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Dossier : 2002-4916(IT)I

ENTRE :

AJE PRODUCTIONS INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

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Appel entendu le 10 juillet 2003, à Toronto (Ontario)

Par : l'honorable juge J. M. Woods

Comparutions:

Avocat de l'appelante :

Me Don Champagne

Avocat et représentant de l'intimée :

Me Joel Oliphant

M. Paolo Torchetti, stagiaire

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JUGEMENT

L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 2000 est admis et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que la seule réduction du crédit d'impôt en application de l'article 125.4 à l'égard de la production de Bella 1 par AJE Productions se chiffre à 748 $.


Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour de septembre 2003.

« J. M. Woods »

Juge J. M. Woods

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour de juin 2005.

Sophie Debbané, réviseure


Référence : 2003CCI517

Date : 20030904

Dossier : 2002-4916(IT)I

ENTRE :

AJE PRODUCTIONS INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Woods

[1]      AJE Productions Inc. ("AJE Productions") interjette appel contre la cotisation d'impôt sur le revenu pour son année d'imposition 2000 qui réduisait un crédit d'impôt pour production cinématographique prévu à l'article 125.4 de la Loi de l'impôt sur le revenu, 1985 (5e supp.), ch. 1 (la « Loi » ). Le ministre du Revenu national ( « ministre » ) a établi la cotisation de la société en tenant compte du fait qu'elle n'avait droit qu'à 80 p. 100 du crédit d'impôt parce qu'elle avait attribué un droit de propriété de 20 p. 100 dans la production d'émissions à un organisme de télédiffusion en vertu d'un contrat de licence de télédiffusion.

[2]      L'appel a été entendu selon la procédure informelle de la Cour. L'appelante a accepté la légère réduction du montant en litige à 12 000 $ de sorte qu'il ne dépasse pas la limite monétaire applicable aux règles de procédure en question.

Les faits

[3]      AJE Productions est une société privée sous contrôle canadien qui produit des émissions pour la télévision. Mlle Amanda Enright est présidente de la société depuis environ sept ans et elle oeuvre dans l'industrie de la production d'émissions de télévision depuis environ 19 ans.

[4]      La société a conclu un contrat de licence le 7 mai 1999 ( « contrat de licence » ) avec Lifestyle Television (1994) Limited ( « WTN » ) en vertu de laquelle WTN a acquis les droits canadiens de télédiffusion d'une série d'émissions devant être produite par AJE Productions intitulée Bella 1. WTN s'est engagée à verser 531 180 $ pour les droits de télédiffusion en guise de droits de licence. Ce montant constituait environ 97 p. 100 du coût total de la production.

[5]      En vertu du contrat de licence, AJE Productions a convenu de produire la série d'émissions et d'être responsable de tous les coûts. Elle a convenu de n'apporter aucune modification aux principaux éléments créatifs de la série sans le consentement préalable de WTN, lequel ne devait pas être refusé de façon déraisonnable. Selon le contrat, AJE Productions devait aussi remettre un budget à WTN relativement à la production, budget qui ne devait pas être modifié sans le consentement préalable du télédiffuseur. Le contrat prévoyait expressément que le titre de propriété et les droits d'auteur dans la série continuaient d'appartenir à AJE Productions.

[6]      Le contrat de licence contenait aussi une disposition qui accordait à WTN le droit à 20 p. 100 des revenus nets de l'exploitation de la série. Mlle Enright a témoigné qu'il s'agissait d'une disposition typique des contrats de licence de télédiffusion, sauf que les 20 p. 100 constituaient un pourcentage exceptionnellement élevé puisque WTN finançait une partie considérable des coûts de production.

[7]      Dans sa déclaration de revenus pour l'année d'imposition 2000, AJE Productions a demandé un crédit d'impôt remboursable s'élevant à 65 455 $ en vertu de l'article 125.4(3) de la Loi. Le ministre a établi la cotisation de la société en réduisant sa demande de 12 748 $.

La question en litige

[8]      Il s'agit de savoir si le droit de AJE Productions à un crédit d'impôt remboursable pour production cinématographique en vertu de l'article 125.4 de la Loi à l'égard de la production de Bella 1 devrait être réduit en conséquence des termes du contrat de licence.

Dispositions législatives

[9]      Les parties applicables de l'article 125.4 de la Loi pour l'année d'imposition visée sont rédigées comme suit :

Article 125.4(3)

(3) La société qui est une société admissible pour une année d'imposition est réputée avoir payé, à la date d'exigibilité du solde qui lui est applicable pour l'année, un montant au titre de son impôt payable pour l'année en vertu de la présente partie égal à 25 % de sa dépense de main-d'oeuvre admissible pour l'année relativement à une production cinématographique ou magnétoscopique canadienne, si les conditions suivantes sont réunies:

a) la société joint les documents suivants à la déclaration de revenu qu'elle produit pour l'année :

(i) le certificat de production cinématographique ou magnétoscopique canadienne délivré relativement à la production,

(ii) un formulaire prescrit contenant les renseignements prescrits,

(iii) tout autre document visé par règlement relativement à la production;

b) les principaux travaux de prise de vue ou d'enregistrement de la production ont commencé avant la fin de l'année.

Article 125.4(1)

« dépense de main-d'oeuvre » Quant à une société qui est une société admissible pour une année d'imposition relativement à un bien lui appartenant qui est une production cinématographique ou magnétoscopique canadienne et sous réserve du paragraphe (2), le total des montants suivants, dans la mesure où il s'agit de montants raisonnables dans les circonstances qui sont inclus dans le coût du bien ou, s'il s'agit d'un bien amortissable, dans son coût en capital, pour la société:

a) les traitements ou salaires directement attribuables au bien que la société a engagés après 1994 et au cours de l'année ou de l'année d'imposition précédente [...]

« société admissible » Société qui, tout au long d'une année d'imposition, est une société canadienne imposable visée par règlement dont les activités au cours de l'année consistent principalement à exploiter, par l'entremise d'un établissement stable au Canada, au sens du Règlement de l'impôt sur le revenu, une entreprise qui est une entreprise de production cinéma­to­graphique ou magnétoscopique canadienne.

Prétention des parties

[10]     La Couronne soutient que AJE Productions n'a pas droit à 100 p. 100 du crédit d'impôt parce qu'elle n'a financé que 3 p. 100 de la production. La Couronne fait valoir que les frais de production aux fins de la définition de l'expression « dépense de main-d'oeuvre » ne sont en réalité que les 3 p. 100 que AJE Productions a financés, et elle ajoute que le ministre est généreux en accordant à la société 80 p. 100 du montant demandé. De plus, la Couronne affirme que le contrat de licence a pour effet, dans son ensemble, de donner à WTN un droit de propriété de 20 p. 100 dans la production et que, par conséquent, la « dépense de main-d'oeuvre » de AJE Productions selon la définition qu'en donne le paragraphe 125.4(1) devrait être réduite de ce montant.

[11]     AJE Productions estime qu'elle est propriétaire de la totalité de la production et que le contrat de licence est un contrat de licence typique qui n'accorde à WTN aucun droit de propriété sur la production.

Analyse

[12]     Le crédit d'impôt remboursable pour production cinématographique à l'article 125.4 est entré en vigueur en 1995. Il accorde aux sociétés admissibles un crédit d'impôt fondé sur la rémunération versée à l'égard de la production cinématographique ou magnétoscopique canadienne dans la mesure où cette rémunération est raisonnable et incluse dans le coût de la production. Les sociétés admissibles sont définies comme étant des sociétés canadiennes imposables visées par règlement dont les activités consistent principalement à exploiter au Canada une entreprise qui est une entreprise de production cinématographique ou magnétoscopique canadienne. Les règlements qui définissent les sociétés canadiennes imposables visées par règlement ont été publiés sous forme de projet. Ils n'étaient apparemment pas en vigueur au cours de l'année d'imposition en cause. Il semble que les règlements sont encore sous forme de projets et on m'a dit que le crédit d'impôt est calculé en vertu de leur version préliminaire. Il n'est pas contesté que AJE Productions est une société canadienne imposable visée par règlement selon la définition des projets de règlement.

[13]     AJE Productions a droit au crédit d'impôt relativement à la rémunération versée à l'égard de la production de Bella 1 dans la mesure où cette rémunération est raisonnable et incluse dans le coût de la production. Il n'est pas contesté que la rémunération versée était raisonnable. La Couronne estime que AJE Productions n'a supporté que 3 p. 100 de la rémunération relative à la production de Bella 1. Je ne partage pas cet avis. À mon sens, AJE Productions était tenue de payer ses employés à l'égard de cette production, nonobstant le fait que WTN avait versé des droits de licence égaux à 97 p. 100 de cette somme. De la même façon, je ne suis pas de l'avis de la Couronne que le coût de la production pour AJE Productions se trouve réduit grâce aux droits de licence payés par WTN. Tout simplement, les droits de licence de WTN constituent un revenu pour AJE Productions et ne sont pas une diminution du coût de la production.

[14]     La Couronne avance aussi que AJE Productions a renoncé à la propriété de 20 p. 100 de la production en accordant à WTN le droit à 20 p. 100 des revenus nets de l'exploitation de la série d'émissions. À mon avis, la position de la Couronne n'est pas appuyée par les termes du contrat de licence. Le contrat dit explicitement que AJE Productions conserve la propriété de la production et je ne vois rien dans le contrat qui contredit cela. Le droit de WTN à 20 p. 100 du revenu net de l'exploitation de la série s'applique à l'exploitation au-delà des droits de télédiffusion canadiens qui constituent l'objet principal du contrat, et j'estime qu'il s'agit davantage d'un incitatif et que cela n'accorde pas à WTN un droit de propriété de 20 p. 100 dans la production.

[15]     La Couronne fait aussi valoir que le contrat de licence n'était pas un simple contrat de licence de télédiffusion mais plutôt un arrangement complexe du type de celui considéré dans l'affaire Big Comfy Corp. c. Canada, [2002] A.C.I. no 247 (2002 DTC 1729). La Couronne a renvoyé à diverses sections de l'accord de licence pour montrer qu'il ne s'agissait pas là d'un simple accord de licence de télédiffusion et que WTN avait en réalité un droit de veto sur les décisions en matière de production. À mon avis, l'accord de licence n'était pas un accord hybride complexe du type étudié dans l'affaire Big Comfy et tout droit décisionnel conféré à WTN était conforme à ses droits de titulaire de licence. J'ai conclu que WTN n'a acquis aucun droit de propriété sur la série d'émissions en raison de la conclusion du contrat en cause.

[16]     Finalement, je tiens à souligner qu'il est difficile d'appliquer une mesure législative qui dépend en partie de règlements encore sous forme de projet. Il semble que l'Agence des douanes et du revenu du Canada a traité ce crédit d'impôt comme si les projets de règlement étaient en vigueur. Je crois approprié dans les circonstances de respecter la pratique administrative.

Conclusion

[17]     Pour les motifs qui précèdent, l'appel visant l'année d'imposition 2000 est admis et la cotisation est déférée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que la seule réduction du crédit d'impôt en application de l'article 125.4 de la Loi à l'égard de la production de Bella 1 par AJE Productions se chiffre à 748 $. C'est le montant concédé par l'appelante pour ne pas dépasser les limites monétaires applicables à la procédure informelle de la Cour.

Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour de septembre 2003.

« J. M. Woods »

Juge J. M. Woods

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour de juin 2005.

Sophie Debbané, réviseure

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