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Date: 20001110

Dossier : 2000-17-IT-I

ENTRE :

FRANÇOIS MARTEL,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifsdu jugement

Le juge Tardif, C.C.I.

[1]            Il s'agit d'un appel d'une cotisation pour l'année d'imposition 1996. La cotisation a résulté des renseignements fournis par l'appelant. Il y a lieu de reproduire le paragraphe 3 de la Réponse à l'avis d'appel (la " Réponse ") :

                Le 29 mars 1998, le ministre recevait de l'appelant une déclaration de revenu amendée pour l'année d'imposition 1996. L'appelant déclarait alors pour le terrain et la bâtisse mentionnés ci-haut, un produit de disposition de 54 000 $, un prix de base rajusté de 100 000 $ et une perte en capital de 46 000 $. La perte en capital nette étant calculée par l'appelant à 34 500 $, ce dernier demandait alors un rapport à l'année d'imposition 1994 d'une partie de sa perte nette de 1996, soit 22 500 $.

[2]            Afin d'établir la nouvelle cotisation pour l'année 1996, le ministre du Revenu national (le " Ministre ") a pris pour acquis les faits suivants mentionnés dans la Réponse :

a)              Au cours de l'année d'imposition 1994, l'appelant était employé et unique actionnaire de la société " Mécanique Auto M.F. de St-Apollinaire Inc. " (ci-après la " société "), située au 83, rue Principale, à Saint-Apollinaire, province de Québec.

b)             Le 4 octobre 1996, la société " Mécanique Auto M.F. de St-Apollinaire Inc. " située au 83, rue Principale, à Saint-Apollinaire, province de Québec, vend à Érick Noël les actifs suivants :

·          la clientèle et l'achalandage de la société pour la somme de 1 $;

·          toute la marchandise se trouvant alors sur les lieux pour la somme de 8 900,72 $;

·          tous ses meubles, ses accessoires et son équipement pour la somme de 11 000 $;

·          tous les droits et privilèges reliés à l'identification de l'entreprise;

c)              Le 4 octobre 1996, l'appelant vend à Érick Noël un terrain incluant une bâtisse dont l'adresse civique était le 83, rue Principale, Saint-Apollinaire, province de Québec pour la somme de 54 000 $.

d)             Avec sa déclaration de revenu pour l'année d'imposition 1994, l'appelant a produit un formulaire prescrit concernant le choix du paragraphe 110.6(19) de la Loi de l'impôt sur le revenu (ci-après la " Loi ") pour qu'un gain en capital soit réputé à l'égard de certains biens.

e)              Dans le formulaire prescrit auquel réfère le paragraphe précédent, l'appelant a indiqué que :

·          le choix du paragraphe 110.6(19) était à l'égard de deux biens seulement : " terrain et bâtisse du garage ";

·          l'appelant n'a pas inclus l'achalandage dans son choix fait en vertu du paragraphe 110.6(19);

·          au 22 février 1994, la juste valeur marchande choisie par l'appelant, était de 100 000 $ pour les deux actifs, soit 50 000 $ pour le terrain et 50 000 $ pour la bâtisse;

·          le prix de base rajusté du terrain et de la bâtisse était de 70 000 $;

·          le produit de disposition du terrain et de la bâtisse était de 100 000 $;

·          le gain en capital imposable relatif au terrain et à la bâtisse était de 22 500 $ (¾ du gain en capital de 30 000 $).

f)              Dans sa déclaration de revenu pour l'année d'imposition 1994, l'appelant a réclamé la déduction du paragraphe 110.6(3) de la Loi, soit 22 500 $ à l'égard du gain en capital réputé de 30 000 $.

g)             lors de son évaluation, le ministre a établi que la juste valeur marchande du terrain et de la bâtisse était de 55 000 $ en date du 22 février 1994.

h)             Il s'ensuit que dans son formulaire prescrit l'appelant a indiqué une juste valeur marchande qui dépassait de 11/10 la juste valeur marchande réelle du terrain et de la bâtisse, au 22 février 1994.

i)               Conformément au paragraphe 110.6(28) de la Loi, le choix fait en application du paragraphe 110.6(19) de la Loi ne peut être révoqué ni modifié si le montant indiqué dans le formulaire concernant le choix dépasse 11/10 la juste valeur marchande réelle du bien au 22 février 1994.

j)               Conséquemment, le ministre a :

·          déterminé un gain en capital suite la disposition de ces biens, de 37 450 $ (voir calcul en annexe);

·          calculé un gain imposable additionnel de 28 088 $, qu'il a inclus aux revenus de l'appelant pour l'année d'imposition 1996 (voir calcul en annexe);

[3]            La question en litige consiste à déterminer si le Ministre a correctement établi à 55 500 $, la juste valeur marchande de l'immeuble détenu par l'appelant au 22 février 1994, mentionnée à la Réponse, comme suit :

a)              la juste valeur marchande des biens détenus par l'appelant au 22 février 1994 a été correctement établie par le ministre, à 55 500 $;

b)             un gain en capital imposable de 28 088 $ pour l'année d'imposition en litige, a correctement été calculé par le ministre;

c)              le choix effectué au 22 février 1994 incluait la bâtisse, le terrain de l'appelant et l'achalandage du commerce.

[4]            Au soutien de la preuve dont le fardeau lui incombait, l'appelant et son représentant, comptable de ce dernier, ont témoigné. Plusieurs documents furent produits. Tant la preuve testimoniale que documentaire visait à démontrer que l'achalandage évalué à 30 000 $ faisait partie intégrante de l'immeuble.

[5]            Dans un premier temps, l'appelant a indiqué que la valeur de l'achalandage avait été établi en fonction d'une année de salaire. Dans un deuxième temps, le représentant de l'appelant a voulu démontrer que ce montant était une composante de la valeur de l'immeuble au même titre que le terrain et la bâtisse dessus construite.

[6]            Lors de son témoignage, le représentant de l'appelant a largement expliqué que le contexte et la situation géographique du bâtiment exploité comme un atelier mécanique faisaient en sorte que l'achalandage constituait une donnée incontournable, un élément indissociable de la valeur de l'immeuble.

[7]            Lors du contre-interrogatoire de l'expert de l'intimée, monsieur Yvon Bergeron, le représentant de l'appelant est revenu à la charge pour tenter de discréditer la qualité du travail exécuté non pas quant au contenu de l'expertise, mais essentiellement sur la base que l'évaluation n'avait pas tenu compte ou apprécié la valeur de l'achalandage.

[8]            La preuve soumise par l'appelant n'a porté que sur cette seule question à savoir si l'achalandage devait ou non faire partie de la valeur de l'immeuble.

[9]            Le dossier de l'appelant a été préparé par son représentant; ce dernier a lui-même initié les diverses planifications et guidé l'appelant lors du choix qu'il devait faire. S'agissait-il du choix le plus approprié, le plus avantageux ? D'une part, il n'appartient pas au Tribunal de répondre à cette question. D'autre part, l'appelant a ratifié par sa signature, le travail exécuté par son représentant et de ce fait, il en assume la pleine responsabilité.

[10]          L'évaluation préparée par un expert reconnu n'a fait l'objet d'aucune contestation ou grief valable quant à son bien-fondé, si ce n'est qu'elle aurait dû, selon le représentant de l'appelant, prévoir la valeur de l'achalandage.

[11]          Je ne doute pas que l'achalandage ait une valeur réelle dont on devait tenir compte au moment de la vente de l'entreprise. Cette valeur devait faire partie de la valeur globale de l'entreprise. L'achalandage ne faisait certainement pas partie et ne pouvait pas être intégré ou fondu dans la valeur de l'immeuble comme l'a soutenu le représentant de l'appelant.

[12]          L'évaluation d'un immeuble se fait au moyen de plusieurs approches, dont notamment par le coût de remplacement, la valeur économique et finalement par le biais de l'approche la plus appropriée, la plus juste et la plus réelle vente comparable. Chaque formule doit prévoir plusieurs ajustements tels que la dépréciation, l'état du bâtiment, l'année de construction, l'état du marché, l'endroit de la localisation, etc.

[13]          La notion d'achalandage peut découler de la localisation, mais il s'agit là d'une réalité objective qui n'a strictement rien à voir avec les talents, la compétence, l'énergie, l'enthousiasme et la personnalité de l'exploitant de l'immeuble.

[14]          L'achalandage dont il est question dans le présent dossier est strictement et exclusivement un élément dont la qualité et la valeur ont découlé non pas de l'immeuble, mais de ce que l'appelant en a fait par son travail, sa compétence, son intérêt à bien servir sa clientèle.

[15]          En l'espèce, l'achalandage était étroitement lié à la personne de l'appelant qui a su, au fil des ans, développer une clientèle importante qui a profité à l'entreprise, pouvant de ce fait augmenter la valeur de l'entreprise au même titre que l'inventaire, mais certainement pas majorer la valeur matérielle de l'immeuble.

[16]          Bien qu'il s'agisse là d'une notion ou de nuances que l'appelant n'a manifestement pas compris, il en est imputable. Se décrivant comme expert-comptable, le représentant de l'appelant a soutenu que la considération au montant d'un dollar (1 $) pour l'achalandage, indiqué au contrat notarié en date du 4 octobre 1996, n'avait aucune signification. Parallèlement, il a affirmé que l'achalandage constituait une composante fondamentale de l'évaluation de l'immeuble.

[17]          Le Tribunal a constaté que le représentant de l'appelant avait une conception très particulière et très originale de la signification de l'achalandage et plus particulièrement au niveau de son attribution dans le cadre d'une évaluation globale d'une entreprise propriétaire d'un immeuble. En effet, le représentant de l'appelant a soutenu mordicus que l'achalandage devait être intégré non pas à l'entreprise mais à l'immeuble. Pareilles prétentions sont d'autant plus difficiles à comprendre qu'il a lui-même soutenu que la valeur de l'achalandage, acquise au fil des ans, était conséquente aux efforts, au travail et à la qualité des services dispensés par l'appelant auprès de la clientèle qu'il avait développée.

[18]          La seule preuve soumise est à l'effet que la valeur de l'achalandage, dont le montant a été établi arbitrairement, devait faire partie de la valeur de l'immeuble à l'origine du gain en capital. Cette preuve était d'ailleurs prévisible puisque l'Avis d'appel indiquait explicitement qu'il s'agissait de son seul fondement. Il y a lieu d'en reproduire le contenu :

                                                                                                St-Apollinaire, le 17 décembre 1999

                ...

Monsieur,

                                   Par la présente, je désire interjeter appel à la Cour canadienne de l'impôt, de la décision du Ministre du 6 décembre 1999 pour l'année d'imposition 1996 provenant du centre fiscal de Québec et ce pour les motifs suivants :

   -                L'évaluation de l'immeuble au 22 février 1994 tenait compte de l'achalandage et cette dernière ne pouvait être dissociée de l'immeuble.

   Je désire me prévaloir de la procédure informelle.

                                                                   par :         François Martel

                                                                                   19, chemin Lambert

                                                                                   St-Apollinaire (Québec)

                                                                                   G0X 2E0

                   Représentation : par la présente je nomme M. Georges Bégin, c.m.a. pour me représenter

                                                                                   155, route du Pont

                                                                                   St-Nicolas, Québec

                                                                                   G7A 2T3                

...

[19]          Le Tribunal doit rendre jugement à partir de la preuve soumise. L'appelant n'a pas jugé bon soumettre aucun élément de preuve, outre le fait que l'achalandage devait faire partie de l'évaluation de l'immeuble au centre du litige. Les prétentions de l'appelant et de son représentant ne sont pas recevables et de ce fait, il ne peut en être tenu compte.

[20]          Conséquemment, l'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada ce 10e jour novembre 2000.

" Alain Tardif "

J.C.C.I.

No DU DOSSIER DE LA COUR :        2000-17(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :                 François Martel et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                      Québec (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :    le 19 septembre 2000

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :         l'honorable juge Alain Tardif

DATE DU JUGEMENT :                      le 10 novembre 2000

COMPARUTIONS :

Représentant de l'appelant :Georges Bégin

Avocate de l'intimée :          Me Pascale O'Bomsawin

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

                                Nom :                      

                                Étude :

Pour l'intimée :                       Morris Rosenberg

                                                Sous-procureur général du Canada

                                                Ottawa, Canada

2000-17(IT)I

ENTRE :

FRANÇOIS MARTEL,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 19 septembre 2000, à Québec (Québec), par

l'honorable juge Alain Tardif

Comparutions

Représentant de l'appelant :                 Georges Bégin

Avocate de l'intimée :                          Me Pascale O'Bomsawin

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1996 est rejeté, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de novembre 2000.

" Alain Tardif "

J.C.C.I.

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