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Date: 19991217

Dossier: 96-136-CPP

ENTRE :

AGPRO SERVICES INC.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge Margeson, C.C.I.

[1] Le 20 septembre 1996, le ministre du Revenu national (le “ ministre ”) a rendu une décision rejetant la demande de remboursement de l'appelante à l'égard de certaines cotisations que l'appelante avait versées, comme employeur, au Régime de pensions du Canada (le “ régime ”). Au cours des années 1991 et 1992, l'appelante avait déduit et remis les cotisations d'employé devant être versées au régime et avait, de même, calculé et remis les cotisations d'employeur devant être versées au régime. Par suite de la décision du ministre, l'appelante a reçu des remboursements de cotisations d'employeur de 1,91 $ pour 1991 et de 4,81 $ pour 1992, soit 6 $ au total.

[2] L'appelante a interjeté appel de la décision devant le ministre, soutenant que le paiement en trop aurait dû être considéré comme étant de 3 084,60 $. Par une lettre en date du 20 septembre 1996, le chef des appels a avisé l'appelante que l'évaluation avait été correctement établie, conformément aux articles 9, 19 et 21 et aux paragraphes 8(1) et (2) de la loi intitulée Régime de pensions du Canada (le “ RPC ”) et conformément à l'alinéa 5(2)b) et au paragraphe 5(5) du Règlement sur le Régime de pensions du Canada (partie 1).

[3] L'appelante a en outre été avisée que, si elle n'était pas d'accord sur la décision, elle pouvait en appeler à la Cour canadienne de l'impôt dans les 90 jours suivant la date de mise à la poste de la lettre susmentionnée.

[4] Le 15 décembre 1996, l'appelante a porté en appel devant notre cour la décision du ministre en date du 20 septembre 1996, décision que le ministre avait appelée une évaluation.

[5] À l'ouverture du procès, le ministre a présenté une requête préliminaire, prétendant que notre cour n'avait pas compétence pour accorder le redressement relatif à la demande de remboursement présentée par l'appelante à l'égard de certaines cotisations au régime, que notre cour n'avait pas compétence pour accorder ce redressement en l'absence d'une évaluation concernant les cotisations de l'appelante au régime, et qu'il n'y avait eu aucune évaluation. La Cour a déclaré qu'elle entendrait l'appel et qu'elle trancherait la question de compétence après la production de tous les éléments de preuve, et le procès s'est poursuivi.

Preuve

[6] Lynn Loftus était agente des appels à Revenu Canada. Elle a déposé la pièce A-1, soit la lettre que le chef de la division des appels avait envoyée pour Revenu Canada (Île-du-Prince-Édouard) à l'appelante (ci-après appelée “ AGPRO ”) pour l'aviser que l'évaluation établie à son égard par le ministre était conforme au RPC et que l'appelante pouvait faire appel de l'évaluation à la Cour canadienne de l'impôt conformément au RPC. Mme Loftus avait joint à cette lettre un formulaire intitulé “ Les appels à la Cour canadienne de l'impôt ”. Elle a dit que sa compétence est prévue à l'article 27 du RPC. Cet article habilite le ministre à arrêter une question concernant les cotisations de l'employeur et de l'employé visées au RPC. Puis l'article 28 permet de faire appel de cet arrêt auprès de la Cour canadienne de l'impôt. Selon ces deux articles, les mesures prises par le ministre sont considérées comme un “ arrêt ” ou une “ décision ”.

[7] Mme Loftus a témoigné qu'elle avait consigné ses conclusions dans un formulaire CPT 110, qui a été déposé sous la cote A-6. Elle a confirmé que l'appel avait été interjeté par suite d'un avis du 6 juillet 1995 avisant AGPRO que seulement quatre employés avaient droit à des remboursements, comme l'indique la pièce A-3. Elle a dit qu'elle avait eu accès au relevé de compte de retenues à la source concernant AGPRO, lequel relevé a été déposé sous la cote A-2. Elle a confirmé que l'ajustement avait été de 6 $. Elle a dit qu'elle avait examiné l'appel d'AGPRO relatif à ces chiffres. Elle était chargée d'examiner l'avis d'appel indiquant que ces montants étaient contestés. Elle avait examiné la pièce A-3 ainsi que d'autres documents et avait établi un rapport relatif à l'appel. Elle a dit que les formulaires PD24(E) — soit des déclarations de paiement en trop et des demandes de remboursement — présentés pour AGPRO avaient probablement été reçus avec l'avis d'appel et qu'elle les avait également examinés. Elle n'avait examiné que le cas des quatre personnes nommées dans le document d'ajustement provenant de St. John's. Elle avait conclu que cela faisait partie du dossier.

[8] Elle a déclaré que, initialement, AGPRO lui avait demandé de déterminer si un calcul proportionnel était admis. Comme agente des appels, elle ne pouvait trancher une telle question. Elle avait dit à AGPRO de définir un point litigieux précis, après quoi AGPRO avait fait savoir qu'elle voulait soumettre le cas des quatre personnes nommées dans la lettre d'ajustement de Revenu Canada.

[9] Elle a renvoyé la Cour à la pièce A-5, soit une demande pour qu'il soit statué sur une question ou un appel, en date du 28 février 1996, qu'AGPRO avait présentée au bureau de Charlottetown de Revenu Canada. Comme agente des appels, elle ne pouvait s'occuper de cela. Elle n'avait pas tenu compte des formulaires PD24(E). D'après elle, AGPRO croyait que la pièce A-5 était la base aux fins de l'examen, y compris les formulaires PD24(E), mais ce n'était pas le cas. Elle ne pouvait dire si la pièce A-4 avait ou non été examinée par le bureau de St. John's. Elle a ensuite dit qu'AGPRO avait envoyé une demande d'examen concernant certaines personnes et que l'on avait apporté des ajustements concernant quatre de ces personnes. Elle n'avait pas examiné tous les formulaires PD24(E); on lui avait demandé d'examiner seulement le cas de ces quatre personnes. Elle ne pouvait arrêter la question de savoir si un calcul proportionnel de l'exemption de base était admis par la loi. C'est ce qu'elle indiquait dans la section 3 de la pièce A-6, à la page 3. AGPRO voulait simplement que le cas de ces quatre personnes soit examiné et que la Cour canadienne de l'impôt soit saisie de l'affaire. Mme Loftus estimait que les calculs relatifs à ces quatre personnes étaient exacts. Elle ne considérait pas que l'appel définissait un point litigieux précis.

[10] Elle avait passé en revue les formulaires PD24(E) avec une autre personne, mais elle n'avait pas effectué les calculs. Ceux-ci avaient été faits par Elizabeth Frizzell. Si AGPRO avait fourni des renseignements montrant en quoi les calculs étaient erronés, Mme Loftus en aurait tenu compte. Elle avait pris en considération la pièce A-3, qui lui avait été fournie par AGPRO et qui se rapportait seulement aux quatre personnes. Elle avait tenu compte de l'article 19 du RPC.

[11] L'affaire a été ajournée au 6 décembre 1999, et Mme Loftus a été réinterrogée. Elle a dit qu'elle agissait pour le compte du ministre en rendant la décision qu'elle avait rendue. Elle avait communiqué sa recommandation au chef des appels, et la pièce A-3 fait état du traitement de la demande de remboursement, traitement par suite duquel on a calculé un paiement en trop de 6 $ et des intérêts de 1,47 $.

[12] Mme Loftus n'avait pas refait les calculs relatifs aux formulaires PD24(E). Il semble qu'un certain O. Byrne, du bureau de Revenu Canada à St. John's, avait examiné toute l'information pertinente en effectuant les calculs menant à la conclusion qu'il s'agissait des quatre personnes qui avaient droit à un remboursement. Selon Mme Loftus, AGPRO avait convenu du fait que c'était cette question qu'elle voulait porter en appel.

[13] Mme Loftus avait à un moment donné au cours du présent appel contacté M. Miller, qui représentait AGPRO, et ils avaient alors réuni les renseignements relatifs au fondement de l'appel. Elle avait examiné le RPC, ainsi que l'information provenant du payeur et les documents relatifs aux retenues à la source, et elle s'était entretenue avec le chef des appels du bureau de l'Île-du-Prince-Édouard. Elle avait également consulté des registres informatiques d'AGPRO, mais elle n'avait pas examiné le cas de personnes en particulier. Elle avait eu accès à des registres du ministère, mais elle ne pouvait les sortir. Elle a mentionné la déclaration de revenu de Wayne S. Sherran de 1992, qui indiquait que le montant des cotisations était de 272,66 $. Il s'agissait de cotisations de toutes sources. Irwin Wood avait versé des cotisations totales de 12,36 $ en 1992. Un formulaire T4 relatif à Irwin Wood pour l'année 1992, qui fait état de ce montant, a été consigné en preuve. Mme Loftus estimait que le paiement en trop concernant M. Wood avait été régulièrement calculé, conformément à la pièce A-3.

[14] Elle a dit que l'exemption de base était de 3 000 $ en 1992 et qu'une somme de 12,36 $ avait été remboursée. Cette somme est arrondie à 12 $ dans les imprimés d'ordinateur. Si l'employeur avait versé une cotisation correspondante, une somme de 2,69 $ aurait été remboursée à l'employeur.

[15] Elizabeth Frizzell était agente de perception à l'Agence canadienne des douanes et du revenu. Elle connaissait bien la pièce A-3, mais on ne lui avait pas demandé de calculer les sommes. On lui avait demandé si elle pouvait donner des détails aux fins des calculs. Elle avait dit que non et que, toutefois, elle pouvait fournir une formule mathématique. L'employeur serait en droit de réclamer une partie de l'exemption de base selon le pourcentage correspondant aux heures de travail effectuées sur une période d'un an. C'est ce qu'indiquaient le guide destiné à l'employeur et le Règlement sur le Régime de pensions du Canada, où l'on faisait état d'un calcul proportionnel.

[16] Les calculs avaient été effectués sur une base quotidienne et non pas mensuelle. Mme Frizzell a admis que les tableaux n'indiquent pas un calcul proportionnel. Elle connaissait la disposition du Règlement relative aux cotisations et croyait qu'il s'agissait de l'article 5. Elle avait des imprimés d'ordinateur concernant les déductions faites dans le cas d'Irwin Wood en vertu du RPC pour les années 1991, 1992 et 1993. Pour 1991, M. Wood n'avait pas produit de déclaration de revenu; pour 1992, il y avait eu un paiement en trop de 12,36 $ et, pour 1993, il n'y avait pas eu de paiement en trop.

[17] Une objection à toute interrogation concernant des personnes autres que les quatre qui sont nommées dans la pièce A-3 a été soulevée par l'avocate de l'intimé, mais cette objection a été rejetée, et la Cour a conclu que l'appel se rapportait à toutes les personnes nommées dans la pièce A-4. En ce qui a trait à Gordon Connell, Mme Frizzell a dit que pour 1991, il y avait eu un paiement en trop de 41,16 $, que pour 1992, il y avait eu un paiement en trop de 59,07 $ et que, pour 1993, aucune déclaration de revenu n'avait été produite. Elle n'avait eu accès à aucun autre renseignement qui lui aurait permis de déterminer ce qu'il en était dans le cas de M. Connell pour 1993.

[18] En ce qui a trait à Terry Wilson, il n'y avait eu aucun paiement en trop en 1991; il y avait eu un paiement en trop de 26,59 $ en 1992 et un paiement en trop de 39,65 $ en 1993.

[19] En ce qui a trait à Karl Kenny, il y avait eu un paiement en trop de 9,33 $ en 1991, un paiement en trop de 35,45 $ en 1992 et un paiement en trop de 41,13 $ en 1993.

[20] En ce qui a trait à Phillip Miller, il y avait eu un paiement en trop de 10,13 $ en 1991; pour 1992, aucune déclaration de revenu n'avait été produite et, pour 1993, il y avait eu un paiement en trop de 54,71 $.

[21] En ce qui a trait à Wayne Sherran, il y avait eu un paiement en trop de 27,35 $ en 1991 et un paiement en trop de 38,47 $ en 1992; il n'y avait eu aucun paiement en trop en 1993.

[22] Mme Frizzell n'avait pas effectué de calculs concernant qui que ce soit d'autre.

[23] Elle a dit qu'il pouvait y avoir eu un ou plusieurs employeurs et que cela aurait pu faire une différence dans les calculs. En outre, elle ne pouvait dire si les employeurs avaient effectivement été remboursés.

[24] Au cours du contre-interrogatoire, elle a dit qu'on ne lui avait pas demandé de vérifier l'information mais qu'on pouvait lui avoir demandé de l'examiner. Elle s'était familiarisée avec cette information. Elle avait examiné les calculs de la pièce A-3, qui étaient exacts d'après l'examen qu'elle avait fait de tous les documents. Il y avait deux façons de calculer les paiements. On pouvait utiliser les tableaux ou effectuer les calculs manuellement. Les exemptions annuelles sont incorporées aux tableaux, et il n'était pas nécessaire d'effectuer les calculs manuellement si l'employé n'avait pas travaillé toute l'année. En ce qui a trait à la pièce A-3, Mme Frizzell a dit que la méthode utilisée avait été la méthode détaillée, selon une base quotidienne. Elle avait examiné le cas de certaines des personnes en utilisant la méthode du calcul proportionnel sur une base hebdomadaire, et elle avait examiné les registres de paye. Il y avait une différence de moins de 2 $ dans un cas et de quelques cents dans l'autre cas. Elle avait appliqué une exemption hebdomadaire et avait également utilisé l'exemption quotidienne. Les registres de paye ne contenaient toutefois pas assez de renseignements pour qu'elle puisse effectuer les calculs sur une base quotidienne.

[25] On l'a reportée à la pièce A-3, et elle a déclaré que les calculs semblaient exacts. Elle avait examiné les registres de paye, et les chiffres semblaient corrects : il n'y avait qu'une différence d'environ 2 $, mais il s'agissait de remboursements à des employés, et ces remboursements n'étaient pas nécessairement les mêmes que dans le cas de l'employeur.

[26] Dans le cas de Wayne Sherran, le paiement en trop de l'employé était différent de celui de l'employeur, et il était peu important. Mme Frizzell avait examiné la pièce A-4, soit les PD24(E), et elle savait comment de tels formulaires doivent être remplis. Ceux de la pièce A-4 n'avaient pas été remplis correctement. Il aurait dû y avoir un T4 Sommaire pour chaque employé. Une période de paye n'était pas indiquée pour chacun; on avait seulement indiqué un numéro d'assurance sociale. Mme Frizzell ne pouvait calculer le paiement en trop avec ces renseignements.

[27] Au cours du réinterrogatoire principal, elle a dit que l'exemption était de 3 200 $ en 1992 et qu'un employé était admissible à un remboursement si le total de ses revenus de toutes provenances gagnés au cours de cette année-là était inférieur à 3 200 $. On lui a fait remarquer que les employés sont automatiquement remboursés quand ils produisent leur déclaration de revenu et que, toutefois, des sommes égales ne sont pas nécessairement payées à l'employeur. Elle ne pouvait savoir comment le montant du paiement en trop avait été calculé dans chaque cas sans examiner la déclaration de revenu, mais, selon toute probabilité, les gains ouvrant droit à pension étaient inférieurs à l'exemption si l'employé se voyait rembourser toutes les sommes qui avaient été retenues. Mme Frizzell a admis que ce n'était qu'en remplissant un formulaire PD24(E) qu'un employeur pouvait obtenir le remboursement d'un paiement en trop. Elle avait examiné les PD24(E) pour les années 1991, 1992 et 1993. L'utilisation de la formule de la cotisation annuelle dans les PD24(E) était erronée. Revenu Canada avait effectué ses calculs sur une base quotidienne.

[28] On lui a demandé si elle connaissait bien les articles 8 et 9 du RPC et si les cotisations des employeurs devraient être les mêmes que celles des employés.

[29] La pièce R-1 a été déposée de consentement. Il s'agissait d'un document de travail indiquant le mode de calcul utilisé dans le cas de Wayne Sherran pour l'année 1992. L'information provenait des registres de paye. Ce calcul indiquait une cotisation requise de 168,52 $. Dans le cas d'Irwin Wood, la cotisation totale avait été de 12,36 $ et la cotisation requise était de 12,36 $ pour 1992. Dans le cas de Wayne Sherran, il y avait une petite différence par rapport à la pièce A-3, car Mme Frizzell avait utilisé un montant fondé sur une base quotidienne et elle n'avait pas les registres qu'il lui fallait. Dans la pièce A-3, la cotisation requise de 9,67 $ concernant Irwin Wood pour 1992 avait été déterminée par la méthode de l'exemption selon une base quotidienne.

[30] Anthony Miller a témoigné qu'il était le directeur d'AGPRO. C'était lui qui avait rempli et présenté les formulaires PD24(E) en cause dans le présent appel. Il avait demandé pour l'employeur un remboursement de paiements de cotisations en trop.

[31] On lui avait dit que les PD24(E) qu'il avait produits n'étaient pas exacts et, le 20 mars 1995, il avait produit des PD24(E) modifiés pour 74 personnes. Ces formulaires remplaçaient ceux qui avaient servi de base à l'évaluation initiale. Ils ne figuraient pas dans le dossier d'appel.

[32] Ce témoin a déposé la pièce A-8, soit les demandes de remboursement de paiements en trop qui avaient été présentées au nom de l'employeur relativement à un certain nombre d'employés; il a déclaré qu'il avait lui-même au moins reçu le remboursement, mais que l'employeur ne l'avait pas reçu.

[33] Il a également déposé les pièces suivantes : la pièce A-9, soit un T4 Supplémentaire à l'intention d'Anthony E. Miller, d'AGPRO Services Inc., pour 1993; la pièce A-10, soit un avis d'évaluation à son intention pour la même année; la pièce A-11, soit un état de cotisations à son intention pour les années 1983 à 1996; la pièce A-12, soit un T4 Supplémentaire pour 1993 à l'intention de Corey A. Miller; la pièce A-13, soit un T4 Supplémentaire pour 1992 à l'intention d'Anthony E. Miller; enfin, la pièce A-14, soit un sommaire, pour les années en cause, indiquant les cotisations présumées, les cotisations d'employé, les cotisations requises et le paiement en trop concernant un certain nombre d'employés d'AGPRO. Ce document a été admis sous réserve du poids devant y être accordé, et l'avocate de l'intimé n'a pas reconnu l'exactitude des chiffres qui y étaient présentés, bien qu'il ait été admis qu'il s'agissait bien des montants indiqués dans les PD24(E) et les T4, lorsqu'ils avaient été indiqués.

[34] Ce témoin a en outre énuméré les demandes supplémentaires concernant ces personnes-là, comme l'indique la pièce A-8. Il a été convenu que ces noms correspondaient à ceux qui sont indiqués dans les PD24(E) figurant dans la pièce A-8. Les montants indiqués sont des montants dont AGPRO avait demandé le remboursement.

[35] Ce témoin a dit qu'il avait établi la demande de remboursement. Il avait calculé les paiements en trop en se fondant sur les exemptions applicables aux années 1991, 1992 et 1993. Ces exemptions étaient de 3 000 $ en 1991, de 3 200 $ en 1992 et de 3 300 $ en 1993. Les feuilles de travail de ce témoin font un résumé des demandes PD24(E).

[36] Ce résumé, soit la pièce A-15, a été accepté comme document indiquant les sommes qu'AGPRO réclamait comme remboursements, mais il n'a pas été convenu qu'il s'agissait des sommes effectivement dues comme remboursements. Ce témoin a fait remarquer que la pièce A-10, soit des calculs du ministre, et l'avis d'évaluation de ce dernier pour l'année d'imposition 1993 indiquaient comme paiement en trop au régime le même montant que celui qu'il avait indiqué pour lui-même dans le formulaire PD24(E). Les calculs se fondaient sur la rémunération totale, moins l'exemption de 3 300 $ applicable à cette année-là.

[37] Il a déclaré que tous les employés d'AGPRO avaient payé des cotisations sur le premier dollar de revenu et que les calculs auraient dû être basés seulement sur le revenu total, moins l'exemption totale de base. La compagnie avait payé les mêmes cotisations. Ce témoin estimait que les articles 4 et 5 du Règlement sur le Régime de pensions du Canada exigeaient que des paiements soient faits sur le montant exempté et que cela était contraire aux articles 8 et 9 du RPC. Ainsi, le ministre est habilité par ces articles du Règlement à percevoir des cotisations des employeurs sur tous les montants, y compris le montant exempté, mais pas dans le cas des employés, alors que les deux sommes devraient être égales. Les articles 4 et 5 du Règlement sont donc incompatibles avec les articles 8 et 9 du RPC et à d'autres articles.

[38] Ces articles du Règlement obligeaient l'employeur à verser des cotisations sur le montant exempté, et il ne devrait pas en être ainsi. Le paiement en trop est remboursé à l'employé, mais pas à l'employeur.

[39] Ce témoin n'avait dit à personne au ministère de prendre en considération seulement les quatre personnes nommées dans la pièce A-3. Sa demande a toujours visé tous les employés pour les trois années. La pièce A-3 ne mentionne que quatre personnes pour 1991, 1992 et 1993, mais elle traite de remboursements pour les trois années, en haut de la page. Ce témoin estimait qu'il pouvait demander des remboursements à l'égard de tous les employés énumérés, au nom de l'employeur, pour les années 1991, 1992 et 1993.

[40] Seulement quatre personnes sur l'ensemble sont prises en considération par le ministre dans la pièce A-3 parce qu'il y a eu une petite erreur mathématique dans le calcul du montant du remboursement. Le témoin reconnaît qu'il y a eu de mauvais calculs, et qu'il en est l'auteur. Il avait accepté la pièce A-3 à titre d'évaluation, après quoi il avait reçu un relevé de compte faisant état d'une évaluation qui se rapportait seulement aux personnes nommées dans la pièce A-3. C'était tout ce qu'il avait reçu.

[41] Le formulaire T4 à l'intention de Corey Miller a été ajouté de consentement à la pièce A-14.

[42] Le témoin a dit qu'il avait téléphoné au bureau de Revenu Canada à St. John's et qu'il avait demandé en vertu de quel pouvoir on avait calculé au prorata les cotisations des personnes mentionnées dans les PD24(E) pour les années en cause. Une lettre portant que ce pouvoir était conféré par l'article 19 du RPC avait été envoyée à AGPRO. Cette lettre, rédigée par un certain O. Byrne, a été admise en preuve sous la cote A-16. Elle faisait référence à l'article 19, et le témoin a dit qu'il s'agissait seulement d'une catégorie particulière et que les personnes pour lesquelles il cherchait à obtenir un remboursement au nom d'AGPRO ne figuraient pas sur cette liste. Il a renvoyé à la page 6 de la pièce A-6, où l'auteur disait que les calculs proportionnels correspondaient à une politique du ministère et non à la loi et que les évaluations étaient fondées sur cette politique. Le témoin estimait que l'employeur avait versé toutes les cotisations requises et était en droit d'obtenir un remboursement égal à celui de l'employé.

[43] Au cours du contre-interrogatoire, le témoin a expliqué que la pièce A-15 contenait dans la première colonne une liste des employés d'AGPRO en 1991. La deuxième colonne indiquait le revenu brut. La troisième colonne indiquait les cotisations versées par l'employeur au régime. La quatrième colonne montrait les calculs d'AGPRO pour ce qui est des sommes qui auraient dû être versées par l'employeur. La cinquième colonne faisait état de la différence ou du remboursement. Le nombre de semaines de travail était mentionné dans les PD24(E). Quand on lui a demandé quel était le nombre d'heures de travail des employés, le témoin a dit que, durant la période de grande activité, les employés travaillaient à temps complet et que, au début et à la fin de la saison, ce pouvait être moins. Au sujet des années 1992 et 1993, il a déclaré que certains des formulaires T1 avaient servi à étayer certains de ses calculs et qu'aucun des autres n'avait été contesté par le ministre. En ce qui a trait à Ian Legge, pour l'année 1993, le formulaire PD24(E) indiquait une période de travail allant du 19 au 31 juillet, mais le témoin a dit que cette personne pouvait avoir travaillé pendant toute cette période ou quelques jours seulement.

[44] On a interrogé le témoin au sujet du PD24(E) concernant Eugene Howatt; on lui a demandé pendant combien de jours M. Howatt avait travaillé, et il a dit que ce pouvait avoir été une partie de la semaine ou toute une semaine. Les déductions avaient été effectuées selon les tableaux, c'est-à-dire comme on pensait que les choses devaient être faites.

[45] Suite à une question de la Cour, il a dit que, pour chaque période de travail, les déductions étaient effectuées selon le revenu brut relatif à chaque période hebdomadaire. Cela avait donné lieu à des déductions excédentaires. L'employeur aurait dû se voir rembourser le même paiement en trop que celui de l'employé. Ce dernier avait également eu un revenu sous forme de prestations d'assurance-chômage, soit un revenu n'ouvrant pas droit à pension.

[46] La pièce R-2 était un tableau de normes relatives au régime pour 1998, soit un document qui a été admis de consentement. Il a été reconnu que les mêmes taux avaient été en vigueur dans les années en cause.

Arguments présentés pour l'intimé

[47] Dans son argumentation, l'avocate de l'intimé affirmait qu'il y avait deux points litigieux, soit la compétence de la Cour et le bien-fondé de l'appel. Elle posait la question de savoir si la Cour avait à juste titre été saisie de l'affaire et, dans l'affirmative, si la Cour avait compétence pour accorder le redressement demandé. La position de l'avocate était qu'on ne s'était pas à bon droit prévalu de l'article 28 du RPC pour saisir la Cour du présent appel. Il ne s'agit pas d'un cas prévu à l'article 28, lequel article permet un appel devant la Cour canadienne de l'impôt. Le cas en cause n'est pas expressément visé à l'article 28 et relève probablement de la Cour fédérale, aux termes des compétences non attribuées. En outre, le paragraphe 12(4) de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt n'accorde pas à la Cour compétence pour entendre le présent appel.

[48] L'avocate n'a pas abandonné l'argument présenté à l'ouverture du procès, à savoir que ce qui était considéré en l'espèce n'était pas une évaluation. Elle a déclaré qu'elle n'avait pas à se fonder sur cet argument mais qu'elle le présentait quand même.

[49] Elle faisait valoir que les articles du RPC mentionnés précédemment traitent de la perception de cotisations. Les articles 27 et 28, relatifs aux appels, figurent dans cette section. La section E du RPC traite de remboursements et, si le ministre avait voulu que la Cour canadienne de l'impôt eût la compétence pour entendre de tels appels, il aurait énoncé un tel droit d'appel à la section E.

[50] L'avocate a en outre soutenu que la Cour canadienne de l'impôt ne pouvait se fonder sur l'article 28 du RPC et accorder le redressement demandé. Elle a fait référence à l'affaire McMillen Holdings Ltd. v. M.N.R., [1987] 2 CTC 2327, 87 DTC 585, dans laquelle le juge Rip avait statué que le remboursement réclamé ne se rapportait pas à un paiement d'impôt en trop et qu'aucune disposition législative ne permettait le versement d'intérêts sur un remboursement au titre de dividendes effectué en vertu de l'article 129 de la Loi de l'impôt sur le revenu. Il avait statué que l'appelante ne faisait pas appel de la cotisation concernant l'impôt sur le revenu ou les intérêts payables par elle. L'appelante demandait à la Cour d'enjoindre au ministre de verser des intérêts. Le juge avait conclu que la détermination, le calcul ou le montant d'un remboursement et d'intérêts ne constituait pas une cotisation d'impôt, d'intérêts ou de pénalité et que la Cour n'était pas compétente.

[51] L'avocate de l'intimé comparait cette affaire à celle qui nous occupe.

[52] Quoi qu'il en soit, si la Cour devait conclure qu'elle a compétence pour accorder le redressement et qu'elle a à juste titre été saisie des appels sur la foi des faits de l'espèce, la principale question en litige est celle de savoir si le ministre avait le pouvoir d'établir les dispositions réglementaires portant sur le calcul proportionnel de l'exemption de base. Plusieurs questions se posent, dont celle de l'égalité et celle des calculs.

[53] L'alinéa 40k) accorde au ministre le pouvoir général de prendre des règlements en application du RPC. L'article 19 du RPC traite de l'exemption de base, et les articles 4 et 5 du Règlement autorisaient le ministre à calculer au prorata l'exemption de base. C'est ce que le ministre a fait en l'espèce.

[54] En ce qui a trait aux calculs réels, l'avocate a soutenu qu'il incombait à l'appelante de démontrer que l'évaluation du ministre était inexacte et que le montant du remboursement réclamé par l'appelante était exact.

[55] Elizabeth Frizzell a témoigné que l'exemption de base doit être calculée au prorata par rapport à une période de 52 semaines, de 365 jours ou de 12 mois. L'appelante n'a toutefois pas droit à l'exemption complète. Les calculs qu'Elizabeth Frizzell avaient effectués se rapprochaient beaucoup des calculs sur lesquels le bureau de St. John's s'était fondé, et la différence avait été prise en considération, mais Mme Frizzell n'avait pu effectuer les calculs quotidiens, parce qu'elle ne disposait pas des renseignements nécessaires.

[56] L'appelante réclamait l'exemption de base totale pour chaque employé.

[57] En ce qui a trait au cas de Steve Tanguay, dont il est question aux pièces A-3 et A-15, le paiement requis aurait dû être de 28,06 $ d'après Revenu Canada, mais l'appelante prétend qu'aucune somme n'aurait dû être considérée comme payable; il en est ainsi parce que l'appelante a utilisé l'exemption complète. Comme le revenu était inférieur à 3 000 $, l'appelante prétend que rien n'aurait dû être payé. Cependant, selon la méthode hebdomadaire, un paiement de 27,83 $ aurait été exigé.

[58] De même, dans le cas de Wayne Sherran en 1992, Elizabeth Frizzell avait calculé que le paiement requis était de 168,52 $, tandis que le bureau de St. John's l'avait établi à 168,86 $ et que M. Miller disait qu'il devait s'élever à 108 $ seulement. Il avait déduit le montant total de l'exemption de base.

[59] Il n'y avait pas de formulaire PD24(E) concernant Wayne Sherran pour l'année 1992. Comment peut-il y avoir un remboursement? Les renseignements étaient incomplets. En ce qui a trait à Irwin Wood pour l'année 1992, d'après la pièce A-3, la cotisation requise était de 9,67 $. Mme Frizzell l'avait établie à 12,36 $, et M. Miller prétendait qu'elle était de zéro, car il avait déduit le montant total de l'exemption.

[60] En ce qui a trait à Phillip Miller, l'appelante affirme que le montant du remboursement devrait être de 12,05 $. Mme Frizzell a dit qu'aucune déclaration de revenu n'avait été produite et qu'il n'y avait donc aucune information permettant de calculer un remboursement pour 1992. Ainsi, les calculs de l'appelante ne peuvent être exacts.

[61] En ce qui a trait à Ivan Stone pour l'année 1992, l'appelante soutenait qu'il aurait dû verser 16,50 $ de cotisations d'après la pièce A-3. Le bureau de St. John's avait établi le montant requis à 77,37 $. Le calcul effectué au tribunal selon la méthode au prorata établissait que le montant aurait dû être de 77,06 $. Les PD24(E) n'ont pas été remplis correctement d'après le témoignage de Mme Frizzell. Les renseignements visaient seulement le début et la fin des périodes d'emploi et non les différentes périodes de paye. Ce n'était pas assez pour que des calculs exacts puissent être effectués. Le témoin de l'appelante ne pouvait dire pendant combien de jours l'employé avait travaillé. Il y avait très peu de différence entre les calculs de Mme Frizzell et ceux du bureau de St. John's.

[62] En ce qui a trait à Terry Wilson pour l'année 1993, l'appelante prétendait que la cotisation requise devrait être de zéro. Mme Frizzell a affirmé que Terry Wilson aurait dû payer 39,65 $ parce qu'il avait travaillé pour d'autres personnes; les calculs de M. Miller ne tenaient compte que du travail accompli pour AGPRO. Il n'avait donc pas droit aux remboursements réclamés par AGPRO.

[63] En ce qui a trait à Anthony Miller pour l'année 1993, d'après la pièce A-15, il aurait dû payer 145 $ et aurait eu droit à un remboursement de 61,18 $. Ici, il a déduit l'exemption de base totale, alors que, selon la méthode hebdomadaire, son exemption aurait été ramenée à 888,46 $. Selon la méthode au prorata et le pourcentage approprié, il aurait dû payer 205,28 $. AGPRO affirme qu'elle a payé 206,18 $. Elle n'aurait dû payer que 145 $. Selon la méthode de calcul au prorata, il n'avait droit à aucun remboursement.

[64] L'appelante n'a pas démontré que les calculs du ministre étaient erronés. Si AGPRO avait effectué les calculs selon la méthode au prorata, le résultat aurait été le même. Le ministre pouvait en vertu du Règlement calculer au prorata l'exemption de base.

[65] L'appel devrait être rejeté.

Arguments présentés pour l'appelante

[66] Dans son argumentation, le représentant de l'appelante déclarait que ce qui était en cause en l'espèce était une évaluation établie en application du RPC. L'appel de l'arrêt le concernant devrait être accueilli, car la Couronne n'a produit aucune preuve le concernant et a accepté le témoignage qu'il a présenté. Il a admis que c'était à lui qu'incombait la charge de démontrer que le ministre s'était trompé et il a dit qu'il était convaincu qu'il s'était acquitté de cette charge. Il a dit que l'agente des appels avait examiné le cas de quatre personnes seulement, alors qu'il avait soumis au ministre bien plus de cas que cela. En outre, l'agente des appels n'avait pas donné à l'appelante l'occasion de présenter des renseignements sur la foi desquels l'agente aurait pu admettre à cette étape-là l'appel interjeté à l'encontre de l'arrêt. Le représentant de l'appelante invoquait l'alinéa 27(2)b) du RPC à cet égard.

[67] Il faisait valoir que la véritable question en l'espèce est que, aux termes du RPC, les employeurs et les employés sont tenus de verser des montants égaux et devraient avoir droit à des remboursements égaux en cas de paiement en trop. L'appelante soutenait que l'article 40 du RPC habilite le ministre à prendre des règlements concernant les questions en cause. Elle soutenait cependant que le montant de la cotisation des employés et le montant de la cotisation des employeurs sont égaux selon les articles 8 et 9. De plus, l'article 19 indique l'exemption de base pour un employé, et l'appelante soutenait que le droit du ministre d'effectuer un calcul proportionnel ne s'applique que dans le cadre des exceptions prévues à l'article 19 et que les employés en cause en l'espèce ne sont pas visés par ces exceptions. Donc, le ministre a outrepassé ses pouvoirs en effectuant un calcul proportionnel dans le cas des particuliers en question. Les calculs au prorata sont en l'espèce incompatible avec le traitement égal devant être accordé à l'employeur et à l'employé aux termes du RPC.

[68] Le représentant de l'appelante soutenait que, lorsqu'il avait rempli les PD24(E) qui ont été admis en preuve en l'espèce, il demandait un remboursement au nom de l'employeur, ce qu'il était en droit de faire en vertu du RPC. Ses chiffres provenaient des déclarations d'impôt du contribuable, du moins en ce qui concerne dix des personnes dont il soumettait le cas; les renseignements concernant les autres provenaient des T1, et ces formulaires sont exacts. Encore là, il faisait valoir que le remboursement à l'employeur devait être, aux termes du RPC, l'équivalent du remboursement à l'employé.

[69] Il a dit qu'il s'était acquitté de la charge lui incombant en l'espèce, que l'appel devrait être accueilli et que l'affaire devrait être renvoyée au ministre pour réexamen et réévaluation compte tenu de l'exactitude des calculs effectués par le représentant de l'appelante pour ce qui est des remboursements.

[70] En contre-preuve, l'avocate de l'intimé prétendait que les tableaux utilisés pour calculer les paiements relatifs aux employés sont basés sur des calculs proportionnels et, à la fin de l'année, chaque employé qui n'a pas gagné une somme supérieure à l'exemption de base a droit à un remboursement. Si les arguments de l'appelante étaient exacts, chaque employé aurait droit à un remboursement intégral de chaque employeur si les calculs proportionnels n'étaient pas autorisés. Telle ne peut avoir été l'intention du législateur. Accepter cela conduirait à une inégalité en soi.

[71] L'avocate reconnaissait que la pièce A-15 représentait la base des calculs de l'appelante. Elle acceptait la base des calculs, mais elle ne reconnaissait pas l'exactitude des calculs de l'appelante quant aux paiements en trop. Dans certains cas, les déclarations d'impôt sur le revenu ont été déposées et, dans d'autres cas, elles ne l'ont pas été. L'avocate a renvoyé la Cour à certains calculs, effectués selon l'information présentée, permettant de constater que les calculs de l'appelante n'étaient pas exacts. Dans certains cas, il y avait un T4 provenant de certains employeurs seulement, alors que les personnes en cause peuvent très bien avoir travaillé pour plusieurs employeurs, et il n'y a aucune façon de vérifier ce point. En ce qui a trait à la pièce A-16, l'avocate disait que cette pièce n'était pas pertinente et que ce qu'une personne du bureau du ministre pouvait avoir dit dans la lettre envoyée à l'appelante n'est pas une preuve en l'espèce.

[72] La position de l'avocate était que le calcul proportionnel doit être permis, sinon, dans les cas où il y avait plus d'un employeur, l'exemption de base serait appliquée à chacun d'eux, ce qui ne saurait correspondre à l'intention du législateur. Le ministre avait le droit, en vertu du Règlement, d'effectuer un calcul proportionnel.

[73] L'avocate a répété qu'elle ne reconnaissait pas l'exactitude des calculs de l'appelante et que, toutefois, si ces calculs étaient exacts, la seule différence est attribuable au calcul proportionnel.

Analyse et décision

[74] La Cour traitera d'abord de la question de savoir si elle est compétente pour entendre le présent appel. La compétence de la Cour est prévue à l'article 12 de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt. Selon cet article, la Cour a compétence exclusive pour entendre les renvois et les appels portés devant elle sur les questions découlant de l'application du RPC.

[75] De plus, suivant l'article 27 du RPC, lorsque se pose une question concernant les cotisations d'un employeur ou d'un employé au régime, l'un ou l'autre peut demander au ministre de prononcer un arrêt à cet égard. En outre, l'article 28 précise que l'employé ou l'employeur visé par l'arrêt ou par la décision sur un appel dont on a saisi le ministre en vertu de l'article 27 peut en appeler à la Cour canadienne de l'impôt.

[76] La Cour estime qu'il n'y a aucune restriction à l'égard de ce droit d'appel et elle n'accepte pas l'argument de l'avocate de l'intimé selon lequel ce n'est pas parce que ce droit est prévu à un endroit ou article particulier du RPC que l'employeur possède ce présumé droit.

[77] En l'espèce, l'appelante a suivi une procédure énoncée dans le RPC, et la Cour est convaincue que l'affaire lui a été soumise à bon droit.

[78] La Cour n'a pas à déterminer si ce qui est en cause en l'espèce est une “ évaluation ” proprement dite, bien que le ministre ait affirmé qu'il s'agissait d'une évaluation quand il a répondu à l'appelante, c'est-à-dire lorsque la demande de remboursement de cette dernière a été refusée. Toutefois, l'appelante a posé une question en vertu du RPC concernant des remboursements qu'elle réclamait pour toutes les personnes nommées dans les PD24(E) qu'elle a présentés au ministre, lequel a effectué les calculs et apporté certains changements concernant des erreurs de calcul faites dans certains des formulaires mais a de façon générale rejeté la demande de remboursement de l'appelante d'après les calculs de celle-ci.

[79] Suivant la procédure énoncée dans le RPC, le ministre a dit à l'appelante qu'elle pouvait interjeter appel de cette décision devant un agent des appels. C'est ce que l'appelante a fait, et l'agente des appels, concluant que l'appelante ne lui avait pas démontré que les calculs du ministre étaient erronés, a à cette étape du processus confirmé les actions du ministre.

[80] Puis l'appelante a poursuivi le processus prévu dans le RPC et a, comme le disait son représentant, fait appel auprès de la Cour canadienne de l'impôt relativement à toutes les personnes nommées dans les PD24(E) initialement présentés au ministre.

[81] La Cour est convaincue que l'appelante a agi conformément au RPC et suivi la procédure appropriée. La Cour est convaincue qu'elle a compétence pour entendre le présent appel sans déterminer s'il s'agit de l'appel d'une évaluation. C'est assurément un appel de l'arrêt du ministre ou de sa décision sur l'appel que prévoit l'article 27, et notre cour a compétence pour entendre l'appel.

[82] La principale question dans le présent appel est de savoir si l'appelante a convaincu la Cour selon la prépondérance des probabilités que l'arrêt rendu par le ministre, en refusant d'accorder le remboursement réclamé à l'égard des paiements en trop, était effectivement erroné. L'appelante peut s'acquitter de cette tâche en démontrant que les calculs qu'elle avait effectués étaient les calculs exacts ou, du moins, que certains des calculs du ministre étaient inexacts.

[83] La deuxième question importante est de savoir si le ministre avait le droit de calculer au prorata l'exemption de base selon le pourcentage du nombre de jours de travail effectués dans l'année par une personne n'ayant pas une rémunération assurable supérieure à l'exemption de base. L'avocate de l'intimé prétendait que le ministre avait agi légitimement, tandis que l'appelante soutenait que le ministre avait outrepassé les pouvoirs qui lui sont conférés par la loi et qu'il avait agi de façon contraire au RPC en prétendant que le Règlement lui permettait d'effectuer un calcul proportionnel.

[84] La Cour n'est pas convaincue que l'appelante a démontré que les calculs qu'elle avait effectués concernant le montant des remboursements étaient effectivement exacts. Il est évident que les calculs de l'appelante étaient fondés sur l'information dont elle disposait et que l'appelante n'avait pas tous les renseignements. Il est évident que ses calculs étaient fondés sur les renseignements contenus dans les PD24(E), et le témoin de l'intimé a indiqué bien clairement que ces renseignements n'étaient pas exacts.

[85] De plus, certains des calculs étaient manifestement fondés sur la thèse selon laquelle toutes les personnes nommées dans les PD24(E) n'avaient travaillé que pour un seul employeur, ce qui n'était pas nécessairement le cas. Le ministre a pu démontrer par exemple, grâce au témoignage de Mme Frizzell et grâce à des calculs effectués au tribunal, que les conclusions de l'appelante étaient effectivement inexactes dans certains cas.

[86] Même si la Cour était convaincue que les calculs de l'appelante étaient en fait exacts, de façon générale, l'appelante ne saurait avoir gain de cause dans le présent appel sans que la Cour soit convaincue que le ministre a outrepassé ses pouvoirs en calculant au prorata l'exemption de base accordée aux personnes nommées dans les PD24(E) présentés au ministre. Si le ministre a agi conformément aux pouvoirs que lui confèrent le RPC et le Règlement, l'appelante ne saurait avoir gain de cause dans le présent appel même si la Cour acceptait l'exactitude de ses calculs.

[87] La Cour est convaincue que le ministre était en droit de calculer au prorata l'exemption de base concernant chaque employé, selon le pourcentage des heures de travail effectuées par l'employé dans l'année. Le ministre disait agir conformément au règlement pris en application de la loi habilitante, et la Cour ne voit rien dans le RPC ni dans le Règlement qui la convainque que le ministre a agi d'une manière illégitime. La preuve indique qu'un calcul proportionnel est effectué non seulement pour des employeurs, mais aussi pour des employés; toutefois, dans le cas d'employés, le calcul proportionnel est intégré aux tableaux, alors qu'il en va autrement dans le cas d'employeurs.

[88] Il est exact de dire qu'aucun remboursement automatique n'est accordé pour un employeur et qu'une demande doit être présentée à cet égard. Toutefois, il est également exact de dire que le RPC prévoit le traitement d'une demande de remboursement de paiement en trop présentée par un employeur et que, s'il y a eu un paiement en trop et si une demande de remboursement a été présentée, un remboursement peut être accordé dans les cas appropriés. Cependant, l'appelante n'a pas en l'espèce démontré qu'elle avait droit à des remboursements autres que ceux que le ministre a admis quand il a examiné la question que l'appelante avait soulevée lorsqu'elle avait déposé les PD24(E) dont il est question en l'espèce.

[89] La Cour est convaincue que le ministre n'est pas lié par une indication d'un de ses représentants quant au fondement du calcul proportionnel et que le droit du ministre d'effectuer un calcul proportionnel doit être prévu dans le RPC et le Règlement. La Cour est convaincue que tel est le cas. La thèse de l'appelante, quoique présentée vaillamment et avec beaucoup de conviction, est loin de convaincre la Cour que les calculs du ministre étaient inexacts.

[90] L'appel est rejeté, et l'arrêt du ministre est confirmé.

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de décembre 1999.

“ T. E. Margeson ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 8e jour de septembre 2000.

Philippe Ducharme, réviseur

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