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Date: 20010112

Dossier: 1999-3515-IT-I

ENTRE :

BRIAN A. C. ALM,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Bowie

[1]            M. Alm interjette appel des cotisations d'impôt établies à son égard pour les années d'imposition 1995, 1996 et 1997. Il prétend que, dans le calcul de son revenu pour ces années d'imposition, il avait le droit, aux termes de l'alinéa 60b) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la Loi), de déduire certains montants versés à son ex-épouse à titre de pension alimentaire pour enfant. Ses appels ont été entendus sous le régime de la procédure informelle le 6 octobre 2000. Après avoir entendu les témoignages et les plaidoiries, j'ai ajourné l'affaire pour permettre à M. Alm d'obtenir des éléments de preuve supplémentaires. L'audience s'est poursuivie le 11 décembre 2000 par voie de téléconférence. Des documents supplémentaires ont alors été produits en preuve et j'ai entendu des plaidoiries additionnelles.

[2]            La preuve ne permet pas d'établir avec précision à quelle date l'appelant et son ex-épouse se sont séparés, mais il semble que ce soit en 1994 ou au début de 1995. Le 25 juillet 1995, le juge Klebuc de la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan a rendu une ordonnance provisoire dans le cadre d'une action engagée par l'épouse. Il a confié la garde des deux plus jeunes enfants issus du mariage à l'épouse et a ordonné à l'appelant de verser à l'épouse 547 $ par mois pour chaque enfant [TRADUCTION] « [...] à compter du 1er juillet 1985 et le premier jour de chaque mois par la suite, pendant six mois, à moins d'ordonnance contraire » . Il a également ordonné à l'appelant de verser à l'épouse un montant forfaitaire de 1 000 $, ainsi qu'un montant additionnel de 500 $ au titre des dépens. Il n'a rendu aucune ordonnance concernant la garde ou l'entretien de l'aînée des enfants, qui vivait à l'époque en Colombie-Britannique.

[3]            Les faits suivants ne sont pas contestés. L'appelant a effectué les paiements prévus dans l'ordonnance du juge Klebuc et il a continué de faire des paiements de 1 094 $ par mois pendant l'année 1996, ce qui représente un montant total de 13 128 $. L'aînée des enfants, qui vivait en Colombie-Britannique, est retourné habiter chez sa mère à la fin de 1996, et l'appelant a par conséquent augmenté ses paiements mensuels à 1 453 $ par mois à compter de janvier 1997. Il a versé ce montant chaque mois en 1997, ce qui représente un paiement total de 17 436 $.

[4]            Il est également admis que, dans le calcul de son revenu, l'appelant peut déduire les paiements effectués aux termes de l'alinéa 60b) de la Loi uniquement si les montants étaient payables périodiquement aux termes d'une ordonnance d'un tribunal ou d'un accord écrit. Les montants de 1 000 $ et de 500 $ n'étaient évidemment pas déductibles, car ils n'étaient pas payables périodiquement. L'appelant a admis ce fait à l'audience du 6 octobre et j'ai donc rejeté l'appel pour l'année d'imposition 1995. Les paiements effectués en 1996 et en 1997 étaient des paiements périodiques. Il s'agit de déterminer si ces paiements ont été effectués aux termes d'une ordonnance d'un tribunal ou d'un accord écrit.

[5]            Pour des raisons qu'il n'est pas nécessaire de préciser dans les présents motifs, M. Alm a changé de procureur au début de janvier 1997. Il y a eu un échange important de correspondance entre la procureure de l'épouse et les premier et deuxième procureurs de l'appelant. Cette correspondance et le témoignage de l'appelant indiquent clairement que l'appelant, son épouse et les avocats se sont appuyés sur la prémisse erronée que l'appelant était tenu, aux termes de l'ordonnance rendue par le juge Klebuc, de continuer les paiements bien après la fin de 1995. Cependant, il ressort du libellé de cette ordonnance que celle-ci cessait de s'appliquer à la fin de 1995. Pour obtenir gain de cause dans les appels visant les années 1996 et 1997, l'appelant doit donc établir qu'il a effectué les paiements au cours de ces années aux termes d'une autre ordonnance ou d'un accord écrit. L'appelant n'a fourni aucune preuve qui permettrait d'établir l'existence soit d'une ordonnance d'un tribunal soit d'un accord écrit avant la fin de l'année 1996, de sorte que l'appel pour cette année doit aussi être rejeté.

[6]            En décembre 1996, la procureure de l'épouse, Me Prisciak, a présenté une requête en vue d'obtenir une ordonnance établissant à 450 $ par mois le montant de la pension alimentaire provisoire payable pour l'aînée des enfants ainsi qu'une autre ordonnance provisoire. Le 30 décembre, l'appelant a donné pour instructions à sa procureure, Me Ferguson, de proposer le paiement d'un montant total de 1 453 $ par mois pour les trois enfants à compter du 1er janvier 1997. Me Ferguson aurait fait cette proposition par téléphone puisque, le 2 janvier 1997, la procureure de l'épouse lui a fait parvenir la lettre suivante :

[TRADUCTION]

Quon Ferguson MacKinnon Walters

Avocats et procureurs

704, 224-4e avenue sud

Saskatoon (Saskatchewan) S7K 5M5

À l'attention de Me Debra E. Ferguson

Objet :     Aaston c. Alm

                Votre dossier : 6074

Madame,

J'ai informé notre cliente de notre récente conversation téléphonique. Nous sommes disposés à ajourner l'affaire jusqu'au 13 janvier 1997 en tenant pour acquis que M. Alm versera un montant de 1 453 $ par mois, et ce, à compter du 1er janvier 1997.

Les questions qu'il restera à trancher le 13 janvier sont les suivantes :

1.              La question de savoir si le tribunal ordonnera le versement d'un montant forfaitaire pour Corry;

2.              La répartition provisoire des biens matrimoniaux.

Veuillez me confirmer ces modalités et m'indiquer en outre si vous avez communiqué avec le tribunal pour l'informer de l'ajournement. Je vous remercie de votre collaboration.

Veuillez agréer, Madame, mes salutations distinguées.

ROBERTSON STROMBERG

Par :

                « Karen Prisciak »

                KAREN PRISCIAK

Le 6 janvier 1997, Me Ferguson a communiqué la réponse suivante :

[TRADUCTION]

Objet : Aaston c. Alm

                Notre dossier : 6074

                Votre dossier : 25415.1

__________________________

Madame,

Veuillez trouver ci-joint les documents suivants :

                1.              Un chèque de 1 453 $ de notre client au titre de la pension alimentaire du mois de janvier 1997;

                2.              Une ordonnance provisoire que je compte déposer relativement à l'allocation d'entretien mensuelle;

                3.              Le certificat d'immatriculation de la Buick Lesabre 1986 que votre cliente a en sa possession, et dont elle demeurera propriétaire suivant l'entente intervenue entre les parties, ainsi que l'acte de vente dûment rempli par M. Alm.

Je vous saurais gré de me confirmer dans les plus brefs délais que l'ordonnance vous convient. Nous ferons alors le nécessaire pour la soumettre au tribunal.

Je vous saurais gré de voir à ce que Mme Aaston fasse immatriculer le véhicule à son nom quand viendra le moment du renouvellement des plaques. N'hésitez pas à communiquer avec moi si cela lui pose un problème.

Je vous prie d'agréer, Madame, mes salutations distinguées.

Quon Ferguson MacKinnon Walters

Par :

Debra E. Ferguson

p.j.

[7]            Le chèque de M. Alm annexé à la lettre était daté du 2 janvier 1997. L'ordonnance provisoire qui accompagnait la lettre n'a pas été produite en preuve. Une version ultérieure, préparée par Me Kendall, le nouveau procureur de l'appelant, a été produite en preuve. Il y est dit que l'appelant devait payer à l'épouse, au titre de l'entretien des enfants, un montant provisoire de 1 453 $ par mois. Me Kendall a envoyé l'ordonnance à Me Prisciak le 29 janvier 1997 avec une lettre où l'on peut lire ceci :

[TRADUCTION]

À la suite de notre comparution devant le tribunal le vendredi 24 janvier 1997, je joins à la présente une ordonnance sur consentement. Veuillez donner votre assentiment quant au libellé du texte et retourner le document à notre bureau dans les plus brefs délais.

Pour des raisons qui n'ont pas été expliquées par les témoins, cette ordonnance n'a jamais été soumise au tribunal. Il est regrettable qu'aucun des procureurs en cause dans cette affaire n'ait été appelé à témoigner. Cependant, une lettre datée du 16 janvier 1997 et adressée par Me Prisciak à Me Kendall nous fournit quelques précisions supplémentaires. Le passage pertinent de cette lettre est reproduit ci-après :

[TRADUCTION]

Nous prétendons que la question de l'allocation d'entretien payable pour Corry Dawn Alm a été réglée par le procureur précédent de M. Alm. Me Ferguson a fait valoir devant le tribunal que nous nous étions entendus pour fixer à 1 453 $ le montant total de l'allocation d'entretien payable. Nous joignons une photocopie d'un chèque signé par M. Alm au titre de la pension alimentaire pour enfant payable pour le mois de janvier. Si votre cliente revient sur cet accord, nous demanderons que l'audition de l'affaire portant sur l'allocation d'entretien soit reportée et nous retiendrons les services d'un autre avocat de façon à ce que je puisse déposer une preuve par affidavit devant le tribunal. En outre, le procureur précédent de M. Alm a informé le tribunal que la question des allocations d'entretien pour enfant avait été réglée entre les parties en ce qui concerne Corry Dawn Alm.

[8]            Dans la décision Foley c. Canada[1], le juge en chef adjoint Bowman s'est récemment penché sur la question de savoir si l'échange de correspondance entre les procureurs de l'époux et de l'épouse permettait de satisfaire à l'exigence concernant l'existence d'un accord écrit. Il a répondu par l'affirmative et, après avoir examiné attentivement les affaires, je souscris à sa conclusion. Cependant, pour que le montant soit déductible, il doit exister un accord en bonne et due forme faisant état de l'obligation d'effectuer les paiements, et cet accord doit être constaté par écrit. Dans sa lettre datée du 2 février, Me Prisciak précise que sa cliente est disposée à accepter le paiement de 1 453 $ par mois à titre d'allocation d'entretien provisoire, à compter du mois de janvier 1997. Il est clairement dit que, si la proposition est acceptée, la question de l'allocation d'entretien ne figurera plus au nombre des questions en litige. Au premier paragraphe de la lettre datée du 6 janvier, Me Ferguson accepte cette offre. Les deux procureures agissaient à titre de mandataire de leur client respectif. En ce qui concerne la question de l'allocation d'entretien provisoire, je conclus à l'existence d'un accord dont les modalités sont exposées dans la correspondance échangée, soit que M. Alm devait verser un montant de 1 453 $ par mois à compter de janvier 1997.

[9]            Dans l'arrêt Hodson c. La Reine[2], le juge Heald, s'exprimant pour l'ensemble de la Cour, a déclaré ce qui suit :

[...] Le législateur a été explicite. Si le législateur avait voulu étendre l'avantage conféré par l'alinéa 60b) aux conjoints séparés qui, comme en l'espèce, n'ont ni ordonnance judiciaire ni accord écrit, il l'aurait dit. On perçoit facilement la raison de ne pas inclure le cas des conjoints séparés où des paiements ont été faits et reçus sur la base d'un accord verbal. Un tel régime relâché et incertain peut très bien donner lieu à des ententes trompeuses et frauduleuses et à des plans d'évasions (sic) fiscale. [...]

[10]          En l'espèce, il ressort des deux lettres que M. Alm a accepté de verser à son épouse un montant de 1 453 $ par mois à titre d'allocation d'entretien provisoire, et que l'épouse a accepté cette offre. On ne peut dire de l'arrangement qu'il est flou ou mal défini; il est clairement énoncé dans les lettres. C'est ce que confirme d'ailleurs la lettre que Me Prisciak a rédigée le 16 janvier. L'appelant a le droit d'obtenir gain de cause dans l'appel visant l'année 1997.

[11]          Je ne peux délaisser cette affaire sans me dire consterné de voir que M. Alm a payé plus de 13 000 $ à titre d'allocation d'entretien provisoire pour ses enfants au cours de l'année 1996 sans pouvoir déduire ce montant, parce que le paiement n'a pas été effectué aux termes d'une ordonnance d'un tribunal ou d'un accord écrit. L'appelant s'est tout simplement acquitté de ses responsabilités parentales sans y être contraint. Il est évident que le montant de l'allocation d'entretien provisoire a été établi en tenant pour acquis qu'il serait inclus dans le revenu imposable de la bénéficiaire et déduit par l'appelant. Au nombre des pièces produites en preuve au procès figure une copie de la déclaration de revenu de l'épouse de l'année 1996, qui indique qu'elle a bel et bien inclus les paiements dans son revenu. M. Alm ne semble pas avoir été judicieusement conseillé par ses avocats dans cette affaire. Si j'avais le pouvoir d'intervenir, je le libérerais certainement de l'obligation injuste de payer de l'impôt sur les versements effectués en 1996. Le ministre du Revenu peut adresser des recommandations au gouverneur en conseil, à qui appartient la prérogative de remettre l'impôt[3]. Je recommande qu'il le fasse à l'égard de M. Alm.

[12]          L'appel visant l'année d'imposition 1996 est rejeté. L'appel visant l'année d'imposition 1997 est admis et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que l'appelant a le droit de déduire un montant de 17 436 $ en vertu de l'alinéa 60(b) de la Loi.

Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour de janvier 2001.

« E. A. Bowie »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 8e jour de juin 2001.

Philippe Ducharme, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

1999-3515(IT)I

ENTRE :

BRIAN A. C. ALM,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus le 6 octobre 2000, à Saskatoon (Saskatchewan), et poursuivis par conférence téléphonique tenue le 11 décembre 2000, à Ottawa (Ontario) par

l'honorable juge E. A. Bowie

Comparutions

Pour l'appelant :                         l'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :                   Me Marvin Luther

JUGEMENT

          L'appel de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1996 est rejeté.

                L'appel de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi pour l'année d'imposition 1997 est admis et la nouvelle cotisation déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que l'appelant a le droit de déduire un montant de 17 436 $ en vertu de l'alinéa 60(b) de la Loi.

          Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour de janvier 2001.

« E. A. Bowie »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 8e jour de juin 2001.

Philippe Ducharme, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]



[1]           [2000] A.C.I. no 485.

[2]           C.A.F., no A-146-87, 30 novembre 1987 (88 DTC 6001).

[3]           Loi sur la gestion des finances publiques, L.R., ch. F-11, art. 23.

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