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Date: 20000327

Dossier: 1999-3788-EI

ENTRE :

CLAUDIA BYLOW,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Weisman, C.C.I.

[1]            L'appelante était serveuse pour Northway Truck Stop à Parry Sound en Ontario, du 27 avril au 10 septembre 1998. Elle a quitté cet emploi en raison du non-paiement de son salaire. Sa demande de prestations d'assurance-chômage a par la suite été rejetée par l'intimé parce qu'elle n'avait pas travaillé suffisamment d'heures assurables pour être admissible à ces prestations. Elle interjette maintenant appel à l'encontre de cette décision devant cette cour.

[2]            L'appelante a déposé une plainte auprès de l'organisme provincial de main-d'oeuvre et a réussi a obtenir une ordonnance de paiement à l'encontre de l'employeur. Malheureusement, par inadvertance ou pour toute autre raison, elle a omis de faire état dans sa plainte de quelque 68 heures non payées qu'elle soutenait avoir travaillées. Sans ces 68 heures, elle n'est pas admissible à recevoir des prestations d'assurance-chômage. La question est de savoir si elle peut se voir créditer ces heures en dépit du fait qu'elle n'en a pas fait état dans la plainte qu'elle a déposée auprès de l'organisme provincial de main-d'oeuvre.

[3]            L'article 9.2 du Règlement sur l'assurance-emploi[1]se lit comme suit :

Sous réserve de l'article 10, lorsque la totalité ou une partie de la rémunération d'une personne pour une période d'emploi assurable n'a pas été versée pour les raisons visées au paragraphe 2(2) du Règlement sur la rémunération assurable et la perception des cotisations, la personne est réputée avoir exercé un emploi assurable pendant le nombre d'heures qu'elle a effectivement travaillées durant cette période, qu'elle ait été ou non rétribuée.

[4]            Le paragraphe 2(2) du Règlement sur la rémunération assurable et la perception des cotisations[2] se lit comme suit :

Pour l'application de la présente partie, le total de la rémunération d'un assuré provenant d'un emploi assurable comprend la partie impayée de cette rémunération qui n'a pas été versée à cause de la faillite de l'employeur, de sa mise sous séquestre effective ou imminente ou d'un non-paiement de rétribution à l'égard duquel l'assuré a déposé une plainte auprès de l'organisme fédéral ou provincial de main-d'oeuvre. Est exclu du total de la rémunération tout montant impayé qui se rapporte au temps supplémentaire ou qui aurait été versé en raison de la cessation de l'emploi.

[5]            L'intimé soutient que, puisqu'il n'y a pas de virgule après le mot « rétribution » au paragraphe 2(2), un assuré tel que l'appelante doit déposer une plainte auprès de l'organisme fédéral ou provincial de main-d'oeuvre afin de se voir créditer les heures qu'elle a réellement travaillées.

[6]            L'argumentation contraire comporte trois éléments :

(i)             Le législateur a utilisé le mot « raisons » à l'article 9.2. Il y a quatre catégories du « raisons » au paragraphes 2(2) : la faillite, la mise sous séquestre effective, la mise sous séquestre imminente et le non-paiement de rétribution.

(ii)            Les mots « à l'égard duquel l'assuré a déposé une plainte auprès de l'organisme fédéral ou provincial de main-d'oeuvre » ne se rapportent pas aux quatre raisons. Le fait qu'une personne dépose ou non une plainte n'a rien à voir avec les raisons pour lesquelles la rétribution demeure impayée.

(iii)           Si le législateur avait voulu faire du dépôt d'une plainte une condition préalable pour qu'une personne se voie créditer des heures assurables, il aurait utilisé des termes tels que « dans les circonstances décrites au paragraphe 2(2) » .

[7]            Je suis conscient que l'argumentation contraire mène au résultat discutable que quelqu'un doit déposer une plainte auprès de l'organisme fédéral ou provincial de main-d'oeuvre afin de se voir créditer une rémunération assurable, mais que cette personne n'a pas à le faire pour se voir créditer des heures assurables.

[8]            Je suis également soucieux de l'opinion de Mme le juge Wilson dans l'affaire Abrahams c. Le procureur général du Canada[3], au regard de la Loi sur l'assurance-chômage :

[...] Puisque le but général de la Loi est de procurer des prestations aux chômeurs, je préfère opter pour une interprétation libérale des dispositions relatives à la réadmissibilité aux prestations. Je crois que tout doute découlant de l'ambiguïté des textes doit se résoudre en faveur du prestataire.

[9]            Je considère donc que l'appelante est en droit de se voir créditer les 68 heures qu'elle soutient avoir travaillées, mais dont elle a omis de faire état dans la plainte qu'elle a déposée auprès de l'organisme provincial de main-d'oeuvre.

[10]          L'appel est accueilli.

Signé à Toronto (Ontario), ce 27e jour de mars 2000.

« N. Weisman »

J.S.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 4e jour de mai 2001.

Mario Lagacé, réviseur



[1] DORS/96-332.

[2] DORS/97-33.

[3] [1983] 1 R.C.S. 2, à la page 10 ((1983), 142 D.L.R. (3d) aux pages 7 et 8 (C.S.C.).

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