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Date: 20010515

Dossier: 94-2224-IT-I

ENTRE :

LINDA DIANNE ARDITO,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifsdu jugement

Le juge Rip, C.C.I.

[1]            Linda Dianne Ardito interjette appel des cotisations d'impôt relatives aux années 1989 et 1990 par lesquelles le ministre du Revenu national (le " ministre ") a refusé les frais professionnels dont elle a demandé la déduction, pour le motif qu'elle n'exploitait pas une entreprise en 1989 et en 1990, et a imposé des pénalités de 2 220,10 $ et de 1 978,15 $ respectivement en application du paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la " Loi ").

[2]            L'appelante, qui a été habilement représentée par son avocat, n'a pas présenté de preuve directe relativement à la déductibilité des frais professionnels. Elle a été appelée à témoigner par la Couronne, qui avait la charge d'établir les faits qui justifient l'imposition de la pénalité : paragraphe 163(3).

[3]            Mme Ardito a prétendument mis sur pied une entreprise de secrétariat et de dactylographie en 1989 pour venir en aide aux étudiants. À l'origine, elle dactylographiait les travaux et les rédactions des amis de sa fille, puis, le bouche à oreille aidant, d'autres étudiants des niveaux secondaires et universitaires ont fait appel à ses services. (En 1989, sa fille terminait ses études secondaires et en 1990, elle étudiait à l'Université McMaster). Mme Ardito a aussi affirmé qu'elle avait d'autres clients, qui n'étaient pas des étudiants : Country Wide Glass, Black Tie Furnishings, Southbrooke Retirement Home, Lane Appliances et House of Braemar.

[4]            Mme Ardito a un diplôme de treizième année de la province de l'Ontario. Elle exploitait l'entreprise à son domicile, où elle avait un ordinateur et une imprimante. En 1990, il y avait aussi des étagères et du mobilier dans son bureau.

[5]            Étant donné qu'elle n'avait aucune connaissance en comptabilité, Mme Ardito a retenu les services d'une certaine Lenore Job pour la préparation de ses déclarations de revenu pour les années 1989, 1990 et 1991. Elle avait entendu parler de Mme Job par son mari et des amis. Elle a discuté de ses activités avec Mme Job et lui a fourni des renseignements, dont une liasse de reçus. Quand est venu le moment de signer les déclarations de revenu, personne au cabinet de Mme Job " ne s'est assis " avec Mme Ardito pour lui en expliquer le contenu. Elle a jeté un coup d'oeil à la déclaration de 1989, sans rien y comprendre. L'appelante ne s'est jamais demandé si Mme Job avait la compétence nécessaire pour remplir des déclarations de revenu.

[6]            L'avocat de l'intimée a mis en doute l'état des résultats de l'appelante annexé à la déclaration de revenu de 1989 de celle-ci.

[7]            Mme Ardito a déclaré un revenu de 2 527 $. Elle a affirmé qu'elle inscrivait ses ventes dans un journal, mais elle ne savait pas où il se trouvait. Revenu Canada aurait saisi des documents au cabinet de Mme Job à l'époque et, si les livres de Mme Ardito étaient du nombre, ils ne lui ont pas été retournés avant le procès, aux dires de l'avocat. Dans le cadre de ses observations, l'avocat de l'appelante a admis qu'il est possible que le cabinet de Mme Job ait failli à la tâche de tenir les livres convenablement. Cependant, il n'existe aucun élément de preuve permettant d'établir que les journaux des ventes de Mme Ardito se trouvaient entre les mains de la Couronne au moment du procès.

[8]            Mme Ardito a demandé la déduction de frais s'élevant à 21 021 $ pour l'année 1989. Le montant des frais " n'a pas attiré [son] attention " lorsqu'elle a signé sa déclaration de revenu pour l'année en cause. Elle n'a pas cherché à savoir pourquoi elle avait droit à un remboursement d'impôt de 6 623 $.

[9]            L'appelante n'a pas réussi à se rappeler en quoi constituaient les frais de publicité de 2 893 $. Elle distribuait des circulaires et comptait sur le bouche à oreille pour faire connaître les services qu'elle offrait.

[10]          Les frais d'automobile s'élevaient à 7 587 $ en 1989. Ce montant " n'a pas attiré [son]attention " vu qu'elle ne s'occupait pas de la comptabilité. Elle ne savait pas pourquoi il était indiqué que 53 % des frais d'automobile se rapportaient à son utilisation personnelle et le reste, à l'entreprise.

[11]          Mme Ardito a utilisé son compte de banque personnel aux fins de l'entreprise en 1989 et elle a demandé la déduction de frais bancaires de 296,48 $.

[12]          Mme Ardito ne se rappelait pas à quoi se rapportaient les frais de 2 796 $ au titre des réparations et de l'entretien, mais il se peut qu'elle ait acheté une nouvelle imprimante, une dépense en immobilisation, et qu'elle ait fait mettre son ordinateur à niveau.

[13]          Mme Ardito n'avait aucun employé en 1989, mais elle a demandé la déduction d'un montant de 1 800 $ au titre des salaires et des charges salariales. Elle a acheté des fournitures lorsqu'elle s'est lancée en affaires, mais elle n'a pas réussi à expliquer pourquoi elle avait demandé la déduction d'un montant de 2 998 $, lequel est supérieur à son revenu pour l'année.

[14]          Des demandes de déduction semblables figurent dans la déclaration de revenu pour l'année 1990. Alors que le chiffre d'affaires s'élevait à 2 980 $, Mme Ardito a demandé la déduction d'une perte de 16 418 $. Elle a demandé la déduction d'" achats " de 1 812 $, mais elle ne savait pas ce qu'elle avait acheté, exclusion faite de papier et de chemises. Les frais de publicité et de promotion s'élevaient à 3 766 $. Elle a déclaré qu'elle avait distribué " plus " de circulaires qu'en 1989. Sa clientèle se composait d'étudiants et d'entreprises.

[15]          Mme Ardito a demandé la déduction de primes d'assurance de 1 657 $ en 1990, mais elle a été incapable de préciser la nature de cette assurance. Elle a admis qu'elle n'avait pas d'assurance pour l'entreprise.

[16]          Les frais d'automobile de 3 387 $ dont Mme Ardito a demandé la déduction en 1990 n'englobaient pas les frais additionnels de 3 738 $ au titre de l'amortissement. Elle se servait de la voiture pour effectuer des livraisons et s'occuper de diverses affaires. Elle a aussi demandé la déduction de montants de 457,41 $ pour l'achat de " vêtements de travail ", de 1 511 $ en frais de bureau et de 686,67 $ pour l'achat de fournitures. Elle a été incapable de dire à quoi se rapportaient les frais de bureau.

[17]          En réponse à une question de l'avocat de l'intimée, Mme Ardito a affirmé que lorsqu'elle a signé sa déclaration de revenu pour 1990 les chiffres indiqués ne lui ont pas paru " inacceptables ". Elle faisait confiance à Mme Job car elle ne comprenait pas les états financiers.

[18]          M. William Stark, un vérificateur de l'impôt travaillant pour l'Agence des douanes et du revenu du Canada (" ADRC "), qui a succédé à Revenu Canada, a déclaré que des pénalités avaient été imposées à Mme Ardito parce qu'elle avait demandé la déduction de pertes relativement à une entreprise qui n'existait pas. Les dépenses dont l'appelante a demandé la déduction ont été " créées de toutes pièces "; des dépenses personnelles ont été transformées en dépenses d'entreprise.

[19]          Revenu Canada n'a trouvé aucun élément de preuve permettant d'établir le revenu de Mme Ardito au cours des années en cause. Il n'y avait aucune preuve des ventes réalisées. M. Stark a expliqué que Revenu Canada (ou l'ADRC) s'attend à voir les factures de vente avec la description des services fournis et des honoraires exigés, de même que les bordereaux de dépôt et les journaux des ventes. Aucun de ces documents n'a été fourni par Mme Ardito. Les représentants de Revenu Canada ont effectué une vérification dans les bureaux de Mme Job et " elle nous a remis les documents qu'elle possédait ". Elle n'a fourni aucun document permettant de vérifier les ventes réalisées en 1989 et en 1990. De même, elle n'a fourni aucun document permettant d'étayer les frais dont la déduction est demandée pour l'année 1989, mais elle en a fourni " quelques-uns " pour l'année 1990.

[20]          Selon M. Stark, Mme Ardito a été informée en octobre 1990, à l'occasion d'une rencontre, que Revenu Canada recommandait l'établissement de cotisations à partir des documents saisis chez Mme Job. En réponse aux questions formulées par les représentants de Revenu Canada, Mme Ardito a indiqué qu'elle ne savait pas comment les chiffres avaient été calculés dans ses déclarations de revenu; elle a déclaré qu'elle avait tout remis à Mme Job. Elle n'était pas en mesure de dire quels documents manquaient, le cas échéant.

[21]          La situation de Mme Ardito diffère de celle de M. Cyrus Udell[1], qui a fait l'objet d'une pénalité semblable en raison de la grossière négligence manifeste de son comptable. M. Udell, contrairement à Mme Ardito, avait méticuleusement inscrit ses transactions dans un livre de compte et toutes les erreurs relevées dans sa déclaration de revenu étaient le fait du comptable. M. Udell a supposé que les pertes étaient attribuables aux déductions pour amortissement. Il est manifeste que la tenue de livres de Mme Ardito laissait à désirer. Lorsqu'elle a examiné ses déclarations de revenu avant d'y apposer sa signature — en supposant qu'elle les a examinées —, elle a choisi de ne pas s'interroger sur des dépenses particulières, même celles dont les montants étaient excessivement élevés. Il n'est pas nécessaire d'avoir de l'expérience comme comptable pour s'avouer combien on a raisonnablement pu dépenser au cours de l'année aux fins, notamment, de la publicité ou des réparations et de l'entretien, ou encore des salaires ou des fournitures, ou de l'assurance, le cas échéant. Mme Ardito a choisi de ne pas remettre en question les chiffres douteux. Elle a entériné les erreurs de la comptable[2]. Elle s'est fiée à celle-ci parce qu'elle aimait le résultat, un remboursement d'impôt.

[22]          La négligence dont Mme Ardito a fait preuve en examinant ses déclarations de revenu, y compris son défaut de tenir des registres convenables ou même élémentaires à l'intention de la comptable, de discuter des déclarations avec cette dernière et d'examiner les montants inscrits constituent une négligence encore plus grave que le défaut de faire preuve de diligence raisonnable, pour reprendre les termes du juge Strayer (tel était alors son titre) dans l'arrêt Venne c. Canada[3]. L'appelante a été très négligente, ce qui équivaut à un acte intentionnel. Peu lui importait de se conformer à la loi. Elle a fait preuve de grossière négligence et les pénalités sont tout à fait justifiées.

[23]          Les appels sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour de mai 2001.

" Gerald J. Rip "

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 9e jour de janvier 2002.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Martine Brunet, réviseure

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

94-2224(IT)I

ENTRE :

LINDA DIANNE ARDITO,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus le 8 novembre 2000 à Toronto (Ontario), par

l'honorable juge Gerald J. Rip

Comparutions

Avocat de l'appelante :               Me Paul S. Carenza

Avocat de l'intimée :                   Me Sean O'Donnell

JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1989 et 1990 sont rejetés.


Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour de mai 2001.

" Gerald J. Rip "

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 9e jour de janvier 2002.

Martine Brunet, réviseure




[1] Udell v. M.N.R., 70 DTC 6019 (C. de l'É.).

[2] Findlay c. Canada, C.A.F., no A-424-97, 12 mai 2000 (2000 DTC 6345).

[3] Venne c. Canada, C.F. 1re inst., no T-815-82, 9 avril 1984 (84 DTC 6247).

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