés de manière à permettre une utilisation résidentielle à cette époque. Le bien comparable no 3 aurait une valeur de 8 703 $ l'acre si le rajustement en fonction du temps prévu par M. Chappell était utilisé. De plus, les services d'égout étaient immédiatement accessibles, ce qui n'était pas le cas du bien considéré en l'espèce. Le bien comparable no 5 était essentiellement un terrain rural, mais on a fait remarquer qu'il y avait eu ultérieurement une mise en valeur importante du côté de la rue Portland, à l'est du périphérique, ce qui avait permis au propriétaire de vendre ce terrain à un prix beaucoup plus élevé.

[148]        L'avocate de l'intimée en concluait que la valeur de 14 500 $ l'acre avancée par l'expert de l'appelante était beaucoup trop élevée. À son avis, le bien comparable no 6 utilisé par M. Weatherby serait un bon indicateur de la valeur si un rajustement en fonction du temps de 14 p. 100 était utilisé plutôt qu'un rajustement de 6 p. 100. Elle soutenait, concernant le bien comparable no 7, que celui-ci avait un grand potentiel commercial, quoiqu'il ait été l'objet d'une mise en valeur résidentielle. Néanmoins, d'après l'intimée, le bien comparable no 7 avait probablement une valeur plus élevée que le bien considéré en l'espèce.

[149]        En conclusion, les biens comparables utilisés par le témoin expert de l'intimée correspondent à des périodes plus contemporaines du jour de l'évaluation et avaient un zonage semblable à celui du bien considéré en l'espèce. Ils représentent un meilleur indicateur de la valeur marchande au jour de l'évaluation, donc de la juste valeur marchande, à cette époque, du bien considéré en l'espèce.

Valeur en 1990

[150]        Me Legault a fait remarquer qu'il y avait moins de facteurs sur lesquels les deux témoins experts divergeaient d'opinion concernant la valeur en 1990 du bien considéré en l'espèce.

[151]        Elle a rappelé à la Cour que M. Chappell avait utilisé les biens comparables nos 6 et 7, qui étaient semblables au bien considéré en l'espèce, notamment pour ce qui est du zonage et des frais de raccordement au réseau d'égout. Il avait fait la moyenne des deux valeurs, soit 28 930 $ et 42 365 $ l'acre. Les biens comparables 6 et 7 du rapport de M. Chappell se rapportent aux mêmes parcelles que les biens comparables 1 et 2 indiqués par M. Weatherby dans son " tableau des ventes de terrains résidentiels ". Elle a fait remarquer que les biens comparables 3, 4 et 5 utilisés par M. Weatherby correspondent à des ventes qui ont eu lieu plusieurs années avant la date effective de l'évaluation relative à l'année 1990 et qui sont donc moins représentatives de l'état du marché au 12 janvier 1990.

[152]        Pour ce qui est de la partie commerciale du terrain, Me Legault a fait remarquer que M. Chappell avait déterminé une valeur de 15 $ le pied carré, qu'il avait toutefois ramenée à 12,80 $ compte tenu du coût de raccordement au réseau d'égout. Elle alléguait que M. Weatherby, en arrivant à une valeur de 11 $ le pied carré, n'aurait pas dû réduire cette valeur pour tenir compte du coût de raccordement au réseau d'égout parce que la valeur de 11 $ le pied carré qu'il a initialement déterminée tient déjà compte de ce coût. Elle a en outre souligné que seulement un des biens comparables utilisés par M. Weatherby a une valeur inférieure à 11 $ le pied carré, soit la valeur déterminée par M. Weatherby, alors que les prix de vente d'autres biens comparables utilisés par M. Weatherby sont beaucoup plus près de la valeur établie par M. Chappell. Néanmoins, M. Weatherby avait gardé les biens comparables 18, 19 et 20 utilisés dans son rapport comme étant les meilleurs indicateurs de la valeur. Concernant le bien comparable no 18, elle a mentionné qu'il s'agissait d'un petit lot commercial situé près du bien considéré en l'espèce et que, toutefois, ce lot a une valeur inférieure à celle du bien considéré en l'espèce parce que, comme l'a mentionné M. Weatherby, il y a moins de circulation dans cette partie de la rue Portland, où il y a deux voies de circulation. En ce qui a trait au bien comparable no 19, l'avocate de l'intimée a fait remarquer que ce bien est plus près du centre-ville et elle a mentionné que M. Weatherby avait déclaré dans le cadre de son témoignage que ce n'était pas dans ce secteur de la ville qu'il y avait une mise en valeur. Quant au bien comparable no 20, il était situé dans un secteur industriel, et les deux parties convenaient qu'il avait une valeur inférieure à celle du bien considéré en l'espèce. L'avocate de l'intimée contestait la décision de M. Weatherby de ne pas tenir compte de ses propres biens comparables 14, 15a et 15b parce qu'ils étaient situés à l'est du périphérique et qu'ils avaient donc une plus grande valeur. D'après elle, ces trois biens étaient beaucoup plus semblables au bien considéré en l'espèce que ceux que M. Weatherby considérait comme représentant des transactions plus comparables.

[153]        L'avocate de l'intimée contestait aussi le facteur d'aversion pour le risque, qu'elle considérait comme ayant une utilisation obscure, soit un facteur que M. Weatherby avait ajouté à celui de la probabilité d'un rezonage. D'après l'avocate de l'intimée, le facteur d'aversion pour le risque ne fait que réduire d'une manière factice la valeur du bien. Cependant, l'effet combiné de ces deux facteurs — soit l'aversion pour le risque et la probabilité d'un rezonage, avec les pourcentages y attribués — pris en compte par M. Weatherby donne une probabilité de 63 p. 100, tandis que M. Chappell arrive à une probabilité de rezonage de 70 p. 100.

[154]        Me Legault contestait aussi le point de vue de M. Weatherby quant à une réduction supplémentaire de 10 000 $ au titre des honoraires professionnels. Elle a fait remarquer que M. Weatherby n'avait pas réduit d'un montant semblable la valeur à laquelle il était arrivé pour 1971. La valeur de 70 p. 100 déterminée par M. Chappell tient compte de tous ces frais et de tous ces risques.

[155]        Concernant le coût de détention, on a fait valoir pour l'intimée que le chiffre de 18 mois utilisé par M. Weatherby est excessif et qu'il se fonde uniquement sur le fait que la ville de Dartmouth était en train de réviser son plan directeur en matière d'aménagement du territoire. Elle soutenait qu'une période de 12 mois est suffisante à en juger par les demandes de zonage présentées à la ville. Les représentants de la ville, d'après elle, n'étaient pas enclins à accepter une importante mise en valeur commerciale, mais un aménagement semblable à celui dont M. Weatherby faisait état serait fort probablement approuvé.

[156]        En ce qui a trait à la partie du bien considéré en l'espèce qui pourrait être l'objet d'une mise en valeur commerciale, on faisait valoir que le plan proposé par M. Chappell, plan qui se fonde sur d'autres lotissements commerciaux donnant sur la rue Portland, était plus réaliste que le plan avancé par M. Weatherby.

Approche fondée sur la mise en valeur

[157]        L'intimée soutenait que l'approche fondée sur la mise en valeur devrait être utilisée avec circonspection. À cet égard, elle invoquait le témoignage de M. Chappell selon lequel ce dernier n'avait pas employé cette méthode parce qu'il n'y avait pas assez de données au moment de l'évaluation. Elle soulignait en outre que M. Weatherby lui-même considérait que cette approche était plus subjective que l'approche fondée sur les ventes comparables et nécessitait l'utilisation d'un plus grand nombre d'hypothèses. L'avocate de l'intimée concluait que l'approche fondée sur la mise en valeur n'est pas aussi valable que l'approche fondée sur les ventes comparables.

Analyse

[158]        Je vais d'abord traiter de la question de la valeur au jour de l'évaluation du bien considéré en l'espèce.

[159]        À l'audience, on s'entendait pour dire que la superficie totale du bien considéré en l'espèce était de 25,89 acres. Se fondant là-dessus, l'appelante estimait la valeur au jour de l'évaluation à 375 000 $, tandis que l'intimée l'estimait à 129 450 $.

[160]        Dans la détermination de la valeur, au 31 décembre 1971, du bien considéré en l'espèce, je suis d'accord avec le témoin expert de l'appelante et je conclus qu'une mise en valeur résidentielle assortie d'une composante commerciale mineure pour desservir le secteur résidentiel représente l'utilisation optimale du bien. Cette conclusion se justifie dans une large mesure du fait qu'un gros centre commercial, le centre commercial Penhorn, a été construit en face des terrains considérés en l'espèce en 1971 — le regroupement nécessaire de parcelles aux fins de cette construction ayant commencé en 1968, et la construction des résidences à cet emplacement ayant été terminée en 1973. À mon avis, le témoin expert de l'intimée a eu tort de ne pas attacher suffisamment d'importance à cet élément de la situation globale.

[161]        D'un autre côté, je ne suis pas enclin à accorder beaucoup de poids aux règlements d'indemnisation judiciaires concernant les biens comparables 1 et 8 du rapport de M. Weatherby. Un de ces biens a été exproprié en mai 1972, et l'autre, en 1975. Tout d'abord, il s'agissait de " ventes forcées ". De plus, certaines des caractéristiques physiques du bien comparable no 8 du rapport de M. Weatherby sont très différentes de celles du bien considéré en l'espèce.

[162]        Je ne crois pas que le bien comparable no 1 du rapport de l'intimée, soit un terrain comportant une pente de 20 ou 21 p. 100 le long d'une grande partie du côté ouest, corresponde à une bonne transaction comparable. M. Chappell a reconnu que des frais d'aménagement supplémentaires devraient être engagés. L'emplacement en question était en outre beaucoup plus grand que le terrain considéré en l'espèce.

[163]        Après avoir attentivement examiné les huit biens comparables énumérés par M. Weatherby au " tableau des ventes de terrains " de son rapport sur la valeur au jour de l'évaluation du bien considéré en l'espèce, ainsi que les cinq biens comparables mentionnés dans le " tableau des ventes de terrains au jour de l'évaluation " du rapport de M. Chappell, j'ai conclu que la valeur du terrain considéré en l'espèce au 31 décembre 1971 se situerait quelque part entre la valeur du bien comparable no 5 du rapport de M. Weatherby (bien comparable no 4 du rapport de M. Chappell) — le prix rajusté du terrain étant d'environ 8 $ l'acre — et la valeur du bien comparable no 3 du rapport de M. Weatherby (non mentionné dans le " tableau des ventes de terrains au jour de l'évaluation " de M. Chappell), soit une valeur rajustée de 10 567 $, d'après M. Weatherby.

[164]        Compte tenu de tous les facteurs pertinents, j'ai fixé la valeur, au jour de l'évaluation, du bien considéré en l'espèce à 9 500 $ l'acre. Je suis donc arrivé à une valeur de 245 955 $ pour l'ensemble du bien considéré en l'espèce, soit une superficie de 25,89 acres. J'ai arrondi ce montant total à 246 000 $.

[165]        Je vais maintenant traiter de la valeur du bien en question au moment où M. Jan Reiss est réputé en avoir disposé, soit le 12 janvier 1990, jour du décès de M. Reiss.

[166]        Tout d'abord, le témoin expert de l'appelante ne m'a pas convaincu qu'il convenait ici d'utiliser l'approche fondée sur la mise en valeur. Je conviens avec M. Chappell qu'il n'y avait pas assez de données à l'époque de l'évaluation. En l'espèce, il y a de nombreux éléments subjectifs dans une évaluation selon l'approche fondée sur la mise en valeur. Un certain nombre de rajustements devraient être faits. Il est bien reconnu que, dans une évaluation, plus il y a de rajustements à faire, moins les conclusions sont fiables.

[167]        Sur la foi de la preuve, je suis convaincu que l'approche fondée sur les ventes comparables doit être utilisée en l'espèce pour déterminer la valeur du bien au 12 janvier 1990.

[168]        Comme je l'ai fait remarquer précédemment, les deux experts n'étaient pas d'accord concernant la répartition entre la composante commerciale et la composante résidentielle du bien considéré en l'espèce.

[169]        Le témoin expert de l'intimée estimait que 2,5 acres pourraient donner lieu à une mise en valeur commerciale, tandis que le témoin expert de l'appelante considère qu'environ deux acres pourront donner lieu à une utilisation commerciale. Me fondant sur une analyse détaillée des éléments de preuve, je suis convaincu que, selon toute vraisemblance, deux acres pourraient donner lieu à une utilisation commerciale. Les observations détaillées de M. Weatherby m'ont convaincu, et je considère son témoignage à cet égard comme étant plus crédible.

[170]        Pour ce qui est de l'approche fondée sur les ventes comparables, les deux parties étaient essentiellement d'accord que la valeur de la composante résidentielle du bien considéré en l'espèce au 12 janvier 1990 devrait être fixée à 35 000 $ l'acre. Je dis " essentiellement d'accord ", car je ne néglige pas le fait que l'appelante a déduit 140 000 $ des valeurs attribuées à la composante résidentielle et à la composante commerciale, pour tenir compte des frais à engager pour que le bien considéré en l'espèce soit raccordé à la canalisation municipale d'égout. Je suis convaincu que la valeur de la composante résidentielle du bien considéré en l'espèce, y compris tous les frais à engager, est de 35 000 $ l'acre au 12 janvier 1990. La valeur totale de la partie résidentielle du bien est donc de 836 500 $, c'est-à-dire 23,9 acres x 35 000 $.

[171]        L'approche fondée sur les ventes comparables doit maintenant être considérée pour déterminer la valeur de la partie commerciale du bien, soit une parcelle qui, comme je viens de le dire, devrait être égale à deux acres.

[172]        Tout d'abord, les deux parties convenaient que le rezonage de cette partie du bien n'était pas disponible de plein droit et qu'un permis de zonage était nécessaire pour procéder à une telle utilisation.

[173]        L'expert de l'appelante estime qu'il faudra au moins un an et demi avant qu'une approbation puisse être obtenue de la municipalité. L'expert de l'intimée estime que l'approbation du rezonage pourrait être donnée avant un an. J'accepte la preuve présentée par l'appelante et conclus qu'une période de 18 mois représentait une appréciation réaliste de la situation. Le coût de détention pour une période de 18 mois devrait donc être estimé.

[174]        Concernant le taux annuel d'intérêt à utiliser pour le calcul du coût de détention du bien considéré en l'espèce, j'accepte le témoignage de M. Weatherby selon lequel le taux de 13,75 p. 100 était le taux annuel d'intérêt payé en janvier 1990 par les promoteurs sur l'argent emprunté pour réaliser des projets de mise en valeur de terrains. Le taux de 13,75 p. 100 par année devrait donc être utilisé dans les calculs nécessaires.

[175]        Concernant le coût de détention du bien, j'accepte le facteur de 0,8243 mentionné par M. Weatherby à la page 16 de son rapport sur la valeur en 1990. Ce facteur doit servir à déterminer la valeur au 12 janvier 1990 de la composante commerciale du bien considéré en l'espèce.

[176]        Un facteur de probabilité doit être appliqué à la valeur de la composante commerciale pour tenir compte de la possibilité qu'un rezonage de cette partie du bien ne soit pas accepté par le conseil municipal. Comme je l'ai mentionné précédemment, le témoin expert de l'appelante a utilisé à cet égard deux facteurs, soit la probabilité d'un rezonage et l'aversion pour le risque. Le témoin expert de l'appelante a ainsi estimé qu'un pourcentage de 63 p. 100 tient compte de tous les risques en cause pour ce qui est d'obtenir l'approbation du rezonage. Le témoin expert de l'intimée n'a mentionné qu'un facteur, qu'il appelait la probabilité du rezonage, et a déterminé à cet égard un pourcentage de 70 p. 100.

[177]        Je conclus que la probabilité d'un rezonage devrait se situer à 70 p. 100. Ce pourcentage me semble une estimation juste de tous les risques relatifs à l'obtention du rezonage de la partie pertinente du bien considéré en l'espèce.

[178]        Je conclus que, dans la liste de biens comparables à la composante commerciale du bien considéré en l'espèce, les terrains comparables 19 du rapport de M. Weatherby et 15 du rapport de M. Chappell sont les meilleurs indicateurs de la valeur. J'ai conclu que la composante commerciale du bien devrait être évaluée à 12 $ le pied carré. Comme j'ai déterminé que la partie commerciale totale du bien est de 86 800 pieds carrés, sa valeur totale, à 12 $ le pied carré, est de 1 041 600 $.

[179]        Comme je l'ai mentionné précédemment, la valeur de la partie commerciale doit être réduite des éléments suivants :

Coût de détention — 0,8243 x 1 041 600 $ = 858 590,88 $

Facteur de probabilité de rezonage — 858 590,88 $ x 70 % = 601 013,61 $, montant que j'ai arrondi à 600 000 $.

[180]        Je suis donc parvenu à la conclusion que la valeur de l'ensemble du bien au 12 janvier 1990 est la suivante :

                Partie résidentielle                 836 000 $

                Partie commerciale                600 000 $

                Total        1 436 000 $.

[181]        Je n'ai pas considéré comme élément distinct le coût de raccordement du bien considéré en l'espèce à la canalisation d'égout, évalué par M. Weatherby à 140 000 $ sur la base d'une estimation de l'entreprise Project Consultants Limited, car ce coût a été pris en compte dans ma détermination de la valeur de la composante résidentielle et de la composante commerciale des terrains considérés en l'espèce.

[182]        En conséquence, l'appel de la cotisation établie à l'égard de feu Jan Reiss pour l'année d'imposition 1990 est admis, et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation, compte tenu du fait que les valeurs du bien considéré en l'espèce étaient les suivantes aux dates ci-après mentionnées :

                au 31 décembre 1971            246 000 $

                au 12 janvier 1990 1 436 000 $.

[183]        Comme le succès est divisé, les parties prendront en charge leurs propres frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de mars 1998.

" Alban Garon "

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme le 22 juin 1998

Mario Lagacé, réviseur



1 Transcription, 10 avril 1997, page 168, ligne 17.

2 [1995] 1 C.T.C. 2615.

3 [1993] 1 C.T.C. 2236.

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