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Date: 20010808

Dossier: 97-1023-UI-, 97-113-CPP,

97-1024-UI-, 97-114-CPP

ENTRE :

ROBERT McCANN et

DONALD C. LITTLE

appelants,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifsdu jugement

Le juge Mogan

[1]            Les appels de Robert McCann c. le ministre du Revenu national (dossier no 97-1023(UI)) et de Donald Little c. le ministre du Revenu national (dossier no 97-1024(UI)) ont été entendus ensemble sur preuve commune. Cependant, les avocats ont convenu que le résultat pouvait ne pas être le même dans les deux cas. Un appel pourrait être admis et l'autre, rejeté. Chaque appelant a conclu avec Prestressed Systems Incorporated ( « PSI » ) un accord écrit distinct aux termes duquel il s'est engagé à fournir des services personnels à PSI en contrepartie d'une rémunération déterminée. La question en litige dans les deux appels est la même : l'appelant est-il un entrepreneur indépendant ou un employé de PSI? Donald Little ayant témoigné le premier à l'audience, je trancherai d'abord la question à son égard.

[2]            Avant d'exposer les faits se rapportant à Donald Little, je vais décrire PSI. Cette entreprise exploitée à Windsor (Ontario) fabrique des dalles de plancher préfabriquées à noyau creux en béton, des poutres de pont pour passages supérieurs, d'autres poutres, des poteaux et d'autres gros éléments de structure préfabriqués. L'entreprise a été lancée par les frères Mario et Valentino Collavino, qui avaient exploité une entreprise de construction rentable pendant nombre d'années avant de se lancer dans la fabrication de produits en béton précontraint. De 1988 à 1991, PSI a éprouvé des difficultés financières qu'elle a ensuite semblé surmonter. Vers 1991, Valentino et son fils Loris ont acquis de Mario Collavino sa participation de 50 % dans l'entreprise. Par la suite, les seuls actionnaires de PSI ont donc été Valentino (qui était âgé de plus de 60 ans en 1991) et son fils Loris, ingénieur diplômé dans la trentaine.

Donald Little

[3]            M. Little a obtenu son baccalauréat en sciences commerciales à l'Université de Windsor en 1985. Il a fait son stage chez Price Waterhouse à Windsor et est devenu comptable agréé en 1989. Il a quitté Price Waterhouse en 1988 pour accepter un poste de contrôleur chez PSI, qu'il a occupé jusqu'au printemps de 1991. Il a ensuite déménagé à Brantford (Ontario), où il a mis sur pied un cabinet d'expert-conseil et d'expert-comptable. Il a effectué du travail de consultation pour un groupe de compagnies de construction architecturale de la région de Brantford, puis, en décembre 1991, il est devenu directeur des services des finances et de l'administration d'un centre des sciences en télécommunications. En avril 1993, les compressions survenues dans l'industrie des télécommunications ont entraîné la réduction du financement accordé au centre et, par le fait même, l'élimination du poste de M. Little.

[4]            À peu près au même moment (avril 1993), Loris Collavino a appelé de Windsor pour demander à M. Little de revenir chez PSI pour une courte période en raison des difficultés financières de l'entreprise. Pour la deuxième fois en cinq ans, PSI éprouvait des difficultés. Celle-ci devait des sommes considérables à ses créanciers, éprouvait des problèmes de trésorerie et ne pouvait obtenir de cautionnement. De l'avis de M. Little, PSI se dirigeait vers la faillite. Au départ, il s'attendait à travailler cinq mois seulement, PSI ayant retenu les services d'un expert-conseil (Dan Kotwicki), qui avait aidé PSI lorsqu'elle avait pour la première fois éprouvé des difficultés financières, en 1988. M. Little a su, cependant, que les services de M. Kotwicki étaient très dispendieux et que ce dernier avait un effet négatif sur le moral des employés de PSI. M. Kotwicki a quitté PSI peu après l'arrivée de M. Little, en 1993; celui-ci a alors réalisé que ses services seraient requis pendant une période beaucoup plus longue que cinq mois.

[5]            Le contrat de onze pages que Donald Little et PSI ont conclu le 1er juillet 1994 a été produit sous la cote A-1. Il est intitulé « Contrat de consultation en gestion » , M. Little y étant appelé l' « expert-conseil en gestion » . Le contrat est d'une durée de trois ans, soit du 1er juillet 1994 au 30 juin 1997. Selon le contrat, M. Little touche une rémunération fixe d'au moins 95 000 $ par année, plus une prime égale à 5 p. 100 du bénéfice d'exploitation annuel avant impôt de l'entreprise, à concurrence de 20 000 $. Ses nombreuses tâches, qui se rapportaient à la gestion, sont énoncées à l'annexe A du contrat. L'article 14.06 prévoit que M. Little s'engage à exécuter ses tâches à titre d'entrepreneur indépendant et non en tant qu'employé mais, si l'on examine les articles reproduits ci-après, la relation entre lui et PSI aurait pu être une relation employeur-employé :

                                [TRADUCTION]

1.02.1                                 Engagement envers l'entreprise

Au cours de la période où ses services sont retenus, l'expert-conseil en gestion consacre tout son temps et toute son attention aux tâches qui lui sont confiées par la compagnie; il sert les intérêts de la compagnie et s'efforce de les favoriser avec loyauté et diligence. [...]

3.01.02                                Taux basé sur une période de quarante-huit semaines

Le taux de rémunération fixe mentionné précédemment se rapporte aux services de consultation fournis pendant quarante-huit semaines au cours de toute période de cinquante-deux semaines consécutives pendant la durée du présent contrat. Tout rajustement du nombre de semaines de service à l'intérieur de cette période entraîne le rajustement de la rémunération fixe.

3.01.03       En plus de la rémunération fixe, la compagnie verse à l'expert-conseil en gestion une prime pour services rendus à l'égard de chaque période visée par le présent contrat conformément à l'annexe B, qui est jointe au présent contrat et en fait partie.

4.01                                       Avantages

4.01.01       Automobile. La compagnie verse à l'expert-conseil en gestion la somme de six cent (600 $) dollars par mois, plus les taxes applicables, au titre de l'utilisation du véhicule Ford (Aerostar) de l'expert-conseil et des kilomètres parcourus.

4.01.03       Frais d'adhésion à un club. Étant donné l'obligation qu'a l'expert-conseil, outre son travail, de représenter la compagnie auprès des clients, la compagnie paie, à concurrence de cinq cent dollars par année, les frais d'adhésion à un club de santé ou un cercle de déjeuner-causerie ainsi que les frais annuels.

[6]            Les articles 1.05 et 5.01.01 sont quelque peu contradictoires en ce qui touche l'étendue des pouvoirs de M. Little à l'égard de PSI.

                                [TRADUCTION]

1.05                                 Pouvoirs - restriction

Nonobstant tout autre article du présent contrat, rien dans le présent contrat ne confère à l'expert-conseil en gestion le pouvoir, aussi limité soit-il, de lier ou d'accepter de lier la compagnie, ou de prendre quelque autre engagement au regard de la compagnie, et les tâches de l'expert-conseil en gestion prévues au présent contrat sont restreintes en conséquence.

5.01                                 Pouvoir

5.01.01       Sous réserve, en tout temps, des instructions et directives générales ou spécifiques du conseil d'administration de la compagnie, l'expert-conseil en gestion détient tous les pouvoirs nécessaires pour prendre toutes les décisions relatives à l'exploitation de la compagnie et des personnes ou compagnies liées et affiliées que la compagnie ou son conseil d'administration contrôle.

[7]            Nonobstant l'obligation de M. Little de consacrer « tout son temps et toute son attention » à l'entreprise de PSI (article 1.02), j'ai conclu, pour les motifs énoncés plus loin, que M. Little était, au cours de la période pertinente (du 1er janvier au 9 septembre 1996), un entrepreneur indépendant et non un employé de PSI. Lorsqu'il a commencé à travailler pour PSI au mois d'avril 1993, il s'attendait à quitter l'entreprise au plus tard au mois d'août. Peu après son arrivée, M. Kotwicki a été congédié. Après quelques semaines, M. Little a réalisé, grâce à son expérience chez PSI en 1988 et 1989, qu'il lui faudrait plus de cinq mois pour redresser la situation financière de PSI et en assurer la bonne marche. Sa première tâche a été de rencontrer les créanciers afin de les faire patienter, de gagner du temps et de déterminer comment ils seraient payés. Il a dû rencontrer des clients dans l'espoir d'accroître les flux de trésorerie de la compagnie. Il lui a fallu voir s'il pouvait obtenir un cautionnement de façon que PSI puisse présenter des soumissions en vue d'obtenir certains contrats. En outre, à l'interne, il a dû conseiller les administrateurs et les actionnaires (Valentino et Loris Collavino) concernant la réduction de certaines dépenses.

[8]            PSI a obtenu son financement principal de la Banque Scotia et, en 1993 et 1994, a demandé l'aide financière de la Société de développement de l'Ontario ( « SDO » ). M. Little a déclaré que le contrat de consultation qu'il a conclu avec PSI avait été rédigé à la demande de la Banque Scotia et de la SDO :

                                [TRADUCTION]

R.                    C'est un document qui a été rédigé par des avocats, ceux de Prestressed Systems Incorporated. Il a été rédigé à la demande de la Société de développement de l'Ontario dans le cadre de nos demandes de financement. Nous avons finalement convaincu la Banque Scotia et avons obtenu l'aide de la Société de développement de l'Ontario pour financer les activités de Prestressed Systems Incorporated. L'une des conditions était que je signe un contrat de trois ans avec Prestressed Systems.

Q.                   L'une des conditions posées par qui?

R.                    La Société de développement de l'Ontario.

Q.                   Très bien.

Et vous avez participé aux négociations menées avec la Société de développement de l'Ontario?

R.                    Oui.

Q.                   Savez-vous pourquoi ils voulaient que vous signiez un contrat de trois ans?

R.                    Les institutions financières et autres créanciers conservaient des doutes sur la capacité de M. Loris Collavino de poursuivre la restructuration amorcée en 1993. Je pense qu'il était encore, comment dire, réticent, voilà, à accepter toutes les procédures et à se pencher sur les questions d'exploitation qui devaient être réglées.

(Transcription, pages 22 et 23)

[9]            D'après M. Little, Loris Collavino était ingénieur, et il était compétent à l'égard du volet opérationnel de l'entreprise, soit la construction et la production, tandis que lui-même était compétent en matière de financement et d'administration. La Banque Scotia et la SDO ayant assujetti leur offre de financement à la condition qu'il s'engage à rester chez PSI pendant trois ans, M. Little se trouvait en excellente position pour négocier avec PSI. Il a demandé à conserver son cabinet d'expert-conseil et d'expert-comptable à Brantford, et il ne voulait pas que sa famille déménage de Brantford à Windsor. Il a indiqué qu'il voulait avoir accès à un centre de conditionnement physique à Windsor pendant la semaine, car il souhaitait pouvoir se rendre à Brantford les fins de semaine. Il a demandé une allocation au titre de l'utilisation d'une automobile afin de couvrir une partie de ses coûts de déplacement. Enfin, il souhaitait être entrepreneur indépendant et non employé de PSI. Il a négocié toutes ces modalités dans son contrat de consultation (pièce A-1).

[10]          M. Little a expliqué que son obligation de consacrer à PSI tout son temps et toute son attention ne l'avait pas obligé à abandonner sa pratique professionnelle à Brantford. La pièce A-4 est une série de 30 factures environ que M. Little a envoyées à ses clients de Brantford en 1996 pour des services de comptabilité et de préparation de déclarations de revenu. Il avait un numéro d'inscrit aux fins de la taxe sur les produits et services ( « TPS » ) depuis 1991, année où la TPS a été instaurée, et il exploitait son cabinet d'expert-conseil à Brantford. Il réclamait la TPS à ses clients de Brantford, et son numéro de TPS figure sur toutes les factures produites sous la cote A-4.

[11]          La pièce A-2 est une série de factures mensuelles que M. Little a envoyées à PSI en 1996 et dans lesquelles il réclame le douzième de sa rémunération annuelle fixe, en plus de la somme de 600 $ au titre de l'utilisation de son automobile ainsi que de la TPS. La pièce A-3 est une série de factures que M. Little a envoyées à PSI en 1996 au titre des frais réclamés par Bell Mobilité, auxquelles il a joint une liste précise d'appels et dans lesquelles il a réclamé la TPS. M. Little a produit des déclarations de TPS (pièce A-5) dans lesquelles il précisait la TPS qu'il avait perçue de toutes sources (dont PSI) et demandait certains crédits de taxe sur les intrants. PSI n'a effectué aucune retenue à la source (au titre de l'impôt ou des cotisations d'assurance-chômage) sur la rémunération fixe versée chaque mois à M. Little.

[12]          Dans l'affaire Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N., [1986] 3 C.F. 553 (87 DTC 5025), la Cour d'appel fédérale a examiné les quatre critères sur lesquels se fondent habituellement les tribunaux pour établir la distinction entre un employé et un entrepreneur indépendant : (i) le contrôle; (ii) la propriété des instruments de travail; (iii) les chances de bénéfice et les risques de perte; et (iv) l'intégration des services du travailleur à l'entreprise du payeur. À mon avis, il est plus difficile d'appliquer ces critères à une personne comme M. Little, qui, lorsqu'il s'est joint à PSI en 1993, était un expert-conseil dont la carrière était déjà bien établie. Néanmoins, les critères méritent qu'on les commente. PSI n'avait à peu près aucun contrôle sur les tâches accomplies par M. Little de 1993 à 1996 car ce dernier savait exactement ce qui devait être fait à l'égard des créanciers, des clients, de la société de garantie et de la banque. En fait, personne chez PSI n'était aussi compétent que M. Little pour mener les négociations avec ces intervenants. Le critère du contrôle indique clairement que l'appelant était entrepreneur indépendant.

[13]          Les « instruments de travail » de M. Little consistaient à peu près exclusivement en qualités personnelles : son intelligence, sa formation professionnelle de comptable agréé et son expérience de l'exploitation d'une entreprise, tant chez PSI en 1988 et 1989 qu'à Brantford, où il exploitait un cabinet d'expert-conseil. Son utilisation d'un ordinateur ou d'une automobile de PSI était entièrement subordonnée à l'utilisation de ses véritables outils, qui faisaient partie de ses attributs personnels. Il ne pouvait subir aucune perte puisque sa rémunération était fixe, mais il pouvait réaliser des bénéfices puisque sa prime équivalait à 5 p. 100 des bénéfices de PSI avant impôt, à concurrence de 20 000 $ par année. Son travail était assez bien intégré à l'entreprise de PSI car le contrat de trois ans aux termes duquel il accomplissait ses tâches était une condition qu'avaient imposé la Banque Scotia et la SDO pour continuer à financer PSI.

[14]          En plus des quatre critères qui, tout bien considéré, indiquent que l'appelant était entrepreneur indépendant plutôt qu'employé, deux facteurs particuliers m'ont convaincu d'accueillir l'appel de Donald Little. Premièrement, il se trouvait en position de force pour négocier en 1993 et 1994. PSI avait besoin de lui davantage qu'il avait besoin de PSI. Cela ressort clairement de la pièce A-1. Il a obtenu une généreuse rémunération fixe en plus d'une prime calculée en fonction des bénéfices, avant impôt. Il a négocié à l'époque de manière à être traité comme un entrepreneur indépendant (article 14.06), ce que PSI a accepté. Je sais bien que l'utilisation de ce terme dans un contrat du genre n'est pas déterminante. Il arrive fréquemment qu'un tel terme soit mis de côté si la société — le payeur — l'a imposé au travailleur — le bénéficiaire. Toutefois, lorsque ce dernier négocie en position de force ou à forces égales avec le payeur, je suis davantage enclin à permettre aux parties de qualifier leur relation.

[15]          Le deuxième facteur concerne le changement de statut de M. Little à la fin de 1997. Le contrat de consultation (pièce A-1) a été prolongé du 30 juin 1997 au 31 décembre 1997 par le rectificatif no 1, daté du 31 mai 1996. En 1997, PSI avait complètement surmonté ses difficultés financières de 1993 et de 1994, et M. Little était à même de constater que ses services ne seraient plus requis à moins d'un changement au sein de l'entreprise. Il a eu un certain nombre d'entretiens avec Loris Collavino. Il était disposé à rester chez PSI et à participer à l'expansion de l'entreprise si Loris était disposé à étendre ses activités au Michigan et à tenter d'obtenir des contrats en Ohio et dans le nord de la Pennsylvanie. Si, au contraire, PSI restait une entreprise dont les activités étaient centrées à Windsor, les services de M. Little n'étaient plus requis.

[16]          Loris Collavino a accepté la possibilité que PSI s'attaque au marché américain si M. Little était disposé à devenir un membre permanent de PSI. M. Little a accepté de modifier la nature de son rôle. À la fin de 1997, il est devenu vice-président et directeur général de PSI. Sa famille a quitté Brantford pour s'établir à Windsor, et il a abandonné sa pratique professionnelle à Brantford. PSI a étendu ses activités aux États-Unis. M. Little a produit ses propres notes manuscrites des ventes consolidées de PSI pour la période de 1993 à 2000 (pièce A-9). Elles font état d'une forte croissance après 1997 grâce aux activités menées aux États-Unis. Par rapport à leur niveau de 1996, les ventes consolidées de PSI ont doublé en 1998 et triplé en 1999.

[17]          À compter du 1er janvier 1998, PSI et M. Little ont considéré que ce dernier était un employé. Avant cette date, il était considéré comme un entrepreneur indépendant. J'accepte la façon dont les deux parties les plus directement concernées ont qualifié la fonction de M. Little au cours de la période pertinente, soit du 1er janvier au 9 septembre 1996. L'appel de Donald Little est accueilli.

Robert McCann

[18]          M. McCann est titulaire d'un baccalauréat en sciences commerciales de l'Université de Windsor (1969) et d'une maîtrise en administration des affaires de l'Université du Michigan (1971). Il est devenu comptable agréé en Ontario en 1972. De 1972 à 1975, il a exercé sa profession d'expert-comptable au bureau de Windsor d'un cabinet d'envergure nationale. Il s'est ensuite joint à une compagnie de construction à titre de contrôleur. Il y est resté 13 ans, soit jusqu'en 1988, après quoi il a travaillé en succession pour deux ou trois compagnies au bord de l'insolvabilité qu'il a aidées à se renflouer. Parallèlement, au cours des mêmes années, il a mis sur pied une pratique d'expert-comptable. En 1991, il a ouvert un bureau à Tecumseh (Ontario) et mis sur pied un cabinet d'expert-comptable où il a travaillé à temps plein.

[19]          Au mois de février 1993, M. McCann a reçu un appel de Dan Kotwicki, de PSI, qui lui a demandé s'il accepterait d'exécuter, à titre d'entrepreneur indépendant, les tâches de contrôleur de PSI. Après avoir rencontré M. Kotwicki et Loris Collavino, M. McCann a accepté une lettre-contrat rédigée sur le papier à en-tête de PSI et datée du 16 février 1993 (pièce B-1). La lettre étant à la fois brève et importante, je la reproduis intégralement.

                               

[TRADUCTION]

M. Robert McCann, c.a.

Casier postal 1181

Tilbury (Ontario)

N0P 2L0

Objet : Lettre-contrat

Monsieur,

Pour faire suite à notre conversation, nous vous saurions gré de signer une copie de cette lettre exposant la nature de notre relation, telle que nous en avons convenu :

1.                     Votre taux de facturation est de 27 $ l'heure, plus la TPS, à raison d'au plus 30 heures par semaine.

2.                     Vous assumez toutes les responsabilités d'un contrôleur et devez travailler le nombre d'heures nécessaire, ce qui signifie plus spécifiquement que, si les 30 heures convenues ne sont pas suffisantes, vous poursuivrez votre travail afin que toutes les tâches liées au poste de contrôleur de PSI soient exécutées conformément aux pratiques établies, en temps opportun et avec précision.

3.                     Vous présentez votre facture à la compagnie au début de chaque semaine et vous êtes payé au plus tard le jeudi pour la semaine se terminant le samedi précédent. Vous devez joindre des feuilles de temps à vos factures.

4.                     Le personnel du département de la comptabilité a été informé qu'il doit vous faire rapport et que vous êtes un entrepreneur indépendant.

5.                     Nous reconnaissons que vous avez une pratique de comptabilité indépendante et d'autres clients. Nous ne voyons aucun inconvénient à ce que vous apportiez votre ordinateur personnel au travail et travailliez aux dossiers d'autres clients, à condition que vous consacriez au moins 30 heures par semaine à l'entreprise de PSI. Dans le cas contraire, vous devez facturer à la compagnie un nombre inférieur d'heures de travail. Vous pouvez recevoir des appels et faire des appels locaux à vos clients. Cependant, nous vous prions de faire en sorte que ces appels n'interfèrent pas avec le cours des affaires et avec le déroulement de toute réunion à laquelle vous pourriez être tenu de prendre part. De plus, nous reconnaissons que vous devez à l'occasion vous occuper des dossiers d'autres clients, mais nous vous demandons d'être au bureau, de façon générale, entre 8 h et 17 h 30, ce qui, nous en convenons, représente plus de 30 heures par semaine. Cependant, nous tenons pour acquis que vous vous occuperez à certains moments des dossiers d'autres clients ou que vous vous absenterez à l'occasion du bureau le jour pour assumer vos autres responsabilités [selon votre propre estimation, il se pourrait que vous soyez absent 5 ou 6 jours par mois]. Vous devez faire en sorte que nous soyons informés en tout temps de votre emploi du temps.

6.                     Si vous avez besoin des services d'une copiste pour vos propres affaires, nous pouvons probablement vous fournir ces services à condition que la priorité soit donnée aux activités de PSI. Nous demanderons à Claire, notre secrétaire, de déterminer si elle a le temps de vous aider et de consigner le temps qu'elle consacrera à votre entreprise; PSI vous facturera ses services 18 $ l'heure, plus la TPS.

7.                     Lorsque Dan Kotwicki est au bureau, c'est à lui que vous rendez compte; en son absence, je vous donnerai des directives. Dan établira vos priorités. Je crois qu'il vous a informé de l'existence d'un court programme de formation/initiation.

8.                     En raison de grands projets spéciaux, comme les projections financières, vous serez peut-être appelé à effectuer des heures supplémentaires qui, si elles sont approuvées à l'avance, seront payées en plus des 30 heures.

J'espère que cette lettre résume bien notre accord. Si vous avez des questions, communiquez avec Dan ou avec moi.

Je vous prie d'agréer, Monsieur McCann, mes salutations distinguées.

16 février 1993                                        « Loris Collavino »

                                                                                Président

                                                                                16 février 1993

« Robert McCann »

Signé et accepté

LC/cmm

[20]          M. McCann a témoigné que, à quelques exceptions près, les modalités de la lettre-contrat (pièce B-1) avaient été respectées du mois de février 1993 au mois de septembre 1997, après quoi il est devenu un employé à temps plein de PSI. L'une de ces exceptions est qu'il lui fallait habituellement consacrer plus de 30 heures par semaine aux affaires de PSI. Il a déclaré qu'il facturait habituellement plus de 30 heures par semaine à PSI et que ses factures étaient toujours payées sans contestation. Nonobstant le temps consacré chaque semaine aux affaires de PSI, il maintenait sa pratique d'expert-comptable depuis sa maison de Tilbury (Ontario) (environ 45 kilomètres à l'est de Windsor, sur l'autoroute 401).

[21]          Au mois de février 1993, lorsque ses services ont été retenus par PSI, M. McCann comptait environ six clients; il tenait les livres, dressait les états financiers annuels (dont certains étaient vérifiés), préparait des déclarations aux fins d'impôt des sociétés et donnait des conseils généraux en comptabilité. Il comptait également 55 à 60 clients dont il préparait les déclarations de revenu annuelles. La pièce A-3 contient des copies de diverses factures que M. McCann a envoyées à ses clients au cours des années 1994, 1995 et 1996. Bon nombre de ces factures indiquent que l'adresse de M. McCann est le 4955, chemin Walker, Windsor, cette adresse étant celle de PSI. D'autres factures indiquent l'adresse de sa maison de Tilbury, où il avait un bureau. Les autres factures indiquent à la fois l'adresse de sa résidence et celle de PSI. Il a expliqué que PSI ne s'était pas opposée à ce qu'il utilise l'adresse de la compagnie dans le cadre de sa pratique d'expert-comptable. En fait, l'utilisation des locaux de PSI à cette fin était prévue dans la lettre-contrat (pièce B-1).

[22]          La pièce B-2 contient des copies de diverses factures que M. McCann a envoyées à PSI au titre des heures travaillées au cours de certaines semaines en 1994, 1995 et 1996. Il avait un numéro d'inscrit aux fins de la TPS depuis 1991 relativement à sa pratique d'expert-comptable. Chaque facture envoyée à PSI (pièce B-2) et à ses autres clients (pièce B-3) incluait la TPS et indiquait le numéro d'inscrit de M. McCann. La pièce B-4 contient une copie de la déclaration de TPS produite par M. McCann pour la période du 1er octobre au 31 décembre 1993, dans laquelle il a déclaré la TPS percue de toutes les personnes concernées, y compris PSI. Sur les montants qu'elle a payés chaque semaine à M. McCann, PSI n'a effectué aucune retenue à la source au titre de l'impôt sur le revenu ou des cotisations d'assurance-chômage.

[23]          Au mois de février 1993, lorsqu'il a signé la lettre-contrat avec PSI, M. McCann n'avait pas autant d'atouts pour négocier que M. Little quelques mois plus tard lorsque ce dernier a accepté de fournir des services professionnels à PSI. Par contre, il ressort clairement de la lettre-contrat (pièce B-1) et du témoignage de M. McCann que ce dernier était conscient que PSI risquait de devenir insolvable et de fermer ses portes, et qu'il a voulu maintenir une certaine distance entre lui et PSI en 1993 en conservant son statut de professionnel et en ne devenant pas un employé de PSI. C'est dans cette perspective qu'il a négocié les modalités prévues dans la lettre-contrat. Suivant son témoignage non contesté, les modalités de la lettre-contrat ont été respectées du mois de février 1993 au mois de septembre 1997. Il devait par la suite accepter de devenir le contrôleur (employé) de PSI.

[24]          À mon avis, M. McCann a réalisé son objectif. Je conclus qu'il était un entrepreneur indépendant et non un employé de PSI pendant toutes les périodes pertinentes, plus particulièrement du 1er janvier au 18 juillet 1996. Bien qu'il ait exécuté presque toutes les tâches de contrôleur de PSI après le mois de février 1993, il n'était assujetti au contrôle d'aucun cadre de PSI. Expert-comptable de profession, il était libre d'exécuter ces fonctions comme il le souhaitait, dans l'intérêt de PSI. En ce qui concerne les « instruments de travail » , comme M. Little, ceux de M. McCann étaient à peu près exclusivement ses qualités personnelles : sa formation professionnelle et l'exercice de sa profession de comptable agréé, l'expérience qu'il avait acquise en aidant d'autres compagnies se trouvant au bord de l'insolvabilité — et sa connaissance des responsabilités d'un contrôleur. Pour ce qui est d'instruments de travail comme de l'équipement informatique, lorsque M. McCann est arrivé chez PSI en février 1993, il a apporté son propre ordinateur parce qu'il utilisait un programme efficace et que PSI n'avait encore mis en place aucun programme moderne de comptabilité adapté à une compagnie de son importance.

[25]          Selon les critères du contrôle et de la propriété des instruments de travail, M. McCann était un entrepreneur indépendant. Pour ce qui est des deux autres critères, M. McCann pouvait réaliser des bénéfices ou subir des pertes parce qu'il était payé en fonction des services rendus. D'après la lettre-contrat, son taux de facturation était de 27,50 $ l'heure. Le nombre d'heures de travail n'était pas garanti et M. McCann ne devait pas travailler plus de 30 heures par semaine. Dans les faits, cependant, il travaillait habituellement plus de 30 heures par semaine. Sur les conseils de M. Kotwicki, M. McCann présentait ses factures au titre des services rendus chaque semaine (elles étaient acquittées chaque jeudi pour tout le travail fait jusqu'au samedi précédent) de façon à être payé régulièrement et à ne jamais avoir de créance élevée auprès de PSI lorsque la situation financière de cette dernière était précaire. Les services fournis par M. McCann étaient intégrés à l'entreprise de PSI. Si l'on se fie au critère des chances de bénéfice et des risques de perte, M. McCann était un entrepreneur indépendant; si l'on se fie au critère de l'intégration, il était un employé.

[26]          Tout bien considéré, les quatre critères classiques me mènent à conclure que M. McCann était un entrepreneur indépendant et non un employé. Outre ces quatre critères, cependant, comme ce fut le cas pour M. Little, M. McCann était en position de force pour négocier avec PSI en février 1993. Il avait un cabinet d'expert-comptable à Tilbury. Il a insisté pour avoir le droit de conserver ses clients et pour être autorisé à les servir, si cela était nécessaire, à partir des bureaux de PSI. Pour cette raison, je suis d'autant plus enclin à permettre à M. McCann et à PSI de qualifier leur relation. C'est ce qu'ils ont fait au paragraphe 4 de la lettre-contrat, où M. McCann est décrit comme un « entrepreneur indépendant » .

[27]          Enfin, un changement de statut est véritablement intervenu en septembre 1997, lorsque M. McCann a cessé de facturer un taux horaire à PSI pour les heures travaillées et qu'il a commencé à travailler à titre de contrôleur salarié. Ce changement de statut a été effectué avec le consentement manifeste de M. McCann et de PSI. L'appel de Robert McCann est accueilli.

[28]          M. Little et M. McCann ont également interjeté appel en vertu du Régime de pensions du Canada sur la même question, à savoir s'ils étaient des entrepreneurs indépendants ou des employés. Ces deux appels sont accueillis.

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour d'août 2001.

« M. A. Mogan »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 13e jour de mai 2002.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Mario Lagacé, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

97-1023(UI)

97-113(CPP)

ENTRE :

ROBERT McCANN,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de Donald C. Little (97-1024(UI) et 97-114(CPP)) le 3 août 2000 à London (Ontario), par

l'honorable juge M. A. Mogan

Comparutions

Avocat de l'appelant :                 Me Claudio Martini

Avocate de l'intimé :                   Me Carole Benoit

JUGEMENT

          L'appel interjeté en vertu de l'article 70 de la Loi sur l'assurance-chômage pour la période du 1er janvier 1996 au 18 juillet 1996 est accueilli et la décision du ministre du Revenu national par suite de la demande qui lui a été faite en vertu de l'article 61 de la Loi est infirmée.

L'appel interjeté en vertu de l'article 28 du Régime de pensions du Canada pour la période du 1er janvier 1996 au 18 juillet 1996 est accueilli et la décision du ministre du Revenu national par suite de la demande qui lui a été faite en vertu de l'article 27 du Régime est annulée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour d'août 2001.

« M. A. Mogan »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 13e jour de mai 2002.

Mario Lagacé, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

97-1024(UI)

97-114(CPP)

ENTRE :

DONALD C. LITTLE,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de Robert McCann (97-1023(UI) et 97-113(CPP)) le 3 août 2000 à London (Ontario), par

l'honorable juge M. A. Mogan

Comparutions

Avocat de l'appelant :                 Me Claudio Martini

Avocate de l'intimé :                   Me Carole Benoit

JUGEMENT

          L'appel interjeté en vertu de l'article 70 de la Loi sur l'assurance-chômage pour la période du 1er janvier 1996 au 9 septembre 1996 est accueilli et la décision du ministre du Revenu national par suite de la demande qui lui a été faite en vertu de l'article 61 de la Loi est infirmée.

L'appel interjeté en vertu de l'article 28 du Régime de pensions du Canada pour la période du 1er janvier 1996 au 9 septembre 1996 est accueilli et la décision du ministre du Revenu national par suite de la demande qui lui a été faite en vertu de l'article 27 du Régime est annulée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour d'août 2001.

« M. A. Mogan »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 13e jour de mai 2002.

Mario Lagacé, réviseur

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