Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 20010403

Dossier: 2000-1081-IT-I; 2000-1082-IT-I; 2000-1848-IT-I; 2000-366-IT-I

ENTRE :

ROGER MERHI, ELIE MERHI, REINE HELOU, ANTOINE MACHALANI,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

La juge Lamarre, C.C.I.

[1]            Il s'agit d'appels de cotisations établies par le ministre du Revenu national ( « Ministre » ) en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu ( « Loi » ) par lesquelles le Ministre a refusé aux appelants des crédits pour dons de bienfaisance à l'Ordre Antonien libanais des Maronites ( « l'Ordre » ). Dans le cas de Roger Merhi, on lui a refusé des dons aux montants de 4 370 $ et 2 900 $ pour chacune des années d'imposition 1990 et 1991 respectivement. Quant à Elie Merhi, le cousin de Roger Merhi, les montants de dons refusés s'élèvent à 3 300 $ pour l'année d'imposition 1991 et à 2 200 $ pour l'année 1992. Finalement, dans le cas de Reine Helou, la conjointe de Roger Merhi, un montant de 2 800 $ n'a pas été accepté à titre de don pour l'année 1990 seulement. Des pénalités ont également été cotisées en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi à l'égard des trois appelants.

[2]            Dans les trois cas, le Ministre a recotisé en dehors de la période normale de nouvelle cotisation. Il revient donc au Ministre d'établir selon la prépondérance des probabilités que les appelants ont fait une présentation erronée des faits par négligence, inattention ou omission volontaire ou ont commis quelque fraude eu égard à ces dons de bienfaisance, tel que requis par le paragraphe 152(4) de la Loi (voir M.N.R. v. Taylor, [1961] C.T.C. 211 (Ex. Ct.)). L'intimée prétend que les appelants ont obtenu de faux reçus pour dons de bienfaisance de l'Ordre et qu'à ce titre il y a eu présentation erronée des faits par omission volontaire ou fraude.

[3]            Par ailleurs, j'ai également entendu l'appel d'Antoine Machalani, qui conteste la cotisation établie à son égard pour l'année d'imposition 1994, par laquelle le Ministre lui a refusé un don de bienfaisance d'un montant de 6 000 $ au motif que monsieur Machalani avait également obtenu un faux reçu. Une pénalité aux termes du paragraphe 163(2) de la Loi a aussi été cotisée. Dans son cas, le Ministre a recotisé à l'intérieur de la période normale de nouvelle cotisation et il revient donc à monsieur Machalani d'établir selon la prépondérance des probabilités que la cotisation est erronée quant au don refusé. Par contre, c'est le Ministre qui doit démontrer selon le même degré de preuve que la pénalité est justifiée (paragraphe 163(3) de la Loi).

[4]            Avant de relater la preuve au mérite, il est important de signaler l'absence d'Elie Merhi à l'audition, de même que les différentes versions entourant la remise, à Elie Merhi d'un subpoena que lui aurait fait signifier l'intimée.

[5]            Selon les rapports de signification déposés sous les pièces I-1 et I-4, monsieur Jean Caron, huissier de justice, aurait signifié le 12 mars 2001 à 07:35 heures, un subpoena duces tecum à Elie Merhi et à Roger Merhi, en remettant le document en mains propres à chaque destinataire à son domicile ou résidence.

[6]            Selon le rapport de signification déposé sous la pièce I-2, ce même huissier de justice aurait signifié le 14 mars 2001 à 14:35 heures, un subpoena duces tecum à Reine Helou en remettant le document en mains propres à sa destinataire à son domicile ou résidence.

[7]            Ces trois subpoenas ont été signifiés à l'adresse suivante : 898, rue Hocquart, Montréal (Québec), qui est l'adresse de résidence de Roger Merhi et Reine Helou. Ces trois subpoenas requéraient la présence des trois appelants en Cour canadienne de l'impôt les jours prévus pour audition, soit les 21 et 22 mars 2001.

[8]            Selon le témoignage de Reine Helou et de Roger Merhi, c'est Reine Helou qui a reçu les deux subpoenas adressés à Roger et Elie Merhi. C'est leur fils âgé de sept ans qui aurait retrouvé par terre près de la porte d'entrée le subpoena adressé à Reine Helou. Selon ces deux témoins, Elie Merhi a onze ans de moins que Roger Merhi. Il a quitté le Canada depuis au moins cinq ans et n'était pas présent chez eux pour recevoir le subpoena. Il habiterait maintenant en Floride aux États-Unis. Roger Merhi a toutefois affirmé avoir parlé à Elie Merhi par téléphone. Ce dernier aurait donné une procuration orale à son représentant, monsieur Elie Hani, de le représenter en Cour.

[9]            Selon la version de monsieur Jean Caron, huissier de justice, il dit avoir remis les deux premiers subpoenas en mains propres à deux hommes qui n'ont pas nié se nommer Roger et Elie Merhi. Selon monsieur Caron, Elie Merhi avait l'air plus âgé que Roger Merhi. Monsieur Caron dit également avoir remis en mains propres à Reine Helou le subpoena qui lui était adressé, deux jours après les deux autres.

[10]          Vu ces deux versions différentes, je ne peux affirmer avec certitude que c'est Elie Merhi qui a reçu le subpoena qui lui a été adressé. Toutefois, étant donné que ce dernier aurait, selon la version de Roger Merhi, autorisé son agent à le représenter, et qu'il a été mis au courant de la date de l'audition, tant par Roger Merhi que par son agent Elie Hani, j'accepte d'entendre son appel sur preuve commune avec les appels de Roger Merhi et de Reine Helou. J'accepte ainsi que l'intimée verse au dossier d'appel d'Elie Merhi tous les documents relatifs à l'appel d'Elie Merhi afin d'établir sa preuve, dont elle a le fardeau, au même titre que pour les deux autres appelants.

[11]          Quant à l'appel d'Antoine Machalani, il a été convenu que seule la preuve se rapportant aux témoins de l'intimée dans les trois autres appels serait versée dans son dossier.

Faits

[12]          Monsieur Roger Merhi est d'origine libanaise et a immigré au Canada en 1988. Il reconnaît faire partie de la communauté libanaise et maronite de Montréal. Il dit être toujours pratiquant. Il est retourné au Liban pour se marier avec Reine Helou en 1989 et tous deux sont venus installer leur foyer à Montréal. Ils ont eu trois enfants depuis, nés en 1990, 1993 et 2000.

[13]          À son arrivée au Canada, Roger Merhi qui n'avait aucun capital personnel, a été accueilli et logé gratuitement au monastère de l'Ordre. Il y est resté 10 mois et a déménagé après son mariage dans une nouvelle demeure avec sa conjointe. Dès son arrivée au Canada, Roger Merhi s'est trouvé un emploi à temps plein auprès de la chaîne de restauration McDonald, puis auprès d'une entreprise de vêtements. En 1991, Roger Merhi a ouvert son propre commerce dans la restauration sous le nom de Cocktail Antabli sur le boulevard l'Acadie à Montréal. Son commerce est exploité par l'intermédiaire d'une société par actions dont il est l'actionnaire majoritaire et il est fréquenté en grande partie par la communauté libanaise.

[14]          Selon un tableau préparé par Colette Langelier, laquelle a agi comme vérificatrice pour Revenu Canada dans les dossiers sous appel (pièce I-20), Roger Merhi a déclaré un revenu de salaire de 21 838 $ en 1989, de 21 522 $ en 1990, et de 730 $ en 1991 en plus de prestations d'assurance-chômage qu'il a reçues pour l'année 1991 pour un montant de 13 690 $. Roger Merhi a également déclaré des revenus provenant d'allocations familiales de 85 $ en 1990 et de 260 $ en 1991.

[15]          En 1992, Roger Merhi n'a déclaré qu'un revenu d'intérêt de 134 $. En 1993 et 1994, il a déclaré des revenus de salaires de 1 800 $ et 6 400 $ respectivement.

[16]          Reine Helou a travaillé comme caissière dans un supermarché quelques mois après son arrivée au Canada en juin 1989. Contrairement à son mari, elle serait arrivée ici avec un petit capital de base, soit une somme approximative de 8 000 $. Selon un autre tableau préparé par Colette Langelier (pièce I-22), Reine Helou a déclaré un revenu de salaire de 3 411 $ en 1989 et de 11 611 $ en 1990, l'année de la naissance de son premier enfant. Elle a reçu des prestations d'assurance-chômage de 2 506 $ en 1990 et de 7 289 $ en 1991. Elle a déclaré un revenu de salaire de 15 346 $ en 1992, 4 621 $ en 1993 et de 1 764 $ en 1994. Selon ce même tableau, le revenu familial net disponible (après déduction des montants investis dans un régime enregistré d'épargne-retraite ( « REER » ), de différentes cotisations salariales, des paiements d'impôt, des frais médicaux et frais de scolarité) pour Roger Merhi et Reine Helou s'élevait à 19 301 $ en 1989, 27 252 $ en 1990, 15 853 $ en 1991, 10 244 $ en 1992, 14 719 $ en 1993 et 11 597 $ en 1994.

[17]          Reine Helou a également mentionné qu'elle recevait de l'argent de ses parents lorsque ceux-ci venaient lui rendre visite au Canada. Ils seraient venus cinq fois et lui auraient donné des sommes entre 4 000 $ et 7 000 $.

[18]          Roger Merhi et Reine Helou avaient un loyer à payer qu'ils évaluent à 400 $ par mois sans compter les frais d'électricité et de chauffage. Ils avaient une seule voiture, une Chevrolet Cavalier que Roger Merhi dit avoir acheté usagée pour la somme de 1 200 $ en 1988. Il aurait gardé cette voiture jusqu'en 1995 ou 1996. Roger Merhi dit être allé en voyage au Liban en 1992 et Reine Helou serait allée en 1993 après la naissance de son deuxième enfant. Selon le témoignage de Reine Helou, la mère de Roger Merhi serait arrivée au Canada peu après elle, en 1990, avec la soeur de son mari. Au début, elles auraient habité toutes deux avec le couple et auraient contribué en partie aux charges du ménage. Selon le témoignage de Colette Langelier, la mère de Roger Merhi, madame Elena Merhi est venue résider au Canada en 1992 seulement et a obtenu sa citoyenneté canadienne le 10 février 1996. En 1999, les seules sources de revenus d'Elena Merhi provenaient de prestations de la sécurité de la vieillesse et d'un supplément garanti du gouvernement fédéral.

[19]          En ce qui concerne les dons faits à l'Ordre, Roger Merhi soutient qu'il a donné une somme de 2 500 $ à l'Ordre en 1989 pour laquelle il n'a demandé aucun reçu pour cette même année. En 1990, il a obtenu de l'Ordre un reçu pour dons de charité de 4 370 $. Ce reçu est daté du 31 décembre 1990. Roger Merhi dit que ce montant comprend la somme de 2 500 $ qu'il aurait donnée l'année précédente et la différence correspondrait à la somme qu'il aurait donnée en 1990. En 1991, il dit avoir donné la somme de 2 900 $, pour laquelle il aurait obtenu un premier reçu au montant de 1 770 $ le 10 avril 1991 et un deuxième reçu de 1 130 $ daté du 31 décembre 1991. Roger Merhi a dit qu'il donnait toujours des sommes d'argent en espèces (jamais par chèques) pouvant varier entre 100 $ et 350 $ tout au long de l'année. Il mettait ces sommes dans une enveloppe qu'il remettait soit directement au prêtre à l'église ou qu'il déposait dans le panier à la quête lors de la messe. Son nom aurait été indiqué à l'intérieur de l'enveloppe. Il ne gardait aucun registre des sommes qu'il donnait. Il n'a gardé aucun carnet bancaire non plus. Il se fiait aux prêtres du monastère, et considérait que le montant indiqué sur les reçus correspondait aux sommes qu'il avait données au cours de l'année. Paradoxalement, Colette Langelier lors de son enquête en 1994, a demandé aux prêtres représentant l'Ordre de lui montrer un exemple de telles enveloppes ayant servi à faire les dons. On lui a répondu que ces enveloppes étaient jetées tout de suite après l'émission des reçus. Ces mêmes prêtres n'ont pu lui fournir d'exemples de ces enveloppes pour l'année au cours de laquelle a eu l'enquête, soit en 1994.

[20]          Également, Colette Langelier a retracé un chèque de 1 770 $ signé en date du 10 avril 1991 par Roger Merhi et pour lequel il aurait obtenu un reçu. De plus, madame Langelier a retracé sept autres chèques faits par Roger Merhi à l'attention de l'Ordre (trois en avril 1991 pour un total de 3 250 $; un en novembre 1991 pour un montant de 450 $; deux en février 1992 de 900 $ chacun; un en mars 1992 de 250 $ et un en mai 1992 d'un montant de 350 $). Alors que dans son interrogatoire en chef, Roger Merhi avait affirmé n'avoir jamais fait de chèques à l'Ordre, il a expliqué en contre-preuve qu'un de ces chèques, au montant de 450 $, aurait été versé à l'Ordre en paiement d'une soirée au monastère. Ce montant lui aurait été remboursé en partie par les participants à cette soirée. Il a également expliqué que les autres chèques retracés par Colette Langelier et déposés au compte de l'Ordre, auraient servi à payer des meubles qui auraient été laissés au monastère par une famille libanaise qui retournait au Liban. En effet, comme il n'avait aucun meuble ou à peu près aucun lorsqu'il est entré dans sa nouvelle demeure en 1989, il aurait été autorisé par le père Joseph Khamar à prendre ces meubles. Ce dernier serait revenu lui réclamer la somme due pour ces meubles en 1991. Roger Merhi dit lui avoir alors remis une série de chèques postdatés en paiement de ces meubles. Il a dit qu'au moment où le père Joseph lui a réclamé ces sommes en 1991, il n'avait pas les moyens de les payer. C'est ainsi qu'il aurait signé 7 chèques postdatés, incluant le chèque de 1 770 $ pour lequel il a obtenu un reçu. Roger Merhi a tenté d'expliquer l'émission de ce reçu en disant qu'il s'agissait probablement d'une erreur de l'Ordre. Il avait expliqué dans son interrogatoire en chef qu'il s'était rendu au monastère en avril 1991 pour savoir combien il avait donné jusque là. On lui aurait alors affirmé qu'il s'agissait d'un montant de 1 770 $. En contre-preuve, il a dit que n'ayant plus en mémoire le montant des chèques qu'il avait fait pour l'achat des meubles (dont celui de 1 770 $), il a accepté le reçu pour dons de charité pour ce même montant en croyant qu'il correspondait aux sommes qu'il avait données en espèces en date du mois d'avril 1991. Or, il dit maintenant que ce reçu de 1 770 $ correspondait dans les faits à un chèque qu'il aurait fait à l'Ordre pour l'achat de meubles.

[21]          Quant à Reine Helou, elle soutient avoir donné la somme de 2 800 $ au cours de l'année 1990 selon la même procédure que celle utilisée par son mari par montants de 400 $ à 500 $ à la fois. Elle aurait obtenu un reçu daté du 31 décembre 1990 pour ce montant. En 1991 et 1992, elle aurait donné au total les sommes de 450 $ et de 500 $ respectivement.

[22]          Selon le tableau préparé par Colette Langelier (pièce I-22), les dons combinés qui auraient été faits par Roger Merhi et Reine Helou correspondraient à 26 pour cent du revenu net familial disponible en 1990 et à 21 pour cent en 1991.

[23]          Selon le témoignage de Roger Merhi, il aurait été sollicité par les pères Antoine Sleiman et Joseph Khamar pour faire des dons en reconnaissance de l'aide qu'on lui avait apportée à son arrivée au Canada. Il était sous l'impression que ces dons servaient à payer les frais fixes engagés par le monastère (tels l'hypothèque et l'électricité). Il dit avoir donné selon ce que son budget lui permettait. Il est peut-être utile de souligner ici que les montants indiqués sur les reçus de charité pour les années en litige, tant pour Roger Merhi que Reine Helou correspondent à peu de chose près au maximum octroyé par la Loi pour obtenir un crédit pour dons de charité (soit 20 pour cent du revenu net) (voir tableau de Colette Langelier pièces I-20 et I-22). Par ailleurs, il est également utile de souligner que les reçus numérotés remis aux appelants provenaient d'un carnet de reçus qui, selon Colette Langelier, a été utilisé pour des sommes remises après la fin de l'année. En d'autres termes, on pourrait penser d'après le numéro des reçus que l'argent qui aurait été donné à l'Ordre aurait été remis non pas au cours de l'année pour laquelle le don est réclamé mais au cours de l'année suivante, au moment de la préparation des déclarations de revenu de l'année précédente. C'est ce qui a fait croire à Colette Langelier que les appelants, comme les autres donataires, auraient obtenu des reçus antidatés pour maximiser le montant du crédit. Par ailleurs, tant Roger Merhi que Reine Helou soutiennent qu'ils n'ont pas eu connaissance d'un stratagème organisé par l'Ordre par lequel on remettait des reçus d'un montant supérieur au don réel avant l'année 1995.

[24]          En ce qui concerne Elie Merhi, il est le cousin de Roger Merhi et, selon les témoignages de Roger Merhi et de Reine Helou, il serait venu vivre à temps partiel chez eux en 1991 après avoir passé un mois au monastère. Elie Merhi aurait également fait des dons en argent comptant de 3 300 $ en 1991 et de 2 200 $ en 1992. Dans ces années, il a déclaré un revenu de salaire de 14 096 $ et des prestations d'assurance-chômage de 2 850 $ en 1991, et des prestations d'assurance-chômage de 11 400 $ en 1992. Ces dons représentent environ 25 pour cent de son revenu disponible net (pièce I-24). Il aurait quitté le Canada depuis environ cinq ans.

[25]          Finalement monsieur Antoine Machalani a témoigné. Il dit avoir donné 6 000 $ en 1994 en argent comptant. Il aurait également donné 5 000 $ en 1993. Dans les deux cas, il a obtenu un reçu de l'Ordre daté du 31 décembre de l'année en cause. En 1993 et 1994, il a déclaré des revenus de salaire de 60 313 $ et 55 579 $ respectivement. Selon un tableau préparé par Colette Langelier (pièce R-4), son revenu net disponible (après déduction des REER, des cotisations salariales, des paiements d'impôt et des frais médicaux et des frais de garde d'enfant) pour ces deux années était de 39 665 $ en 1993 et de 32 062 $ en 1994. Ces dons correspondent à environ 15 pour cent en moyenne de son revenu net disponible mais sont nettement en deçà de la limite de 20 pour cent du revenu net octroyé par la Loi. Monsieur Machalani a également dit qu'il mettait l'argent dans une enveloppe qu'il remettait dans le panier de la quête à l'église. Au moment de faire ses déclarations de revenu, il aurait contacté quelqu'un de l'Ordre en lui demandant de préparer les reçus qu'il allait chercher par la suite. Il a expliqué qu'en 1993, il venait de se divorcer et était retourné vivre chez ses parents avec son enfant. Il n'avait pas des dépenses élevées et pouvait se permettre de donner à l'Ordre. Lui-même est né au Canada, mais son père était un fondateur de l'Ordre. C'est à la demande de son père qu'il a accepté de contribuer à l'Ordre en faisant des dons. Il fréquentait l'église à raison de deux à trois fois par mois et remettait des sommes pouvant varier entre 100 $ et 350 $ assez régulièrement. Monsieur Machalani n'a conservé aucun registre de ces dons, ni aucun compte bancaire. Il dit avoir appris que l'Ordre avait donné des faux reçus en 1995. Il aurait appris ceci en entendant les gens en parler et par un article paru dans le journal « The Gazette » en janvier 1996 (pièce I-27). Il a cessé de faire des dons à l'Ordre en 1995 à cause de tous ces problèmes. C'est ainsi qu'il a recommencé à fréquenter son ancienne paroisse grecque melchite sur le boulevard Gouin à Montréal qui est également liée à une organisation libanaise. A partir de 1995, il a fait des dons de l'ordre de 10 000 $ par année à cette paroisse en procédant toujours de la même façon (soit des dons au comptant tout au long de l'année pour lesquels il a obtenu des reçus de cette paroisse). Il ne semble pas que ces dons aient été contestés par l'Agence des douanes et du revenu du Canada.

[26]          L'intimée a par ailleurs fait témoigner certaines personnes qui ont dit avoir été sollicitées par leur comptable pour donner à l'Ordre des sommes en espèces en contrepartie d'un reçu indiquant un montant de quatre à cinq fois celui du don. Ceci s'est passé au cours des années 1991, 1992 et 1993. L'un de ces témoins, Marcel Thibodeau, aurait contribué à ce stratagème par l'intermédiaire de son comptable Jean-Maurice Labelle. Monsieur Labelle aurait mis monsieur Thibodeau en contact avec un dénommé Roger Antabli en 1992. Le numéro de téléphone de ce Roger Antabli était dans les faits le numéro de téléphone de la résidence personnelle de l'appelant Roger Merhi. Monsieur Thibodeau aurait contacté ce monsieur Antabli et ce dernier lui aurait donné rendez-vous une fois à la fin de l'année en 1993 et une autre fois à la fin de l'année en 1994 au restaurant portant le nom de Cocktail Antabli (dans les faits le restaurant de l'appelant Roger Merhi). Monsieur Thibodeau aurait remis à ce monsieur Antabli derrière le comptoir une somme d'argent en contrepartie d'un reçu indiquant un montant quatre fois plus élevé que la somme reçue. Monsieur Thibodeau a également mentionné qu'il avait fait le don en mars 1993 pour obtenir un reçu pour l'année 1992. Pour les années 1993 et 1994, le don a été fait à la fin de chaque année. Selon monsieur Thibodeau, le dénommé Roger Antabli lui aurait demandé à chaque fois quel était le montant du reçu qu'il voulait avoir. À ce jour, monsieur Thibodeau, qui a également été recotisé, a payé sa dette à l'Agence des douanes et du revenu du Canada.

[27]          En contre-preuve, Roger Merhi a dit qu'il se rappelait très bien de monsieur Thibodeau parce que la première année qu'il était venu à son restaurant, le père Joseph Khamar lui avait demandé de se retirer de sa cuisine pour rencontrer monsieur Thibodeau. Roger Merhi dit avoir été frustré de la situation. Selon lui, le père Joseph serait ressorti de la cuisine quelques minutes plus tard en lui disant que, dorénavant, il portait le nom de Roger Antabli. Par ailleurs, Roger Merhi a également dit qu'il se rappelait de la présence du comptable Labelle à son restaurant, présence qu'il a qualifié d'indésirable. Roger Merhi dit ne pas se rappeler de la deuxième visite de monsieur Thibodeau et ne pas avoir été au courant des différentes tractations qui avaient lieu à son insu dans son restaurant.

[28]          Toutefois, selon le témoignage de Colette Langelier, le père Joseph Khamar aurait quitté le Canada à la fin de l'année 1992 (voir déclaration assermentée d'Isabelle Mercier à l'annexe I de la pièce I-15, paragraphe 8 qui fait partie du témoignage écrit de Colette Langelier, accepté en preuve par l'avocat des appelants). Bien qu'Isabelle Mercier n'était pas présente à l'audience et n'a pu être contre-interrogée à ce sujet, cette affirmation semble confirmée par la conciliation bancaire préparée par madame Langelier, et faisant état des dépôts et des retraits bancaires de l'Ordre. On y remarque que le nom du père Joseph apparaît pour la dernière fois aux registres de l'Ordre au début de l'année 1992 (pièce I-19, page 25). De plus, le nom du père Joseph Khamar n'apparaît plus comme dirigeant et administrateur de l'Ordre à compter du mois de novembre 1992 (voir déclarations T-3010, pièce I-18). Le père Joseph n'était donc fort probablement plus au Canada à la fin de l'année 1993 lorsque monsieur Thibodeau est allé au restaurant de Roger Merhi. Confronté à ce fait, Roger Merhi a, lors de la contre-preuve, mentionné que l'homme qui était allé dans sa cuisine avec le père Joseph n'était peut-être pas Monsieur Thibodeau. Il faut souligner ici que monsieur Thibodeau n'a pas reconnu Roger Merhi à l'audience. Toutefois, il a affirmé qu'il n'était resté que très peu de temps au restaurant « Cocktail Antabli » , à un moment qui remontait déjà à plus de sept ans.

[29]          L'intimée a également fait témoigner quatre autres personnes qui ont admis avoir été sollicitées, au cours des années 1992, 1993 et 1994, soit par leur comptable (l'un deux avait également comme comptable monsieur Labelle et a dit avoir récupéré son reçu d'impôt dans un restaurant sur le boulevard l'Acadie, en face du marché Central, d'une personne qui pouvait être d'origine arabe) soit par des amis fréquentés au monastère de l'Ordre, pour faire des dons à l'Ordre en contrepartie de reçus indiquant des montants entre quatre et cinq fois plus élevés que le montant du don réel. Tous ont été recotisés et ont accepté de payer leur cotisation. L'un deux a également dit qu'il faisait le don dans l'année qui suivait celle pour laquelle il recevait un reçu. Aucun de ces témoins ne connaissait Roger Merhi ou ne l'avait rencontré dans le passé.

[30]          Selon la vérification effectuée par Colette Langelier aux mois de septembre et octobre 1994, celle-ci a pu constater l'existence de trois stratagèmes d'évasion fiscale utilisés par l'Ordre. D'une part, les dons faits par chèques à l'Ordre qui, après avoir encaissé les chèques, remettait 80 pour cent du don au donateur en faisant des retraits du compte bancaire par le biais d'un chèque payable à « cash » . Les pères Antoine Sleiman et Joseph Khamar étaient de ceux qui faisaient ces retraits. Il s'agissait principalement du cas de professionnels à plus gros revenus. En second lieu, les dons faits par chèques représentant 20 à 25 pour cent du montant apparaissant sur le reçu officiel. La plupart des donateurs de cette catégorie étaient des salariés ou retraités ayant des revenus moindres et recevaient des reçus antidatés. Finalement, les dons où il n'existe aucune preuve matérielle du don, sauf le reçu officiel (dons que les contribuables disent avoir fait en espèces). Plusieurs de ces dons, s'ils ont été faits, paraissent avoir été faits dans l'année suivant l'année pour laquelle le reçu a été établi.

[31]          Selon madame Langelier, les quatre appelants font partie de la troisième catégorie. Aucune trace de leurs dons n'a été retrouvée à l'exception d'un seul reçu qui a été établi à l'attention de Roger Merhi pour un montant de 1 770 $ payé par chèque en date du 10 avril 1991 et déposé au compte bancaire de l'Ordre.

[32]          Par ailleurs, madame Langelier a expliqué qu'en agissant de la sorte, les contribuables qui ont participé à ce stratagème ont tiré un bénéfice de cette transaction. Ainsi, selon un calcul qu'elle a effectué, le contribuable qui n'a donné que 20 ou 25 pour cent de la somme indiquée sur le reçu, a non seulement récupéré la somme investie par le biais de son don, mais a en plus, tiré un bénéfice par le jeu du crédit d'impôt pour don de bienfaisance (voir pièce I-21). Par ailleurs, elle a également expliqué que le crédit pour don de bienfaisance est un crédit non remboursable s'il n'y a pas d'impôt payable pour un particulier. Ainsi dans le cas de Reine Helou, si elle avait contribué plus de 450 $ et 500 $ dans les années 1991 et 1992 respectivement, elle n'aurait pas eu droit a un crédit d'impôt supplémentaire puisque par le montant de ces deux dons, il n'y avait aucun impôt fédéral à payer. Reine Helou n'a toutefois pas été recotisée pour les années 1991 et 1992 car le Ministre avait comme politique de ne pas recotiser les dons de moins de 1 000 $.

[33]          Madame Langelier a conclu que les dons en espèces n'avaient pas été réellement effectués ou si des sommes avaient été versées, elles ne représentaient pas le total apparaissant aux reçus. Les raisons qui l'ont incitée à conclure ainsi sont les suivantes. Premièrement, on lui avait dit à l'Ordre que ces sommes d'argent étaient déposées dans un coffre-fort ou envoyées au Liban et que l'on tenait un registre quotidien en arabe des dons, lequel aurait été conservé au Liban. Or, elle n'a retracé aucune somme d'argent dans le coffre-fort, ni aucune preuve que des sommes d'argent avaient été envoyées au Liban. La copie du registre tenu en arabe qu'on lui a fait parvenir ne contenait qu'une écriture globale en fin d'année et ne constituait aucunement un registre quotidien. Deuxièmement, bien que les gens qui disaient contribuer en espèces remettaient supposément l'argent dans des enveloppes identifiées à leur nom à l'intérieur, aucun exemple n'a pu être remis à madame Langelier lors de sa vérification. Finalement, le bilan aux états financiers de l'Ordre au 31 décembre des années 1989, 1990, 1991 et 1992, n'indiquait aucun compte à recevoir et aucune encaisse correspondant au total des sommes indiquées sur tous les reçus en date du 31 décembre de chacune de ces années. Ainsi, selon les états financiers, l'Ordre n'aurait reçu ni en espèces, ni en chèques, ni autrement, l'argent qu'il indique avoir eu dans ses coffres selon ses reçus officiels pour dons de bienfaisance.

[34]          L'intimée a finalement fait témoigner Gaëtan Ouellette, enquêteur à la section des enquêtes spéciales de l'Agence des douanes et du revenu du Canada. Celui-ci a saisi un document intitulé « Bibliorec » dans les locaux de l'Ordre. Ce document contient des informations pour une série consécutive de plus de 350 reçus établis par l'Ordre relativement à l'année 1993. On y retrouve entre autres le nom de certains donateurs, le pourcentage du don réellement effectué, de même que le nom de la personne intermédiaire par laquelle les bénéficiaires de reçus ont transigé pour obtenir un reçu de l'Ordre. Ainsi, le nom de Roger apparaît comme un tel intermédiaire. Bien que ce « Roger » n'ait pas été identifié positivement, monsieur Ouellette a pu réaliser lors de son enquête que les contribuables faisant affaire avec ce « Roger » , se rendaient dans un restaurant pour le rencontrer. Monsieur Ouellette aurait même pu dans certains cas faire le lien avec le restaurant « Cocktail Antabli » , appartenant à Roger Merhi. Monsieur Ouellette a également souligné qu'à un moment de l'enquête, il avait fait prendre une photo de ce « Roger » . C'est à ce moment que l'Ordre a déposé un plaidoyer de culpabilité et que l'enquête a pris fin. Ladite photo a été détruite. Il est à souligner ici que lors de sa vérification, madame Langelier n'a retracé aucun individu enregistré dans le système au nom de Roger Antabli. Par contre, monsieur Ouellette n'a pu établir à l'aide du Bibliorec le nom de famille de « Roger » .

[35]          Finalement, monsieur Ouellette a expliqué que monsieur Antoine Machalani n'avait pas été recotisé en 1993 sur un don de 5 000 $ parce que le reçu avait été établi au nom de « Tony » Machalani avec une adresse différente, et qu'on n'avait pas réalisé au moment de l'enquête qu'il s'agissait de la même personne.

[36]          En contre-preuve, Roger Merhi a reconnu qu'il recevait des appels téléphoniques chez lui de gens qui voulaient parler à Roger Antabli. Selon lui, c'est le père Joseph Khamar qui avait donné son numéro de téléphone à son insu et qui aurait été impliqué avec le comptable Jean-Maurice Labelle dans toute cette histoire. Par ailleurs, en ce qui concerne les meubles qu'il aurait payés par chèques, il n'a pu dire s'il avait fait ces chèques à l'attention de l'Ordre. Il a dit qu'il avait fait des chèques postdatés à différentes dates pour différents montants. Il a expliqué ceci en disant qu'il n'y avait aucune raison de faire des chèques pour des montants égaux. Par ailleurs, il n'a pris aucune note des montants ainsi versés à l'Ordre. En contre-interrogatoire, il a expliqué qu'il avait pu faire deux chèques de 900 $ chacun et un de 250 $ en 1992, soit un total de 2 050 $, malgré un revenu déclaré de 134 $ dans cette même année. Selon lui, sa femme pouvait très bien contribuer aux charges du foyer, avec un revenu d'environ 16 000 $ dans cette même année et l'argent qu'elle avait avec elle en arrivant au Canada.

Argument de l'intimée

[37]          L'avocate de l'intimée soutient qu'elle entend démontrer par preuve circonstancielle la participation des appelants dans le stratagème fiscal pour lequel l'Ordre a plaidé coupable. La recevabilité d'une preuve par présomptions est acquise en droit civil. Ainsi dans Canadian Titanium Pigments Ltd. c. Fratelli D'Amico Armatori, [1979] A.C.F. no 206 (Q.L.), Marceau J. de la Cour d'appel fédérale disait ce qui suit :

12.            Il n'y a certes pas lieu d'insister sur la recevabilité d'une preuve par présomptions pour démontrer l'existence d'un fait: c'est même en pratique un moyen de preuve qui, dans un domaine comme celui de la responsabilité civile, peut être souvent plus efficace que n'importe quel autre. [. . .]

13.            Pour réussir, on le sait, la demanderesse devra faire valoir des présomptions qui emportent l'adhésion tant par leur nombre que par leur gravité, leur précision et leur concordance – j'emprunte ici les expressions que les auteurs et la jurisprudence utilisent au Québec sous l'inspiration de l'article 1353 du Code français [. . .]. Mais cette adhésion, ne l'oublions pas, n'aura pas à s'appuyer sur une certitude inébranlable: une telle certitude excède les exigences de la justice civile; elle devra résulter d'une simple conviction relative tirée d'une déduction rationnelle des faits et circonstances [. . .].

14.            Il s'agit donc d'examiner ces faits et circonstances mis en lumière par l'enquête et de se demander si on en peut déduire rationnellement une preuve suffisamment convaincante de la justesse de ces deux propositions sur lesquelles l'action est fondée.

[38]          L'intimée soutient dans les présents appels que les appelants étaient, non seulement au courant du stratagème fiscal concocté par les membres de l'Ordre, mais qu'ils y ont participé. Dans le cas de Roger Merhi et Reine Helou, ils ont été sollicités par les pères Sleiman et Joseph Khamar. Or, il ressort de la preuve que ces deux pères étaient à la source de ce stratagème. Tous deux signaient les reçus et tous deux ont, selon la conciliation bancaire préparée par Colette Langelier, fait des retraits du compte de l'Ordre. Or, selon les témoignages de madame Langelier et de monsieur Ouellette, ces retraits servaient à rembourser les donataires d'une somme égale à environ 80 pour cent du don. La preuve a également fait ressortir que beaucoup de contribuables ayant participé dans ce stratagème faisaient affaire avec le père Joseph.

[39]          Par ailleurs, l'avocate de l'intimée soutient que Roger Merhi n'est pas crédible lorsqu'il soutient que tout se passait à son insu dans son restaurant. En effet, il ressort de la preuve que le père Joseph Khamar a quitté le Canada vers la fin de 1992. Ceci est corroboré par le fait que son nom n'apparaît plus comme dirigeant et administrateur de l'Ordre à compter du mois de novembre 1992 (voir déclarations T-3010 pièce I-18). Son nom n'apparaît pas non plus dans la conciliation bancaire après 1992 et les reçus signés en 1992 au nom du père Joseph Khamar ne portent plus la même signature que dans les années précédentes. (Ceci est particulièrement évident pour les reçus remis à Reine Helou que l'on retrouve à l'onglet 4 de la pièce I-10.) Comment Roger Merhi peut-il prétendre, soutient l'avocate de l'intimée, que les gens faisaient affaire avec le père Joseph en 1993 dans son restaurant alors que celui-ci ne vivait plus au Canada? Selon l'avocate, il s'agit plus que d'une simple coïncidence que certains donateurs ayant participé à cette fraude aient eu en main le numéro de téléphone de Roger Merhi lorsqu'ils voulaient s'adresser à Roger Antabli. Roger Antabli n'existe pas. Les reçus étaient remis pour certains au restaurant portant le nom de Cocktail Antabli, lequel appartient à Roger Merhi. L'avocate en conclut que Roger Antabli est dans les faits Roger Merhi et que celui-ci, non seulement était au courant de la fraude, mais en plus recrutait des gens pour y participer.

[40]          L'avocate de l'intimée insiste sur le peu de crédibilité à donner au témoignage de Roger Merhi. En effet, il a nié lors de son interrogatoire en chef avoir fait des chèques à l'Ordre, ce qui a été contredit par les témoignages de madame Langelier et de monsieur Ouellette qui ont retracé plusieurs chèques faits par lui à l'Ordre. Quant à l'explication postérieure de Roger Merhi que ces chèques avaient été faits à l'Ordre pour payer des meubles, ceci n'a aucun sens quand on considère les revenus peu élevés de Roger Merhi en 1991 et 1992 et de la façon dont ces meubles auraient été payés. En effet, Roger Merhi reconnaît avoir fait ces chèques à différentes dates pour différents montants, sans tenir aucun registre de ces paiements. De plus, Roger Merhi reconnaît que l'un des chèques correspond au montant indiqué sur un reçu pour don de bienfaisance (celui du 10 avril 1991, pièce I-5 onglet 4), mais maintient que cet argent a servi à payer des meubles.

[41]          Quant à Reine Helou, l'avocate de l'intimée soutient que son témoignage n'est pas plus crédible. Il est d'abord mis en doute par le fait qu'elle nie avoir reçu en mains propres un subpoena qui lui était adressé alors que l'huissier de justice a reconnu Reine Helou à l'audience et a juré sur son serment d'office lui avoir remis en mains propres le subpoena qui lui était adressé. Quant aux montants de dons réclamés, l'avocate de l'intimée insiste sur le fait qu'en 1991 et 1992, Reine Helou a limité ses dons de façon à réduire à néant l'impôt fédéral. En 1990, elle serait allée jusqu'à la limite permise par la Loi. En fait, elle est allée chercher le maximum de remboursement qu'elle pouvait en fonction de ses revenus.

[42]          De plus, l'avocate soutient qu'il est peu probable que le couple Roger Mehri et Reine Helou ait donné ce qu'ils prétendent avoir donné, si l'on tient compte de leur revenu net disponible combiné et des autres charges du foyer.

[43]          Quant à Elie Merhi, l'avocate tire une inférence qu'il a participé à ce stratagème puisqu'il résidait avec Roger Merhi et Reine Helou. C'est Roger Merhi qui préparait les déclarations de revenu d'Elie Merhi. De plus, si Roger Merhi vendait des reçus comme le prétend l'avocate de l'intimée, il est fort plausible qu'Elie Merhi ait été sollicité, et ayant fait des dons, qu'il ait participé à ce stratagème. Ceci peut également s'inférer du fait qu'Elie Merhi s'est fait remettre des reçus portant des numéros consécutifs à ceux de Roger Merhi et de Reine Helou.

[44]          Pour ce qui est d'Antoine Machalani, c'est lui qui doit démontrer qu'il a réellement fait un don pour le montant indiqué au reçu. Celui-ci n'a tenu aucun registre de ses dons. Par ailleurs, l'avocate de l'intimée soutient que sa crédibilité est également entachée. Entre autres, il a soutenu avoir entendu parler de la fraude en 1995 lors de la parution d'un article dans « The Gazette » . Or cet article a été publié en janvier 1996. De plus, il dit avoir cessé de faire des dons en 1995 lorsqu'il a été mis au courant de cette fraude. Si tel est le cas, cela vient corroborer la thèse que lui aussi faisait des dons dans l'année qui suivait l'année pour laquelle un reçu avait été établi, c'est-à-dire qu'il recevait des reçus antidatés pour maximiser son crédit. En fait, ceci est la conclusion à laquelle en est arrivée madame Langelier lorsqu'elle a constaté que les numéros des reçus remis à Antoine Machalani pour les années d'impositions 1993 et 1994 faisaient partie de carnets de reçus remis pour des dons faits dans l'année suivant celle indiquée sur le reçu (voir pièces R-5 et I-19).

[45]          De plus soutient l'avocate de l'intimée, Antoine Machalani était un ami de Roger Merhi. Il est difficile de croire qu'il n'était pas au courant de cette fraude, d'autant plus qu'il fréquentait le monastère régulièrement puisque c'est lors de ses visites qu'il remettait des sommes d'argent dans une enveloppe. Or, selon le témoignage de Bachar Hajjar, (un témoin de l'intimée ayant reconnu avoir participé à la fraude), c'est par des amis qui fréquentaient le monastère qu'il a appris qu'il pouvait recevoir des reçus d'une valeur plus élevée. Selon ce dernier témoin, il payait 20 pour cent du montant du reçu et tout ceci se faisait au monastère même.

[46]          De plus, Antoine Machalani dit avoir donné 6 000 $ en espèces en 1994. Or, c'est en 1994 qu'a eu lieu la vérification par Revenu Canada et madame Langelier n'a eu aucune preuve fournie par l'Ordre qu'une telle somme avait été reçue. Monsieur Machalani dit qu'il donnait l'argent dans une enveloppe. Aucune de ces enveloppes indiquant la provenance et le montant du don n'a été retracée à l'Ordre, lequel ne tenait pas non plus de registre quotidien des dons qui auraient été faits.

[47]          L'avocate de l'intimée conclut donc qu'il existe une prépondérance de preuve qu'aucun des appelants n'a fait un don pour le montant indiqué sur les reçus qui leur ont été remis. Selon elle, chaque appelant visait à se faire compenser non seulement du montant remis à l'Ordre, mais à faire un profit à partir du crédit d'impôt obtenu.

[48]          Elle considère donc qu'il n'y a eu aucune intention libérale de donner et qu'on ne peut donc pas parler de dons en l'espèce. Elle s'appuie sur deux décisions de la Cour d'appel fédérale dans La Reine c. Friedberg, [1989] A.C.F. no 23, et La Reine c. Burns, 88 DTC 6101 (C.F.), confirmé par 90 DTC 6335 (C.A.F.) pour soutenir qu'on ne peut parler de don lorsque le contribuable qui prétend au don en a tiré un avantage au lieu de s'appauvrir. D'une part, le juge Linden disait ce qui suit dans l'arrêt Friedberg, à la page 3 :

                Par conséquent, un don est le transfert volontaire du bien d'un donateur à un donataire, en échange duquel le donateur ne reçoit pas d'avantage ni de contrepartie (voir le juge Heald dans La Reine c. Zandstra (1974) 2 C.F. 254, à la p. 261). L'avantage fiscal qui est conféré par un don n'est généralement pas considéré comme un "avantage" au sens où on l'entend dans cette définition car s'il en était ainsi, bien des donateurs seraient dans l'impossibilité de se prévaloir des déductions relatives aux dons de charité.

D'autre part, le juge Pinard de la Division de première instance de la Cour fédérale disait ce qui suit dans l'arrêt Burns à la page 6105 :

[TRADUCTION]

                J'aimerais souligner que l'élément essentiel d'un don est l'élément intentionnel que le droit romain a précisé comme animus donandi ou l'intention libérale (voir Mazeaud, Leçon de Droit Civil, tome 4ième, 2ième volume, 4ième édition, no 1325, page 545). Le donateur doit être conscient qu'il ne recevra pas de contrepartie autre qu'un avantage purement moral; il doit être prêt à s'appauvrir dans l'intérêt du bénéficiaire du don sans recevoir aucune contrepartie.

[49]          L'avocate de l'intimée soutient également que les reçus ne rencontrent pas les exigences imposées par l'article 118.1 de la Loi et de l'article 3501 des Règlements de l'impôt sur le revenu (par exemple, la date sur le reçu ne serait pas conforme aux dates réelles des dons et les montants indiqués ne seraient pas exacts).

[50]          Elle conclut finalement à la faute lourde des appelants et au maintien de la pénalité sous le paragraphe 163(2) de la Loi.

Arguments des appelants

[51]          L'avocat des appelants soutient qu'on demande aux appelants de faire une preuve des dons qu'ils ont effectués en retour d'un reçu d'un organisme enregistré, plus de dix ans après le fait. Selon lui, toute la preuve de l'intimée porte sur la fraude commise par l'Ordre. Rien ne permet de rattacher les appelants à cette fraude. Il n'y a eu aucune preuve prépondérante qu'il y a un lien de cause à effet. Aucun des témoins de l'intimée n'a reconnu les appelants comme ayant participé à cette fraude. Aucune preuve ne permet non plus de prétendre que Roger Merhi vendait des reçus.

[52]          Quant aux actions du père Joseph Khamar, il invoque le fait qu'il se peut que Roger Merhi ait été manipulé. Mais on ne peut retenir de la preuve que Roger Merhi était de mauvaise foi. Il a droit au bénéfice du doute en ce qui concerne les preuves indiciaires.

[53]          Selon l'avocat des appelants, ce n'est pas aux contribuables de s'assurer que l'Ordre comptabilisait adéquatement les sommes reçues. Les appelants étaient en droit de se fier aux reçus délivrés par un organisme dûment enregistré. Ce n'est pas aux appelants de répondre des actes frauduleux de l'Ordre.

[54]          Quant à monsieur Machalani, il n'a pas donné plus de 10 pour cent de son revenu net et n'avait aucune obligation financière puisqu'il habitait chez ses parents avec son enfant par suite de son divorce.

[55]          Pour ce qui est de Roger Merhi, il était normal de faire des dons à la communauté qui l'avait accueilli et logé pendant dix mois au Canada. On ne peut affirmer que tous ceux qui fréquentaient le père Joseph étaient des fraudeurs, ou de connivence avec lui.

Analyse

Roger Merhi, Elie Merhi et Reine Helou

[56]          En ce qui concerne les trois appelants Roger et Elie Merhi et Reine Helou, pour pouvoir cotiser après la période normale de nouvelle cotisation, le Ministre doit prouver que les appelants ont fait une présentation erronée des faits par négligence, inattention ou omission volontaire ou qu'ils ont commis quelque fraude en produisant leurs déclarations de revenu.

[57]          Ne pouvant faire une preuve directe, puisque lors de l'enquête aucun registre n'a été retrouvé sur les dons en espèces, l'intimée a dû procéder par preuve circonstancielle. Elle doit démontrer selon la prépondérance des probabilités, que les appelants n'ont pas réellement fait ces dons en argent ou, que s'ils ont fait des dons, que c'est pour une somme inférieure aux montants des reçus.

[58]          Je suis d'avis que l'intimée a démontré selon la prépondérance des probabilités que les trois appelants ci-haut mentionnés, non seulement étaient au courant du stratagème fiscal, mais y ont également participé.

[59]          En premier lieu, la preuve de l'intimée démontre que l'Ordre a participé à une fraude fiscale, et que de nombreux donateurs y ont participé. Il semble aussi que certains dons en espèces n'ont pas été faits pour le montant indiqué aux reçus puisque l'on n'a pas pu retracer le montant total de ces dons dans les registres de l'Ordre.

[60]          D'autre part, la crédibilité de Roger Merhi est entachée par ses explications contradictoires. Sans aller jusqu'à prétendre qu'il vendait des reçus, plusieurs éléments de preuve convergent vers le fait que la vente des reçus se passait dans son propre restaurant et que c'est son numéro de téléphone qu'on donnait aux gens qui voulaient des reçus pour une valeur plus élevée que le montant de leur don. Il est difficile dès lors pour Roger Merhi de soutenir qu'il n'était pas au courant de la distribution des faux reçus. Par ailleurs, sa crédibilité a été largement ébranlée en contre-preuve, lorsqu'il a tenté d'expliquer que c'était le père Joseph qui se faisait passer pour Roger Antabli en 1993. Face à l'évidence que le père Joseph n'était plus au Canada en 1993, il a mis en doute son propre témoignage relativement à la rencontre entre monsieur Thibodeau et le père Joseph dans la cuisine de son restaurant. De plus, son explication quant aux chèques postdatés qu'il aurait faits en 1991 pour payer des meubles est difficilement conciliable avec le restant de la preuve. Comment peut-il soutenir qu'il n'avait pas d'argent en 1991 pour payer des meubles pour sa propre résidence et en même temps prétendre qu'il a fait un don à l'Ordre de 2 900 $ au cours de cette même année?

[61]          Quant à Reine Helou, elle a reconnu qu'elle passait beaucoup de temps au restaurant de son mari. Elle ne m'a pas convaincue qu'elle n'était pas plus au courant que Roger Merhi de l'existence de faux reçus et qu'elle n'en a pas bénéficié non plus. Elle fréquentait le monastère avec son mari et utilisait la même procédure que lui pour faire ses dons.

[62]          En rétrospective, j'ai peine à croire qu'avec le revenu net disponible qu'ils avaient, Roger Merhi et Reine Helou pouvaient se permettre de faire des dons équivalant à 26 pour cent de leur revenu net disponible.

[63]          Quant à Elie Merhi, sa seule absence en cour témoigne de l'indifférence qu'il assume à l'égard de ses obligations fiscales. J'infère de son absence et de ses liens avec Roger Merhi, de même que de toute la preuve présentée devant moi, qu'il était de connivence dans ce stratagème fiscal.

[64]          Compte tenu de ma conclusion, je considère également qu'aucun des trois appelants Roger et Elie Merhi et Reine Helou n'a fait de don au sens donné par les tribunaux. En effet, madame Langelier a démontré qu'en agissant ainsi, les contribuables, non seulement récupéraient leur mise de fonds, mais tiraient en plus un bénéfice par le jeu du crédit d'impôt. Ils ont clairement tiré un avantage qui va au-delà de l'avantage fiscal normalement prévu par la Loi.

[65]          On ne peut donc parler d'appauvrissement mais d'enrichissement dans les circonstances. Je suis du même avis que l'intimée qu'il n'y a eu aucun don en l'espèce dans ces trois cas.

[66]          En conclusion, je suis d'avis que l'intimée a démontré selon une prépondérance de preuve que les appelants Roger et Elie Merhi et Reine Helou ont fait une présentation erronée des faits par négligence, inattention ou omission volontaire. Le Ministre pouvait donc recotiser après la période normale pour établir une nouvelle cotisation.

[67]          Je suis également d'opinion qu'ils n'ont pas droit à un crédit pour don de bienfaisance pour les années en litige, puisqu'ils n'ont pas fait de dons au sens de l'article 118.1 de la Loi.

[68]          Par ailleurs, en concluant qu'ils ont participé au stratagème fiscal impliquant l'Ordre, je suis également d'avis que le Ministre a démontré par prépondérance de preuve que les appelants Roger et Elie Merhi et Reine Helou ont sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission lors de la production de leurs déclarations de revenu. Les pénalités cotisées aux termes du paragraphe 163(2) sont donc maintenues. Leurs appels sont rejetés.

Antoine Machalani

[69]          Quant à Antoine Machalani, c'est lui qui a le fardeau de prouver qu'il a réellement fait des dons en espèces. De la preuve, il ressort que l'Ordre émettait des faux reçus. Ce fait et d'autres révélés par la preuve de l'intimée mettent en doute la validité du reçu obtenu par monsieur Machalani. Toutefois, je ne suis pas convaincue qu'Antoine Machalani était au courant de l'existence des faux reçus en 1994. Il est vrai qu'il fréquentait le Monastère qui était à la source de tout ce stratagème, mais cela ne prouve pas, à mon sens, qu'il ait participé à ce stratagème. Selon son témoignage, c'est à cause de son père, qui avait été initialement le fondateur de l'Ordre, qu'il a fait des dons à l'Ordre. Il ne semble pas qu'Antoine Machalani ait été sollicité par les pères Joseph ou Sleiman. Par ailleurs, il a indiqué que lorsqu'il a pris connaissance de la fraude organisée par l'Ordre, il a cessé de faire des dons à l'Ordre et a recommencé à fréquenter son ancienne paroisse à laquelle il a continué de faire des dons de la même façon dans l'année en cours, soit en 1995 et dans les années subséquentes. En fait, la preuve révèle qu'il a donné des sommes totalisant environ 10 000 $ par année à cette paroisse à compter de 1995. Je comprends que ceci correspondait en moyenne à 10 pour cent du revenu de monsieur Machalani, ce qui ne me semble pas déraisonnable, compte tenu du fait qu'il n'avait pas de dépense élevées à supporter. De plus, on ne peut présumer que tous les dons en argent sont frauduleux. Je ne suis pas d'accord avec l'avocate de l'intimée lorsqu'elle attaque la crédibilité de monsieur Machalani. Il est faux de prétendre que ce dernier a cessé de faire des dons lorsqu'il a entendu parler de la fraude dans le journal. D'une part, monsieur Machalani a dit qu'il avait appris cette fraude non seulement par un article de journal mais par ce qui se racontait dans la communauté. Il est donc plausible qu'il ait appris ceci au cours de l'année 1995 puisque l'enquête avait commencé à la fin de l'année 1994. D'autre part, bien qu'il ait cessé de faire des dons à l'Ordre, il a continué à faire des dons à son ancienne paroisse tout au long de l'année 1995 et des années subséquentes. Ceci n'a pas été remis en question.

[70]          Quant à la question des reçus antidatés, je ne considère pas que la preuve de l'intimée démontre nécessairement que monsieur Machalani ait obtenu des reçus antidatés. Ce dernier a dit qu'il téléphonait au Monastère durant la période où il devait faire ses déclarations de revenus, pour obtenir un reçu. Il est bien possible qu'on lui préparait alors un reçu dans le carnet de reçus disponible à ce moment, pour les dons qu'il avait faits l'année précédente. Finalement, ce n'est pas parce que l'Ordre a détruit toutes les enveloppes ayant contenu les dons que celles-ci n'ont pas existé. Par ailleurs, les donateurs n'étaient pas nécessairement au courant de la façon dont le Monastère gérait ses affaires.

[71]          En terminant, je ne retiens pas de la preuve qu'Antoine Machalani était un ami de Roger Merhi. Antoine Machalani a dit qu'il connaissait Roger Merhi mais sans plus et qu'il avait coupé tout contact avec lui après le départ de sa femme. Je ne crois pas que ce seul lien avec Roger Merhi puisse faire en sorte de rattacher sa cause à celle de Roger Merhi. Contrairement aux témoignages de Roger Merhi et Reine Helou, je n'ai pas vraiment raison de douter de la crédibilité d'Antoine Machalani.

[72]          En conséquence, je considère que la prépondérance de la preuve ne démontre pas qu'Antoine Machalani était, au cours de l'année 1994, au courant de l'existence des faux reçus et qu'il ait sollicité un tel reçu en contrepartie d'une somme moindre. En tenant compte de la façon constante dont Antoine Machalani a fait des dons depuis 1993 jusqu'à ce jour, selon une proportion raisonnable de ces revenus, et ce malgré l'enquête sur la fraude commise par l'Ordre, je suis d'avis que l'appelant Antoine Machalani à démontré selon la prépondérance des probabilités qu'il a, dans les faits, fait un don de 6 000 $ à l'Ordre au cours de l'année 1994 et que la fraude commise par l'Ordre n'affecte pas en soi la validité de son don à lui.

[73]          Pour ces raisons, l'appel d'Antoine Machalani est accueilli, avec frais et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que l'appelant a le droit, aux termes de l'article 118.1 de la Loi, à un crédit pour don de bienfaisance pour un don de 6 000 $ qu'il a fait à l'Ordre au cours de l'année d'imposition 1994. La pénalité qui lui a été imposée aux termes du paragraphe 163(2) est annulée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 3ième jour d'avril 2001.

« Lucie Lamarre »

J.C.C.I.

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