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Date: 20010514

Dossier: 2000-4635-IT-I

ENTRE :

CECILIA WANG,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifsdu jugement

Le juge O'Connor, C.C.I.

[1]            L'appel en l'instance a été entendu à Vancouver (Colombie-Britannique), le 25 avril 2001, sous le régime de la procédure informelle de la Cour.

QUESTION EN LITIGE

[2]            La question est de savoir si, en 1998, l'appelante était exonérée d'impôt au Canada relativement à un montant de 19 016,78 $ reçu de son employeur en Chine en vertu de l'application du sous-alinéa 110(1)f)(i) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la " Loi ") et des dispositions pertinentes de la Convention fiscale entre la Chine et le Canada (la " Convention fiscale ").

FAITS

[3]            Les principaux faits sont décrits ci-dessous. En février 1998, l'appelante a conclu un contrat avec Duracell (China) Limited (la " compagnie "), intitulé " Contrat de formation et de travail " (le " contrat ") (pièce A-1) et, pendant toute la période pertinente, l'appelante a été employée par la compagnie.

[4]            Avant d'entrer au Canada le 2 avril 1998, l'appelante avait demandé et obtenu le statut d'immigrant admis au Canada.

[5]            Le montant de 19 016,78 $ a été versé à l'appelante par la compagnie en 1998 pour qu'elle puisse fréquenter l'école au Canada et payer ses frais de subsistance.

[6]            L'appelante a épousé son mari en Chine le 18 septembre 1998, et ce dernier s'est installé au Canada le 23 novembre 1999.

[7]            L'appelante possédait les liens suivants avec le Canada au cours de l'année d'imposition 1998 :

a)              Une chambre meublée dans une maison en rangée, pour laquelle elle payait un loyer de 300 $ par mois;

b)             Des vêtements et des biens meubles;

c)              Une automobile et un permis de conduire canadien;

d)             Un compte bancaire;

e)             L'admissibilité à l'hospitalisation et à une protection médicale provinciales.

[8]            L'appelante possédait les liens suivants avec la Chine au cours de l'année d'imposition 1998 :

a)              Elle était assujettie à l'impôt sur le revenu en Chine, et la compagnie retenait sur son revenu son impôt chinois et le payait en son nom;

b)             L'appelante n'avait pas de parents au Canada en 1998, mais elle en avait beaucoup en Chine, dont sa famille immédiate et son époux, qui vivait toujours en Chine en 1998;

c)              La compagnie a offert à l'appelante un logement en Chine, qui demeurait à sa disposition pendant son séjour, tout au long de la période du contrat. Elle possédait également un appartement en Chine, qui était également à sa disposition tout au long de l'année 1998;

d)             L'appelante possédait des comptes bancaires et des cartes de crédit chinois;

e)              En 1998, elle avait des effets personnels en Chine, dont des vêtements, des meubles, des appareils électroménagers et une motocyclette;

f)                     Elle a conservé son permis de conduire chinois;

g)                    Elle est membre de l'association des ressources humaines de Canton.

[9]            Bien que l'appelante ait présenté une demande au nom de son futur époux pour qu'il obtienne le statut d'immigrant admis au Canada, son intention n'était pas nécessairement de demeurer au Canada de façon permanente. Cette décision ne pouvait être prise qu'après l'examen de la capacité de son époux à se trouver un emploi au Canada.

[10]          À la date de l'audition du présent appel, l'appelante n'avait pas encore obtenu la citoyenneté canadienne.

[11]          L'un des objectifs établis dans le contrat était que l'appelante devait obtenir la citoyenneté canadienne et améliorer sa mobilité personnelle.

[12]          L'article 3 du contrat est ainsi rédigé :

                [TRADUCTION]

3. Programme

D'avril 1998 à avril 1999 :

Programme de MBA au Kingston College, à Vancouver, au Canada. Les détails du programme et du cours se trouvent en annexe. Les vacances d'été ou d'hiver seront passées à l'usine de la Chine. Le travail sur le projet sera lié aux activités de Duracell ou de Gillette en Amérique du Nord.

De mai 1999 à août 1999 :

Projet axé sur les États-Unis. Le contenu et les objectifs sont à préciser.

Le projet doit inclure les activités de la société de Bethel et/ou de celle de Boston.

De sept. 1999 à mars 2000 :

Duracell China Ltd - le service doit être déterminé.

D'avril 2000 à avril 2001 :

Retour au Canada pour un suivi académique, des activités liées à Gillette et à Duracell ou un autre endroit géographique. Poursuite du travail sur le projet en traitant différents domaines fonctionnels.

[13]          Le contrat prévoyait également que la compagnie percevrait les impôts liés à Duracell au Canada.

[14]          L'article 8 du contrat est ainsi rédigé :

                                [TRADUCTION]

8. Fin du contrat de formation

8.1            Le présent contrat n'a pas de durée précise. Toutefois, la compagnie n'a pas l'intention de vous demander de remplir une autre affectation importante pendant votre année de MBA. Après cette année et selon votre mobilité géographique (le nombre de jours permis à l'extérieur du Canada sans compromettre votre demande de citoyenneté), nous vous offrirons un certain nombre de possibilités d'affectation fonctionnelle entre secteur pour des fins de perfectionnement.

8.2            À la fin du présent contrat de formation, il est prévu que l'une des options suivantes s'applique :

a.              vous retournerez chez Duracell China Ltd.

b.              vous remplirez une autre affectation pour un autre secteur du groupe Duracell ou Gillette.

c.              vous déciderez de quitter la compagnie ou vous ferez l'objet d'un licenciement motivé, et les dispositions du guide de l'employé de Duracell China s'appliqueront à l'égard d'un engagement de service après la formation.

Le paiement salarial pendant la formation est exclu dans le présent cas.

[15]          Selon le témoignage de l'appelante, la formation pédagogique qu'elle a suivie au Canada ne visait pas l'obtention d'un emploi au Canada, mais plutôt aux États-Unis.

ARGUMENTS DE L'APPELANTE

[16]          Le représentant de l'appelante soutient que les articles 4 et 19 de la Convention fiscale s'appliquent à l'appelante. En vertu de l'article 4, il a soutenu que le centre des intérêts vitaux se trouvait en Chine, et il s'avère que l'impôt a été payé en Chine au nom de l'appelante par la compagnie.

ARGUMENTS DE L'INTIMÉE

[17]          L'avocate de l'intimée soutient que c'est l'article 19 de la Convention fiscale qui s'applique et que, puisque l'appelante ne visitait pas le Canada et qu'elle a demandé et obtenu le statut d'immigrant admis, elle a plutôt démontré son intention de résider de façon permanente au Canada. En outre, l'avocate avance qu'elle ne se trouvait pas au Canada uniquement pour sa formation, puisqu'elle a reçu d'autres revenus découlant de différents petits travaux.

ANALYSE ET DÉCISION

[18]          Le sous-alinéa 110(1)f)(i) de la Loi exonère de l'impôt canadien sur le revenu une somme exonérée de l'impôt sur le revenu au Canada par l'effet d'une disposition de quelque convention ou accord fiscal avec un autre pays qui a force de loi au Canada. Les articles 4 et 19 de la Convention fiscale prévoient ce qui suit :

Article4

Résident

1.              Au sens du présent Accord, l'expression " résident d'un État contractant " désigne toute personne qui, en vertu de la législation de cet État, est assujettie à l'impôt dans cet État contractant, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège social, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue.

2.              Lorsque, selon les dispositions du paragraphe 1, une personne physique est un résident des deux États contractants, sa situation est réglée de la manière suivante :

a)             cette personne est considérée comme un résident de l'État contractant où elle dispose d'un foyer d'habitation permanent; si elle dispose d'un foyer d'habitation permanent dans les deux États contractants, elle est considérée comme un résident de l'État contractant avec lequel ses liens personnels et économiques sont les plus étroits (centre des intérêts vitaux);

b)             si l'État contractant où cette personne a le centre de ses intérêts vitaux ne peut pas être déterminé, ou si elle ne dispose d'un foyer d'habitation permanent dans aucun des États contractants, elle est considérée comme un résident de l'État contractant où elle séjourne de façon habituelle;

c)              si cette personne séjourne de façon habituelle dans les deux États contractants ou si elle ne séjourne de façon habituelle dans aucun d'eux, elle est considérée comme un résident de l'État contractant dont elle possède la nationalité;

d)             si cette personne possède la nationalité des deux États contractants ou si elle ne possède la nationalité d'aucun d'eux, les autorités compétentes des États contractants tranchent la question d'un commun accord.

3.              Lorsque, selon les dispositions du paragraphe 1, une personne autre qu'une personne physique est un résident des deux États contractants, les autorités compétentes des États contractants s'efforcent d'un commun accord de trancher la question et de déterminer les modalités d'application du présent Accord à ladite personne.

[...]

Article19

Étudiants

Les sommes qu'un étudiant, un stagiaire ou un apprenti qui est, ou qui était immédiatement avant de se rendre dans un État contractant, un résident de l'autre État contractant et qui séjourne dans le premier État contractant à seule fin d'y poursuivre ses études ou sa formation, reçoit pour couvrir ses frais d'entretien, d'études ou de formation ne sont pas imposables dans cet État contractant.

[19]          Il est tout à fait clair que l'objet principal de la Convention fiscale est d'éviter une double imposition en Chine et au Canada, et, à mon avis, les dispositions de la Convention devraient être interprétées d'une manière permettant de parvenir à cet objet. Par conséquent, je crois que j'ai le droit d'examiner les effets des articles 4 et 19 de la Convention fiscale.

[20]          Selon l'article 4, lorsqu'une personne dispose d'un foyer d'habitation permanent dans les deux États contractants, elle est considérée comme un résident de l'État contractant avec lequel ses liens personnels et économiques sont les plus étroits (centre des intérêts vitaux). Si l'État contractant où cette personne a le centre de ses intérêts vitaux ne peut pas être déterminé, elle est considérée comme un résident de l'État contractant où elle séjourne de façon habituelle. De plus, si cette personne séjourne de façon habituelle dans les deux États contractants, elle est considérée comme un résident de l'État contractant dont elle possède la nationalité.

[21]          À mon avis, en 1998, le centre des intérêts vitaux de l'appelante était la Chine. Ma conclusion se fonde sur une comparaison des facteurs de rattachement avec le Canada et la Chine mentionnés ci-dessus sous l'intitulé " Faits ". En tout état de cause, même si l'on devait conclure que le centre des intérêts vitaux ne pouvait pas être déterminé, si la personne séjourne de façon habituelle dans les deux États contractants, ce qui était le cas, elle est considérée comme un résident de l'État contractant dont elle possède la nationalité. Il ne faisait aucun doute qu'en 1998 l'appelante était seulement de nationalité chinoise et, si elle avait également été de nationalité canadienne, la réponse aurait quand même été qu'elle était une résidente de la Chine en 1998.

[22]          L'avocate de l'intimée m'a présenté une certaine jurisprudence selon laquelle seul l'article 19 devrait être examiné dans un cas comme celui-ci. Selon moi, je ne suis pas lié par les décisions citées ou, dans la mesure où je le suis, les faits de la présente affaire peuvent être distingués de ceux de ces décisions.

[23]          Quoi qu'il en soit, je crois que l'article 19 peut également s'appliquer à l'appelante. Le fait que celle-ci ait demandé et obtenu le statut d'immigrant admis ne permet pas automatiquement, à mon avis, de conclure qu'elle ne pouvait pas avoir visité le Canada en 1998. La preuve révèle qu'elle s'est rendue en Chine à au moins deux reprises en 1998, et, même si l'un des objectifs du contrat est que l'appelante obtienne sa citoyenneté canadienne, cet objectif doit être considéré dans le contexte de ce qui se passe à la fin du contrat de formation, comme le prévoit l'article 8 du contrat. L'une de ces options était que l'appelante retourne chez Duracell China Ltd. Je pense qu'il faut en conclure que les questions relatives au statut d'immigrant admis et à l'objectif visant l'obtention de la citoyenneté canadienne ne peuvent pas être examinées hors contexte. Tous les faits de l'affaire tels qu'ils ont été présentés ci-dessus doivent être examinés et, à mon avis, ils ne mènent pas à la conclusion selon laquelle l'appelante avait l'intention de résider de façon permanente au Canada.

[24]          Pour ces motifs, l'appel est admis, avec dépens.

                Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de mai 2001.

" T. O'Connor "

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 14e jour de janvier 2002.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Martine Brunet, réviseure

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-4635(IT)I

ENTRE :

CECILIA WANG,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 25 avril 2001 à Vancouver (Colombie-Britannique), par

l'honorable juge Terrence O'Connor

Comparutions

Représentant de l'appelante :                Roque Hsieh

Avocate de l'intimée :                           Me Jasmine Sidhu

JUGEMENT

L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1998 est admis, avec dépens, et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de mai 2001.

" T. O'Connor "

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 14e jour de janvier 2002.

Martine Brunet, réviseure


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