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Date: 20001205

Dossier: 2000-2649-IT-I

ENTRE :

DEAN ARCHIBALD,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

La juge Campbell

[1]            Le ministre a établi une nouvelle cotisation, datée du 1er mars 1999, à l'égard de la déclaration de revenus de 1995 de l'appelant en ajoutant 55 165 $ à son revenu découlant de gains en capital. Une pénalité lui a été imposée en vertu de l'article 163 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la " Loi ") pour avoir omis de déclarer ce montant de gain lors de la production de sa déclaration de 1995.

[2]            L'appelant a interjeté appel à l'encontre de l'imposition de cette pénalité. L'unique question dont je suis saisie est celle de savoir si les pénalités ont été correctement imposées contre l'appelant en ce qui concerne son année d'imposition 1995.

[3]            L'avocat de l'appelant et l'avocate de l'intimée ont présenté un recueil de pièces commun. Les faits menant à l'imposition de la pénalité sont fondamentalement admis. Une compagnie, appelée Tomara Realty Limited, a été constituée en société par le frère de l'appelant un certain nombre d'années avant 1995. L'appelant n'a jamais pris part activement à l'exploitation de la compagnie. Il était un administrateur, mais il n'a jamais participé aux réunions des administrateurs. Le capital social de la compagnie était organisé de la manière suivante :

                Dean Archibald                    22,22 p. 100

                Martha Archibald                                 77,78 p. 100

[4]            La deuxième actionnaire, Martha Archibald, était la conjointe du frère de l'appelant. À l'automne 1994, la tension a monté, un conflit est survenu entre les deux frères, et l'appelant a déclaré qu'il " souhaitait sortir de ce gâchis ".

[5]            Les actions de l'appelant étaient évaluées à 78 306 $. Il avait été convenu qu'il recevrait ce montant et qu'il se retirerait de la compagnie.

[6]            Le comptable de l'appelant, Ross Casey, a indiqué dans son témoignage que la conjointe de l'appelant lui avait remis une lettre datée du 1er novembre 1994 (onglet 22 du recueil de pièces 2) et envoyée par Gary Bickerton, le comptable de la compagnie, à l'appelant. Cette lettre dressait la liste des différents scénarios et présentait l'analyse de M. Bickerton concernant la manière dont la partie imposable du montant de 55 165 $ dû à l'appelant lui serait versée. Les notes manuscrites de M. Casey en réponse au contenu de cette lettre sont annexées à la lettre dans le recueil de pièces. M. Casey a indiqué dans son témoignage qu'après avoir examiné cette lettre, il avait eu une conversation téléphonique avec M. Bickerton, au cours de laquelle il avait discuté de la manière dont l'appelant pourrait recevoir ces sommes et réduire les conséquences fiscales à son endroit. M. Bickerton devait de nouveau examiner la question et communiquer avec M. Casey, mais, à cette époque, rien n'avait été réglé quant à la manière dont le paiement serait accompli pour l'appelant. Il n'y a pas eu d'autre conversation entre ces deux comptables, puisque M. Bickerton n'a jamais rappelé M. Casey au sujet de ces questions. M. Casey ne s'est jamais occupé des affaires de l'appelant dans Tomara Realty Limited avant la réception de la lettre de novembre 1994. M. Casey et l'appelant n'avaient jamais discuté de cette compagnie auparavant dans le cadre de leur relation d'affaires. M. Casey, selon son témoignage, a perdu de vue la question, et personne ne l'a de nouveau portée à son attention avant 1998.

[7]            Après la lettre du 1er novembre 1994, envoyée par le comptable de la compagnie à l'appelant (laquelle a été examinée par le comptable de l'appelant), Gary Bickerton a encore une fois écrit à l'appelant le 9 janvier 1995 (onglet 6 du recueil de pièces 2), l'informant du fait que sa part des surplus de la compagnie s'élevait à 78 306 $. La lettre se poursuit ainsi :

                                [TRADUCTION]

[...] de ce montant, 23 141 $ seront libres d'impôt, et le solde de 55 165 $ vous sera imposable.

À la date où cette lettre a été écrite, la compagnie avait payé à l'appelant un total de 60 000 $ en décembre 1994. Il a finalement reçu le solde de 18 306 $ en mars 1995, moment auquel il a rendu ses certificats d'actions et a démissionné en tant qu'administrateur de la compagnie.

[8]            Du montant total de 78 306 $ dû à l'appelant, la compagnie a produit un formulaire portant sur le choix concernant un dividende en capital de 23 141 $, montant qui était non imposable à l'appelant. Le solde de 55 165 $ était indiqué dans les livres de la compagnie comme le paiement d'allocations de présence en 1995. L'appelant n'a pas inclus le montant de 55 165 $ dans son revenu de 1995.

[9]            Revenu Canada a envoyé à l'appelant une demande de renseignements datée du 23 juin 1998 et l'informant que les allocations de présence de 55 165 $ déclarées par la compagnie et payées à l'appelant n'avaient pas été déclarées. C'est à cette étape que l'appelant a senti qu'il avait encore besoin de l'avis de son comptable au sujet de son obligation fiscale possible. Un formulaire de demande de redressement d'une T1 a été produit. Après qu'une décision, selon laquelle le montant de 55 165 $ devait être déclaré à titre de gain en capital imposable plutôt qu'à titre d'allocations de présence, a été rendue, une nouvelle classification a été acceptée par Revenu Canada le 9 novembre 1998, et l'impôt correspondant a été payé immédiatement. Cela n'est pas en litige.

[10]          L'appelant ne conteste pas avoir reçu ces sommes au titre de la disposition de ses actions de Tomara Realty Limited. Il est clair, toutefois, que l'appelant ne les a pas déclarées. L'omission de les déclarer en 1995 a donné lieu à l'imposition de la pénalité en vertu de l'article 163 de la Loi.

[11]          La partie pertinente du paragraphe 163(2) prévoit que :

Toute personne qui, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde dans l'exercice d'une obligation prévue à la présente loi ou à son règlement, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration, un formulaire, un certificat, un état ou une réponse - appelé " déclaration " au présent article - rempli, produit ou présenté, selon le cas, pour une année d'imposition conformément à la présente loi ou à son règlement, ou y participe, y consent ou y acquiesce est passible d'une pénalité égale, [...]

[12]          Le paragraphe 163(3) établit que le fardeau de la preuve repose sur le ministre et il y est précisé que :

Dans tout appel interjeté, en vertu de la présente loi, au sujet d'une pénalité imposée par le ministre en vertu du présent article, le ministre a la charge d'établir les faits qui justifient l'imposition de la pénalité.

[13]          L'avocate de l'intimée s'est fondée sur le témoignage de deux agents de Revenu Canada qui sont intervenus dans la cause de l'appelant. Le premier témoin, Patricia McCann, a déclaré que la décision d'imposer une pénalité reposait sur deux facteurs :

(1)            le montant de 55 165 $ non inclus dans le revenu en 1995 était si important, comparativement aux autres revenus de l'appelant pour cette année-là, qu'il aurait dû être évident pour lui de l'inclure dans son revenu;

(2)            l'appelant connaissait ce montant, l'avait reçu, mais avait intentionnellement omis de le déclarer.

[14]          Le deuxième témoin, Carla Thoms, a également déclaré que l'appelant avait reçu ce montant et aurait dû savoir, en tant qu'homme d'affaires chevronné, qu'il devait l'inclure dans son revenu.

[15]          L'inclusion de ce montant dans sa déclaration de revenus de 1995 aurait augmenté son revenu d'environ 45 p. 100 pour cette année-là. La preuve a également démontré qu'il ne lui arrivait pas fréquemment de disposer d'actions. L'avocate de l'intimée a par conséquent considéré que cette transaction était unique. Pourtant, aucune autre démarche n'a été entreprise par l'appelant pour la déclarer comme revenu. Je me serais certainement attendu à ce que l'appelant communique avec son comptable pour faire un suivi de sa demande initiale en 1994. Il savait qu'il y aurait des conséquences fiscales après la lettre du 1er novembre 1994 et, conséquemment, il a demandé à sa conjointe d'en donner une copie au comptable. Même s'il avait oublié cela après la réception du montant de 60 000 $, en décembre 1994, il a reçu la deuxième lettre du 9 janvier 1995 du comptable de la compagnie, l'informant que 55 165 $ serait imposable. Peu importe la manière dont ce montant était qualifié, il devait y avoir des conséquences fiscales. Ensuite, il a reçu le montant final de 18 306 $ en mars 1995 et encore une fois, il n'a rien fait. En réalité, il n'a rien entrepris d'autre pour s'occuper de ces montants avant que Revenu Canada ne communique avec lui, trois ans plus tard.

[16]          Il revient au ministre de justifier l'imposition d'une pénalité. Comme l'a déclaré le juge Cattanach dans l'affaire Udell c. M.R.N. (1970) R.C.E. 176 ([1969] C.T.C. 704), l'article en question constitue une disposition pénale et doit être interprété de façon restrictive. L'affaire Venne c. Canada, C.F. 1re inst., no T-815-82, 9 avril 1984 ([1984] C.T.C. 233) a confirmé que cet article permettait l'imposition de pénalités uniquement dans les affaires où il existait " un degré élevé de faute, notamment la connaissance ou la mauvaise conduite insouciante ".

[17]          Il n'est pas inhabituel que M. Casey n'ait jamais parlé directement à l'appelant de la question en litige. Dans le cadre d'une relation de treize années avec son comptable, il a régulièrement permis à sa conjointe de traiter en son nom avec le comptable. L'appelant a indiqué dans son témoignage qu'il ne pouvait se rappeler avoir discuté de la question avec son comptable, mais qu'il l'avait probablement fait avec sa conjointe. Selon la pratique habituelle qui a toujours eu cours, la conjointe de l'appelant s'occupait des questions financières, des déclarations de revenus, des investissements, etc., au nom de l'appelant. M. Casey traitait régulièrement avec la conjointe de l'appelant, qui possédait des connaissances en comptabilité et qui, selon le témoignage de M. Casey, était extrêmement compétente. Le témoignage de l'appelant a également soutenu ce fait. L'appelant a déclaré qu'il lui déléguait ces responsabilités et qu'il confiait à son comptable et à sa conjointe le soin de s'occuper de ses opérations financières. Cela peut être le cas, mais l'appelant est le contribuable et il est la personne qui a reçu l'argent et qui est en bout de ligne responsable de l'obligation fiscale. Le comptable ne pouvait s'occuper des opérations financières de l'appelant que s'il recevait les renseignements appropriés. L'appelant a reçu l'argent. Toutes les lettres ayant trait à l'argent lui étaient adressées. Il a déclaré au cours de son témoignage ne pouvoir se rappeler si, en 1995, il savait que le montant de 55 165 $ devait être déclaré. En tant qu'homme d'affaires chevronné ayant reçu de l'argent de différentes sources au cours des années, il aurait dû savoir qu'il y aurait des conséquences fiscales. En réalité, la lettre du 5 janvier 1995 l'informait de ce fait. La lettre ne précisait pas la manière dont il serait imposé, mais une personne raisonnable aurait été poussée à obtenir un avis comptable afin d'en être informée.

[18]          Le libellé de cet article prévoit qu'il doit y avoir une intention de dissimuler une opération taxable. La pénalité ne s'applique pas en cas de simple erreur ou d'omission. Pour confirmer l'imposition de cette pénalité, je dois conclure que la conduite de l'appelant était plus répréhensible qu'elle ne l'aurait été autrement. L'appelant a omis de déclarer le revenu. Il a déclaré qu'il attendait que quelqu'un lui dise quelle démarche entreprendre pour voir si le montant serait déclaré à titre de revenu. Il a continué en disant qu'il avait " simplement oublié la question jusqu'à ce qu'elle remonte à la surface ". Aucun feuillet T4 ou T5 n'a été délivré par la compagnie, mais la lettre du 9 janvier 1995, envoyée par le comptable de la compagnie à l'appelant, précise que " le solde de 55 165 $ sera imposable ". Il s'agissait d'une directive écrite claire adressée à l'appelant, selon laquelle il devait déclarer le montant ou obtenir un avis comptable et terminer ce qu'il avait commencé en novembre 1994. Il était un homme d'affaires chevronné qui a continué avec insouciance à ne pas tenir compte de ce que toute autre personne considérerait comme un appel à l'attention. Le comptable a déclaré qu'il aurait pu repérer les paiements si les circonstances avaient été différentes, mais la déclaration de 1995 de l'appelant aurait été terminée en 1996, plus de une année après la réception des sommes. Je ne sais pas comment le comptable s'y serait pris sans les renseignements supplémentaires au sujet des paiements. Si le comptable avait traité avec Tomara Realty avant l'incident de novembre 1994, celui-ci aurait pu refaire surface pour une autre raison et être repéré. Toutefois, cela n'a pas été le cas. La responsabilité de l'appelant en l'espèce était de déclarer la réception de ces montants à son comptable et d'obtenir son avis à ce sujet. Il ne s'agit pas d'un cas où le comptable a fait une erreur de comptabilité.

[19]          Le comptable a indiqué dans son témoignage que l'appelant était un homme d'affaires prospère qui prenait part à l'exploitation de différentes entreprises et qui, comme il l'a dit, " était habitué à brasser de l'argent ". Le comptable a cru qu'il était facile pour l'appelant de perdre de vue ce montant de 55 165 $, puisque ce chiffre ne représentait pas un montant d'argent important pour lui. Il a également déclaré que ce type de vente d'actions était typique des relations d'affaires auxquelles l'appelant prenait généralement part. Toutefois, les faits et ces déclarations de revenus ont révélé qu'au cours des années antérieures, son revenu provenait de différentes sources, telles que des revenus de placement, des dividendes, des gains en capital, etc. En tant qu'homme d'affaires chevronné ayant un revenu provenant de telles sources, même si le montant n'était pas important pour lui, il devait quand même savoir que la réception de 55 165 $ aurait certaines conséquences fiscales. Je crois qu'étant un homme d'affaires astucieux, s'il n'avait pas reçu le paiement final de 18 306 $ en mars 1995, il n'aurait jamais cédé ses actions de la compagnie. Cela, à la suite d'une analyse, rend important le montant très inférieur de 18 306 $ reçu par l'appelant.

[20]          Les faits justifient l'imposition d'une pénalité en vertu de l'article 163 de la Loi. L'appelant a sciemment commis une omission dans sa déclaration de revenus. Il ne s'agissait pas d'une simple erreur. Il savait avoir reçu des sommes imposables de quelque manière. Le comptable de la compagnie lui avait indiqué quelle partie de ces sommes était imposable. Il a cru cet événement assez important, en novembre 1994, pour communiquer avec le comptable. Il était un homme d'affaires chevronné qui recevait de l'argent de différentes sources. Son comptable a indiqué dans son témoignage que la partie imposable du montant de 55 165 $ n'était pas un montant important pour l'appelant en comparaison de l'argent reçu pendant les années d'imposition antérieures. Toutefois, au cours de l'année en litige, la réception de ce montant aurait augmenté le revenu de 45 p. 100, selon les allégations de l'avocate de l'intimée. Pendant cette année, il aurait représenté un montant important. L'appelant a indiqué dans son témoignage qu'il ne se rappelait pas avoir su que le montant de 55 165 $ était imposable. Il l'avait manifestement su, puisqu'il en avait par écrit été informé par la compagnie. Il a simplement choisi de ne pas tenir compte de ce fait pendant trois années sous le prétexte qu'il attendait que quelqu'un lui dise quoi faire avec ce montant. Il a sciemment commis cette omission dans sa déclaration de revenus et est par conséquent passible de cette pénalité.

[21]          L'avocat de l'appelant a soutenu que la compagnie ou ses agents avaient délibérément tenté d'induire l'appelant en erreur en retenant des renseignements portant sur le classement du paiement de 55 165 $ en tant qu'allocations de présence, lui imposant ainsi le fardeau fiscal le plus important. Je ne tire aucune conclusion quant à ces allégations, puisque ma décision est fondée sur les conclusions de fait portant sur la conduite de l'appelant.

[22]          Les faits de sa cause justifient également une conclusion de faute lourde. La conduite de l'appelant était insouciante et volontaire ou, à tout le moins, elle a démontré une indifférence à l'égard des conséquences de ses actions. Il ne s'agit pas simplement d'un manque d'attention en l'espèce. Peu importe la manière dont une personne souhaite considérer cette conduite, le résultat final est le même. La conduite de l'appelant justifie l'imposition d'une pénalité en vertu de l'article 163 de la Loi.

[23]          L'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de décembre 2000.

" Diane Campbell "

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 13e jour de juin 2001.

Mario Lagacé, réviseur

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