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Date: 20020118

Dossier: 2000-4251-IT-I

ENTRE :

JOSÉ MARTIN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifsdu jugement

Le juge Tardif, C.C.I.

[1]            Il s'agit d'un appel d'une cotisation pour l'année d'imposition 1997. La nouvelle cotisation à laquelle a été ajoutée une pénalité a été établie à partir de faits et circonstances semblables à ceux constatés dans les dossiers suivants :

MARLENNE HOULE (2000-3526(IT)I);

RAYNALD TURCOTTE (2000-4627(IT)I)

MARIO THERRIEN (2000-4773(IT)I);

DONALD BENOIT LAFLÈCHE (2000-4792(IT)I); et

GUILLERMO ISAZA (2000-4820(IT)I)

[2]            Tous ces appelants ont donc consenti à ce que la preuve soumise de part et d'autre soit commune à tous les dossiers. Tous les appelants, sans exception, ont également admis le bien-fondé des nouvelles cotisations, dont ils ont fait l'objet; ils ont cependant maintenu leur contestation quant au bien-fondé des pénalités ajoutées aux cotisations.

[3]            Conséquemment, la question en litige dans le présent dossier, comme dans tous les autres, est la suivante : le ministre du Revenu national (le " Ministre ") est-il justifié d'imposer à l'appelant, pour l'année d'imposition 1997, le paiement d'une pénalité tel que prévue au paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la " Loi ).

[4]            Dans le présent dossier, l'intimée, pour justifier tant la nouvelle cotisation que la pénalité, a pris pour acquis les faits suivants :

a)              au cours de l'année d'imposition en litige, l'appelant était employé de la Société Bombardier Inc.;

b)             l'appelant a réalisé un revenu d'emploi de 30 996 $, de son emploi auprès de la Société Bombardier Inc., et a également reçu la somme de 9 689 $ à titre d'indemnité pour l'année d'imposition 1997;

c)              dans sa déclaration de revenus pour l'année d'imposition en litige, l'appelant a, entre autres, déclaré un revenu brut d'entreprise de 1 050 $, et réclamé une perte nette d'entreprise de 6 029,25 $;

d)             une vérification initiale a été faite par un vérificateur de Revenu Québec;

e)              les faits suivants ont été constatés de la vérification tenue par Revenu Québec :

i)               l'appelant faisait partie d'un groupe de particuliers dont chaque membre a acquis chacun un ordinateur une licence de distributeur de la société Ordinateurs Highway Inc. (ci-après, la " société ");

ii)              cette licence devait, en principe, autoriser ces particuliers à vendre les produits informatiques de la société ainsi que des licences de distribution afin de toucher des commissions;

iii)             aux dires des représentants de la société, le particulier devenait ainsi " travailleur autonome " au point de vue fiscal et pouvait bénéficier de nombreux avantages;

iv)            le fait de pouvoir réclamer une perte d'entreprise et profiter d'un remboursement d'impôt appréciable figurait parmi ces avantages;

v)             en tant que travailleur autonome, le particulier pouvait acheter un micro-ordinateur, lequel, selon la société, se paierait à même le remboursement d'impôt généré par la prétendue perte d'entreprise réalisée par le particulier dès sa soi-disant première année d'exploitation;

vi)            la société permettait également au particulier de bénéficier d'un financement sans intérêt d'une durée n'excédant pas un an, par l'intermédiaire d'une institution financière;

vii)           cette manière de financer l'acquisition d'un ordinateur était appelée le " Concept Highway ";

viii)          le contrat de vente de la licence et de l'ordinateur par la société à l'appelant, ainsi que le document intitulé " Contrat du distributeur ", indiquent que la transaction aurait été effectuée le 22 décembre 1997;

ix)             la demande d'adhésion de l'appelant à un plan de crédit auprès de la Banque Nationale du Canada et datée du 3 avril 1998;

x)              le " Contrat du distributeur " et la demande de financement ont été signés par l'appelant;

xi)             l'appelant ne tenait aucun livre ou registre;

xii)            l'appelant n'a pu justifier plusieurs des dépenses réclamées à l'aide de pièces justificatives pertinentes;

xiii)           rien n'indique que l'appelant ait exercé une quelconque activité reliée à la vente d'ordinateur ou de licence, ou ait entrepris des démarches en vue de démarrer une activité commerciale en 1997;

xiv)           l'appelant a payé la somme de 1 675,00 $, incluant les taxes de vente, pour acquérir une licence de distributeur; ...

xv)            le coût de la licence incluait une commission d'environ 500 $ au vendeur de la licence, une commission d'environ 300 $ au parrain du vendeur et le solde était gardé par la société;

xvi)           lors de l'acquisition de sa licence de distributeur, l'appelant recevait, entre autres, une trousse qui incluait les items suivants : une cassette vidéo, un cartable contenant des renseignements sur le " Concept Highway ", ainsi qu'une dizaine de cartes d'affaires personnalisées;

f)              à la lumière de ce qui précède, le Ministre a conclu que l'appelant n'avait pas exploité d'entreprise, et qu'il n'avait démarré aucune activité commerciale durant l'année d'imposition 1997;

g)             l'appelant a fait sciemment, ou dans des circonstances qui justifient l'imputation d'une faute lourde, un faux énoncé ou une omission d'une faute lourde, un faux énoncé ou une omission dans la déclaration de revenus produite pour l'année d'imposition en litige, ou a participé, consenti ou acquiescé à ce faux énoncé ou cette omission, d'où il résulte que l'impôt qu'il aurait été tenu de payer d'après les renseignements fournis dans la déclaration de revenus déposée pour cette année-là était inférieur de 1 355,95 $ au montant d'impôt à payer pour cette année-là;

h)             conséquemment, le Ministre a imposé à l'appelante lors de l'avis de nouvelle cotisation du 11 mars 1999 pour l'année d'imposition en litige, une pénalité de 677,97 $, conformément au paragraphe 163(2) de la Loi.

Faits

[5]            Après avoir appris l'existence d'un concept connu et faisant affaires sous le vocable Ordinateurs Highway Inc. (" Highway "), l'appelant s'y est intéressé. Il s'agissait d'une formule en vertu de laquelle toute personne voulant faire l'acquisition d'un ordinateur et de matériel informatique pouvait le faire auprès de Highway. La compagnie offrait en outre, moyennant un important déboursé, de devenir un de leur distributeur.

[6]            Pour convaincre les intéressés, Highway leur expliquait qu'en devenant distributeurs, ils toucheraient de généreuses commissions en recrutant d'autres acheteurs et auraient, en outre, droit à tous les bénéfices et avantages fiscaux relatifs aux travailleurs autonomes. En d'autres termes, ils créaient ainsi une petite entreprise ce qui leur donnait l'opportunité de faire des revenus additionnels et de déduire de tous les revenus un grand nombre de dépenses non déductibles autrement.

[7]            Généralement, les intéressés faisaient l'acquisition d'un ordinateur et de matériel informatique en plus d'une licence leur donnant droit de faire des affaires au titre de travailleur autonome.

[8]            Pour ajouter à l'intérêt, Highway s'occupait de la déclaration de revenus du prospect et réclamait des dépenses fictives et farfelues. Le retour d'impôt allégeait ainsi considérablement l'importance des déboursés requis. De manière à obtenir rapidement le retour d'impôt, Highway, par le biais de son personnel, anti-datait le contrat de manière à produire des effets pour l'année fiscale précédente.

[9]            Après avoir adhéré au système, il devenait aussi possible de toucher une commission en recrutant un nouvel intéressé. L'appelant a d'ailleurs été recruté par quelqu'un de son entourage à qui il avait pleinement confiance.

[10]          L'appelant, comme tous les autres, s'est donc rendu à la place d'affaires de Highway. Suite aux représentations convaincantes, il a accepté la proposition; il a complété par sa signature tous les documents requis pour se qualifier comme distributeur.

[11]          Le représentant Highway répondait à toutes les questions et sécurisait tous ceux et celles qui avaient des inquiétudes. La plus grande préoccupation a semblé être le fait que la date indiquée sur le contrat était antérieure à la date véritable de la signature. Ainsi, les intéressés craignaient qu'il soit illégal et incorrect d'indiquer sur les contrats la date du 22 décembre 1997, alors que l'entente avait lieu plus tard en 1998.

[12]          À chaque fois que cette question, semble-t-il, très préoccupante pour les adhérents, était soulevée la même réponse était donnée; il s'agissait selon Highway du même principe que celui du régime d'épargne-retraite enregistré. Pour rendre la réponse encore plus crédible, on mentionnait que le contrat d'adhésion devait avoir lieu dans les quatre premiers mois d'une année pour pouvoir avoir une partie de ses effets dans l'année financière précédente. Bien plus, Highway soutenait qu'il s'agissait du même délai dont dispose les contribuables pour produire leur déclaration de revenu, c'est-à-dire jusqu'à la fin avril.

[13]          Aux plus septiques, les représentants Highway ajoutaient qu'il s'agissait là d'une chose normale, puisque avant de signer, les gens avait réfléchi, pensé, analysé le long et le large de leur projet dans le cours des mois de la fin d'année précédant la transaction.

[14]          Comme élément de persuasion additionnelle, les intéressés visionnaient une cassette-vidéo où un artiste connu et crédible ajoutait sa voix et ses arguments à ceux des gens de Highway.

[15]          Tous les appelants concernés par la preuve commune, dont évidemment l'appelant, étaient des personnes sans expérience dans le domaine des affaires. Tous faisaient remplir leurs déclarations d'impôt par des tiers et tous étaient intéressés par le concept Highway, en ce qu'ils y voyaient d'abord et avant tout une possibilité de bonifier leur situation financière par l'ajout de revenus additionnels. À cet égard, je n'ai aucun doute quant à la motivation saine, raisonnable et normale des appelants.

[16]          En fonction de leur peu d'expérience, de leur connaissance réduite et de leurs ressources financières limitées, ils ont cheminé de manière assez sérieuse n'étant pas, par contre, j'en conviens, un modèle à suivre; chose certaine, la preuve ne permet pas de taxer la conduite de l'appelant de désinvolte, irréfléchie et grossièrement négligente.

[17]          Quant aux renseignements faux et mensongers transmis pour et au nom de l'appelant, ils ont été transmis par une personne à l'emploi de Highway qui utilisait la voie informatique; conséquemment, dans la plupart des cas, les intéressés ignoraient le contenu exact des données transmises. Quant aux déclarations traitées de manière conventionnelle, une copie leur était remise; lorsque des questions étaient soulevées, il leur était répondu que tout était régulier, conforme et légal, qu'ils avaient désormais leur propre entreprise et que de ce fait, à titre de travailleur autonome, ils avaient le droit de déduire les dépenses indiquées.

[18]          Quelques-uns ont communiqué avec Revenu Canada, Revenu Québec et les offices de protection du consommateur pour vérifier s'il s'agissait d'un système légal ou s'il s'agissait d'un concept sous enquête ou connu comme étant susceptible de créer des embêtements.

[19]          Toutes les démarches initiées se sont soldées par des résultats négatifs, ne laissant voir aucune irrégularité ou anormalité dans la légitimité du concept.

[20]          L'attitude et comportement des appelants n'ont certainement pas été un modèle de prudence. Certes, ils ont été négligents, imprudents voire même un peu naïfs, mais je ne crois pas que la preuve, dont le fardeau incombait à l'intimée, ait démontré que l'appelant avait franchi le seuil ou la mince ligne qui différencie négligence et grossière négligence.

[21]          La preuve n'a pas fait ressortir une incurie, une témérité, une insouciance ou une indifférence telle qu'il s'agissait d'une faute lourde; au contraire, la prépondérance de la preuve a établi que l'appelant avait été circonspect et préoccupé par l'honnêteté du procédé; chose certaine, il n'y a eu aucune preuve à l'effet que l'appelant ait sciemment choisi de faire une déclaration fausse et mensongère. Il a certes ratifié par son silence les informations communiquées par Highway en croyant que tout était conforme à son nouveau statut de travailleur autonome.

[22]          La preuve a démontré que le concept Highway avait été articulé et mis sur pied par une ou des personnes peu scrupuleuses du respect des lois fiscales. Ils ont préparé un kit intitulé " Autoroute du succès ", dont le contenu regroupait toute une série de documents dont notamment une cassette vidéo, un cartable contenant des informations sur le concept Highway ainsi qu'une dizaine de cartes d'affaires personnalisées.

[23]          Pour soutenir le sérieux, la qualité et la crédibilité du concept, ils y ont associé un artiste réputé, donnant ainsi encore plus d'autorité, de moralité et d'envergure à l'arnaque.

[24]          Dans de telles circonstances, eu égard au fait qu'on transigeait avec des novices, non téméraires pour autant, mais disposés à faire ce qu'il fallait pour augmenter leurs modestes revenus, il était relativement facile de recruter et d'enrégimenter en abusant de la vulnérabilité de personnes déjà influencées par une victime précédente (leur recruteur).

[25]          Au lieu de poursuivre les victimes et de leur faire la leçon par l'imposition d'une pénalité, je crois que le Ministre devrait plutôt s'investir à poursuivre les concepteurs et abuseurs de la naïveté des contribuables et leur imposer à eux des pénalités très dissuasives.

[26]          En l'espèce, la preuve, dont le fardeau incombait à l'intimée, n'a ni démontré ni établi que la négligence imputable à l'appelant était importante au point de constituer une faute lourde justifiant l'imposition d'une pénalité.

[27]          Les dispositions légales relatives aux pénalités que l'intimée voudrait imposer à l'appelant, sont prévues au paragraphe 163(2) de la Loi qui stipule :

163(2)      Faux énoncés ou omissions — Toute personne qui, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration, un formulaire, un certificat, un état ou une réponse (appelé " déclaration " au présent article) rempli, produit ou présenté, selon le cas, pour une année d'imposition pour l'application de la présente loi, ou y participe, y consent ou y acquiesce est passible d'une pénalité égale, sans être inférieure à 100 $, à 50 % du total des montants suivants.

[28]          Le procureur du Ministre a soumis les arrêts Udell c. Canada, [1970] R.C. de l'É., 127 (C. de l'É.), Venne c. Canada, [1984] A.C.F. no 314 (Q.L.), [2000] A.C.F. no 731 (Q.L.) et Findlay c. Canada, [2000] A.C.F. no 731 (Q.L.).

[29]          Le terme " faute lourde ", tel qu'appliqué dans le paragraphe 163(2) de la Loi, a été défini dans l'arrêt Venne, précité, par le juge Strayer de la Cour d'appel fédérale, à la page 10 du jugement comme suit :

... La " faute lourde " doit être interprétée comme un cas de négligence plus grave qu'un simple défaut de prudence raisonnable. Il doit y avoir un degré important de négligence qui corresponde à une action délibérée, une indifférence au respect de la Loi. Je ne conclus pas à l'existence d'un tel degré de négligence en rapport avec les faux énoncés de revenus commerciaux. Certes, le contribuable n'a pas fait preuve de la prudence d'un homme raisonnable et, comme je l'ai déjà fait remarquer, il aurait au moins dû réviser ces déclarations de revenus avant de les signer. Ce faisant, un homme raisonnable, eu égard aux autres renseignements dont il disposait, aurait été amené à croire que quelque chose n'allait pas et aurait cherché à en savoir plus long auprès de son teneur de livres.

[30]          Dans l'arrêt Udell, précité, (suivit par le juge Strayer dans Venne), il s'agissait d'une question de pénalités sous le paragraphe 56(2) de la Loi, maintenant 163(2). Après avoir conclu que le contribuable n'avait pas commis de faute lourde, la Cour avait à déterminer si la négligence du préposé du contribuable pouvait être attribuée à ce dernier. La Cour conclut aux paragraphes 48 à 50, comme suit :

48             En conséquence, reste la question de savoir si l'article 56(2) considère que la négligence flagrante du préposé de l'appelant, en l'occurrence le comptable professionnel, peut être attribuée à l'appelant lui-même. Chacun des verbes de l'article a participé, consenti, ou acquiescé implique un élément de connaissance de la part du commettant, ou avec le consentement tacite de ce dernier. L'autre verbe utilisé dans l'article 56(2) est a fait. La question est par conséquent de savoir si les principes régissant ordinairement les rapports entre commettants et préposés vont s'appliquer, c'est à dire que ce que l'on fait faire par un préposé revient à ce que l'on fait soi-même, et que le commettant est ainsi responsable des actes de son préposé, lorsque celui-ci prétend agir dans l'exercice de ses fonctions, même en l'absence d'ordre exprès ou de consentement de la part du commettant.

49             À mon avis, l'utilisation du terme a fait, dans ce contexte, implique aussi une connaissance délibérée et intentionnelle de l'employeur quant à l'acte fait; or, ce n'était pas le cas, d'après les circonstances de l'espèce. L'appelant n'a pas été complice de la négligence flagrante de son comptable. Il s'agit sûrement là d'une interprétation raisonnable.

50             Il est de règle, à mon avis, que lorsqu'il existe, pour l'imposition d'une taxe ou d'un droit, et a fortiori d'une pénalité, un doute raisonnablement fondé, il faut interpréter la loi de façon à donner à la partie visée le bénéfice du doute.

[31]          La Cour a conclu que la faute lourde du comptable n'était pas imputable au contribuable, puisque ce dernier n'était pas complice de la négligence flagrante de son comptable.

[32]          Les principes établis dans Udell ont été repris par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Findlay aux paragraphes 17 et 18. Dans Findlay, le juge Isaac a conclu que le juge de la Cour canadienne de l'impôt a erré en concluant que la faute lourde du spécialiste était attribuable au contribuable. Le juge Isaac exprime ceci au paragraphe 27 de son jugement comme suit :

Sa réponse à la troisième question est incompatible avec sa réponse à la deuxième question. En ce qui concerne la deuxième question, si l'intimé n'a pas établi selon la prépondérance des probabilités que l'appelant avait eu connaissance de l'omission du spécialiste et qu'il n'avait pas réagi, alors, il est alors difficile de comprendre, avec égards, comment on peut dire que la faute lourde du spécialiste peut être attribuée à l'appelant. Il n'y avait aucune preuve selon laquelle l'appelant avait connaissance des actes ou des omissions du spécialiste. Le juge de la Cour de l'impôt a fait référence à la décision du juge Cattanach dans l'affaire Udell c. La Reine, mais il a mal appliqué les principes qui y sont énoncés. D'une manière semblable, malgré qu'il ait fait référence à la décision du juge Strayer, dans l'affaire Venne c. La Reine, il a mal appliqué la définition de faute lourde qui y est énoncée. Le fait de ne pas appliquer le bon critère équivaut à commettre une erreur de droit qui justifie l'intervention d'un tribunal d'appel. Par surcroît, contrairement au paragraphe 163(2) de la Loi, le juge de la Cour de l'impôt paraît avoir fait reposer sur l'appelant la charge de démontrer qu'il n'était pas responsable de la faute lourde du spécialiste. Le paragraphe 163(2) impose cette charge au ministre, mais le juge de la Cour de l'impôt a fondé sa conclusion quant à la responsabilité non pas sur la preuve de faute lourd qui aurait été faite par l'intimé, selon la prépondérance des probabilités, mais sur l'absence d'une explication raisonnable de la part de l'appelant ou du spécialiste. Comme je l'ai déjà dit, cela est contraire aux termes du paragraphe 163(2) de la Loi.

[33]          Il revenait au Ministre d'établir que les appelants avaient connaissance des actes commis par les préposés qui ont préparé leurs déclarations de revenus, pour que les appelants puissent être pénalisés pour les actes commis par ces préposés.

[34]          En l'espèce, le Ministre admet que les appelants n'ont pas sciemment fait un faux énoncé dans leurs déclarations de revenus.

[35]          L'intimée prétend que les appelants ont été très négligents et insouciants; selon le Ministre, quelqu'un de raisonnable aurait manifesté une plus grande prudence et surtout poussé plus loin les recherches pour s'assurer de la conformité du travail fait par les agents du système Highway.

[36]          Le fardeau de preuve, quant à l'imposition de pénalités en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi, est lourd. Dans l'arrêt Farm Business Consultants Inc. c. Canada, [1994] A.C.I. no 760 (Q.L.), le juge Bowman (maintenant Juge en chef adjoint) a énoncé une approche fort intéressante en matière de pénalités. Je crois utile de reproduire un extrait de ce jugement :

27             Une cour doit faire preuve d'une prudence extrême lorsqu'elle sanctionne l'imposition de pénalités prévues au paragraphe 163(2). Une conduite qui légitime l'établissement d'une nouvelle cotisation à l'égard d'une année frappée de prescription ne justifie pas d'office l'imposition d'une pénalité, et l'imposition systématique de pénalités, par le ministre, est une pratique qui est à déconseiller. Une conduite du genre de celle qui est envisagée au sous-alinéa 152(4)a)(i) peut, dans certaines circonstances, servir aussi de fondement à l'imposition d'une pénalité prévue au paragraphe 163(2), qui implique la pénalisation d'une conduite plus répréhensible. Dans un tel cas, une cour doit, même en appliquant une norme de preuve civile, étudier soigneusement la preuve et chercher un degré de probabilité supérieur à celui auquel on s'attendrait dans les situations où l'on cherche à établir le bien-fondé d'allégations moins sérieuses. Par ailleurs, quand une pénalité est imposée en vertu du paragraphe 163(2) même si une norme de preuve civile est exigée, lorsque la conduite d'un contribuable cadre avec deux hypothèses viables et raisonnables, l'une qui justifie la pénalité et l'autre pas, il convient d'accorder le bénéfice du doute au contribuable, et de supprimer la pénalité. Je crois qu'en l'espèce, l'intimée a fait la preuve du degré de probabilité requis, et qu'au vu de la preuve produite, aucune hypothèse incompatible avec celle que l'intimée a avancée ne peut être défendue.

[37]          En matière de pénalités au sens du paragraphe 163(2) de la Loi, le bénéfice du doute doit favoriser le contribuable. En l'espèce, il n'y a aucun doute dans mon esprit à la lumière de la preuve, que l'appelant n'a pas commis de faute lourde au sens du paragraphe 163(2) de la Loi. Il a été tout au plus imprudent, négligeant, voire même un peu naïf, ce qui n'est pas suffisant pour justifier l'imposition d'une pénalité.

[38]          Conséquemment, l'appel est accueilli essentiellement en ce qui a trait à la pénalité qui est annulée; quant à la cotisation établie, elle est confirmée conformément à l'acquiescement et admission de l'appelant.

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de janvier 2002.

" Alain Tardif "

J.C.C.I.

No DU DOSSIER DE LA COUR :        2000-4251(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :                 José Martin et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                      Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                    le 4 décembre 2001

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :         l'honorable juge Alain Tardif

DATE DU JUGEMENT :                      le 18 janvier 2002

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :                     L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :            Me Alain Gareau

AVOCAT INSCRIT AUX DOSSIERS :

Pour l'appelant :

               

Pour l'intimée :                       Morris Rosenberg

                                                Sous-procureur général du Canada

                                                Ottawa, Canada

2000-4251(IT)I

ENTRE :

JOSÉ MARTIN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de

MARLENNE HOULE (2000-3526(IT)I); RAYNALD TURCOTTE (2000-4627(IT)I); MARIO THERRIEN (2000-4773(IT)I);

DONALD BENOIT LAFLÈCHE (2000-4792(IT)I);

et GUILLERMO ISAZA (2000-4820(IT)I)

le 4 décembre 2001 à Montréal (Québec) par

l'honorable juge Alain Tardif

Comparutions

Pour l'appelant :                        L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :                  Me Alain Gareau

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1997 est accueilli, en ce qui a trait à la pénalité qui est annulée; quant à la cotisation établie, elle est confirmée conformément à l'acquiescement et admission de l'appelant, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de janvier 2002.

" Alain Tardif "

J.C.C.I.

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