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Date: 20000602

Dossier: 91-1411-IT-G

ENTRE :

QUANTETICS CORPORATION,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

La juge Lamarre, C.C.I.

[1] Les présents appels portent sur des cotisations établies par le ministre du Revenu national (le “ ministre ”) en vertu des parties I et VIII de la Loi de l'impôt sur le revenu (la “ Loi ”) pour l'année d'imposition 1985 de l'appelante et en vertu de la partie I de la Loi pour ses années d'imposition 1986 et 1987. Il n'est pas contesté que l'appelante exploitait une entreprise consistant en la poursuite de divers projets de recherches scientifiques et de développement expérimental (“ RS & DE ”) et qu'elle avait fait des dépenses considérables relativement à cette entreprise.

[2] Cependant, le ministre a établi que certaines de ces dépenses ne constituaient pas des dépenses de RS & DE au sens de l'article 37 de la Loi et de l'article 2900 du Règlement de l'impôt sur le revenu (le “ Règlement ”), et que d'autres constituaient des dépenses prescrites au sens de l'article 2902 du Règlement. En conséquence, le ministre a décidé que ces dépenses n'étaient pas des dépenses admissibles au sens des paragraphes 127(9) et 127(10.1) de la Loi tel qu'ils s'appliquaient pendant les années en cause, et que l'appelante n'avait donc pas droit, en vertu du paragraphe 127(5) et de l'article 127.1 de la Loi, à un crédit d'impôt à l'investissement ni à des remboursements de crédit d'impôt à l'investissement à l'égard de ces dépenses. L'appelante a en outre fait l'objet d'une cotisation en vertu de la partie VIII de la Loi pour son année d'imposition 1985 du fait que ces dépenses n'ont pas été considérées comme des dépenses de RS & DE. L'appelante est d'avis que toutes les dépenses en question constituaient des dépenses de RS & DE qui n'étaient pas des dépenses prescrites et qu'elles donnaient donc droit à des crédits d'impôt à l'investissement et à des remboursements de crédit d'impôt à l'investissement. Il est admis que les dépenses en question étaient toutes de nature courante et n'étaient pas des dépenses en immobilisations.

[3] L'intimée a également refusé la déduction de 1 400 000 $ à l'égard d'une prime accumulée et déclarée pendant l'année d'imposition 1985, et ce, au motif qu'il ne s'agissait pas d'une dépense engagée en vue de produire un revenu selon l'alinéa 18(1)a) de la Loi. Selon l'intimée, la prime avait été déclarée dans le but de réduire indûment ou de façon factice le revenu pour éviter de payer de l'impôt prévu aux parties I et VIII de la Loi. L'intimée a de plus soutenu que, en tout état de cause, la prime constituait une réserve ou une dette éventuelle qu'il est interdit de déduire aux termes de l'alinéa 18(1)e) de la Loi.

[4] Les articles pertinents de la Loi, tels qu'ils étaient rédigés durant les années en cause, en ce qui concerne les dépenses admissibles de RS & DE sont reproduits ci-dessous. Il importe de signaler que le texte de loi et le Règlement ont subi des modifications visant les années d'imposition se terminant après le 23 mai 1985. L'exercice financier de l'appelante se terminant le 31 janvier, l'appel pour l'année d'imposition 1985 sera traité conformément aux dispositions législatives qui s'appliquaient le 23 mai 1985 ou avant cette date et les appels pour les années d'imposition 1986 et 1987 seront quant à eux examinés selon les dispositions législatives applicables après cette date.

Dispositions applicables aux années d'imposition se terminant au plus tard le 23 mai 1985.

Dispositions applicables aux années d'imposition se terminant après le 23 mai 1985.

ART. 37. Recherches scientifiques.

(1) Lors du calcul du revenu, pour une année d'imposition, du contribuable qui a exploité une entreprise au Canada et a fait des dépenses, pendant l'année, pour des recherches scientifiques, il peut être déduit la fraction du total de

ART. 37. Recherches scientifiques et développement expérimental.

(1) Lorsqu'un contribuable produit avec sa déclaration de revenu en vertu de la présente partie pour une année d'imposition un formulaire prescrit contenant les renseignements prescrits et qu'il a exploité une entreprise au Canada et a fait des dépenses pour des recherches scientifiques et du développement expérimental dans l'année, est déductible dans le calcul de son revenu pour l'année la fraction éventuelle du total

(a) toute somme que peut réclamer le contribuable et qui ne dépasse pas le total des dépenses de nature courante faites au Canada par le contribuable durant l'année ou toute année d'imposition antérieure se terminant après 1973

(a) toute somme que peut réclamer le contribuable et qui ne dépasse pas le total des dépenses de nature courante faites au Canada par le contribuable durant l'année ou toute année d'imposition antérieure se terminant après 1973

(i) pour recherches scientifiques se rapportant à l'entreprise du contribuable et effectuées directement par lui ou pour son compte, [...]

(i) pour recherches scientifiques et développement expérimental se rapportant à l'entreprise du contribuable et effectués directement par lui ou pour son compte, [...]

Historique: L'art. 37(1) a été modifié par 1983-84, chap. 1, art. 10, en ajoutant le paragraphe (g), applicable aux années d'imposition 1983 et suivantes.

Historique: L'art. 37 a été modifié par 1986, chap. 6, art. 15(3), en ajoutant l'expression “ et développement expérimental ” après les mots “ recherches scientifiques ”, applicable aux années d'imposition se terminant après le 23 mai 1985.

L'art. 37(1), le passage qui précède l'alinéa (a), a été modifié par 1986, chap. 6, art. 15(1), applicable aux années d'imposition se terminant après le 23 mai 1985 sauf que le formulaire prescrit peut être produit au plus tard le 90e jour qui suit la date de la sanction, le 13 février 1986. [...]

Art. 37(7)

(7) Définitions. Dans le présent article [...]

Art. 37(7)(c)

(c) [Dépenses afférentes aux recherches scientifiques].—les mentions des dépenses afférentes aux recherches scientifiques, ou se rapportant à celles-ci,

Art. 37(7)(c)

(c) [Dépenses afférentes aux recherches scientifiques et au développement expérimental]. — les mentions des dépenses afférentes aux recherches scientifiques et au développement expérimental, ou se rapportant à ceux-ci,

(i) lorsqu'elles figurent au paragraphe (2) [recherches scientifiques effectuées hors du Canada], ne comprennent que les dépenses qui ont été occasionnées par la poursuite de recherches scientifiques et qui sont entièrement imputables à de telles fins, et

(i) lorsqu'elles figurent au paragraphe (2) [recherches scientifiques et développement expérimental effectués hors du Canada], se limitent:

(A) aux dépenses dont chacune représente une dépense engagée pour des recherches scientifiques et du développement expérimental et qui y est attribuable en totalité ou presque,

(B) aux dépenses courantes directement attribuables, selon ce qui est prévu par règlement, à des recherches scientifiques et à du développement expérimental,

(ii) lorsqu'elles figurent ailleurs qu'au paragraphe (2), ne comprennent que les dépenses qui ont été occasionnées par la poursuite de recherches scientifiques au Canada ou par la création d'installations pour la poursuite de telles recherches, et qui sont entièrement imputables à de telles fins; et [...]

(ii) lorsqu'elles figurent ailleurs qu'au paragraphe (2), se limitent:

(A) aux dépenses dont chacune représente une dépense engagée pour des recherches scientifiques et du développement expérimental effectués au Canada et qui y est attribuable en totalité ou presque, ou engagée pour la fourniture, à ces fins, de locaux, installations ou matériel,

(B) aux dépenses courantes qui sont directement attribuables, selon ce qui est prévu par règlement, à des recherches scientifiques et à du développement expérimental effectués au Canada, ou à la fourniture, à ces fins, de locaux, installations ou matériel; [...]

Historique : [...] Les art. 37(7)(c)(i) et (ii) ont été modifiés par 1986, chap. 6, art. 15(2), applicable aux dépenses faites au cours des années d'imposition se terminant après le 23 mai 1985.

Art. 127(10.1)

(10.1) Définitions. Aux fins des paragraphes (9) et (10) [le crédit d'impôt à l'investissement],

[...]

Art. 127(9), “ dépense admissible ”

(c) “ dépense admissible ”.—“ dépense admissible ” désigne une dépense au titre d'une recherche scientifique faite par un contribuable après le 31 mars 1977, qui est admissible à titre de dépense visée à l'alinéa 37(1)(a) ou au sous-alinéa 37(1)(b)(i), mais ne comprend pas

“ dépense admissible ”.—“ dépense admissible ” s'entend d'une dépense pour recherches scientifiques et développement expérimental qu'un contribuable a faite après le 31 mars 1977 et qui est admissible à titre de dépense visée à l'alinéa 37(1)(a) ou au sous-alinéa 37(1)(b)(i), à l'exclusion

(a) d'une dépense prescrite, [...]

(i) une dépense prescrite, et [...]

Historique: L'art. 127(10.1)(c) a été modifié par 1983-84, chap. 1, art. 72(8), applicable aux dépenses faites après le 19 avril 1983.

Historique: [...] L'art. 127(9), la définition de “ dépense admissible ”, a été modifiée par 1986, chap. 6, art. 15(3), en remplaçant l'expression “ recherches scientifiques ” par l'expression “ recherches scientifiques et développement expérimental ”, applicable aux années d'imposition se terminant après le 23 mai 1985.

Règlement, art. 2900 (2) et (3)

2900.

(2) Pour l'application des divisions 37(7)c)(i)(B) et (ii)(B) de la Loi, les dépenses suivantes sont directement attribuables à des recherches scientifiques et à du développement expérimental:

a) le coût des matériaux consommés dans ces recherches et ce développement;

b) dans le cas où un employé entreprend, supervise ou soutient directement ces recherches et ce développement, la partie du traitement ou salaire et des avantages connexes, versés à lui-même ou en son nom, qu'il est raisonnable de considérer comme liée à cette activité;

(c) les autres dépenses qui sont directement liées à ces recherches et ce développement et qui n'auraient pas été engagées si ces recherches et ce développement n'avaient pas été effectués.

Historique: L'article. 2900(2) a été ajouté par C.P. 1986-2770, DORS/86-1136, en date du 11 décembre 1986, applicable aux dépenses faites au cours des années d'imposition se terminant après le 23 mai 1985.

(3) Pour l'application de la division 37(7)c)(ii)(B) de la Loi, les dépenses suivantes sont directement attribuables à la fourniture de locaux, installations ou matériel servant à des recherches scientifiques et à du développement expérimental:

(a) le coût de l'entretien de ces locaux, installations ou matériel;

(b) les autres dépenses qui sont directement liées à cette fourniture et qui n'auraient pas été engagées si ces locaux, installations ou matériel n'avaient pas existé.

Historique: L'article 2900(3) a été ajouté par C.P. 1986-2770, DORS/86-1136, en date du 11 décembre 1986, applicable aux dépenses faites au cours des années d'imposition se terminant après le 23 mai 1985.

Règlement, art. 2902

2902. Aux fins de l'alinéa 127(10.1)c) de la Loi, une dépense prescrite est

Règlement, art. 2902

2902. Pour l'application de la définition “dépense admissible”, au paragraphe 127(9) de la Loi, une dépense prescrite est

a) une dépense de nature courante engagée par un contribuable

(a) une dépense de nature courante engagée par un contribuable

(i) pour l'administration générale ou la gestion d'une entreprise, y compris

(i) pour l'administration générale ou la gestion d'une entreprise, y compris

(A) un traitement ou salaire administratif et les avantages connexes d'une personne dont les fonctions ne sont pas entièrement orientées vers la poursuite de recherches scientifiques,

(A) un traitement ou salaire administratif et les avantages connexes d'une personne dont les fonctions ne sont pas orientées en totalité ou presque vers les recherches scientifiques et le développement expérimental, sauf dans la mesure où une telle dépense est visée au paragraphe 2900(2) ou (3),

(B) des honoraires légaux et comptables,

(C) une somme décrite à l'un des alinéas 20(1)c) à i) de la Loi,

(B) des honoraires légaux et comptables,

(C) une somme visée à l'un des alinéas 20(1)c) à g) de la Loi,

(D) des frais de représentation,

(D) des frais de représentation,

(E) des dépenses de publicité ou de vente,

(E) des dépenses de publicité ou de vente,

(F) des dépenses relatives à un congrès,

(F) des dépenses relatives à un congrès,

(G) une cotisation ou des droits à titre de membre d'une société ou d'un organisme scientifique ou technique, et

(G) une cotisation ou des droits à titre de membre d'une société ou d'un organisme scientifique ou technique, et

(H) une amende ou une peine, ou

(H) une amende ou une peine, ou

(ii) la préservation générale et l'entretien de locaux, d'installations et de matériel, dans la mesure où ces dépenses ne sont pas imputables à la poursuite de recherches scientifiques,

(ii) la préservation générale et l'entretien de locaux, d'installations et de matériel, dans la mesure où ces dépenses ne sont pas imputables à la poursuite de recherches scientifiques et développement expérimental,

à l'exception des dépenses engagées par un contribuable qui tire la totalité ou la quasi-totalité de ses revenus de la poursuite de recherches scientifiques ou de la vente de droits dans des recherches scientifiques ou découlant de telles recherches poursuivies par lui; [...]

à l'exception des dépenses engagées par un contribuable qui tire la totalité ou la quasi-totalité de ses revenus de la poursuite de recherches scientifiques ou de la vente de droits dans des recherches scientifiques et développement expérimental ou découlant de telles recherches poursuivies par lui [...]

[L'article 2902 a été ajouté par C.P. 1978-2917, DORS/78-749, en date du 28 septembre 1978 (Gazette du Canada, édition spéciale, 31 décembre 1978), applicable pour la période commençant avec l'année d'imposition 1977. CCH.]

Historique: [...] L'article 2902 a été modifié par C.P. 1986-2770, DORS/86-1136 en date du 11 décembre 1986, pour remplacer les mots “recherches scientifiques” par les mots “recherches scientifiques et développement expérimental”, applicable aux dépenses faites au cours des années d'imposition 1985 et suivantes.

Le passage de l'article 2902 qui précède la division a)(i)(B) a été modifié par C.P. 1986-2770, DORS/86-1136, en date du 11 décembre 1986, applicable aux dépenses faites au cours des années d'imposition 1985 et suivantes. [...]

[5] D'un commun accord, les parties ont déposé un résumé des montants en litige, reproduit ci-dessous :

[TRADUCTION]

RÉSUMÉ

MONTANTS EN LITIGE

1985

1986

1987

Dépenses prescrites, Règ. 2902

Téléphone

-

14 195

14 567

Réparations et entretien

4 286,46

662

2 010

Services publics

4 912,25

2 470

2 452

Intérêts – hypothèque

16 862,44

14 860

-

Intérêts – autres

1 166,06

-

-

Interêts et frais bancaires

15 970,16

509

136 100

Taxes – biens immeubles et entreprise

17 153,68

3 784

5 048

Honoraires d'avocat

21 891,81

21 186

-

Comptabilité

11 431,00

-

-

Assurance

3 791,99

5 210

5 454

Déplacement

40 895,34

36 067

26 956

Divers – Publicité

2 950,17

5 352

112

Auto

-

2 133

2 137

Livraison

-

1 755

2 701

Fournitures de bureau

-

9 716

9 496

Honoraires professionnels

-

-

11 854

Acquitech

-

-

90 5641

Taxes de vente et opérations de change

-

-

248

Total partiel

141 311,36

117 899,00

309 699

% déduit

x 84 %

x 84 %

x 100 %

118 701,54

99 036,00

309 699

2 139,80

120 841,34

2900(2)    Dépenses supplémentaires

83 717

37(1)     Paiement à D. Rayzak

48 131

18(1)a),e)2 Prime – RS & DE (450 000) ,84 =

378 000

18(1)a),e)    Prime – autre

950 000

2900(2), 37(1) Personnel de soutien (autre que                 Suncor)

19 185

32 865

37(1)     Honoraires de C. Rusky

3 427

37(1), 2900(2) Honoraires de Marchcroft

256 0003

1 Aussi, 37(2), 127 (n'est plus en litige)

2 Aussi, 37(1), 2900(2), 2902

3 Aussi, 2900(2) quant à un montant de 130 500 $

[6] Selon l'intimée, les dépenses susmentionnées n'étaient pas des dépenses de RS & DE aux termes de l'article 37 de la Loi car elles n'avaient pas été “ occasionnées ” par la poursuite de recherches scientifiques et n'étaient pas “ entièrement imputables à de telles fins ” en 1985 et elles n'avaient pas non plus été “ engagée[s] ” pour des recherches scientifiques et du développement expérimental et n'y étaient pas “ attribuable[s] en totalité ou presque ” ni “ directement attribuables ” au sens de l'alinéa 37(7)c) et de l'article 2900 du Règlement en 1986 et 1987. L'intimée soutient également que ces mêmes dépenses n'étaient pas admissibles aux fins du crédit d'impôt à l'investissement parce qu'elles étaient des dépenses prescrites au sens de l'article 2902 du Règlement. De fait, l'intimée prétend que l'appelante n'était pas, pendant les années d'imposition 1985 à 1987 inclusivement, une société qui tirait la totalité ou la quasi-totalité de ses revenus de la poursuite de RS & DE. Par conséquent, soutient l'intimée, ces dépenses ne donnent pas droit à un crédit d'impôt à l'investissement ni à des remboursements de crédit d'impôt à l'investissement aux termes du paragraphe 127(5) et de l'article 127.1 de la Loi.

[7] L'appelante conteste tous les arguments de l'intimée à l'exception de celui relatif à la dépense de 90 564 $, ayant trait à Acquitech, que l'appelante a déduite pour l'année d'imposition 1987. En fait, l'avocat de l'appelante a invité la Cour, à la fin de l'audience, à ne pas tenir compte de cette dépense, car il reconnaissait que celle-ci posait un problème de preuve. Je ne traiterai donc pas de la preuve présentée en ce qui concerne le projet Acquitech puisqu'il semble n'y avoir aucune autre dépense litigieuse relative à ce projet d'après le résumé des montants en litige.

Les faits

[8] L'appelante est une corporation canadienne qui a été constituée en 1977. Elle a pour objet l'application de techniques quantitatives scientifiques et mathématiques en vue de découvrir de nouvelles façons d'étudier les systèmes économiques, démographiques et physiques. Robert John Rayzak, ingénieur électricien titulaire d'un doctorat en génie chimique, en est le président et seul administrateur. Au fil des ans, l'appelante a fait du travail pour des sociétés pétrochimiques et des raffineries (Polysar, Suncor, Sunoco), pour des ministères, pour des fabricants, pour des sociétés d'experts-conseils et pour l'Université de Toronto. En outre, l'appelante a utilisé et a amélioré, à ses propres fins, des techniques de pointe pour la mise au point de produits brevetés de haute technicité (commande de processus par ordinateur, analyse de la conformation et de la performance des chevaux ainsi que sélection pour la reproduction des chevaux).

[9] Vers la fin de 1985, l'appelante a été à l'origine de l'application des techniques informatiques d'analyse statistique pour faire une corrélation entre les caractéristiques de conformation des chevaux et, d'une part, leur performance pendant le dressage et, d'autre part, la sélection optimale de juments et d'étalons pour la reproduction. À cette fin, l'appelante a fait appel à l'entreprise Marchcroft Farms Ltd. (“ Marchcroft ”) pour l'aider dans son projet de recherche et de développement. Marchcroft s'est occupée du volet gestion animale du projet. C'est Marchcroft qui a permis à l'appelante d'avoir accès aux écuries du championnat mondial de dressage de 1986, qui s'est tenu près de Toronto, et aux écuries du championnat de dressage de l'Arizona, pour qu'elle puisse recueillir des informations pour éprouver et peaufiner le programme informatique élaboré à cette époque. L'appelante, quant à elle, apportait au projet ses compétences en informatique et en mathématique. M. Rayzak, dont l'épouse d'alors s'intéressait aussi aux chevaux, a déclaré que 60 ou 70 chevaux avaient été évalués dans le cadre de l'étude, dont 28 en Arizona. La recherche a pris fin pendant l'exercice financier 1987 sans avoir donné de résultats. Pendant cette période, l'appelante a acheté trois chevaux qui ont été gardés sur la ferme de M. Rayzak puis sur celle de sa femme. C'est Marchcroft qui prenait soin des chevaux et les entraînait. L'appelante a reçu pour ces soins une facture de 256 000 $ le 31 janvier 1987 (la facture comprenait un montant de 72 500 $ à payer à D. Rayzak, l'épouse de M. Rayzak). Cependant, puisque ces chevaux n'avaient pas servi à la collecte de données, le ministre n'a pas accepté la facture totale de 256 000 $ comme une dépense admissible. Les trois chevaux en question, a expliqué M. Rayzak, n'avaient pas servi à la collecte de données car ils n'avaient pas participé aux championnats de dressage au cours desquels l'appelante et Marchcroft avaient entrepris leurs études. M. Rayzak a déclaré que ces trois chevaux avaient été achetés pour le volet reproduction du programme. Il a aussi témoigné qu'il ne savait pas comment on avait disposé des chevaux ni ce qu'il en était advenu. M. Rayzak a reconnu que l'appelante n'avait touché aucun produit de disposition pour l'un ou l'autre de ces chevaux. Il manquerait donc environ 300 000 $, représentant ces chevaux, dans les livres et les états financiers de l'appelante.

[10] D'après Danie Huppé, agente des appels à Revenu Canada au moment où l'appelante a fait l'objet d'une vérification, le coût de ces chevaux figurait dans le bilan de l'appelante à titre de placement à long terme avant le début du projet et y figurait encore à la fin du projet.

[11] Aux dires de M. Rayzak, les activités de consultation en RS & DE de l'appelante ont pris de l'essor, les revenus passant de 57 820 $, en regard de dépenses de 43 750 $, pendant l'exercice financier de 1978, à 108 714 $, en regard de dépenses de 173 736 $, pendant l'exercice financier de 1982, pour atteindre un sommet de 465 089 $, en regard de dépenses de 1 454 222 $, pendant l'exercice financier de 1985. Le ministre, il convient de le souligner ici, a déterminé que, sur le total des honoraires d'expertise de 465 089 $ en 1985, seul le montant de 345 397 $ était attribuable aux RS & DE, et n'a pas accepté les dépenses comme des dépenses admissibles.

[12] M. Rayzak a déclaré que l'appelante, afin de financer ses activités de recherche et de développement, s'était lancée dans le commerce des armes à feu de 1981 à 1984. L'appelante tirait des revenus de l'exportation d'armes à feu du Canada aux États-Unis, récupérant des droits et des taxes sur ces exportations. En outre, elle a saisi une occasion qui se présentait sur le marché des opérations d'arbitrage de toucher des commissions sous forme de remboursements de la taxe de vente fédérale en organisant l'exportation d'automobiles haut de gamme provenant de concessionnaires canadiens et destinées à des clients américains. Ces remboursements constituaient les honoraires de l'appelante. De plus, celle-ci avait découvert un moyen de récupérer les droits de douane sur les automobiles exportées. Ainsi, une demande à Douanes et Accise Canada au mois d'août 1984 lui a permis de récupérer 966 979 $ en droits de douane (ce montant a été déclaré à titre de revenu à recevoir dans les états financiers de 1984 mais l'appelante l'a en fait reçu pendant son exercice financier de 1985; aux fins de l'impôt, ce montant a été déclaré à titre de réserve pour l'année d'imposition 1984 et a été ajouté au revenu de l'appelante pour l'année d'imposition 1985). La somme en question a été placée dans des dépôts à terme, à la banque, comme en font foi les états financiers de 1985, et a été donnée en garantie de prêts à demande, comme l'indiquent les états financiers de 1986 et 1987. Les documents relatifs à l'un des prêts à demande, consenti par la Banque Mercantile du Canada le 17 décembre 1984, soit un prêt de 967 000 $, révèlent que ce prêt visait à répondre en partie aux besoins de fonds de roulement de l'appelante.

[13] En fin de compte, l'appelante a dû rembourser, le 28 juin 1989, à une corporation dénommée Gulliver Motors Limited (“ Gulliver ”) un montant de 575 000 $, plus des intérêts, représentant des droits de douane. En juin 1983, Gulliver avait convenu de partager également avec l'appelante les remboursements de droits de douane et de taxes de vente que cette dernière pourrait obtenir du Gouvernement du Canada relativement aux automobiles que Gulliver exportait du Canada. Gulliver a dû poursuivre l'appelante afin de récupérer ce que celle-ci lui devait. D'après les actes de procédure, Gulliver n'a appris qu'en juin 1987 que le Gouvernement du Canada avait versé 966 979 $ à l'appelante le 16 août 1984. De cette somme, 820 454,54 $ représentaient des remboursements de droits de douane et de taxes de vente reliés à l'exportation d'automobiles par Gulliver. Celle-ci réclamait la moitié de ce dernier montant.

[14] Le livre des procès-verbaux de l'appelante révèle que par une résolution adoptée le 24 janvier 1985, RobertRayzak, l'unique administrateur de l'appelante, acceptait que l'appelante lui verse une prime de 1 000 000 $, ou d'un montant inférieur que M. Rayzak demanderait, une fois la situation financière de l'appelante au 31 janvier 1985 établie par les comptables de cette dernière. Le solde d'ouverture figurant sur une feuille du grand livre de l'appelante indiquait une prime à payer de 1 400 000 $ au 1er février 1985. Les états financiers de 1985 font également état, au bilan, d'une prime à payer de 1 400 000 $. À la clôture du même exercice financier, il y a un déficit de 198 793 $. En fin de compte, la prime n'a jamais été versée et a été incluse dans le revenu de l'exercice financier 1987 comme l'exige le paragraphe 78(3) de la Loi. Lors de son témoignage, M. Rayzak n'a pu expliquer pourquoi une prime d'au plus 1 000 000 $ a été autorisée par résolution du conseil d'administration alors que les livres comptables et les états financiers font état d'une prime à payer de 1 400 000 $. Il a dit que la prime avait été calculée en fonction de deux éléments : premièrement, un montant de 950 000 $ relatif à la récupération des droits de douane de 966 979 $ sur les ventes d'automobiles; deuxièmement, un montant de 450 000 $ en reconnaissance de ses travaux accomplis jusque-là en recherche et développement. Il a expliqué qu'il n'avait jamais touché un salaire très élevé pour tout son travail mais qu'il était payé au moyen de dividendes. Il espérait, a-t-il dit, pouvoir payer la prime grâce à la vente de la technologie, au remboursement de droits de douane et aux remboursements assez considérables de crédits d'impôt à l'investissement qu'il attendait.

[15] Pendant son exercice financier 1985, l'appelante a participé au programme de crédit d'impôt pour la recherche scientifique (le “ CIRS ”) du gouvernement fédéral pour obtenir de l'aide à financer ses activités de recherche et de développement. L'appelante avait prévu, dans son budget, des crédits d'impôt remboursables de 319 990 $ pour les exercices subséquents (voir la pièce A-1, onglet 2). Elle n'a jamais reçu cette somme, cependant, en raison des cotisations faisant l'objet des présents appels. Pendant ce même exercice financier, d'après une note figurant dans les états financiers de 1985, l'appelante a également souscrit des billets pour un montant total de 806 000 $. Ces billets ont ensuite été payés aux porteurs au moyen d'un paiement de 437 960 $ et d'un transfert de crédits d'impôt pour la recherche scientifique de 402 040 $. Cette vente de dépenses de recherche et de développement a engendré une dette fiscale de 403 000 $ en vertu de la partie VIII de la Loi. L'appelante soutient s'être complètement libérée de cette dette en renonçant aux dépenses de recherche et de développement de 155 000 $ engagées en 1984, et de 651 000 $ engagées en 1985. L'appelante prétend donc avoir réalisé une prime au titre du CIRS de 368 040 $ lors de cette transaction, prime qui figure dans l'état des résultats à titre de dépense négative. Toutefois, le ministre a révisé le montant de 651 000 $ de dépenses déduites pour l'exercice financier 1985, de manière à ramener à 49 378 $ les dépenses admissibles aux termes de la partie VIII (refusant ainsi un montant de 601 622 $ au motif qu'il ne représentait pas des dépenses de RS & DE). Il a donc établi à l'égard de l'appelante une cotisation de 365 785 $ en vertu de la partie VIII de la Loi pour le même exercice financier.

[16] Le 8 avril 1987 (soit durant l'exercice financier 1988 de l'appelante), l'appelante a vendu la technologie de commande de processus, qu'elle avait été en train de mettre au point au fil des ans, en contrepartie de 1 050 000 $ d'actions d'une société ouverte qui faisait le développement de produits de haute technologie.

Questions en litige

[17] La première question en litige est de savoir si les dépenses en cause sont admissibles aux termes de l'article 37 de la Loi aux fins du crédit d'impôt à l'investissement remboursable et, s'ils le sont, s'il s'agit, aux termes des paragraphes 127(9) et 127(10.1) de la version de la Loi qui était en vigueur dans les années en cause, de dépenses prescrites au sens de l'article 2902 du Règlement, donc inadmissibles.

[18] La deuxième question en litige est de savoir si la prime de 1 400 000 $ est une dépense d'entreprise au sens de l'alinéa 18(1)a) de la Loi. Si c'est le cas, il faut déterminer si elle constitue une obligation éventuelle visée à l'alinéa 18(1)e) de la Loi, auquel cas elle ne pourrait être déduite dans le calcul du revenu de l'appelante.

Analyse

Première question en litige

Les dépenses en cause sont-elles admissibles aux termes de l'article 37 de la Loi et des articles 2900 et 2902 du Règlement aux fins du crédit d'impôt à l'investisse-ment remboursable?

[19] L'avocat de l'intimée a d'abord déclaré que la vérificatrice de Revenu Canada à l'époque n'avait reçu aucune collaboration de la part de l'appelante au moment de la vérification. Sheila Maureen O'Grady, la vérificatrice, a témoigné qu'elle s'était vu refuser l'accès aux lieux d'affaires de l'entreprise et qu'elle avait dû, par conséquent, se contenter d'un accès limité à l'information. Selon l'avocat de l'intimée, le fardeau qui incombe à l'appelante du fait des hypothèses formulées dans les actes de procédure devient plus critique en pareil cas, comme l'a établi la jurisprudence (Pollock c. La Reine, C.A.F., no A-75-90, 14 octobre 1993 (94 DTC 6050)). En l'espèce, a soutenu l'avocat, très peu d'éléments de preuve ont été présentés à la Cour, qui se trouve devant de vagues généralités et seulement quelques éléments de preuve précis. De plus, je constate que, bien que toutes les dépenses énumérées dans le résumé des montants en litige soient en litige, à l'exception de la dépense relative à Acquitech en 1987, les deux avocats ont surtout porté leur attention sur la prime et sur les dépenses engagées dans le cadre du projet relatif aux chevaux.

[20] Pour demander un crédit d'impôt à l'investissement, il faut remplir les exigences de la définition de “ dépense admissible ”. Le paragraphe 127(10.1), dans sa version en vigueur dans l'année d'imposition 1985, et le paragraphe 127(9), dans sa version en vigueur dans les années d'imposition 1986 et 1987, définissent ainsi une dépense admissible :

1. une dépense au titre d'une recherche scientifique,

2. qui est admissible à titre de dépense visée à l'alinéa 37(1)a) ou au sous-alinéa 37(1)b)(i) de la Loi (le sous-alinéa 37(1)b)(i) ne s'applique pas en l'espèce car il vise les dépenses en capital alors que les dépenses en litige sont toutes de nature courante),

3. mais ne comprend pas une dépense prescrite.

J'analyserai ces exigences dans le même ordre.

1. Dépenses afférentes aux recherches scientifiques

[21] Les dépenses afférentes aux recherches scientifiques sont définies à l'alinéa 37(7)c) de la Loi. Pour les années d'imposition se terminant au plus tard le 23 mai 1985, ces dépenses ne comprennent que celles qui ont été occasionnées par la poursuite de recherches scientifiques et qui sont entièrement imputables à de telles fins. Selon l'avocat de l'intimée, s'il existait une obligation légale de verser la prime durant l'année d'imposition 1985, ce qu'il a nié, cette prime s'élèverait à 1 000 000 $, soit le maximum que le seul administrateur de l'appelante a autorisé par voie de résolution. Or, comment peut-on affirmer que ce montant comprenait une somme de 450 000 $ à verser en reconnaissance des services rendus par M. Rayzak dans le passé dans le domaine de la recherche scientifique et qu'il n'était pas entièrement attribuable à la récupération des droits de douane? L'appelante, soutient l'avocat, n'a pas fait la preuve que la prime était entièrement attribuable à la poursuite de recherches scientifiques. L'avocat de l'appelante n'a fait aucun commentaire sur ce point.

[22] Pour les années d'imposition se terminant après le 23 mai 1985, il y a assouplissement des exigences posées par l'alinéa 37(7)c), de sorte que les dépenses afférentes aux recherches scientifiques et au développement expérimental ne comprennent que :

- les dépenses dont chacune représente une dépense engagée pour des recherches scientifiques et du développement expérimental et qui y est attribuable en totalité ou presque et

- les dépenses courantes directement attribuables, selon ce qui est prévu par règlement, à des recherches scientifiques et à du développement expérimental.

[23] En ce qui concerne la première exigence, l'avocat de l'intimée soutient que l'appelante n'a pas fait la preuve que les dépenses étaient attribuables en totalité ou presque à des recherches scientifiques et à du développement expérimental. Il n'existe aucune preuve pouvant expliquer comment les dépenses particulières pourraient être attribuables presque en totalité à des recherches scientifiques et à du développement expérimental. Cette preuve, répond l'avocat de l'appelante, se trouve dans la documentation et les états financiers, lesquels indiquent un accroissement des activités et du temps consacrés aux RS & DE. Il ajoute que les hypothèses sur lesquelles le ministre a fondé la cotisation établie à l'égard de l'appelante ne reposaient pas sur une analyse individuelle des dépenses en vue d'établir si chacune d'elle était admissible. Toutes les dépenses ont été refusées, soutient l'avocat de l'appelante, au motif que celle-ci n'était pas admissible à titre de société poursuivant des recherches scientifiques et du développement expérimental.

[24] Si je comprends bien la position de l'avocat de l'appelante, il prétend que les hypothèses formulées dans les actes de procédure n'imposent à l'appelante aucun fardeau en ce qui concerne la question précise de savoir comment chaque dépense pourrait être considérée comme attribuable presque en totalité aux RS & DE. Il est vrai que les hypothèses formulées dans la réponse à l'avis d'appel ne traitent pas de chaque dépense. Il est cependant tout aussi vrai que la preuve de l'appelante était vague et ambiguë et ne révélait pas clairement comment la prime avait été établie, à quoi avaient servi les emprunts, quel était l'objectif véritable de l'acquisition des trois chevaux, etc. À cet égard, je mentionne à titre d'exemple le caractère confus du témoignage de M. Rayzak au sujet d'une note manuscrite, figurant dans les états financiers de 1987, relative aux investissements à long terme. Cette note faisait référence au prix des chevaux et à une Ferrari. M. Rayzak a d'abord déclaré que Ferrari était le nom d'un cheval. En contre-interrogatoire, il a cependant admis que l'appelante possédait une automobile Ferrari cette année-là. Je signale, en outre, que la preuve portait surtout sur les dépenses afférentes aux chevaux, sur la prime et sur le projet Acquitech, lequel projet n'est d'ailleurs plus en litige. Presque rien n'a été dit au sujet des autres dépenses. Dans les circonstances, il m'est impossible de conclure que les dépenses étaient attribuables en totalité ou presque à la poursuite de recherches scientifiques et de développement expérimental.

[25] La deuxième exigence énoncée à l'alinéa 37(7)c) nous dirige vers le paragraphe 2900(2) du Règlement, tel qu'il était rédigé à l'époque, qui définit en quoi consistent des dépenses directement attribuables à la poursuite de recherches scientifiques et de développement expérimental. Il s'agit des dépenses suivantes :

a) le coût des matériaux consommés dans ces recherches et ce développement;

b) dans le cas où un employé entreprend, supervise ou soutient directement ces recherches et ce développement, la partie du traitement ou salaire et des avantages connexes, versés à lui-même ou en son nom, qu'il est raisonnable de considérer comme liée à cette activité;

c) les autres dépenses qui sont directement liées à ces recherches et ce développement et qui n'auraient pas été engagées si ces recherches et ce développement n'avaient pas été effectués.

[26] L'avocat de l'intimée soutient que l'alinéa 2900(2)c) du Règlement est pertinent en l'espèce dans le cas des dépenses afférentes aux chevaux. Référence y est faite à ce que l'on appelle le “ test de coût différentiel ”. À son avis, il y a très peu d'éléments de preuve qui indiquent lesquelles de ces dépenses n'auraient pas été engagées de toute façon. Il invoque le jugement de cette Cour dans l'affaire Ergorecherche Et Conseils Inc. c. La Reine, C.C.I., no 95-2069(IT)G, 30 septembre 1997 ([1998] 3 C.T.C. 2062), dans laquelle la juge Lamarre Proulx a dit que quiconque veut que des dépenses soient considérées comme des dépenses admissibles aux fins du crédit d'impôt à l'investissement doit proposer une méthode rationnelle pour relier ces dépenses (dans cette affaire-là, des salaires) aux RS & DE. En l'espèce, soutient l'avocat, l'appelante n'a pas proposé une telle méthode rationnelle.

[27] Dans une lettre du 10 mai 1990 (pièce A-5, onglet 22), les comptables de l'appelante expliquent que celle-ci a acheté les chevaux pour mesurer les possibilités que des chevaux européens montrant de grandes aptitudes puissent contribuer à l'établissement d'une forte présence du Canada comme source de chevaux de premier ordre pour les concours de dressage. Dans les circonstances, il était tout naturel de collaborer avec Marchcroft, étant donné à la fois l'expertise particulière de celle-ci et la nature de son entreprise. Pendant cette période d'expérimentation, Marchcroft devait fournir tous les services de soin, d'entraînement et de pension car l'appelante elle-même ne disposait ni des installations ni du personnel qualifié nécessaires pour aider à faire cette expérimentation.

[28] Dans une lettre du 12 juillet 1990 (pièce A-5, onglet 17), Mme Huppé, agente d'appel de Revenu Canada à l'époque, a informé l'appelante du fait que le projet que le conseiller scientifique du ministre avait accepté à titre de projet de RS & DE n'avait rien à voir avec les trois chevaux en question. Selon Mme Huppé, ces chevaux n'étaient mentionnés ni dans le rapport du conseiller scientifique ni dans l'explication du projet donnée par l'appelante. De plus, le coût de ces chevaux avait été inscrit dans le bilan de la société à titre de placement à long terme avant le début du projet et y figurait encore à la fin du projet. Mme Huppé était donc d'avis que les frais d'entretien auraient été engagés qu'il y ait eu recherches ou non.

[29] Selon l'avocat de l'appelante, rien n'indiquait que les chevaux constituaient pour celle-ci un placement à long terme. Il s'appuie en outre sur la décision de cette Cour dans l'affaire Highland Foundry Ltd c. La Reine, C.C.I., no 92-264(IT)G, 15 août 1994 ([1994] 2 C.T.C. 2329), pour faire valoir qu'il était absurde de prétendre que les dépenses liées aux chevaux et engagées uniquement pour la recherche scientifique et le développement expérimental ne seraient pas admissibles simplement parce que les chevaux appartenaient toujours à l'appelante au terme du projet.

[30] La faille dans le raisonnement de l'appelante est qu'il ne démontre pas que les dépenses liées aux chevaux ont été engagées uniquement pour les RS & DE. Vraisemblablement, comme l'indiquent les états financiers de 1985 et la lettre de Mme Huppé, le coût de ces chevaux a été déclaré comme un placement à long terme. De fait, un montant de 404 893 $ figure au poste des placements à long terme du bilan de l'appelante pour l'exercice financier 1985. Comme l'a dit l'avocat de l'appelante, il s'agit là de l'exercice financier précédant immédiatement l'année au cours de laquelle le volet de l'étude portant sur le mesurage des chevaux a été entrepris. Les trois chevaux en question ne faisaient pas partie de l'étude de mesurage. L'épouse d'alors de M. Rayzak était elle-même propriétaire d'une ferme à l'époque et s'intéressait aux chevaux. De plus, bien que M. Rayzak ait témoigné qu'il n'était plus au courant du sort des trois chevaux, les états financiers n'indiquent pas qu'on s'en était défait au terme du projet portant sur les chevaux. Dans les circonstances, il n'était donc pas illogique que le ministre conclue que les dépenses liées aux chevaux auraient pu être engagées à d'autres fins que les RS & DE. En tout cas, je constate que l'appelante n'a pas prouvé le contraire. Par conséquent, je conclus que les dépenses en question liées aux chevaux n'étaient ni attribuables en totalité ou presque ni directement attribuables à la poursuite de recherches scientifiques et de développement expérimental. Elles ne peuvent donc être considérées comme des dépenses afférentes à des recherches scientifiques.

2. Les dépenses admissibles aux termes de l'alinéa 37(1)a) de la Loi.

[31] Une dépense est admissible aux termes de l'alinéa 37(1)a) s'il s'agit d'une dépense de nature courante faite au Canada durant l'année ou toute année d'imposition antérieure se terminant après 1973 pour des recherches scientifiques se rapportant à l'entreprise du contribuable et effectuées directement par lui ou pour son compte.

[32] L'avocat de l'intimée soutient que la prime n'est pas une dépense “ faite ” par l'appelante durant une année donnée parce qu'elle n'a jamais été versée. Il s'appuie sur la décisionG. A. Borstad Associates Ltd. c. M.R.N., C.C.I., no 89-353(IT), 5 mars 1992 (92 DTC 1743), dans laquelle le juge Garon a dit que les dispositions de la Loi (telles qu'elles s'appliquaient durant l'année d'imposition 1987) qui se rapportaient à la déduction d'une “ dépense admissible ” au sens de l'article 37, faisaient référence à une dépense “ faite ” par opposition à une dépense “ engagée ”. Selon le juge Garon :

[...] À cet égard, il convient de signaler que dans de nombreuses dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu, la déductibilité d'une dépense en particulier est établie selon qu'elle a été faite ou engagée. On peut se reporter, par exemple, aux alinéas 18(1)a) et 18(1)c) de la Loi. Dans d'autres cas, comme à l'alinéa 18(1)h), il est fait mention exclusivement des dépenses engagées.

En outre, l'alinéa 2900(2)b) du Règlement de l'impôt sur le revenu mentionne expressément le “traitement ou salaire et [les] avantages connexes versés à [un employé] ou en son nom” qui entreprend, supervise ou soutient directement des recherches scientifiques et du développement expérimental.

Je ne vois aucune raison de donner au terme “versé”, tel qu'il est employé à l'alinéa 2900(2)b) du Règlement de l'impôt sur le revenu, un sens différent de son sens habituel. Selon moi, la disposition ne renferme aucune ambiguïté.[...]

En dernière analyse, il semble que, conformément au régime de la Loi de l'impôt sur le revenu, une déduction directe de l'impôt payable par ailleurs par l'appelante ne peut être autorisée que si les sommes dues au titre des traitements ou salaires avaient effectivement été versées par le contribuable au cours de l'année d'imposition en question.

Il faut se rappeler ici que le paragraphe 2900(2)b) du Règlement a été ajouté en 1986, et s'applique aux dépenses faites au cours des années d'imposition se terminant après le 23 mai 1985. Par la suite, l'alinéa 2900(2)b) a été modifié pour l'année d'imposition 1990 et les années d'imposition subséquentes par la substitution du mot “ engagé ” au mot “ versé ”. Toutefois, seule une partie de l'analyse du juge Garon s'appuie sur le libellé de l'alinéa 2900(2)b) et l'avocat de l'intimée soutient que l'interprétation du mot “ fait ” dans la décision Borstad doit s'appliquer aux années en cause. À cet égard, l'avocat de l'appelante fait valoir que cette dernière avait l'obligation légale de verser la prime et que l'intimée se trompe en soutenant que la prime n'était pas une dépense faite par l'appelante durant l'année en cause. Comme on le verra plus loin lorsque j'aborderai la question de la déductibilité de la prime à titre de dépense d'entreprise, j'en suis venu à la conclusion que l'appelante n'avait pas d'obligation légale de verser la prime. En conséquence, on ne peut parler d'une dépense faite par l'appelante au sens de l'alinéa 37(1)a) de la Loi.

[33] L'avocat de l'intimée fait valoir en outre que les dépenses afférentes aux chevaux n'étaient pas liées à l'entreprise de recherches scientifiques de l'appelante. Selon l'avocat, l'appelante n'a jamais tiré de revenus de la poursuite de recherches sur les chevaux et il n'y a aucune preuve établissant que ce projet était lié à l'entreprise de l'appelante. J'ai traité de cet aspect précis plus haut.

3. Les dépenses prescrites

[34] L'article 2902 du Règlement définit une dépense prescrite. Il s'agit d'une dépense de nature courante engagée par un contribuable, notamment pour l'administration générale ou la gestion d'une entreprise, à l'exception des dépenses engagées par un contribuable qui tire la totalité ou la quasi-totalité de ses revenus de la poursuite de recherches scientifiques et de développement expérimental.

[35] Jusqu'au 23 mai 1985, une dépense de nature courante engagée pour l'administration générale ou la gestion d'une entreprise comprenait un traitement ou un salaire administratif et les avantages connexes d'une personne dont les fonctions n'étaient pas entièrement orientées vers la poursuite de recherches scientifiques. Selon l'avocat de l'intimée, la prime déclarée pendant l'année d'imposition 1985 est une dépense prescrite. De fait, pendant cette année d'imposition, les fonctions de M. Rayzak n'étaient pas entièrement orientées vers la poursuite de recherches scientifiques car il poursuivait aussi des activités dans les domaines de l'automobile et des armes à feu.

[36] Après le 23 mai 1985, le critère est moins exigeant. Le “ traitement ou salaire administratif et les avantages connexes ” ne constituent désormais une dépense prescrite qu'à l'égard d'une personne dont les fonctions ne sont pas orientées en totalité ou presque vers les recherches scientifiques et le développement expérimental. Toutefois, le critère quant aux revenus qui s'applique pour déterminer si une dépense est une dépense prescrite ou non est demeuré le même.

[37] Selon l'intimée, le contribuable sera considéré comme tirant la totalité ou presque de ses revenus de la poursuite de recherches scientifiques et de développement expérimental s'il en tire plus de 90 p. 100 de ses revenus. Dans l'affaire Imapro Corporation c. La Reine, C.F. 1re inst., no T-3233-90, 25 septembre 1992 (92 DTC 6487), le contribuable avait cherché à déduire, à titre de dépenses de recherches scientifiques et de développement expérimental, 47,3 p. 100 de ses dépenses courantes liées à l'entretien d'une partie des parties communes d'un immeuble qui ne servait pas uniquement à des activités de RS & DE. La juge McGillis a décidé qu'une proportion de 47,3 p. 100 des dépenses courantes afférentes aux recherches scientifiques et au développement expérimental ne pouvait être ce que voulait dire l'expression “ en totalité ou presque ” figurant au sous-alinéa 37(7)c)(ii) de la Loi. Elle a dit ce qui suit aux pages 17 et 18 (DTC : à la page 6494) :

Pour ce qui est de l'expression “sensiblement tous les biens”, cette expression, utilisée dans un autre article de la Loi, a été interprétée dans l'affaire Wardean Drilling c. M.R.N., [1978] 2 C.F. 616 (C.A.F.), (1974), 74 D.T.C. 6164 (C.F. 1re inst.), comme signifiant une partie essentielle. Dans le Bulletin d'interprétation IT-151, le ministère du Revenu national a estimé que l'expression “en totalité ou presque” dans le contexte du sous-alinéa 37(7)c)(ii) de la Loi signifie au moins 90 %. Dans l'affaire Wood v. M.N.R. (1987), 87 D.T.C. 312 (C.C.I.), l'interprétation que le Ministère a donnée à l'expression “la totalité ou la presque totalité” utilisée dans un autre article de la Loi, c'est-à-dire que cette expression signifie au moins 90 %, a été décrite comme une politique de cotisation utile et pratique du Ministère pour une expression qui ne se prête pas à une formule mathématique. Même si on suppose qu'une liberté d'action soit permise à l'égard de la règle des 90 % adoptée par le Ministère dans son Bulletin d'interprétation portant sur le sous-alinéa 37(7)c)(ii) de la Loi, j'estime qu'une proportion de 47,3 % des dépenses effectuées relativement à des RS & DE ne correspondrait pas au sens de l'expression “en totalité ou presque”.

[38] Dans l'affaire Wood c. M.R.N., C.C.I., no 85-1848, 23 avril 1987 (87 DTC 312), le juge Taylor devait décider si M. Wood, non-résident du Canada, avait inclus dans sa déclaration de revenus canadiens la totalité ou presque de ses revenus de manière à avoir droit à des déductions dans le calcul de son revenu imposable canadien. M. Wood avait déclaré environ 70 p. 100 de son revenu de toutes provenances à titre de revenu gagné au Canada. Le juge Taylor a dit ce qui suit :

La règle du Ministre (selon le bulletin d'interprétation 171 précité [le bulletin d'interprétation IT-171 en date du 4 septembre 1985]) est que le revenu canadien devrait représenter au moins 90 % du revenu total, c'est-à-dire la "règle des 90 %". Il est évident qu'il s'agit simplement d'une politique de cotisation du Ministère et même si elle est arbitraire, elle constitue sans doute un mécanisme utile et pratique pour régler la difficulté de l'article de la Loi. Je suppose que le Ministre aurait de la difficulté à refuser une déduction où le pourcentage était de 89 %, ou peut-être même de 85 %, 80 % ou même plus bas, ce qui nous conduit à parler de la situation du contribuable qui se ramène à environ 70 %. (30 000 $ total de 42 500 $)*. Il est clair que l'expression "la presque totalité" ne se prête pas à une simple formule mathématique. En outre, il me semble que toute définition particulière de l'expression "la totalité" n'aurait de valeur que dans le cadre du contexte particulier auquel elle renvoie. [...] J'en déduis que lorsqu'un contribuable décide de ne pas déclarer "la totalité" de son revenu en remplissant sa déclaration d'impôt canadienne, la partie non déclarée doit être si insignifiante que ni son inclusion ni son exclusion ne créerait de différence "importante" dans la déclaration d'impôt canadienne.

[39] Le juge Taylor a finalement conclu que les exigences de la Loi selon lesquelles la presque totalité du revenu d'un non-résident devait être incluse dans sa déclaration de revenus n'avaient pas été remplies.

[40] L'avocat de l'intimée soutient que l'appelante n'a pas satisfait au critère de la “ totalité ou presque ” du revenu. Au paragraphe 7c) de la réponse à l'avis d'appel, l'intimée a établi comme suit le revenu gagné par l'appelante pendant les années d'imposition 1985 à 1987 inclusivement :

[TRADUCTION]

Honoraires d'expertise

Revenus non

Revenus Intérêts Autres afférents RS & DE

totaux _______ ______ à la RS & DE ________

1985 1 808 564 $ 48 404 $ 1 295 071 $ 119 692 $ 345 397 $

100 % 3 % 71 % 7 % 19 %

1986 330 968 $ 106 990 $ 120 438 $ 0 $ 103 540 $

100 % 32 % 37 % 0 % 31 %

1987 1 497 624 $ 93 269 $ 1 404 355 $ 0 $ 0 $

100 % 6 % 94 % 0 % 0 %

[41] Les états des résultats faisant partie des états financiers de 1985, 1986 et 1987 indiquent les dépenses et revenus pertinents suivants :

[TRADUCTION]

État des résultats selon les états financiers

1985 1986 1987

Revenus

Honoraires d'expertise 465 089 103 540 -

Automobiles

Ventes 326 445 - -

Coût des ventes 338 558 - -

Profit brut (12 113) - -

Armes à feu

Ventes 1 647 - 4 355

Coût des ventes 2 840 - 300

Profit brut (1 193) - 4 055

Prime remboursée - - 1 400 000

Revenu en intérêts 48 404 106 990 93 269

Revenu en dividendes - 15 546 141

Gain (perte) sur la vente

de titres négociables - 104 892 (5 001)

Gain sur l'aliénation

d'immobilisations - 3 079 -

Revenus divers    3 082

Revenu total 500 187 334 047 1 495 546

1985 1986 1987

Dépenses*

Frais bancaires et intérêts 33 999 122 993 136 100

Services d'experts-conseils - - 116 901

Salaires, commissions

et avantages 1 516 150 131 459 289 785

Acquitech Development - 45 287 93 864

Prime : crédit d'impôt (368 040) - -

pour la RS

Crédits d'impôt à l'inves-

tissement remboursables - (50 552) (269 438)

Dépenses totales 1 454 222 462 291 1 141 192

Revenu (perte) net(te)

avant l'impôt

sur le revenu (954 035) (93 473) 354 354

* Les dépenses ne sont pas toutes reproduites ici.

[42] Dans une lettre du 28 novembre 1990 adressée à l'appelante, Mme Huppé a conclu, en se fondant sur l'analyse du revenu brut ci-dessous, que l'appelante n'avait pas tiré la totalité ou presque de ses revenus d'activités de recherche et de développement admissibles pendant l'une ou l'autre des années en cause :

[TRADUCTION]

ANALYSE DU REVENU BRUT

Revenu Ventes Armes     Honoraires d'expertise

Année total d'autos à feu Intérêts Autres non afférents RS & DE

aux RS & DE

(Réserve)

1985 1 808 564 $ 326 445 1 647 48 404 966 979 119 692 Note 1 345 397

100 % 18 % 0 % 3 % 53 % 7 % 19 %

(Div.) (Gain/vente) (Suncor)

1986 330 968 $ 0 0 106 990 15 546 104 892 0 103 540

100 % - -    32 %    5 % 32 % - 31 %

(Prime)

1987 1 497 624 $ 0 4 355 93 269 1 400 000 0 0

100 % - 0 % 6 % 93 % - -

Note 1 : Après l'inclusion de SUNCOR comme activité de RS & DE.

[43] Selon l'avocat de l'intimée, en 1987, l'appelante n'a tiré aucun revenu des RS & DE. En 1986, les honoraires d'expertise résultant des RS & DE représentaient 31 p. 100 du revenu brut total et moins de 50 p. 100 si on ne les compare qu'avec les revenus d'intérêts. Les revenus d'intérêts provenaient vraisemblablement des dépôts à terme dans lesquels ont été placés les profits tirés des ventes d'automobiles. Mme Huppé signale dans sa lettre (pièce A-5, onglet 11) que même en excluant certains revenus comme les revenus provenant des ventes d'automobiles et d'armes à feu et la réserve (le remboursement des droits de douane de 966 979 $), le revenu tiré de la recherche et du développement pour 1985 (les honoraires d'expertise de Suncor de 345 397 $) ne représenteraient toujours que 67 p. 100 du revenu total restant.

[44] L'avocat de l'appelante soutient qu'il ne convient pas d'appliquer au revenu brut le critère des 90 p. 100 du revenu. Selon lui, si l'intention du législateur avait été d'établir expressément un critère fondé sur le revenu brut, il existe de nombreux exemples dans la Loi indiquant qu'il aurait pu le faire. Il renvoie ensuite à plusieurs articles de la Loi faisant directement référence au revenu brut (par exemple, les dispositions sur le revenu étranger accumulé, tiré de biens, parlent de “ plus de 90% du revenu brut ”. De même, l'avocat de l'appelante fait valoir qu'aucune disposition de la Loi n'indique que “ la totalité ou presque ” doit signifier plus de 90 p. 100. Au contraire, le législateur, lorsqu'il a l'intention de fixer un pourcentage précis, mentionne expressément ce pourcentage comme en font foi d'autres articles de la Loi. Lorsqu'une loi fiscale n'est pas explicite, soutient-il, l'ambiguïté doit jouer en faveur du contribuable (Johns-Manville Canada Inc. c. La Reine, [1985] 2 S.C.R. 46). Cela est particulièrement vrai en ce qui concerne les encouragements fiscaux pour les recherches scientifiques et le développement expérimental. Il faut interpréter de manière juste, large et libérale les dispositions législatives en cette matière afin d'assurer qu'elles atteignent leurs objectifs (Northwest Hydraulic Consultants Ltd c. La Reine, C.C.I., no 97-531(IT)G, 1er mai 1998 ([1998] 3 C.T.C. 2520).

[45] Selon l'avocat de l'appelante, les dépôts à terme ont été affectés en garantie des prêts consentis à l'appelante, lesquels ont été utilisés au cours des activités de recherche scientifique et de développement expérimental. Il a en outre dit que des revenus en intérêts avaient été tirés du montant représentant le remboursement des droits de douane, lequel n'a pas été dépensé en raison du litige en cours avec Gulliver. Toujours selon l'avocat de l'appelante, il n'était pas certain que ces sommes allaient devoir être versées. Par conséquent, dit-il, les frais d'intérêts devraient être défalqués des revenus en intérêts afin de faire une comparaison équitable avec le revenu tiré d'autres sources. L'avocat prétend aussi que les activités de l'appelante, pendant les années en cause, consistaient uniquement dans la poursuite de recherches scientifiques et de développement expérimental, comme en témoignent ses activités liées à Suncor et Polysar, aux divers fabricants et au projet relatif aux chevaux. Selon l'avocat, le critère des 90 p. 100 du revenu brut est trop rigide. Il résulte de son application que l'appelante n'est pas une société faisant des recherches scientifiques et du développement expérimental, ce que contredisent les faits.

[46] L'avocat de l'intimée réplique qu'il n'est pas justifié de comparer le revenu net en intérêts et le revenu brut vraisemblablement tiré des RS & DE. Si l'on acceptait la théorie de l'appelante, il faudrait également, dans ce cas, se servir des dépenses liées aux recherches scientifiques et au développement expérimental pour réduire le montant des honoraires d'expertise. Dans son témoignage, M. Rayzak a déclaré que les activités de vente d'automobiles n'occasionnaient qu'une très faible partie des frais généraux de l'appelante et nécessitaient peu de travail de secrétariat. Les dépenses devaient donc en majeure partie être liées aux RS & DE. Par conséquent, le revenu net provenant des activités de RS & DE serait bien inférieur à 345 397 $ en 1985 et à 103 540 $ en 1986. L'avocat de l'intimée conclut qu'aucun élément de preuve ne justifie une comparaison fondée sur le revenu net.

[47] En premier lieu, j'aimerais dire que je ne suis pas convaincue que les dépôts à terme n'ont pas été dépensés pendant les années en cause en raison du litige en cours avec Gulliver. De fait, les actes de procédure déposés par Gulliver indiquent clairement que celle-ci n'a eu connaissance qu'en juin 1987 (l'exercice financier 1988 de l'appelante) du remboursement à l'appelante de droits de douane de 966 979 $. L'appelante peut donc difficilement prétendre que cette somme d'argent a été placée dans des dépôts à terme – et qu'elle n'a pas été consacrée aux RS & DE – pendant ses exercices financiers 1985 à 1987, en attendant le règlement du litige. De plus, le critère de la “ totalité ou presque ”, imposé par l'article 2902 du Règlement, est manifestement basé sur le revenu et non pas sur le temps consacré aux activités de RS & DE.

[48] Je conviens avec l'avocat de l'intimée du caractère très ténu, en l'espèce, de la preuve établissant que la totalité ou presque du revenu net provenait de la poursuite de recherches scientifiques. Je conviens également que si l'on doit comparer le revenu tiré des recherches scientifiques et du développement expérimental avec les autres revenus, il faut le faire sur la même base.

[49] En 1987, l'appelante n'a tiré aucun revenu des RS & DE. De toute évidence donc, on n'a pas satisfait au “ critère du revenu ”. En 1986, les honoraires d'expertise représentaient 31 p. 100 du revenu brut total. Si l'on compare ce revenu avec les revenus en intérêts seulement, les honoraires d'expertise représentent moins de 50 p. 100 du revenu brut total. Or, la jurisprudence a établi que ce pourcentage était nettement insuffisant pour respecter le critère de la “ totalité ou presque ”.

[50] En ce qui a trait à l'exercice financier 1985, les honoraires d'expertise attribuables aux RS & DE représentaient 19 p. 100 du revenu total. Même en ne comparant, à l'instar du vérificateur, ce revenu qu'avec les autres honoraires d'expertise, non attribuables aux RS & DE, et avec les revenus en intérêts, le revenu tiré des RS & DE représenterait toujours seulement 67 p. 100 du revenu total. L'appelante n'a pas démontré que la proportion des honoraires d'expertise qui, selon ce qu'avait déterminé Mme Huppé, n'était pas attribuable à des activités de RS & DE était erronée. Dans son témoignage, M. Rayzak a parlé de cette question en termes très généraux. Il m'a semblé d'ailleurs qu'il ne tenait pas à révéler la source exacte de ces honoraires. L'appelante n'a pas fourni non plus de preuve comptable qui aurait pu donner des renseignements plus précis sur l'état des résultats. Je conclus donc que l'appelante n'a pas non plus réussi à prouver qu'elle avait tiré la totalité ou presque de son revenu brut de la poursuite de recherches scientifiques en 1985 .

[51] Étant donné la preuve qui m'a été soumise, il est presque impossible d'effectuer le même exercice sur la base du revenu net. En fait, bien que je connaisse le montant des dépenses que le ministre a considéré comme inadmissibles au titre des RS & DE, j'ignore le montant des autres dépenses admissibles. En réalité, l'avocat de l'appelante n'a pas prouvé à l'aide de chiffres que celle-ci avait tiré la totalité ou presque de son revenu net de la poursuite de recherches scientifiques pendant les années en cause. Dans les circonstances, je ne vois pas comment je peux comparer le revenu net tiré des recherches scientifiques et du développement expérimental avec le revenu net provenant d'autres sources.

[52] Cela dit, les mots utilisés à l'article 2902 du Règlement pour décrire le critère du revenu renvoient selon moi au “ revenu brut ”. En fait, on parle dans cet article du contribuable qui tire la totalité ou la quasi-totalité de ses revenus de la poursuite de recherches scientifiques. Le mot anglais “ derive ” (tirer) est défini ainsi dans le New Shorter Oxford English Dictionary :

[TRADUCTION]

[...] 3 Obtenir, recevoir, tirer (une chose d'une source). Fréqt. au pass., découler, descendre, être formé, provenir de; [...] 6 Établir ou montrer l'origine, dérivation [...] déclarer (une chose) comme provenant de; [...] 7 v. pron. Provenir; venir ou descendre de.

II v.intr. 8 Couler, venir, découler, provenir de (une source) [...] b D'un mot : provenir, dériver de [...]

[53] Il me semble donc logique de lier le critère du revenu aux différentes sources de revenu, c'est-à-dire à la provenance du revenu. À cet égard, j'estime que l'article 2902 renvoie implicitement au revenu brut, surtout si l'on tient compte du fait qu'il a été rédigé dans le but d'établir quelles dépenses sont admissibles à titre de dépenses de RS & DE. Il me semble curieux de comparer les revenus nets alors que le critère vise précisément à déterminer si les dépenses sont admissibles.

[54] Je suis en outre d'accord avec l'avocat de l'intimée que l'on peut, sans devoir se fonder sur le “ critère du revenu ”, affirmer que la prime déclarée pendant l'année d'imposition 1985 était une dépense prescrite. En fait, il ressort clairement du témoignage de M. Rayzak que les fonctions de ce dernier n'étaient pas entièrement orientées vers la poursuite de recherches scientifiques, comme l'exigeait l'article 2902 du Règlement tel qu'il était rédige à l'époque. Pendant cette période, M. Rayzak se livrait également à des activités liées aux automobiles et aux armes à feu.

[55] Par conséquent, je conclus que l'appelante n'a pas réfuté les allégations de l'intimée selon lesquelles les montants en cause étaient des dépenses prescrites au sens de la Loi. Ces dépenses n'étaient donc pas des dépenses admissibles relatives aux recherches scientifiques et au développement expérimental aux fins des crédits d'impôt à l'investissement remboursables pour les années d'imposition 1985, 1986 et 1987. Puisqu'il en est ainsi, les cotisations établies en vertu des parties I et VIII de la Loi doivent être maintenues.

Deuxième question en litige

La prime est-elle une dépense d'entreprise au sens de l'alinéa 18(1)a) de la Loi. Si tel est le cas, constitue-t-elle une obligation éventuelle aux fins de l'alinéa 18(1)e) de la Loi?

[56] Toutes les dépenses en litige ont été acceptées comme des dépenses d'entreprise à l'exception de la prime de 1 400 000 $ dont la déduction a été demandée. Selon l'intimée, cette prime ne constituait pas un débours fait dans l'année d'imposition 1985 de l'appelante en vue de produire un revenu. L'avocat de l'intimée a renvoyé à la décision de la Commission de révision de l'impôt dans l'affaire V.R. Enterprises Ltd. c. M.R.N., C.R.I., 18 février 1974 (74 DTC 1089), (décision maintenue par la Cour fédérale, Division de première instance, no T-2385-74, 29 octobre 1979 (79 DTC 5399)), quant aux critères à appliquer pour déterminer la déductibilité d'une prime. Lucien Cardin a tenu les propos suivants, à la page 1091 :

[TRADUCTION]

Bien que les salaires et les primes puissent parfois être interchangeables, je ne crois pas que toutes les primes sont des dépenses déductibles. À mon avis, il faut qu'une prime satisfasse à certains critères pour être considérée comme faisant partie intégrante du salaire et comme une dépense déductible. Parmi ces critères figurent les suivants :

1. Le montant des primes versées ou accumulées doit être raisonnable par rapport aux profits réalisés par la société et aux services rendus par les bénéficiaires.

2. Les services pour lesquels les primes sont versées doivent être réels et déterminables.

3. Bien que le montant des primes, habituellement calculé en fonction des profits réalisés par une société, n'ait pas à être déterminé avec exactitude à l'avance, l'attente d'un revenu en sus du salaire annuel normal doit être justifiée.

4. Il doit exister, au moins sous la forme d'une mesure d'encouragement bien établie et bien connue, un lien quelconque entre les primes versées ou accumulées et le revenu gagné ou à gagner.

5. Les primes à payer ou devant s'accumuler pour une année donnée doivent être établies dans un délai raisonnable à partir du moment où les profits de la société pour cette année-là ont été déterminés.

Il existe sans doute d'autres critères applicables. Il me semble, toutefois, que les primes ne satisfaisant pas aux critères susmentionnés seraient simplement une participation aux bénéfices, n'ayant aucun lien avec le fait de toucher un revenu, et ne seraient donc pas considérées comme des dépenses déductibles.

[57] Selon l'avocat de l'intimée, les critères énoncés précédemment n'ont pas été remplis en l'espèce. En fait, il soutient que le versement de la prime aurait forcé l'appelante à contracter un emprunt, car ce versement aurait mis l'appelante dans une situation déficitaire en ce qui concerne son capital et ses profits pour l'année pendant laquelle la prime a été déclarée. Toujours selon l'avocat de l'intimée, la preuve n'a pas porté sur les services pour lesquels la prime avait été versée. La déclaration de primes n'était pas une pratique que l'appelante a poursuivi chaque année par la suite. Il s'agissait plutôt d'un versement unique qui n'était pas attendu longtemps à l'avance. Enfin, bien que la preuve révèle qu'une prime moins élevée ait été autorisée avant la clôture de l'exercice, il n'y a aucun élément de preuve quant au moment où la résolution modifiant la prime a été adoptée. L'avocat de l'intimée conclut que la preuve présentée en l'espèce ne tend pas à établir un lien quelconque entre la prime et le fait de gagner un revenu.

[58] L'avocat de l'intimée a aussi renvoyé à la décision rendue dans l'affaire The Queen c. Ken & Ray's Collins Bay Supermarket Ltd, C.F., 1re inst., no T-2384-73, 28 août 1975 (75 DTC 5346) que la Cour d'appel fédérale a confirmée sans faire connaître ses motifs (voir la note dans [1978] C.T.C. à la page xvi). Dans cette affaire, il a été conclu que les primes devaient être versées à titre gracieux et que le contribuable, bien qu'il ait réellement eu l'intention de verser les primes s'il disposait des fonds nécessaires, n'était tenu ni par contrat ni en vertu de la loi de le faire. Dans cette affaire-là, la société contribuable avait décidé, pourvu que des fonds soient disponibles, de déclarer une prime pour ses deux actionnaires compte tenu des excellentes possibilités de recettes plus élevées, du niveau de rémunération des deux actionnaires et des nombreuses heures qu'ils avaient consacrées à l'entreprise. Les primes devaient être versées au cours de l'exercice financier suivant, quand le montant exact était établi une fois connus les résultats de fin d'exercice. Comme en l'espèce, les primes n'ont cependant jamais été versées et leur montant a donc été inclus dans le revenu. Il n'existait aucune entente écrite entre les deux actionnaires et la société sur le versement des primes. Des écritures de journal en témoignaient cependant et les primes figuraient dans les états financiers. La Cour fédérale a néanmoins conclu que les primes n'étaient pas une dépense engagée par le contribuable au sens de l'ancien alinéa 12(1)a) (maintenant l'alinéa 18(1)a)) de la Loi. La Cour a en outre accepté le point de vue de la Couronne selon laquelle le fait de déclarer des primes comme une dépense avait pour effet de créer une réserve qui n'était pas expressément prévue à l'ancien alinéa 12(1)e) (maintenant l'alinéa 18(1)e)) de la Loi. À cet égard, la Cour s'est fondée sur le fait que, lorsque la décision de verser des primes avait été prise, le montant à verser était incertain et le versement était subordonné à la disponibilité des fonds nécessaires.

[59] La présente Cour est arrivée à la même conclusion dans l'affaire Les Soudures Chagnon Ltée c. M.R.N., C.C.I., no 85-1114(IT), 5 octobre 1989 (90 DTC 1203). Dans cette affaire-là, la société contribuable, suivant l'avis de ses comptables, avait autorisé par une résolution de ses administrateurs le versement d'une prime de 240 000 $ à son unique actionnaire quand la situation financière de la société le permettrait. La société avait décidé de verser une prime à son actionnaire en raison des longues heures de travail effectuées par lui pour un salaire très modeste au cours des années précédentes et parce qu'il était à l'origine de la réussite de la société contribuable. Aucun élément de preuve n'établissait cependant comment on avait fixé le montant de 240 000 $. C'était la toute première fois qu'une prime était déclarée, mais cette prime n'a jamais été versée. En réalité, la société ne disposait pas des liquidités nécessaires pour verser la prime; elle aurait été forcée d'emprunter pour ce faire. Rien, a conclu le juge Rip, n'obligeait la société contribuable à déclarer ou à verser une telle prime et, bien qu'elle ait pu avoir de bonnes raisons d'affaires de la déclarer et verser, il n'avait pas été établi que la société s'était engagée par contrat et légalement à verser la prime. Pour ces motifs, la Cour a conclu que la prime n'était pas déductible aux termes de l'alinéa 18(1)a) de la Loi. Le juge Rip a également estimé que la prime pouvait être une obligation éventuelle aux fins de l'alinéa 18(1)e) de la Loi.

[60] De même, soutient l'avocat de l'intimée, il n'existe en l'espèce aucun élément de preuve établissant une obligation légale incombant à l'appelante de verser une prime de 1 400 000 $ à son actionnaire principal. De toute manière, la prime constituerait une obligation éventuelle.

[61] L'avocat de l'appelante s'appuie sur deux décisions de la Commission de révision de l'impôt, soit Carling Realty Co. v. M.N.R., [1982] C.T.C. 2323 et Len Singleton Ltd. v. M.N.R., [1983] C.T.C. 2196, dans lesquelles la Commission a conclu qu'une société était justifiée quand elle a déduit des primes à titre de dépenses d'exploitation dans l'année pendant laquelle elles étaient imputées, à condition qu'elles soient raisonnables, peu importe qu'on ait eu ou non l'intention de verser les primes (dans ces deux affaires, les primes n'ont en fait jamais été versées et ont été incluses dans le revenu dans une année subséquente). De plus, dans l'affaire Carling Realty Co., la Commission de révision de l'impôt a rejeté l'argument de l'intimée selon lequel les primes accumulées constituaient en réalité des réserves.

[62] L'avocat de l'appelante invoque en outre les décisions de la Commission de révision de l'impôt dans les affairesAlteo Construction Ltd. v. M.N.R., [1983] C.T.C. 2337 et Brazolot Construction v. M.N.R., [1981] C.T.C. 2468, pour étayer le point de vue selon lequel il peut exister une intention de créer une obligation légale lorsqu'une prime est déclarée, même si les fonds nécessaires ne sont pas disponibles immédiatement, du moment qu'il y a des éléments d'actif qui pourraient constituer la source des fonds requis pour payer la prime.

[63] Il existait en l'espèce, soutient l'avocat de l'appelante, une obligation réelle de verser la prime. En 1985, l'appelante était pour la première fois en mesure de déclarer une prime pour son président, et ce, principalement en raison des liquidités provenant du remboursement des droits de douane, lequel était lié aux compétences personnelles de M. Rayzak. Selon l'avocat, M. Rayzak avait consacré du temps et des efforts aux activités de recherche scientifique et de développement expérimental de l'appelante au cours des années précédentes et il avait touché un salaire modeste pour tout le travail qu'il avait accompli. Rien ne permet, selon l'avocat, de penser que la prime déclarée était déraisonnable. De plus, une résolution avait été adoptée qui prévoyait à tout le moins que soit déclarée une prime maximale de 1 000 000 $, selon la situation financière de l'appelante à la fin de l'année d'imposition 1985. En outre, une feuille du grand livre de la société indiquait une prime accumulée de 1 400 000 $ au 1er février 1985. Les états financiers indiquaient un montant à payer de 1 400 000 $ et un revenu provenant du remboursement des droits de douane a été déclaré. D'après l'avocat, la situation financière de l'appelante était saine au moment de la déclaration de la prime et rien n'indique qu'on avait l'intention d'annuler la prime au cours d'une année subséquente. En fait, au moment où le remboursement des droits de douane a été donné en garantie à la banque, on faisait des dépenses pour le projet relatif aux chevaux et il y avait le litige avec Gulliver. Tous ces éléments auraient incité un homme d'affaire raisonnable à ne pas dépenser ces fonds et à les conserver en dépôt.

[64] L'avocat de l'appelante ajoute qu'il ne faut pas, pour déclarer la dépense inadmissible, tenir compte du fait que la déclaration de la prime a éliminé en 1985 l'obligation fiscale qui existait en vertu de la partie VIII. Il invoque à cet égard l'affaire Canada Trustco Mortgage Co. v. M.N.R., 1999 CarswellNat 80 (C.F., 1re inst.), à l'appui du point de vue selon lequel ce sont les dispositions de la Loi qui déterminent si un impôt est exigible et non le fait que le résultat d'une opération puisse être l'élimination de l'impôt.

[65] Quant au caractère éventuel de l'obligation, l'avocat de l'appelante renvoie à la décision de la Commission de révision de l'impôt dans l'affaire Toronto Heel Ltd. v. M.N.R., [1980] C.T.C. 2277, décision dans laquelle on a invoqué la décision de la Cour fédérale, Division de première instance, dans l'affaire McClain Industries of Canada, Inc. c. La Reine, C.F., 1re inst., no T-919-76, 26 juin 1978 ([1978] C.T.C. 511), à l'appui de la proposition voulant qu'aucune obligation éventuelle n'est créée du fait que les administrateurs pourraient, s'ils jugaient que la conjoncture l'exigeait, réduire, voire annuler, la prime.

[66] Ayant appliqué aux faits révélés en l'espèce la jurisprudence invoquée par l'avocat et ayant analysé la documentation pertinente ainsi que la conduite de l'appelante pendant les années en cause, je conclus que cette dernière n'avait pas d'obligation, contractuelle ou légale, de verser la prime de 1 400 000 $ pendant son année d'imposition 1985.

[67] En premier lieu, j'estime que la décision Ken & Ray's Collins Bay Supermarket Ltd., précitée, que la Cour d'appel fédérale a confirmée, a plus de poids que les décisions de la Commission de révision de l'impôt sur lesquelles s'est appuyée l'appelante. Cela dit, je ne suis pas du tout convaincue que l'intention de l'appelante était de verser la prime à M. Rayzak en guise de rémunération pour les services qu'il lui avait rendus pendant les années précédentes. D'après la preuve, M. Rayzak avait touché un salaire annuel par le passé (selon les états financiers de 1984, les salaires étaient quatre fois plus élevés cette année-là qu'en 1983 et ils étaient cinq fois plus élevés en 1983 que les années antérieures). M. Rayzak a également reçu de l'appelante des dividendes de l'ordre de 44 000 $ par année pendant les années 1984, 1985 et 1986 (voir le rapport de Mme Huppé, pièce A-5, onglet 11). De plus, bien qu'il y ait eu une résolution de l'administrateur unique de l'appelante aux termes de laquelle celle-ci verserait à M. Rayzak une prime de 1 000 000 $, ou d'un montant inférieur qu'il pouvait demander, une fois la situation financière de l'appelante au 31 janvier 1985 établie par les comptables de celle-ci, aucune résolution autorisant le versement d'une prime de 1 400 000 $ n'a été adoptée. J'estime donc que, comme c'était le cas dans l'affaire Ken & Ray's Supermarket, précitée, l'appelante ne s'était liée par aucun engagement ni aucune obligation contractuels nouveaux de verser la prime à M. Rayzak en considération des services rendus par lui. À mon avis, la décision d'accorder une prime a été prise à titre gracieux et non en vertu d'une obligation légale.

[68] En outre, je conviens avec l'avocat de l'intimée que la prime n'était pas raisonnable si l'on tient compte du fait que ni la situation financière de l'appelante ni son revenu déclaré ne pouvait justifier une prime de 1 400 000 $ à payer en 1985. En fait, les états financiers de 1985 révèlent un déficit d'environ 200 000 $ et une perte nette d'environ 800 000 $ pour l'année, engendrée sans aucun doute par la prime. Il convient de signaler aussi que le montant de 119 108 $ figurant sur le bilan de l'exercice 1985, au poste [TRADUCTION] “ dette de l'actionnaire ”, n'avait pas été réduit alors que le passif avait été accru du montant de la prime devant être versée à ce même actionnaire. Il faut faire remarquer, au surplus, que l'appelante devait à la banque environ 440 000 $ et que les dépôts à terme de 970 796 $ avaient été donnés en garantie des prêts bancaires. On peut donc se demander sérieusement si l'appelante avait réellement l'intention de verser la prime. Il est également à se demander si la prime n'a pas été déclarée simplement pour se conformer aux règles afin d'éviter le paiement de l'impôt en vertu de la partie VIII. Je suis d'accord avec l'intimée pour dire que la preuve n'a pas établi un lien quelconque entre la prime et le fait de gagner un revenu.

[69] Par conséquent, je conclus que l'appelante n'a pas prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que la prime de 1 400 000 $ était une dépense engagée dans le but de produire un revenu au sens de l'alinéa 18(1)a) de la Loi. L'appelante n'avait donc pas le droit de déduire la prime à titre de dépense pour son année d'imposition 1985. Compte tenu de ma conclusion, il n'est pas nécessaire que j'analyse l'application possible de l'alinéa 18(1)e) de la Loi.

[70] En conséquence, les appels sont rejetés, avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de juin 2000.

“ Lucie Lamarre ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 30e jour de novembre 2000.

Erich Klein, réviseur

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