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Date: 20000925

Dossier: 98-2460-IT-G

ENTRE :

GLENN ADAMS,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Beaubier, C.C.I.

[1]            Le présent appel a été entendu à Toronto (Ontario) le 20 septembre 2000 sous le régime de la procédure générale. L’appelant a témoigné et a fait témoigner David Ladd, un architecte de logiciels qui, durant toute la période pertinente, contrôlait General Telephone Company Inc. ( « General » ), une société exerçant ses activités en Ontario, ainsi que John Steacy, un consultant qui, durant toute la période pertinente, était l’un des vice-présidents et copropriétaires de 1064199 Ontario Inc. ( « la société 106 » ).

[2]            À l’ouverture de l’audience, les avocats ont reconnu que l’appelant, qui exploite une entreprise sous le nom de « Glenn's Compulearn » , a demandé la déduction de dépenses s’élevant à 20 000 $ pour chacune des années 1994 et 1995 au titre de la promotion et de la publicité, qu’il a droit à l’égard de ce montant aux déductions suivantes :

                                1994                         3 500 $

                                1995                         3 500 $

et que la déduction du montant résiduel de 16 500 $ est pour chaque année refusée. Jugement sera rendu en conséquence.

[3]            La deuxième question qui a fait l’objet de l’appel est le rejet de la déduction par l’appelant d’une perte déductible au titre d’un placement d’entreprise ( « PDTPE » ) pour 1995. À cet égard, les parties ont déposé un exposé conjoint des questions en litige et un exposé conjoint des faits, dont je reproduis ci-après l’essentiel :

                                [TRADUCTION]

EXPOSÉ CONJOINT DES QUESTIONS EN LITIGE

1.              Le contribuable a-t-il le droit de déclarer une PDTPE d’un montant de 45 000 $ pour l’année d’imposition 1995?

2.              Le contribuable a-t-il le droit de déclarer un intérêt d’un montant de 5 500 $ relativement aux dépenses se rapportant à la PDTPE?

[...]

EXPOSÉ CONJOINT DES FAITS

1.              L’appelant a au départ produit ses déclarations de revenus pour l’année d’imposition 1995, faisant état d’un revenu d’entreprise brut de 13 010 $ et déclarant différents montants pour appuyer une perte d’entreprise s’élevant en tout à 89 942 $ pour 1995, dont une déduction de 60 000 $ à titre de « perte d’entreprise » .

2.              Par avis de nouvelle cotisation daté du 4 juillet 1997, le ministre a établi une nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 1995, rejetant la perte d’entreprise de 60 000 $. L’appelant s’est opposé à la nouvelle cotisation.

3.              Par lettre datée du 8 septembre 1997, l’appelant a révisé à la baisse les pertes nettes déclarées en 1995, soit de 89 942 $ à 25 442 $, et a déclaré une perte déductible au titre d’un placement d’entreprise ( « PDTPE » ) de 45 000 $ en 1995 et des frais d’intérêts connexes de 5 500 $ versés à Canada Trust.

4.              L’appelant a décidé que le paragraphe 50(1) s’appliquerait à son année d’imposition 1995.

5.              Le ministre a établi une nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 1995, rejetant notamment la PDTPE de 45 000 $ et les frais d’intérêts connexes de 5 500 $.

6.              L’ADRC ne possède aucun registre de déclarations de revenus ou de déclarations de renseignements produites par Freedom Communications Network.

[4]            Les hypothèses qui figurent dans la réponse à l’avis d’appel portant sur la PDTPE sont ainsi rédigées :

                                [TRADUCTION]

11.           [...]

f)              l’appelant a soutenu qu’il a payé 60 000 $ par chèque daté du 22 janvier 1995 à General Telephone et que cette entreprise a émis un chèque daté du 23 janvier 1995 payable à Bell Canada;

g)             l’appelant a de plus soutenu qu’en contrepartie du montant de 60 000 $ qu’il a payé, il a reçu un billet de la société;

h)             le contribuable n’a pas fourni d’état financier ou d’autres documents donnant des renseignements sur la situation financière de la société;

i)               la société n’était pas une société exploitant une petite entreprise au sens de la définition figurant au paragraphe 248(1) de la Loi;

j)               l’appelant n’a pas investi dans la société;

k)              l’appelant a soutenu que la société était exploitée sous le nom de Freedom Communications Network;

l)               l’appelant n’avait pas de créances irrécouvrables en ce qui concerne la société pour les années d’imposition en cause.

[5]            La société 106 a été constituée en personne morale en Ontario le 19 avril 1994 (pièce AR-1, onglet 6) par Michael Harris et John Steacy, résidant tous deux en Ontario. Ils étaient les seuls actionnaires de la société. Le 29 juillet 1994, la société a enregistré le nom « Freedom Communications Network » afin d’exploiter une entreprise de « revendeur de services de télécommunications » . C’est ce qu’elle a fait : elle a acheté du temps d’appel de Bell et l’a revendu. Apparemment, en janvier 1995, elle avait des sommes à recevoir d’environ 750 000 $ et devait à Bell un montant qu’elle ne pouvait payer. Bell a pour politique de retirer les mauvais payeurs de son système, ce qui signifiait la fin de la société 106.

[6]            La société 106 faisait un peu affaire avec General, et M. Harris a demandé à M. Ladd s’il connaissait quelqu’un qui pourrait prêter de l’argent à la société 106. M. Ladd a communiqué avec M. Adams, un pilote de ligne, qui a fini par prêter un montant de 60 000 $, plus les intérêts, qui s’élevaient à 300 $ par jour. M. Ladd a rédigé les documents. Ces derniers ont été décrits par M. Ladd comme une tentative pour protéger M. Adams. Voici ce qu’indiquaient ces documents, ainsi que les explications fournies à cet égard :

1)              Le 23 janvier 1995 – Un chèque certifié de 60 000 $ est émis par M. Adams à l’ordre de General (pièce AR-1, onglet 20). (Cela s’explique par le fait que M. Ladd craignait que la banque de la société 106 saisisse le montant de 60 000 $, que la société ne puisse plus faire affaire et que le montant de 60 000 $ soit perdu.)

2)              Le 23 janvier 1995 – Un chèque est émis par General à l’ordre de Bell Canada (pièce A-2). (M. Ladd croyait qu’il pourrait grâce à ce chèque empêcher la banque de la société 106 de pratiquer une saisie.)

3)              Un billet (dont le preneur est inconnu), daté du 22 janvier 1995 et émis par la société 106, est accompagné du cautionnement de MM. Steacy et Harris (pièce A-3). M. Adams l’a vu, non signé, avant de donner son chèque à M. Ladd. (M. Ladd l’a rédigé et l’a fait signer devant lui, et MM. Harris et Steacy ont livré le chèque de General à Bell (no 2 ci-dessus).) Apparemment, Bell savait que General et la société 106 avaient des activités semblables ou traitaient ensemble et, pour cette raison, M. Ladd croyait que le chèque de General serait accepté sans avis ni commentaire.

4)              Un chèque de 78 000 $ daté du 25 novembre 1995 est émis par la société 106 à l’ordre de M. Adams. Ce montant correspond au principal et aux intérêts à la date d’échéance du billet (pièce AR-1, onglet 12). Le chèque, postdaté, a été remis par la société 106 à M. Ladd au moment où le billet (no 3, ci-dessus) a été signé puis a été remis à M. Adams. Le chèque n’a jamais été présenté pour paiement, la société 106 étant insolvable le 25 mars 1995.

[7]            Après le 23 janvier 1995, M. Adams a communiqué régulièrement par téléphone avec la société 106 et M. Ladd pour savoir comment la société se portait. On lui a dit que les choses se déroulaient bien pendant les deux premiers mois et demi, après quoi la société 106 a eu avec Unitel des problèmes qui l’ont amenée à cesser son exploitation avant le 25 mars 1995, date à laquelle la Banque Toronto-Dominion a mis fin à ses activités et a saisi ses actifs. Un certain nombre de dates ont été mises en preuve :

1)              Le 19 juillet 1995 (pièce AR-1, onglet 14), la société 106 n’a pas produit de demande de renouvellement de sa licence de société.

2)              Le 10 avril 1996 (pièce AR-1, onglet 18), la société 106 est rayée du registre des sociétés de l’Ontario.

3)              M. Harris semble avoir fait faillite le 29 décembre 1995 (pièce AR-1, onglet 24). On croit M. Steacy lorsqu’il affirme ne pas pouvoir payer, et la Cour conclut de plus qu’il ne pourrait jamais payer.

[8]            La société 106 était une société privée sous contrôle canadien exploitée activement (comptant environ 11 ou 12 employés ou sous-traitants) qui faisait de la vente de temps d’appel au moment où M. Adams lui a prêté 60 000 $. Tous les autres actifs commerciaux de la société 106 ont été utilisés dans l’entreprise au Canada. Le prêt est devenu, le 25 mars 1995, une créance irrécouvrable auprès de la société 106 et de ses garants. (Les intérêts de 300 $ par jour indiquent à quel point le risque était élevé dès le début.) Compte tenu de ce qui précède et des témoignages qu’elle a entendus, la Cour conclut que l’appelant a prêté 60 000 $ à la société 106 et que les documents compliqués que M. Ladd a rédigés et obtenus ainsi que les dépositions des témoins, que la Cour accepte, constituent une preuve satisfaisante de ce prêt.

[9]            Pour ces motifs, l’appel portant sur la perte déductible au titre d’un placement d’entreprise réclamée par l’appelant relativement au prêt de 60 000 $ pour 1995 est admis.

[10]          Les frais entre parties sont accordés à l’appelant.

Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour de septembre 2000.

« D. W. Beaubier »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 28e jour de mars 2001.

Philippe Ducharme, réviseur

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