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Date: 20010621

Dossier: 2001-487-IT-I

ENTRE :

RAMIRO MORALES,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifsdu jugement

Le juge en chef adjoint Bowman

[1]            Les appels en l'instance sont à l'encontre de cotisations établies pour les années d'imposition 1997 et 1998. Dans ces cotisations, le ministre du Revenu national a rejeté les pertes locatives dont l'appelant avait demandé la déduction relativement au 28, avenue Barrington à Toronto. L'intimée soutient que l'appelant ne pouvait pas raisonnablement s'attendre à tirer un profit de l'activité locative.

[2]            C'est la notion d'attente raisonnable de profit qui s'applique en l'espèce parce que le ministre a fait valoir que les frais se rapportant à l'activité de location sont des frais personnels ou de subsistance au sens de l'alinéa 18(1)h). La définition de frais personnels ou de substance qui est énoncée à l'article 248 du texte législatif est libellée en partie de la manière suivante :

" frais personnels ou de subsistance " Sont compris parmi les frais personnels ou de subsistance :

a)             les dépenses inhérentes aux biens entretenus par toute personne pour l'usage ou l'avantage du contribuable ou de toute personne unie à ce dernier par les liens du sang, du mariage ou de l'adoption, et non entretenus dans le but ou avec l'espoir raisonnable de tirer un profit de l'exploitation d'une entreprise; [...].

[3]            Les hypothèses sur lesquelles le ministre s'est appuyé pour établir les cotisations sont les suivantes :

a)              en décembre 1988, l'appelant, son épouse, Nanette, et la soeur de cette dernière, Jewel Revil, ont acheté le 28, avenue Barrington à Toronto (Ontario) (la " propriété "), une maison unifamiliale isolée, qu'ils ont payée 220 000 $;

b)             Nanette Morales a entrepris de louer la propriété en 1989* et elle a déclaré un revenu de location et demandé la déduction de pertes locatives relativement à la propriété dans les années d'imposition 1989 et 1990, ainsi qu'il est indiqué ci-après :

                Année                          Revenu brut                      Perte

                1989                                         10 200 $                  (45 197 $)

                1990                                         10 800 $                  (35 395 $);

c)              l'appelant a commencé à demander la déduction de pertes locatives en 1991 et il a déclaré un revenu de location et demandé la déduction de pertes locatives relativement à la propriété dans les années d'imposition 1991 à 1999, ainsi qu'il est indiqué ci-après :

                Année                                      Revenu brut             Perte

                1991                                                     10 200 $                                  (31 065 $)

                1992                                                     12 000 $                                  (23 074 $)

                1993                                                     12 000 $                                  (32 656 $)

                1994                                                     12 360 $                                  (32 915 $)

                1995                                                     12 840 $                                  (33 381 $)

                1996                                                       7 800 $                                  (21 793 $)

                1997                                                       7 800 $                                  (28 901 $)

                1998                                                       7 800 $                                  (24 287 $)

                1999                                                     12 000 $                                  (10 340 $)**

d)             dans les années d'imposition 1997 et 1998, l'appelant a fait état des revenus et frais de location, ainsi que des pertes locatives qui sont indiqués à l'annexe " A " ci-jointe;

e)              l'appelant a emménagé dans la propriété en 1996;

f)              au cours des années d'imposition 1997 et 1998, la propriété était la résidence principale de l'appelant;

g)             dans les années d'imposition 1997 et 1998, les seuls locataires de la propriété étaient la mère et la nièce de l'appelant;

h)             le loyer demandé était moindre que l'intérêt payable sur l'hypothèque qui grevait la propriété;

i)               les dépenses dont la déduction est demandée au titre de l'entretien et des réparations dans les années d'imposition 1997 et 1998 étaient des dépenses en immobilisations;

j)              l'appelant n'a pas tiré de profit de la prétendue activité locative depuis l'acquisition de la propriété;

k)             au cours des années d'imposition 1997 et 1998, les dépenses locatives n'ont pas été engagées ni effectuées, et si elles l'ont été, elles n'ont pas été engagées ou effectuées dans le but de gagner ou de produire un revenu;

l)               l'appelant ne pouvait raisonnablement s'attendre à tirer un profit de la location de la propriété durant les années d'imposition 1997 et 1998;

m)             au cours des années d'imposition 1997 et 1998, les dépenses locatives constituaient des frais personnels ou des frais de subsistance de l'appelant;

[4]            Les faits mentionnés dans les hypothèses sont exacts pour la plupart et les chiffres ne sont pas contestés, sauf pour ce qui est du prix de la maison, qui était de 230 000 $ et non pas de 220 000 $. En outre, M. Morales a affirmé que la soeur de son épouse ne figurait pas au nombre des acheteurs. L'achat de la propriété a été financé au moyen d'un prêt hypothécaire de 190 000 $ consenti par le propriétaire et d'un prêt de 50 000 $ des parents de l'épouse de l'appelant.

[5]            Le premier constat que l'on fait est que, depuis 1989, la propriété n'a jamais généré de profit. En fait, les frais d'intérêt, à eux seuls, représentent plusieurs fois le loyer perçu. L'hypothèque n'a pas été réduite à toute fins utiles. À la fin de 1998, elle était d'environ 158 000 $.

[6]            Le deuxième constat est que, depuis 1996, l'appelant habite la propriété avec sa mère et sa nièce. Avant cela, c'est son frère qui habitait la maison. L'appelant lui demandait un loyer de 1 200 $ par mois. Ensuite, après avoir emménagé dans la propriété en 1996, il a fixé le loyer de sa mère et de sa nièce à 750 $ par mois. Il est impossible d'établir avec certitude si la nièce a payé quelque montant que ce soit ou si l'appelant a véritablement touché les montants en question. En 1999, il aurait augmenté le loyer de sa mère à 12 000 $ par année environ. En fait, il n'existe aucun élément de preuve permettant d'établir que les loyers payés correspondaient à la juste valeur marchande.

[7]            Compte tenu des montants exigés au titre de l'intérêt hypothécaire par rapport aux loyers perçus, on ne peut voir comment l'appelant pouvait raisonnablement s'attendre à réaliser un profit.

[8]            L'appelant se trouve dans la situation analogue à celle d'un grand nombre d'autres personnes, qui, vers la fin des années 1980, ont acheté des biens immobiliers dans un marché qui semblait être en pleine expansion, croyant qu'il en irait toujours ainsi. Avec une franchise désarmante qu'il m'est rarement arrivé de voir dans des affaires de ce genre, l'appelant a affirmé qu'il avait acheté la maison à des fins de vente et de revente rapides. Le marché s'étant effondré à la fin des années 1980, il a été obligé de conserver la propriété et de recouvrer une partie des coûts en la louant. Ce n'était pas une propriété locative à l'origine. C'était probablement une propriété acquise dans le cadre d'une affaire de caractère commercial. Elle est devenue une propriété locative à cause des caprices du marché uniquement.

[9]            L'appelant a essayé sans succès de vendre la propriété à quelques reprises.

[10]          En 1997 et en 1998, il a fait refaire la toiture et remplacer les fenêtres en bois par des fenêtres en aluminium. Les coûts de ces travaux, qui s'élèvent respectivement à 17 178 $ et à 14 700 $, ont été traités comme des frais d'entretien et de réparation en 1997 et en 1998.

[11]          L'appelant a adressé des critiques à Revenu Canada (ADRC), qui aurait dû lui faire savoir plus tôt que la déduction des pertes allait lui être refusée. L'agence est prise entre l'arbre et l'écorce. Si elle intervient trop rapidement en brandissant la menace de l'attente raisonnable de profit, on lui reproche d'agir trop rapidement et de ne pas accorder suffisamment de temps au contribuable pour lancer son entreprise. Dans l'affaire Keeping c. La Reine, 2001 C.A.F. 182, la Cour d'appel fédérale a annulé une décision de la Cour canadienne de l'impôt, qui avait rejeté l'appel d'une enseignante qui vendait des produits Amway, au motif que la Cour avait eu tort d'appliquer le principe de l'attente raisonnable de profit alors que cela faisait moins de cinq ans que l'appelante était en affaires. En l'espèce, c'est tout à fait le contraire que l'on reproche à l'agence. À mon point de vue, l'appelant a de la chance que l'agence l'ait laissé déduire les pertes pendant huit ans. Quoi qu'il en soit, l'issue de l'affaire ne repose pas sur la réponse à la question de savoir si l'agence a eu tort de ne pas s'intéresser plus tôt au cas de M. Morales.

[12]          Il est manifeste, à mon avis, que les dépenses en cause sont des frais personnels et de subsistance. L'appelant cohabite avec des parents et il a engagé des frais qui sont sensiblement plus élevés que le revenu gagné ou auquel il pouvait raisonnablement s'attendre.

[13]          Compte tenu de cette conclusion, je ne me pencherai pas sur les questions soulevées par l'intimée pour déterminer si les dépenses relatives au remplacement de la toiture et des fenêtres sont des frais d'immobilisation ou des dépenses d'exploitation ou si les pertes doivent être attribuées en partie à l'ex-épouse de l'appelant.

[14]          Les appels sont rejetés.

Signé à Montréal, Canada, ce 21e jour de juin 2001.

" D. G. H. Bowman "

J.C.A.

Traduction certifiée conforme ce 18e jour de décembre 2001.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Martine Brunet, réviseure

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2001-487(IT)I

ENTRE :

RAMIRO MORALES,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus le 5 juin 2001 à Toronto (Ontario), par

l'honorable juge en chef adjoint D. G. H. Bowman

Comparutions

Pour l'appelant :                         L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :                 Me Brianna Caryll

JUGEMENT

          Il est ordonné que les appels interjetés à l'encontre de cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1997 et 1998 soient rejetés.


Signé à Montréal, Canada, ce 21e jour de juin 2001.

" D. G. H. Bowman "

J.C.A.

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour de décembre 2001.

Martine Brunet, réviseure




*                Modifié à l'audience — c'est 1981 qui était écrit avant la correction.

**              Modifié à l'audience pour indiquer 10 430 $.

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